L'année 2016, année de recensement au Canada, marque le 350e anniversaire du premier recensement
En mai 2016, Statistique Canada procède au recensement de la population canadienne. Ce dénombrement constituera un outil essentiel pour les chercheurs qui veulent analyser les différentes facettes de la vie des habitants du pays. Le recensement de 2016 marque également le 350e anniversaire du premier recensement canadien réalisé par l'intentant Jean Talon à la demande du roi Louis XIV.
Gravure de Jean Talon, premier intendant de la Nouvelle-France. D'après une peinture à l'Hôtel Dieu, Québec. (Wikimedia Commons)
En mars 1665, Jean-Baptiste Colbert, ministre de la Marine, transmet à l'intendant Jean Talon des instructions pour déterminer la population de la Nouvelle-France sans toutefois préciser la façon dont l'intendant devra s'y prendre pour établir la population du pays. Pour répondre aux instructions royales, des émissaires mandatés par l'intendant de la Nouvelle-France devaient s'enquérir du nom de tous les habitants du pays. Entre les mois de janvier et juillet 1666, les recenseurs devaient inscrire dans leurs cahiers les informations concernant le nom du chef de famille, de son épouse et des domestiques, s'il y avait lieu, ainsi que les renseignements concernant les âges déclarés, l'état civil et les professions. Ce premier recensement réalisé en Amérique devait constituer un portrait assez exact de la population de la Nouvelle-France sans toutefois distinguer les Canadiens de naissance et les immigrants français nouvellement arrivés au pays.
Après avoir visité les villages des gouvernements de Montréal, Québec et Trois-Rivières, les énumérateurs ont transmis à l'intendant Talon les résultats de leurs visites paroissiales. Selon le Rolle des familles, il y avait 3 215 personnes en Nouvelle-France, réparties en 538 familles. On avait recensé 2 034 hommes et 1 181 femmes. Les enfants et les célibataires étaient regroupés ensemble ; 2 154 de ceux-ci ont été recensés, alors que seulement 1 019 personnes étaient mariées. Dans les zones urbaines, 547 personnes habitaient la ville de Québec, 455 à Trois-Rivières et 625 à Montréal. Le cahier de 152 pages contenant le premier recensement de la Nouvelle-France est conservé aux Archives nationales à Paris. Fait à noter, les quelque 1 200 militaires du régiment de Carignan-Salières, arrivés au pays au cours de l'été 1665, ne font pas partie du recensement n'étant pas considérés comme faisant partie de la population résidente.
Comme le recensement de 1666 était en quelque sorte « un premier essai », plusieurs erreurs ont été relevées par l'historien Marcel Trudel dans son livre La population du Canada en 1666. Recensement reconstitué (Septentrion 1995). Avec beaucoup de détails, Trudel retrace des oublis majeurs des recenseurs et fort de ses recherches personnelles, il fait passer la population de la Nouvelle-France à 4 219. Trudel conclut qu'il manque au recensement de 1666 le quart de la population. Le fait que la population de la Nouvelle-France n'était que de 3 200 âmes cinquante ans après l'arrivée de Louis Hébert et de Marie Rollet en 1617, dont on commémorera le 400e anniversaire de leur arrivée en Nouvelle-France en 2017, étonne certes Talon qui a considéré le travail de 1665 comme étant incomplet.
Document de recensement de la population du Québec en 1666 par Jean Talon, XVIIe siècle. Manuscrit. (Wikimedia Commons)
En 1667, à la demande du ministre Colbert, l'intendant de la Nouvelle-France procède à un nouveau dénombrement de la population du pays promettant d'être plus exact. Ce recensement, exécuté pendant les mois de septembre et octobre 1667, indique que la population du Canada atteint 3 918 personnes. Encore une fois, Marcel Trudel qui a aussi analysé le recensement de 1667, écrit dans le volume IV de son Histoire de la Nouvelle-France (Fidès 1996) que la population du pays devrait être de 4 745 personnes. Il faudra attendre le recensement de 1681 pour avoir un portait plus exact de la population de la Nouvelle-France.
Faut-il en conclure que les données des recensements, qu'ils soient d'hier ou d'aujourd'hui, comportent une part importante d'imprécisions dues à un sous-enregistrement de la population ou à des formulations incomplètes? Souhaitons que le recensement canadien de 2016 soit plus précis que celui de 2011 ou ceux qui ont été réalisés il y a 350 ans.
Marcel Fournier
Historien et généalogiste
Président du Comité de commémoration de la CFQLMC
