À l’écran, La Folle entreprise, sur les pas de Jeanne Mance
Lancement mondial
Par Annabel Loyola
annabel.loyola@gmail.com
Crédit : Annabel Loyola / C’EST BON PRODUCTIONS ENR |
Mémoires vives a salué dans sa chronique Quoi de neuf la sortie du film consacré à Jeanne Mance et réalisé par Annabel Loyola.
Le lancement européen du film vient de se tenir à Langres, en Champagne, et il a été présenté au Festival international du film documentaire “Cinéma Vérité”, dans la section “Femmes et documentaire” à Téhéran (8-12 novembre 2010) et a été retenu dans la sélection officielle 2010 du Festival fiction et documentaire de Bruxelles. La réalisatrice, qui a été distinguée pour cette œuvre par la médaille de la Société historique de Montréal 2010, présente son film.
« Le projet a commencé lors du 400e anniversaire de naissance de Jeanne Mance, en 2006. L’idée de faire un film sur Jeanne Mance me trottait dans la tête depuis longtemps de par nos origines communes. Mais j’étais persuadée que les grandes institutions ou maisons de production s’étaient intéressées au projet avant moi. Lorsque j’ai assisté à Montréal à la conférence intitulée « Jeanne Mance, cofondatrice de Montréal » donnée par Jacques Lacoursière le 12 avril 2006, mon sang n’a fait qu’un tour et j’ai immédiatement pris la décision de faire un film – mon film – sur Jeanne Mance. En l’espace d’une heure ou deux, j’avais découvert une femme d’exception, un modèle, j’avais l’impression de comprendre les raisons de son attachement pour Montréal, je revoyais ma ville natale. Cette femme s’est dépassée, sa détermination m’a fascinée. J’ai surtout réalisé qu’aucun film ni aucun documentaire ne lui avait été consacré jusqu’à aujourd’hui.
Une nécessité : faire connaître et reconnaître l’œuvre de Jeanne Mance
Le film La Folle entreprise, sur les pas de Jeanne Mance est né d’un besoin de faire connaître et reconnaître Jeanne Mance, sa vie et son oeuvre au plan de l’audiovisuel. Cela pour une raison toute simple au départ : comme Jeanne Mance, je suis née à Langres où j’ai passé ma jeunesse avant de choisir de vivre à Montréal, cette ville dont la fondation est pour une bonne part imputable à mon illustre compatriote. Bien que des historiens se soient intéressés à elle – et que tout ce que j’ai énoncé dans mon film se dégage des recherches déjà faites – il n’en demeure pas moins que le grand public ne la connaît pas encore. Je ne la connaissais pas moi-même avant 2006 ! Jeanne Mance ne faisait pas partie de mes cours d’histoire à Langres.
On voit son nom partout au Québec et au Canada. En France et dans le reste du monde, elle n’évoque rien pour quiconque, en dehors de quelques érudits. À Langres, il y a une place, un lycée, un centre médical qui portent son nom et une statue a été érigée pour lui rendre hommage en 1968 à la demande des Montréalais. À Troyes, ville natale de Marguerite Bourgeoys, un lycée porte son nom. Mais que ce soit à Langres ou à Montréal, lorsque j’ai interrogé les gens dans la rue, rares étaient ceux qui savaient qui elle était et surtout, ce qu’elle avait fait. Les réponses les plus fréquentes à ma question « Connaissez-vous Jeanne Mance ? », étaient les suivantes : « Une sainte ? Une religieuse ? » ou encore « Un hôpital ? Une école ? Un parc ? ». Elle n’était rien de cela.
Cofondatrice de Montréal
Jeanne Mance dans son rôle de cofondatrice de Montréal est restée dans l’oubli pendant 350 ans. En effet, en 1992, lors du 350e anniversaire de la fondation de Montréal, Jeanne Mance est pour la première fois officiellement reconnue comme étant la cofondatrice de Montréal avec Paul de Chomedey de Maisonneuve. Avant cette date, seuls quelques historiens ou érudits du XXème siècle l’ont honorée de ce titre, mais cela restait marginal. Après 1992, on trouve des écrits officiels annonçant Jeanne Mance comme étant cofondatrice de Montréal. Malgré cela, j’ai été surprise de constater qu’en 2006, même si Langres et Montréal fêtaient en grande pompe son 400e anniversaire de naissance, le dépliant intitulé Carte officielle et circuit lumière du Vieux-Montréal édité par la Ville de Montréal et le Ministère de la culture, des communications et de la condition féminine représentait en première page la statue du monument de Maisonneuve de la Place d’Armes de Montréal, indiquant la légende suivante : « Paul de Chomedey de Maisonneuve, fondateur de Montréal, 17 mai 1642 ». Cette information était exactement la même en 2009… En seulement quelques années, Jeanne Mance semble de nouveau avoir disparu des textes officiels. Notre mémoire est éphémère, nous vivons dans une amnésie collective.
