Skip to content Skip to footer

L’état des sciences en Nouvelle-France : conférence prononcée par Yves Gingras devant les membres de la Société généalogique canadienne-française

L’état des sciences en Nouvelle-France :
conférence prononcée par Yves Gingras
devant les membres de la
Société généalogique canadienne-française

 

par Gilles Durand
Gilles_du@hotmail.com

 

Yves Gingras - conférence sur l'état des sciences en nouvelle-France

Yves Gingras, conférencier
Crédit : Gilles Durand

Dans le cadre des rencontres mensuelles organisées par la Société généalogique canadienne-française à la Maison de la généalogie à Montréal, Yves Gingras, professeur à l’Université du Québec à Montréal, prononce, le 13 janvier 2010, une conférence sur l’état des sciences en Nouvelle-France. L’exposé est l’occasion d’une réflexion féconde de la part des auditeurs présents.

 

Le contexte scientifique des 17e et 18e siècles coloniaux

À l’époque, la Nouvelle-France se développe dans un contexte mercantiliste. Elle constitue pour la mère patrie, la France, un continent à traverser pour obtenir les épices de l’Asie de même qu’un réservoir de matières premières à exploiter pour subvenir à ses besoins. Dès lors, les sciences utilisées sont celles qui supportent ces objectifs : l’astronomie et l’hydrographie pour évaluer la distance et le temps de la traversée par les navires, pour repérer leur position en mer et pour naviguer en toute sécurité sur les voies d’eau intérieures en tenant compte de leur profondeur, des côtes et des écueils; la cartographie pour reproduire le tracé des régions côtières et la position des endroits stratégiques de même que pour délimiter la propriété de ceux qui s’établissent sur le nouveau continent; la botanique, alors inséparable de la médecine, la minéralogie et la zoologie pour encadrer l’observation des spécimens et des espèces, l’étude de leurs caractéristiques – et de leurs propriétés médicinales dans le cas des plantes –, de leur milieu naturel et des possibilités d’exploitation; enfin l’anthropologie ou ce qui en tient lieu à l’époque pour étudier avec objectivité les façons de faire, les mœurs, les coutumes et les croyances des habitants.

 

Des cartographes, ingénieurs et hydrographes

Dans chacun de ces champs du savoir, un certain nombre de Français, parmi ceux qui tentent l’aventure en Amérique du Nord, correspondent avec les savants européens et les alimentent. Ils facilitent le passage d’une vision magique de la réalité à une vision plus scientifique. Dans le but d’illustrer les comptes rendus de ses voyages, Samuel de Champlain se démarque par la préparation plus rigoureuse de cartes – en particulier la carte de 1632 –, faites à partir de levés authentiques. Deux ingénieurs en Nouvelle-France donnent une base plus solide aux travaux d’arpentage : le premier, Jean Bourdon, ingénieur du gouverneur, uniformise l’unité de mesure; le second, Martin Boutet, professeur de mathématiques et d’hydrographie au Collège des jésuites, ingénieur du roi, fait de même pour les instruments utilisés par les arpenteurs, et assure l’accès à la profession de gens compétents. Dans le quatrième quart du 17e siècle, Jean-Baptiste-Louis Franquelin prend la succession de Jean Bourdon et de Martin Boutet comme cartographe, ingénieur et hydrographe du roi. Il laisse une vingtaine de cartes comptant parmi les plus belles, faisant le point sur l’état des découvertes sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre, dans la vallée du fleuve Saint-Laurent et, à l’intérieur du continent, dans la vallée du Mississippi.

 

Les sciences de la nature à l’honneur

Dans le champ de l’histoire naturelle, Michel Sarrazin et Jean-François Gaultier, deux médecins du roi, font leur marque comme correspondants de l’Académie royale des sciences. Ils constituent aussi la main à distance des scientifiques français. Poursuivant les habitudes de collecte de Champlain et de Louis Hébert, ils rassemblent des spécimens de plantes, de minéraux et d’animaux qu’ils expédient outre-Atlantique, accompagnés de notes d’observation; de la sorte, les académiciens français peuvent constituer des collections d’envergure internationale et donner une portée plus générale à leurs conclusions. Gaultier répond également à des préoccupations plus utilitaires de la mère patrie, par exemple en recueillant des données météorologiques permettant de relier climat et production agricole.

 

L’observation et l’étude des premiers occupants

Les premiers Français ont aussi fait progresser la connaissance des habitants des territoires découverts. C’est le cas du jésuite Joseph-François Lafitau, qui séjourne au Sault-Saint-Louis de 1712 à 1717. Il n’hésite pas à prendre ses distances face aux conceptions anciennes et aux idées préconçues de certains Européens, qui les amènent à sous-estimer et à sous-utiliser le savoir et les remèdes des autochtones. Éveillé aux idées du Siècle des lumières, Lafitau observe les mœurs, les coutumes et les façons de faire de la société iroquoise avec beaucoup d’ouverture, tentant de les expliquer par l’entourage et le contexte de vie. Il produit un ouvrage remarquable, Mœurs des Sauvages amériquains comparés aux mœurs des premiers temps, qui peut être considéré comme l’un des premiers traités d’anthropologie.

 

L’appui et le soutien de l’État

En Nouvelle-France, les sciences se développent avec l’appui de l’État. Le souverain joue un rôle d’abord indirectement, par le biais de lieutenants généraux qui font appel à des collaborateurs de talent, tel Champlain. Par la suite, il intervient plus directement, par l’intermédiaire de ses ministres, dans le choix d’hydrographes et de médecins qui reçoivent un statut officiel, par exemple médecin du roi. Le souverain rend aussi l’organisation scientifique de la France mieux adaptée au contexte colonial. En 1635, il crée le Jardin royal des plantes médicinales qui s’ajoute aux jardins des facultés de médecine. Il met sur pied en 1666 l’Académie royale des sciences dont les membres suscitent des activités de collecte et d’observation de la part de correspondants dans la colonie, tel Michel Sarrazin et Jean-François Gaultier. L’administration royale utilise aussi les militaires de la colonie comme la main des scientifiques français. Elle leur demande d’observer, lorsque leur fonction première leur en laisse le loisir, pour y déceler les espèces intéressantes, rassembler des graines et des plants et les faire parvenir outre-mer pour compléter les collections.

 

Histoire des sciences au Québec de la Nouvelle-France à nos jours

Crédit : Éditions du Boréal

Pour en savoir davantage sur l’histoire des sciences au Québec

Les personnes intéressées à en savoir davantage sur le développement des sciences en Nouvelle-France, sur l’intégration des réalités géographiques, naturelles et humaines de la colonie aux connaissances des savants européens, sont invitées par le conférencier à faire la lecture de l’ouvrage dont il est coauteur : Histoire des sciences au Québec de la Nouvelle-France à nos jours, nouvelle édition. Elles y trouveront aussi une information abondante et riche sur les périodes postérieures jusqu’au début du 21e siècle : naissance des sociétés savantes, enseignement des sciences au niveau universitaire et développement de la recherche en réponse à l’industrialisation du Québec, formation des chercheurs québécois à l’étranger, en particulier en France, etc.

 

Voir aussi l’ouvrage : Les premiers Français au Québec sous la direction de Gilbert Pilleul, Paris, Archives & Culture, 2008, p. 170-171.

Avec le soutien du gouvernement du Québec
Nous joindre
Section Québec
commissionfqlmc@gmail.com
Section France
memoiresfrance@gmail.com
Suivez-nous