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mardi 19 mars 2024

Commission de la mémoire franco-québécoise

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Molière

memoires vives

5 octobre 1961, 
création de la Délégation générale du Québec à Paris

par Gilbert Pilleul,
Secrétaire général de la CFQLMC-France

    
Dans la mémoire collective, le souvenir du « Vive le Québec libre ! » prononcé par le général de Gaulle, du balcon de l’hôtel de ville de Montréal, occulte en partie voire totalement la place que le Québec ou le Canada français, comme il le disait dans ses premières déclarations,  occupait dans sa pensée et son action. Le 50ème anniversaire de la création de la Délégation générale du Québec à Paris en 1961, sous la présidence du général de Gaulle, offre l’occasion de rappeler cette place.


De Gaulle et le Québec

La relation de Charles de Gaulle avec le Québec et le Canada commence avec ce qu’on a pu lui dire  au temps de son enfance. Elevé dans un milieu traditionnaliste et catholique qui entretenait, en cette fin du 19ème siècle, le souvenir de la présence en Amérique de Français venus aux 17ème et  au 18ème siècles fonder la Nouvelle-France, il fut très tôt sensibilisé au destin de ces hommes et de ces femmes, partis de France qui se retrouvaient, par les méandres de l’histoire et peut-être à cause de Louis XV, assujettis à la Grande-Bretagne. Plus tard, le général de Gaulle effectua quatre voyages au Canada et au Québec, prenant le temps à chaque fois d’exprimer, en de nombreuses occasions, ses émotions, ses pensées, au contact  de cette région du monde, mise en valeur et habitée par des descendants de pionniers partis de presque toutes les provinces de France.

 

Revenu au pouvoir en 1958,  bien que confronté au problème algérien, il ne met pas longtemps avant d’exprimer sa préoccupation à l’égard du Canada français. C’est ainsi qu’il favorise, permet la création à Paris en octobre 1961, de la Maison du Québec, devenue en 1964,  la Délégation générale du Québec à Paris. Création  à l’origine de  la mise en place de nouvelles relations dont la meilleure illustration demeure  la coopération franco-québécoise.

 

La création de la Délégation générale du Québec

La création de la Maison du Québec à Paris souleva tout de suite, un certain nombre de difficultés, la principale étant d’accorder un statut diplomatique à une  représentation  officielle d’un Etat non souverain. La détermination du général de Gaulle et la volonté d’aboutir des autorités québécoises de l’époque, finirent par l’emporter face aux scrupules voire aux réticences du Quai d’Orsay, soucieux de ne pas déroger aux règlements internationaux en matière d’accréditation.


Dès le 5 octobre 1961, jour de l’inauguration de la Maison du Québec à Paris, les esprits avisés avaient déjà pu noter une volonté de recevoir la représentation officielle québécoise, son Premier Ministre accompagné de plusieurs ministres, dans les règles d’un protocole  réservé à la venue d’un chef d’Etat. Certes, l’inauguration ne put officiellement être présidée par le général de Gaulle, au motif de contraintes protocolaires. C’est donc,  André Malraux, Ministre des Affaires culturelles qui en fut chargé. Mais,  pour bien souligner l’importance qu’il accordait à cet évènement, le général de Gaulle commanda, le soir même, à l’Elysée, un grand dîner de gala. Entourée d’une haie d’honneur de  la Garde républicaine, la délégation québécoise fut  accueillie sur le perron de l’Elysée par le général de Gaulle en personne. Après un dîner qui réunit un grand nombre de personnalités, une réception exceptionnelle permit à des centaines de personnes de venir à l’Elysée, saluer le Président de la République et le Premier Ministre québécois Jean Lesage. Le lendemain, à la demande du général de Gaulle, les ministres du gouvernement québécois et le Premier Ministre furent reçus à l’Académie française.

