Le français, troisième langue principale en
Amérique du Nord au 21e siècle
Dans un article intitulé Franco America et signé par Philip Marchand, l’édition électronique du Toronto Star du 29 avril 2007 présente les principales conclusions d’un symposium tenu à l’University of Southern Maine en mars dernier, qui réunissait une vingtaine de géographes et d’historiens des États-Unis et du Canada. Selon ces derniers, il est à prévoir que le français en viendra à occuper la troisième position en Amérique du Nord après l’anglais et l’espagnol. Le quotidien d’Ottawa, Le Droit, dans son édition du 1er mai dernier, reprend également les mêmes conclusions dans un article signé par Adrien Cantin et intitulé La grande francophonie d’Amérique, projet du XXI siècle?. L’idée est parrainée, entre autres, par les géographes Dean Louder et Eric Waddell de l’Université Laval, par l’historien J. Yvon Thériault de l’Université d’Ottawa de même que par le géographe Barry Rodrigue de l’University of Southern Maine. Un ouvrage collectif est en préparation sur le sujet et devrait paraître en 2008.
Comment cette assertion se justifie-t-elle?
Même si le français n’est plus parlé que par deux pour cent des francophones en Amérique du Nord, on reconnaît qu’il a plus de force et de visibilité qu’auparavant, par exemple en matière de l’étiquetage souvent trilingue des produits manufacturés et des manuels d’instruction préparés pour les accompagner.
Face à la mondialisation, on prévoit d’ici 50 ans que les États d’Amérique du Nord s’uniront, le Canada, les États-Unis, le Mexique et les Caraïbes formeraient ainsi une grande fédération. En même temps, ce mouvement pourrait s’accompagner d’une décentralisation du système politique des États-Unis, les 50 États actuels seraient organisés en régions et formeraient une douzaine de républiques. Dans ces espaces plus autonomes et restreints comme la Nouvelle-Angleterre ou comme la Louisiane, les francophones pourront acquérir plus facilement de l’importance et de la reconnaissance. Ils donneront le ton et inspireront les francophones d’ailleurs à revendiquer eux aussi une place plus grande. Il faut éviter l’amnésie chez les francophones et entretenir le feu sacré quand ce n’est pas tout simplement le communiquer, si on veut permettre de surmonter les obstacles. En effet, l’affirmation et la mise en valeur du fait français en Amérique du Nord constituent pour plusieurs une violation : pour des Québécois, c’est une violation des frontières d’un Québec souverain; pour d’autres, des Canadiens, c’est une violation des frontières du Canada; enfin pour des Américains, c’est une violation du mythe du « melting pot ».
Quels sont les atouts du français pour devenir la troisième langue principale?
Tout d’abord le support d’un gouvernement en Amérique du Nord, celui du Québec, entité politique à laquelle les francophones peuvent toujours se référer – tout en reconnaissant que le Québec est la seule entité politique en Amérique du Nord –.
Les francophones n’ont pas seulement une langue définissant leur identité, mais ils ont aussi un héritage culturel plus large, des coutumes et des traditions auxquels ils restent attachés. Un tel attachement à leur identité ne peut se retrouver dans les autres communautés d’immigrants, car seuls les francophones ont participé à l’exploration et à la mise en valeur de l’ensemble du continent et ce, depuis les tout premiers débuts, de même qu’ils ont entretenu des relations intimes avec les Premières nations.
Le Droit ajoute en citant J. Yvon Thériault : « Mais il ne faut pas chercher, comme au Québec, à créer un projet de société autour de la langue française. Ce ne serait pas possible. Non, ce ne serait pas une société comme telle, mais davantage un réseau de sensibilités qui permettrait de reconstruire une certaine solidarité (francophone) nord-américaine qui n’est pas insignifiante ».
Gilles Durand