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vendredi 19 avril 2024

Commission de la mémoire franco-québécoise

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Molière

memoires vives

Une famille de pionniers tourangeaux en Nouvelle France
Symon Denys ( 1600 -1678 ) fait souche en Canada.

 

Guy Denys de Bonnaventure

 

Une famille tourangelle


Avant 1632, quatre générations de DENYS ont vécu à TOURS.

Après cette date, quatre générations de DENYS s’ implantent en CANADA.

1632 est donc une date charnière pour cette famille. NICOLAS et son frère SYMON sont les artisans de cette mutation.

La famille DENYS habite à TOURS pendant tout le XVIe siècle; le Roi réside souvent en bord de Loire et la proximité de la Cour favorise, pour la bourgeoisie tourangelle, l’accès aux “offices”.

Le premier des DENYS connu s’appelle PIERRE. Il est Intendant des finances sous François Ier; il a fait édifier en 1526, sur la rive Nord de la Loire, le Porche de la paroisse St Symphorien, d’un style très pur renaissance.

Son fils MATHURIN, Capitaine des Ponts de Tours y est tué le 8 mai 1589 auprès du Roi Henry III; il est inhumé, avec sa femme Marie AUBERT, à ST SYMPHORIEN “des dits ponts”.

Le fils de MATHURIN, prénommé JACQUES, Conseiller du Roi et Lieutenant en l’élection de Tours, habite Place Foire le Roi, le lieu le plus animé de la ville. Il est aussi “procureur fabricier” de la paroisse St Saturnin, donc chargé du “temporel”. Il a épousé Marie Cosnier; ils ont six enfants connus: deux filles mariées en Touraine, deux garçons officiers seront tués, SYMON et NICOLAS enfin que nous retrouverons bientôt.

SYMON DENYS naît à Tours le 12 janvier 1600, fait de sérieuses études qui lui permettront d’échanger des correspondances en latin. Il devient Conseiller du Roi et prend la charge de Lieutenant au Grenier à Sel (rue des Cordeliers). Il est responsable du contrôle des cargaisons de sel qui “remontent” la Loire, du stockage et de la distribution de cette denrée sensible lourdement taxée par l’état, et de la perception de l’impôt particulièrement injuste et honni qu’on appelle la “gabelle”.

Sans nul doute, SYMON rencontre Marie Guyart, sa contemporaine, dans ses activités de transport fluvial sur les quais de la Loire; il la visitera bientôt dans son parloir à Québec. SYMON se marie avec Marie du BREUIL puis en 1643 avec FRANCOISE du TERTRE. Sept enfants naissent en France avant 1650.

 

1632--Le grand départ


En 1632, un grand seigneur tourangeau, le Commandeur Isaac de RAZILLY, chargé de reprendre possession de l’ACADIE, sur les Anglais,(déjà), choisit NICOLAS DENYS comme Lieutenant “en deux de ses Vaisseaux “. Cette histoire est bien connue des acadiens. NICOLAS, contrairement à ses contemporains , fait peu de cas de la traite des fourrures, préconise l’implantation d’entreprises permanentes et adopte définitivement cette nouvelle patrie. Il tombe amoureux passionné de la Grande Baie du Saint Laurent (du Cap Canseau au Cap des Rosiers) et n’a de cesse de recruter de nouveaux colons. Il parvient même à convaincre son aîné de venir, avec lui, mettre en valeur ce pays de “Cocagne”.

En 1650, SYMON à 50 ans, âge canonique pour l’époque, abandonne une situation apparemment enviable et embarque à son tour, via La Rochelle, avec femme et enfants. Décision insensée? Ce père de famille a peut-être senti que la Touraine n’est plus le centre de la France, que l’avenir, (de ses enfants), peut s’ouvrir sur un autre monde?

Il a de l’audace et ne semble pas obnubilé par le ”principe de précaution”.

FRANCOISE du TERTRE a 20 ans de moins que son mari; elle est du voyage ( deux mois en moyenne dans des conditions spartiates), avec ses cinq enfants; l’aîné a six ans et Marguerite,le n°6, attend le débarquement pour naître! Françoise est le type même de la pionnière canadienne-française qui n’a peur de rien, qui seconde son mari et “assure” en toutes circonstances; par ses maternités multiples elle promet à la colonie un “développement durable”.

