Les Postes canadiennes de la Nouvelle-France à nos jours
par Alain RIPAUX
Source : Le Québec, une Amérique française par Alain Ripaux
et Nicolas Prévost – Editions Visualia (2002)
Depuis 1867, date de la création de la Confédération canadienne, l’administration des Postes du Canada dépend du gouvernement fédéral d’Ottawa. Mais l’origine de la poste canadienne remonte bien évidemment aux origines de la Nouvelle-France.
La Poste en Nouvelle-France
Dès le XVIIe siècle ont lieu des échanges de courriers officiels et privés entre la France et sa colonie du Canada. Le courrier parvient par bateaux venant généralement du port de La Rochelle et à destination de Québec. En raison des six mois d’hiver qui provoquent le gel du fleuve Saint-Laurent, les bateaux arrivent au printemps. Avant 1713, pour éviter les glaces du fleuve, on acheminait parfois du courrier en Acadie pour le charger sur des bateaux en partance pour la métropole.
L’arrivée des bateaux venant de France amenant, entre autres, le courrier et les nouvelles du vieux pays, constitue tout un événement. Souvent, des colons prennent une barque pour aller au devant des navires et viennent récupérer le courrier. En 1732, l’intendant de la Nouvelle-France, Gilles Hocquart, promulgue un décret qui établit des règles à suivre pour le déchargement de celui-ci. Ce décret ordonne aux capitaines des navires de transporter le courrier à bon port et à un endroit spécialement désigné pour la réception des lettres. Le courrier est ensuite acheminé à Montréal par bateaux à voiles. Mais, en raison des moyens de communication difficiles et restreints, les habitants dispersés dans le reste de la colonie peuvent difficilement recevoir du courrier.
À la fin du XVIIe siècle, on utilise un système de messageries pour le transport des dépêches gouvernementales. En 1693, bien qu’il n’existe pas de service postal pour la population, on confie à Pedro Da Silva, citoyen portugais habitant Québec, la mission d’acheminer des lettres entre Montréal et Québec. Le 23 décembre 1705, l’intendant Raudot le charge de distribuer les dépêches officielles ainsi que celles des particuliers au sein de la colonie. À sa mort en 1707, il est remplacé par son beau-fils, Jean Moran. Des liaisons postales existent également avec les colonies anglaises de la côte atlantique.
En janvier 1721, le sieur Nicolas Lanoullier reçoit le droit exclusif d’établir un service postal entre Montréal et Québec. Il propose d’ouvrir des bureaux de poste à Québec, Trois-Rivières et Montréal, et de mettre en place un service de messageries ainsi qu’une ligne de maisons de relais sous l’autorité d’un maître de poste.
En 1723, la communication régulière avec la France est établie et des lettres acheminées gratuitement de Québec à La Rochelle. Les lettres en provenance de Paris sont transportées au port d’embarquement moyennant le versement de sept sols. Mais le service est irrégulier car tributaire des navires allant à Québec et à La Rochelle.
L’année 1737 marque la fin de la construction du « Chemin du Roy », le long du fleuve Saint-Laurent, entre Québec et Montréal. Jean-Eustache de Lanoullier, grand voyer de la colonie, à partir de 1731, donne l’élan définitif à un projet qui n’a progressé que très lentement depuis 1706. Cela permet de faciliter les communications entre les deux principales villes du Canada et d’acheminer le courrier régulièrement.
Il existe, le long du « Chemin du Roy », des relais de poste pour les voyageurs dans le but de leur fournir le gîte, des voitures, des chevaux et de la nourriture ainsi qu’un service de bacs pour traverser les rivières. Sous l’autorité d’un « maître de poste », ces relais sont aménagés pour recevoir des lettres et de l’argent.
En 1760, la Nouvelle-France tombe aux mains des Anglais. Jusqu’au Traité de Paris de 1763, le Canada est administré par un régime militaire britannique et le courrier civil ne peut pas circuler normalement pendant cette période transitoire.
Du régime britannique à la Confédération canadienne
En 1753, Benjamin Franklin est nommé maître général des postes de l’Amérique britannique. Le premier bureau de poste est ouvert à Halifax (Nouvelle-Écosse). En 1763, Franklin ouvre un bureau de poste à Québec et des succursales à Montréal et Trois-Rivières. Il nomme un immigrant écossais, Hugh Finlay, maître de poste. En raison de ses sympathies pour la Révolution américaine, Franklin est démis de ses fonctions en 1774 et Finlay devient alors maître général des postes des colonies britanniques du Nord. En 1775, les révolutionnaires perturbent le service postal. En 1783, une fois la paix revenue, avec l’arrivée massive de loyalistes, il est nécessaire de réorganiser les postes canadiennes. Le 7 juillet 1784, Finlay est nommé maître de poste général du Canada. Il engage un messager, Pierre Durand, pour mettre sur pied une liaison entre Halifax et Québec séparée de mille kilomètres de forêts.