 

Un lien qui ne s’était jamais vraiment rompu

Cette journée annonçait, dans les relations franco-québécoises, une ère nouvelle mais constatons qu’en fait, depuis la cession du Canada en 1763  par le traité de Paris, le lien n’avait jamais réellement été rompu entre la France et le Canada français. Il faudrait évoquer les nombreux voyages au Canada de différentes personnalités françaises, comme Alexis de Tocqueville, rappeler que la Conquête ne mit pas fin à la venue de Français au Canada, comme au moment de la Révolution de 1789 ou plus tard, avec les communautés religieuses refusant les lois sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Plus significative  fut la désignation en 1882, d’Hector Fabre comme agent général du Québec à Paris. Il devait occuper ce poste jusqu’à sa mort, trente ans plus tard. Ensuite, jusqu’en 1960, c’est, il est vrai, pratiquement le néant. André Malraux le reconnaît dans son discours d’inauguration de la Maison du Québec :
« Il me semble que si la France se prévalait trop d’une amitié qu’elle a si peu montrée, nos amis Canadiens seraient en droit de nous dire : ‘ Qu’avez-vous fait depuis cent cinquante ans ? ’(1)

 

Au Québec, la Révolution tranquille,

Toutefois, si on peut parler d’une ère nouvelle, c’est au Québec qu’il faut aller pour la voir apparaître. C’est en effet, en 1960 que des élections générales portent au pouvoir l’équipe libérale  de Jean Lesage qui avait mené campagne sur le thème : « C’est le temps que ça change ». Devenu Premier Ministre, Jean Lesage inaugure  une politique audacieuse de réformes dans tous les domaines. C’est le point de départ de ce qu’on a appelé  la Révolution tranquille qu’on peut résumer par une volonté de doter le Québec d’un Etat digne de ce nom et capable d’assurer une gestion publique dans tous les domaines  de sa compétence : économie,  énergie, éducation, culture, voire aussi,  sujet à controverse avec le fédéral, dans celui des  relations internationales. C’est alors que Georges-Emile Lapalme, ministre des affaires culturelles au Québec vient à Paris où il est reçu par André Malraux.

 

En France, la présence du général de Gaulle au pouvoir

Celui-ci  lui déclare aussitôt  que la veille  de leur rencontre, le général de Gaulle, au Conseil des ministres, lui avait précisément  fait une demande, on ne peut plus opportune : « Malraux, il faut s’occuper du Québec »(2).

Attitude nouvelle de la part des responsables français mais qui ne peut surprendre en ce qui concerne de Gaulle qui avait tout de suite conclu avec l’annonce de la Révolution tranquille, que  le Québec entrait dans une phase nouvelle de son histoire. Il fallait par conséquent, saisir ce mouvement de fond parti du Québec pour, d’une part aider ce « rameau de la France » à se libérer du carcan dans lequel l’histoire le tenait enfermé depuis deux cents ans mais aussi et d’autre part, pour favoriser, en s’appuyant sur le fait français dans le monde, l’émergence d’une force qui viendrait s’interposer ente les deux grands blocs, anglo-saxon et soviétique. En cette période de l’histoire de la France qui acceptait l’accession à l’indépendance de ses colonies en Afrique, il eût été incompréhensible que la France restât indifférente à ce qui se passait au Québec. Si la colonisation européenne dans le monde touchait à sa fin, la France devait  soutenir ces efforts du Québec, pour sa modernisation et la défense de son identité. C’était encore une fois, s’inscrire dans la marche de l’histoire qui, chez de Gaulle n’était  pas évocation nostalgique  du passé.

 

De Gaulle, à l’origine de la coopération  franco-québécoise,

Désormais, avec de Gaulle, une ère nouvelle  est née dans la relation entre la France et le Québec. Quasi inexistante avant 1961, la coopération entre la France et le Québec s’est ensuite fortement institutionnalisée. Pouvait-il en être autrement, alors qu’il est si facile de communiquer avec des partenaires qui se parlent et se comprennent en utilisant la même langue ? Tous les Présidents de la République et tous les gouvernements français depuis de Gaulle, ont poursuivi cette politique de coopération avec le Québec. La Commission permanente de Coopération Franco-québécoise n’a jamais cessé depuis sa création de se réunir tous les deux ans, soit en France soit au Québec pour définir et actualiser ses objectifs.
Il faut souligner, comme un colloque qui se tiendra le 4 octobre prochain au Ministère des Affaires étrangères et européennes le rappellera, la vitalité de cette coopération autant dans la diversité des secteurs touchés, économique, social et culturel que dans les pourcentages et les chiffres  des échanges qui placent  aujourd’hui la France au second rang des pays importateurs au Québec, loin, il est vrai derrière les Etats-Unis.