L’implantation au Cap Breton (Ste Anne et St Pierre) bouleversée par des concurrents sans scrupules se termine en catastrophe. C’est ainsi que, démunis de tout, un an plus tard, ils débarquent le 12 octobre 1651 à Québec. SYMON s’y fixe définitivement tandis que NICOLAS rejoint sa chère Acadie.

 

Implantation à Québec


Le moral de SYMON n’est nullement affecté par cette “disgrâce” si l’on en croit une lettre qu’il adresse à son beau-frère du Breuil, à Tours, 16 jours après l’arrivée à Québec! Se félicitant de la “serviabilité” manifestée par les habitants “qui me reçurent et me fournirent le manger...une petite maison..., les paysans nous offrirent des choux, du beurre, du lait...,il ne nous manque que du vin. Celui qui voudrait habiter ici serait bien avisé...ma femme et moi, nous nous plaisons tellement dans ce pays que nous avons bien l’intention d’y achever notre vie, sans renoncer toutefois à l’espérance de revoir la France...”

Pourtant l’on sait bien que Québec n’est guère plus qu’un gros bourg, que la colonie est menacée de tous côtés depuis le massacre des Hurons, et ne subsiste que grâce aux apports annuels des immigrants, des ravitaillements...et des soldats venus du Vieux Pays.

Pour nourrir sa famille, SYMON, entreprend deux carrières parallèles:
- il se fait attribuer des concessions dans les environs de la capitale, en particulier La Trinité dont il prend le nom. Il complète, en 1655, ses ressources en prenant en charge la boulangerie communautaire, rue sous le Fort, et “ le moulin de Monsieur DENYS, sur le Cap Diamant, commence à moudre”(in Jés. 1659).
- il met en oeuvre ses compétences administratives: après avoir été adjoint au syndic de la ville, il est Procureur fiscal et Receveur général de la Compagnie des 100 Associés; disposant d’un adjoint à Trois-Rivières, il se fait présenter les comptes de la colonie. En 1659 ses pouvoirs sont accrus: les affaires non justiciables du Roi lui incombent; il devient quasiment Procureur royal, empiétant ainsi sur les prérogatives du Gouverneur qui s’en plaint. Il n’en est pas moins nommé en 1664 au Conseil souverain créé l’année précédente.

En 1668, sur proposition de l’Intendant Talon, il est anobli par le Roi Louis XIV “ensemble sa femme et enfants, postérité et lignée nés ou à naître en loyal mariage”.

À cette époque, la famille du “Sieur DENYS” est , selon l’Intendant, “l’une des cinq plus considérables du pays”. De fait le foyer compte désormais 18 enfants. Parmi eux, 5 sont “d’Eglise”, un diacre et quatre religieuses hospitalières ou ursulines,”le père étant de fortune médiocre, ces Messieurs de Saint Sulpice fournirent une dot à Marie et sa soeur Gabrielle”(in Urs.). Trois garçons sont officiers tués pour leur Roi, Simon Pierre dit Saint Pierre, blessé et prisonnier, sera brûlé vif par les Iroquois.

Les 4 garçons et les 6 filles qui se marient donnent à SIMON et FRANCOISE une descendance remarquable par le nombre et les emplois; elle porte, outre le nom de DENYS, par le jeu des alliances, celui de très nombreuses familles dont les noms se retrouvent à toutes les étapes de l’histoire du Canada: ils sont de ceux qui ont écrit l’épopée glorieuse et tragique de la Nouvelle-France.

SYMON DENYS de la TRINITE n’a pas souvent les moyens de ses ambitions; le gouverneur, Voyer d’Argenson, écrit:”Je lui ai conseillé plusieurs fois de n’en entreprendre pas tant et d’en finir d’avantage”. S’il ne s’est pas enrichi, il a du moins acquis l’estime de ses concitoyens. Il a surtout offert à ses enfants, dans un pays sans limites, d’immenses espaces de liberté et d’initiatives.

Il meurt à La Rochelle vers 1678 et est inhumé dans l’église Saint Barthélémy.

Je me souviens

champlain vague