En 1857, des maîtres de poste généraux agissent dans la province du Canada, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, mais c’est le gouvernement britannique qui administre les postes. Les adjoints provinciaux réclament à la reine Victoria la passation des pouvoirs. L’approbation royale entre en vigueur le 5 avril 1851. Le 1er janvier 1868, après la formation de la Confédération canadienne regroupant les provinces de l’Ontario, du Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, l’un des premiers ministères est celui des postes.
Les bureaux de poste
Généralement, les bureaux sont construits près d’une gare pour faciliter l’acheminement et l’expédition du courrier. La majorité d’entre eux apparaissent de 1870 jusqu’au début du XXe siècle. Entre 1881 et 1891, Thomas Fuller est l’architecte en chef des travaux publics. C’est sous sa direction que l’on construit soixante-quatorze bureaux de poste avec une architecture de type « gothique, fédéral et victorien ».
Les bâtiments sont généralement rectangulaires de deux étages et demi, d’apparence gothique, avec un important pignon central ou une tour ornée d’une horloge. Le tout donne une forte impression de solidité. Au sommet des bureaux de poste flotte le drapeau du « Dominion of Canada ». Les postes canadiennes sont le symbole de l’autorité fédérale sur tout le territoire, « d’un océan à l’autre ». L’intérieur de la poste est toujours soigné. La partie publique contient tables, comptoirs, tableaux d’affichage, cases postales et un portrait du souverain régnant. Quant à l’espace de travail, rarement visible du public, il renferme toutes les installations nécessaires à la manipulation et au tri du courrier.
Les bureaux de poste se multiplient rapidement : entre 1871 et 1891, leur nombre double, passant de 3 943 à 8 041. En 1911, il en existe 13 324. Dans les petites localités, la poste est située dans un commerce, tel le magasin général. Un siècle plus tard, cette association deviendra courante.
Le maître de poste rural
Le maître de poste a un rôle déterminant, surtout dans les campagnes et les petites localités. Il prend sous sa responsabilité le courrier et parfois l’argent de ses concitoyens. Il donne des conseils et remplit les formulaires administratifs pour ceux qui ne savent pas lire et écrire. Chaque lettre ou paquet doit être oblitéré d’un cachet portant la date et l’identification « a.m. » ou « p.m. », courrier du matin ou de l’après-midi. Le maître de poste trie le courrier et forme des liasses de 75 lettres. Les liasses sont mises dans des sacs de toile suspendus dans un râtelier en bois ou en métal. Les colis nécessitent le pesage et le calcul des affranchissements. Le courrier est livré soit en poste restante, soit dans les casiers postaux (réservés aux gens aisés).
En 1908, il est instauré un service de livraison rurale du courrier. À partir du bureau de poste, le facteur rural livre le courrier aux fermes et aux demeures éloignées, en le déposant dans des boîtes aux lettres situées sur le bord de la route. Au démarrage, ce service s’effectue dans des « bogheys » ou des traîneaux à chiens, surtout en hiver, mais la voiture automobile prend bientôt la place du cheval.
Le facteur canadien
C’est le 1er octobre 1874 que la livraison gratuite du courrier à domicile est introduite dans les rues des grandes villes, à Montréal puis à Toronto. En l’absence de boîte à lettres, le facteur doit sonner à la porte et attendre qu’on lui ouvre. Les jeunes facteurs reçoivent un livret « d’instructions aux facteurs ». « Il ne doit pas s’absenter pendant le service et être ponctuel. Il est défendu de consommer des boissons alcoolisées, de siffler et de fumer dans l’exercice de ses fonctions. Il doit être respectueux envers le public et ses supérieurs, éviter toute conversation inutile lorsqu’il effectue le tri du courrier… » Le parcours du facteur est de 7 à 10 kms par jour avec des sacs de 15 kilos. Il effectue la dernière étape du tri du courrier, selon son itinéraire de distribution.
Les premiers uniformes datent des années 1880 et ont une allure quelque peu militaire, entièrement bleu marine avec une plaque de laiton au col figurant l’inscription CPO (Canadian Post Office) ainsi que le numéro matricule de chacun. Le facteur dispose d’une garde-robe complète : tunique et pantalon de serge, tunique et pantalon de drap, veston d’été, pardessus, imperméable, chapeau d’été, képi et casque de fourrure, guêtres… La tunique doit être boutonnée et les chaussures bien cirées. Le facteur doit être propre et avoir les cheveux courts. Au début des années 1950, la casquette remplace le képi et un liseré rouge s’ajoute au pantalon et à la veste. Aujourd’hui, le vêtement est confortable, lavable, chaud et imperméable.
