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Le 250e anniversaire de la capitulation de la Nouvelle-France Tout n’a pas été dit et écrit

Le 250e anniversaire de la capitulation de la Nouvelle-France
Tout n’a pas été dit et écrit

 

par Gilles Durand

 

Le 250e anniversaire de la capitulation de la Nouvelle-France Tout n’a pas été dit et écrit

De g. à d. Denis Vaugeois, Charles-Philippe Courtois, Éric Bédard
et Raymond Archambault
Crédit : CFQLMC – Gilles Durand

Le 8 septembre 2010, l’Institut de recherche sur le Québec organise, en collaboration avec la Société historique de Montréal, une table ronde sur trois acteurs reliés à la capitulation de la Nouvelle-France à Montréal le 8 septembre 1760. Pour nous les faire connaître, trois conférenciers, à la fois historiens et auteurs, se succèdent, Éric Bédard, professeur à la TELUQ-UQAM et rédacteur en chef de la revue Argument, Charles-Philippe Courtois, professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean, et Denis Vaugeois, historien et éditeur. Raymond Archambault, ancien chef d’antenne et présentateur de nouvelles à la radio de Radio-Canada, anime le débat.

 

L’animateur, Raymond Archambault, présente les conférenciers et commente, en guise d’introduction, le contexte européen et nord-américain de la capitulation : une France intéressée par les pêcheries de Terre-Neuve et les îles à sucre antillaises; une capitale, Québec, qui rend les armes le 18 septembre 1759; un gouverneur, Vaudreuil, dont les alliés amérindiens entrent dans la neutralité; trois armées anglaises, celles d’Amherst, de Murray et de Haviland qui referment leur rang sur Montréal, au total 18 000 soldats britanniques face aux 4 000 hommes composant les troupes françaises.

 

Le chevalier de Lévis : panache et sens de l’honneur

Éric Bédard donne le coup d’envoi en nous présentant le numéro deux des troupes françaises au Canada, le chevalier François Gaston de Lévis, devenu commandant des armées françaises en Amérique à la mort de Montcalm en septembre 1759. L’image de ce militaire opiniâtre et courageux est en partie éclipsée par la notoriété de la défaite de Montcalm sur les plaines d’Abraham le matin du 13 septembre. Il n’en demeure pas moins que Lévis défait l’armée britannique deux fois, une première le 31 juillet 1759, à Montmorency, une deuxième à Sainte-Foy le 28 avril 1760. Ce jour-là, il entreprend le siège de la ville de Québec aux mains des Britanniques, mais il doit abandonner la partie faute de l’arrivée de secours de la part de la France. Lévis avoue qu’une seule frégate aurait pu sceller l’issue du combat, mais qu’en est-il 250 ans plus tard. En fait, la France avait dépêché six navires dont trois parviennent dans le golfe Saint-Laurent le 15 mai 1760, mais, pour échapper aux vaisseaux anglais, ils doivent se retirer au fond de la baie des Chaleurs et deux se saborder.

 

Éric Bédard est l’auteur de plusieurs ouvrages et notamment des Chroniques de la conquête parues dans le Journal de Québec en 2009.

 

Le marquis de Vaudreuil capitule : devons-nous le condamner ?

Charles-Philippe Courtois trace le portrait du principal artisan de la capitulation de la Nouvelle-France à Montréal, le marquis Pierre de Rigaud de Vaudreuil, gouverneur général de la Nouvelle-France. Vaudreuil est un descendant d’une grande famille canadienne qui a fait carrière dans la colonie. Ayant en vue d’abord et avant tout le bien-être des Canadiens et jugeant la victoire impossible face aux 18 000 hommes des trois armées britanniques qui enserrent Montréal comme dans un étau, il capitule. Par là, il veut éviter à la colonie les inconvénients d’un siège et d’une défaite : pillage des habitants par l’armée ennemie, perte subséquente de leurs biens et de leur liberté, etc. Le gouverneur général entrevoit aussi la possibilité d’une rétrocession de la Nouvelle-France à la France, à la suite de succès sur le front européen. De son côté, le général Amherst accepte les conditions proposées par Vaudreuil, car il voit les avantages de contrôler avec son armée un territoire non dévasté et capable d’assurer sa subsistance, de même que l’importance de vivre en harmonie avec les habitants.