 

Avec le Québec, comme toujours,  trois dimensions  de la pensée et de l’action du général de Gaulle

Dans son approche, sa démarche et ses analyses de la question québécoise, on retrouve trois aspects majeurs de l’attitude politique, voire diront certains de la philosophie politique  du général de Gaulle

  • C’est d’abord une politique qui s’est peu à peu définie au contact des réalités. Dale C. Thompson dans son ouvrage déjà cité, montre l’évolution des  propos tenus par le général de Gaulle au cours de ses voyages au Québec et au Canada. En juillet 1944, dans le contexte de la seconde guerre mondiale, il présente le Canada comme : « un Etat uni dans la conscience de sa valeur propre et dans la fidélité au Commonwealth »(3). Plus tard en août 1945, il évoque les perspectives d’ « un vaste développement dans les relations canado-françaises »(4). Enfin, lors de son voyage en avril 1960, il déclare que le Canada « trouve le moyen d’unir deux communautés très différentes »(5). On voit une nette évolution qui permet d’affirmer que le « Vive le Québec libre » n’est qu’une conclusion logique de la représentation que le général de Gaulle se forge peu à peu de la réalité canadienne et québécoise.
  • C’est ensuite, une politique qui s’inscrit dans une vision globale du monde. Pourquoi cet éveil des nationalités qui ébranle le monde au milieu du 20ème siècle, avec les indépendances et la nécessité de se libérer de l’hégémonie des grandes puissances, ne conduirait pas le Québec à prendre en main ses destinées avec le soutien de la France? 
  • C’est enfin, une politique qui tente en permanence de concilier la défense des intérêts de la France avec la vision idéale qu’il a du rôle et de la place de celle-ci dans le concert des nations. Avec le renfort d’un Québec « libre » et de pays francophones devenus indépendants, s’ouvrait la perspective d’une présence française renforcée dans le monde, ce qui, dans la pensée du général de Gaulle, ne pouvait que servir l’humanité dans sa marche vers le progrès et la paix.


Colloque sur « la coopération franco-québécoise, hier, aujourd’hui, demain »

Le 4 octobre 2011, la CFQLMC tiendra à Paris  un colloque qui traitera de
« la coopération franco-québécoise, hier, aujourd’hui, demain ».
On y traitera d’abord de la mise en place, du début des années 60 à nos jours des principaux outils et moyens de fonctionnement de cette coopération. Une seconde séquence aura pour objectif d’en dresser le bilan  dans tous les domaines. Enfin, à cette occasion, des experts et des acteurs de cette coopération, tant français que québécois, dégageront  l’avenir de cette coopération face aux évolutions des ensembles mondiaux.

Les lecteurs du bulletin peuvent  s’inscrire par courriel en remplissant la fiche  suivante et en l’acheminant au secrétaire administratif de la CFQLMC-France, Alain Ripaux : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.


FICHE D’INSCRIPTION AU COLLOQUE

Nom et prénom :
Activités/profession :
Organisme :
Adresse (n° et nom de la rue) :
Code postal et ville :
Téléphone fixe et/ou mobile :
Courriel :


Les participants peuvent également retourner le formulaire à l’adresse suivante :
    MAEE-CFQLMC
    Bureau 1265, Alain Ripaux
    57, boulevard des Invalides
    75007 PARIS
    

Repas du midi : libre en dehors du Ministère ou sur invitation (carton) au restaurant du Ministère des Affaires étrangères et européennes

L’activité est gratuite. Se munir d’une pièce d’identité pour entrer au Ministère. L’inscription pour figurer sur les listes déposées à l’entrée du Ministère est obligatoire sauf pour les intervenants au colloque.

Date limite pour l’inscription : mardi 6 septembre 2009.

 

 

Sources :

  1. Archives de la Délégation générale du Québec
  2. Dale C. Thompson : Jean Lesage et la Révolution Tranquille, Editions du Trécarré, Québec- Canada 1984, page 511.
  3. idem, page 50
  4. idem, page 509
  5. idem, page 509


Pour en savoir plus sur le général de Gaule et sur les festivités prévues pour le cinquantième anniversaire de la Délégation générale du Québec en France, nos lecteurs  peuvent consulter :

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