L’Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539,
un jalon important dans la constitution
de l’état des personnes (naissance, mariage, décès) et
…ancêtre de la Loi 101!
Comme l’a fait, en 1977, la Loi 101 ou la Charte de la langue française, l’Ordonnance de 1539 impose une seule langue comme langue officielle de l’État. La langue maternelle choisie, c’est la langue française, mais en même temps celle du bassin parisien et des bords de la Loire. Désormais, les actes de l’administration royale centrale, la législation, les décisions de la justice et les contrats des notaires établissant le droit des personnes ne pourront plus faire appel aux langues « vulgaires » locales, ni au latin. Il devront être rédigés en français. S’il faut reconnaître le fait que des actes notariés sont encore rédigés en langue d’oc à la fin du 16e, il n’en reste pas moins que le coup d’envoi est donné pour doter les Français d’un des éléments de leur identité commune et, ainsi, unifier davantage un royaume encore trop éclaté.
L’Ordonnance de Villers-Cotterêts, préparée par le chancelier de François 1er, Guillaume Poyet, et signée par le souverain en août 1539, ne constitue pas une coupure radicale avec la situation antérieure. L’Ordonnance doit plutôt être vue comme une décision du pouvoir politique central, porteuse d’unité, étendant à tout le royaume des pratiques et des usages locaux qui remontaient sous certains aspects aux 14e et 15e siècle. C’est la volonté du roi de légiférer pour tous ses sujets et d’éliminer les disparités d’une province à l’autre.
En ce qui concerne l’état des personnes, déjà en 1539, des registres paroissiaux existent dans 41 départements français. Par contre, leur tenue ne découle que de décisions locales des autorités ecclésiastiques, c’est-à-dire de curé ou d’évêques qui rendent obligatoire leur préparation pour leurs propres diocèses. Il n’existe alors aucune règle applicable à l’ensemble des provinces de France.
Relativement à la langue d’usage, le français du bassin parisien et des bords de la Loire, qui est aussi celui de l’administration royale, devient de plus en plus utilisé. Les langues « vulgaires » locales ont encore cours. Toutefois, des influences nouvelles se font sentir : l’arrivée de l’imprimerie, la circulation du livre de même que les guerres européennes, qui mettent en contact les populations étrangères, facilitent la diffusion d’idées n’ayant pas cours jusqu’alors. En même temps, le goût de la lecture se répand. Les pronostics d’Érasme quant à l’usage universel du latin se révèlent de plus en plus irréalistes, la langue latine devenant davantage confinée au monde des érudits et des scientistes.
L’ordonnance de 1539 vient donc sanctionner une évolution en cours. La tenue de registres paroissiaux dans lesquels doivent être enregistrées les dates et heures des naissances de même que les décès des personnes, est étendue à toute la France. Désormais, elle ne repose plus sur l’initiative individuelle d’évêques diocésains, mais elle découle d’une décision unique du pouvoir royal central. Le roi manifeste clairement sa volonté d’étendre les bienfaits d’une justice plus équitable à tous les habitants de son royaume, clarifiant les droits successoraux et leur transmission; il désire mettre fin à des abus, telles la perception de bénéfices au nom de personnes décédées ou la transmission de successions à des enfants encore au berceau.
Les lecteurs sont invités à consulter le site Web de la ville de Villers-Cotterêts.
Gilles Durand