 

Charles-Philippe Courtois est l’auteur de La Conquête. Une anthologie, Éditions Typo, 2009.

 

L’importance de la bataille des plaines d’Abraham et le rôle de Sir William Johnson, surintendant des affaires indiennes

L’historien Denis Vaugeois présente le troisième personnage, qui a joué un rôle loin d’être négligeable dans la capitulation de la colonie, William Johnson – on pourrait aussi s’étendre sur l’assistance indispensable que lui a apportée sa conjointe, Molly Brant.

 

Le conférencier débute en remettant en question l’importance accordée à la bataille des Plaines d’Abraham. La victoire de l’armée britannique a été surévaluée sous l’influence de l’iconographie qui nous est parvenue de Britanniques. En préparant des images saisissantes d’une ville de Québec dévastée à la suite des bombardements de 1759, l’officier anglais Richard Short ne visait-il pas à justifier la conquête.

 

Pour l’historien, le rôle joué par William Johnson et la perte subséquente par la France du support des Amérindiens ont été négligés. Johnson, un Irlandais installé dans la vallée de la rivière Mohawk, New York, devenu surintendant des Affaires indiennes, prend part à deux victoires des Britanniques sur les Français, celle du fort Niagara, le 26 juillet 1759, et celle du fort Lévis à l’est de Prescott, Ontario , le 25 août 1760. Habile négociateur, il enlève à la France ses alliés amérindiens et jette les bases d’une nouvelle alliance avec eux, celle d’Oswegatchie, négociée en août 1760 et confirmée à Kahnawake les 15 et 16 septembre 1760 : par cet accord, les Britanniques garantissent le respect des droits des Amérindiens, anciens alliés de la France, en retour de leur neutralité vis-à-vis de celle-ci durant le reste du conflit. La bonne entente entretenue avec les Amérindiens facilite la descente du Saint-Laurent vers Montréal par Amherst et Johnson. Amherst peut alors opérer la jonction de son armée avec celles de Murray et de Haviland. Le gouverneur général Vaudreuil décide alors de capituler.

 

Malgré tout, le sort de la colonie n’est pas encore joué. Il faut attendre février 1763 et tenir compte de certains facteurs pris en compte par les négociateurs français : une Nouvelle-France peu peuplée et pourvoyeuse de fourrures; l’importance de beaucoup plus grande des îles à sucre; l’assurance d’un pied-à-terre dans le golfe Saint-Laurent comme moyen suffisant pour faciliter les pêcheries sur les côtes de Terre-Neuve; la possibilité d’un cadeau empoisonné à la Grande-Bretagne, en raison de la disparition d’une rivale belliqueuse pour les Treize Colonies, ne rendant plus nécessaire le support de Londres – le panéliste Éric Bédard mentionne l’intérêt à approfondir les tractations européennes qui ont entouré le traité de Paris de février 1763.

 

Le panéliste Denis Vaugeois développe ces idées et d’autres sur le sujet dans une série de huit émissions d’une durée de trente minutes présentées au canal Savoir sous le titre Montcalm, Wolfe et les autres… Vaugeois raconte. Il le fait en compagnie de spécialistes, alors que dans le dernier épisode il laisse la parole complète à Daniel Drouin, conservateur de l’art ancien au Musée national des beaux-arts du Québec. Les émissions sont représentées régulièrement sur le canal Savoir.

 

Denis Vaugeois est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages, dont La Fin des alliances franco-indiennes. Enquête sur un sauf-conduit de 1760 devenu un traité en 1990, Québec, Éditions du Septentrion, 1995.

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