Le transport du courrier
Au début du XIXe siècle, le courrier est acheminé par diligences, voitures à cheval ou par des traîneaux tirés par plusieurs chiens en hiver. En 1854, le ministère des postes aménage les premiers wagons-poste. Il s’agit non seulement de transporter le courrier, mais de le trier sur place entre les gares. Jusqu’en 1971, les employés des postes, appelés « commis ambulants », assurent un travail qui n’est pas toujours facile.
Il faut affronter la chaleur de l’été et le grand froid de l’hiver. À bord du « Canadien Pacifique » qui traverse les nouvelles provinces, on met à la disposition des pionniers les opérations bancaires, les services postaux et les mandats. Un train parti de Montréal le 28 juin 1886 arrive le 4 juillet à Port-Mondy en Colombie-Britannique.
Entre le Canada et l’Europe, le courrier a été longtemps acheminé par bateaux et trié pendant le voyage selon les mêmes principes que dans les wagons-poste. Les commis disposent de peu de jours pour trier plus de 15 000 lettres et journaux.
L’aviation postale
Le 24 juin 1918, le capitaine Brian Peck pilote de Montréal à Toronto le premier avion postal du Canada. Mais l’aventure postale canadienne commence véritablement en 1928 avec l’ouverture de deux liaisons : Pointe-au-Père – Montréal, puis Montréal – Toronto qui a pour but de hâter l’acheminement du courrier apporté par les transatlantiques. Complétée en 1939, la route aérienne postale transcanadienne relie les villes de Halifax (Nouvelle-Écosse) à Vancouver (Colombie-Britannique), distantes de plus de 8000 km. Sa mise en place s’échelonne sur 10 ans avec la construction de nouveaux aéroports. L’avion permet également d’accéder aux territoires du Nord qui, auparavant, n’étaient accessibles qu’en canot en été ou en traîneaux à chiens l’hiver. En 1930, piloter un avion constitue une grande aventure et davantage lorsque cela se déroule dans le Grand Nord. Les pilotes doivent être braves, capables d’affronter des conditions climatiques extrêmes et de régler les problèmes techniques qui peuvent survenir. Les héros canadiens de l’aviation postale ont pour nom Roméo Vachon, Wilfried Reed, Art Schade, pour ne supr que les principaux.
Les postes modernes du Canada
Le 16 octobre 1981, le service postal est confié à la société d’Etat « Postes Canada ». Comme toutes les institutions fédérales, il est parfaitement bilingue pour l’ensemble du pays. En 1986, la poste canadienne compte 61 000 employés à temps plein et à temps partiel. La société canadienne des postes et sa filiale, Courrier Puralotor, ont ramassé, traité et livré 9,61 milliards de lettres et de colis au cours de l’exercice 1998-1999. Elles ont servi plus de trente millions de Canadiens et plus de 950 000 entreprises et services publics. La SCP et sa filiale traitent chaque jour ouvrable 38 millions d’envois en moyenne dans ses 22 grands établissements et ses nombreuses installations. Postes Canada entretient des relations commerciales, opérationnelles et financières avec plus de 200 administrations postales dans le monde entier.
Le Québec et la philatélie canadienne
Le premier timbre canadien date de 1851. Il représente un castor et sa valeur est de trois pence. Les autres timbres qui suivent sont maintenant des pièces rares rendant hommage à la reine Victoria, au prince Albert, mais aussi à Jacques Cartier.
Carte postale réalisée à partir du timbre
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La légende des premiers timbres est rédigée uniquement en anglais. En 1903, à l’occasion du tricentenaire de Québec, une série de huit timbres évoque les temps héroïques de la Nouvelle-France. Ces timbres comportent une légende en français uniquement, mais avec la mention « Canada Postage ». C’est en 1927 qu’apparaît pour la première fois le mot « Postes ». Comme pour les billets, un débat passionné a lieu pour reconnaître le bilinguisme sur les timbres, alors que les francophones représentent un tiers de toute la population canadienne et que le français est la seule langue officielle de l’Union Postale Universelle. Il faudra attendre 1947 pour que les deux langues du Canada apparaissent définitivement sur les timbres canadiens !
De nombreux timbres canadiens représentent les explorateurs et colonisateurs de la Nouvelle-France. Jacques Cartier, découvreur du Canada, est représenté plusieurs fois. En 1903, la série de huit timbres du tricentenaire de Québec représente notamment Jacques Cartier, Samuel de Champlain et les généraux Montcalm et Wolfe. Plus tard, plusieurs timbres sont consacrés à Pierre Gaultier de La Vérendrye, explorateur de l’Ouest canadien, Robert Cavelier de La Salle, explorateur de la Louisiane, Jean Talon, premier intendant de la Nouvelle-France, Dollard des Ormeaux, Louis de Buade, marquis de Frontenac, gouverneur en 1672, Monseigneur François de Laval, premier évêque de Québec, et Jeanne Mance, fondatrice de l’Hôtel-Dieu de Montréal. En 1959, un timbre commémore le bicentenaire de la bataille des plaines d’Abraham (Québec) qui annonce la fin de la souveraineté française en Amérique du Nord.
À partir des années 1960, les postes canadiennes émettent plusieurs timbres commémoratifs des principaux personnages du Québec : hommes politiques, diplomates, gouverneurs, écrivains… Il faut supr en particulier Louis-Joseph Papineau, Louis Riel, Gabriel Dumont, Philippe Aubert de Gaspé, Louis Fréchette, Henri Bourassa, Georges Vannier, Jean Lesage, Pierre Laporte…
Le Québec et la philatélie française
Parmi les quelque 3000 timbres réalisés par la poste française depuis 1849, seulement moins de dix timbres ont été consacrés à l’histoire de la Nouvelle-France et du Québec. En 1934, à l’occasion du quatrième centenaire de l’arrivée de Jacques Cartier au Canada, deux timbres représentent le navigateur malouin. Ces timbres, dont la valeur faciale est de 75 centimes (couleur lilas) et 1,50 francs (bleu), ont été gravés par Pierre Gandon. En 1955, un nouveau timbre représente la frégate « La Capricieuse » qui, le 13 juillet 1855, entrait dans le port de Québec et symbolise toujours les retrouvailles franco-québécoises. Ce timbre, d’une valeur faciale de trente francs et de couleur bleu-vert, gravé par Albert Decaris, porte la mention« France-Canada ».
En 1956, une série de six timbres rend hommage à plusieurs personnalités françaises dont Samuel de Champlain, fondateur de Québec. Ce timbre, de couleur vermillon et d’une valeur faciale de douze francs (plus trois francs de surtaxe), a été gravé par Albert Decaris. En 1972, une nouvelle série de quatre timbres représente plusieurs célébrités françaises dont Paul Chomedey, sieur de Maisonneuve, fondateur de Montréal. Ce timbre, de couleur bleu-noir, noir et bleu pâle, avec une valeur faciale de cinquante centimes (plus dix centimes de surtaxe), a été gravé par Pierre Becquet. En 1984, à l’occasion du 450e anniversaire du premier voyage de Jacques Cartier au Canada, une émission commune franco-canadienne illustre le navigateur malouin et la « Grande Hermine ». Ce timbre multicolore, d’une valeur faciale de deux francs, a été tiré à quinze millions d’exemplaires. On peut également supr un timbre de 1967 qui représente le pavillon de la France à l’Exposition Universelle de Montréal, avec une valeur faciale de soixante centimes et une couleur bleu et vert-bleu.
Enfin, d’autres timbres français évoquent des lieux de mémoire franco-québécois : Brouage, La Rochelle ou Saint-Malo. En 1997, à l’occasion du trentième anniversaire de la visite de Charles de Gaulle au Québec et à l’initiative de Pierre-Louis Mallen, un timbre à grand tirage évoquant cet événement devait sortir en juillet. Malheureusement, après l’intervention de Jean Chrétien auprès de Jacques Chirac, ce projet a été finalement annulé.
Des projets pour le 400e anniversaire de la fondation de Québec
En 2008, en France et au Québec, nous fêterons le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec par Samuel de Champlain et Pierre Dugua de Mons.
Suite à notre demande auprès du ministère de l’Industrie et de Monsieur Jean-Paul Bailly, Président de La Poste, nous avons reçu une réponse favorable de la Direction nationale de la philatélie pour avoir une émission philatélique franco-canadienne commémorant le 400ème anniversaire de la fondation de Québec en 2008. Cela a été annoncé par la presse philatélique française et publié au Journal officiel dans le cadre du programme philatélique de 2008.
En partenariat avec La Poste, les associations Paris-Quadricentenaire de Québec, le Comité Chomedey de Maisonneuve, Frontenac Amériques, Visualia Cartophilie de La Poste et de France Télécom, et d’autres partenaires français et québécois, nous organisons une grande exposition historique, philatélique et cartophile dans le cadre du bureau de poste de Paris La Boétie, du 15 juin au 15 juillet 2008. Le thème général de l’exposition est « 1608-2008 – 400 ans de présence française en Amérique du Nord ». Nous prévoyons également l’édition d’un catalogue de l’exposition et de souvenirs philatéliques pour les collectionneurs.
Nous souhaitons aussi organiser des conférences et des animations « grand public » pour participer aux festivités franco-québécoises de 2008.