Tout au long du processus de création du film, je sentais comme une urgence d’aller au bout de ce projet pour rétablir les faits, preuves à l’appui. Une urgence qui m’appartenait, car au fond, on n’est plus à dix ans près ! Les obstacles, l’adversité, les embûches pour mener à bien ce projet ont été nombreux. Il m’était toutefois impossible d’abandonner, je me suis sentie dépassée par cette mission.
La quête des sources
Jeanne Mance n’a pas laissé d’écrits autobiographiques et les incendies ont effacé une grande partie de sa mémoire de part et d’autre de l’Atlantique. Tout ce que nous savons, c’est grâce aux registres, aux actes notariés et surtout grâce à ses contemporains qui ont laissé des écrits d’une valeur inestimable pour notre histoire. Ce sont ces documents à la source qui m’ont inspirée dans la réalisation du film et qui parfois, et par chance pour moi qui suis non-historienne, connaissaient des éditions critiques.
Un film, c’est une histoire constituée d’images et de sons. L’histoire, c’est celle de mon voyage dans mon effort pour retrouver les traces de Jeanne Mance. Pour les images et les sons, il a fallu faire preuve d’inventivité et de créativité, car, encore une fois, il ne reste plus grand chose de l’époque de Jeanne Mance.
Au fil de mes rencontres et de mon périple, j’ai pu retrouver la femme qu’elle a été. J’ai fait disparaître sa robe de bronze et levé le voile sur la vie qu’elle a menée avant de se lancer dans sa « folle entreprise ». En retournant aux sources de son parcours, j’ai revisité mes propres origines. J’ai réalisé que ces lieux qui l’ont formée berçaient depuis toujours mon inconscient et animaient mes pensées. À travers mes propres souvenirs de petite fille ayant évolué dans un décor aux allures médiévales, j’ai imaginé le chemin qu’une fillette des siècles passés aurait pu emprunter. Qu’est-ce qui a forgé cette femme à la droiture ? Qu’est-ce qui lui a transmis les bases solides d’une morale sans faille ? J’ai sillonné sa route qui me paraissait si familière pour trouver le point de rupture et les événements qui l’ont amenée à tout quitter pour suivre son élan.
À travers mes recherches sur les pas de Jeanne Mance, j’ai renoué avec mon héritage langrois et j’ai pris conscience des raisons qui m’ont incitée, à mon tour, à partir outre-mer. J’ai constaté que malgré les quatre siècles qui nous séparent, quelque chose d’universel nous unissait : l’appel au dépassement de soi.
Jeanne Mance a suivi son élan et est restée fidèle à son engagement jusqu’à la fin. Elle m’a été d’une grande inspiration pour la réalisation de ce film. Je reprends ma narration finale : « Combien de grandes métropoles dans le monde pourraient s’enorgueillir d’avoir une femme pour fondatrice ? ».
Si vous souhaitez plus d’informations, vous pouvez consulter :
- Le site du Mois du film documentaire 2010 présente le film dans sa 11ème édition de novembre 2010 :
- Les personnes désireuses de se procurer le DVD du film peuvent obtenir tous les détails à cette adresse.
- Pour plus de détails, et notamment pour la présentation de ciné-conférences par la cinéaste, nous vous invitons à visiter le site consacré à la réalisation du film
http://jeannemancefilm.wordpress.com/contact/
Volet québécois
Présentation au congrès de la Société des professeurs d’histoire du Québec
par Gilles Durand
La Société des professeurs d’histoire du Québec (SPHQ) a tenu son 48e congrès au Collège Sainte-Anne de Lachine les 5 et 6 novembre 2010. Les organisateurs prévoient à l’intérieur du programme un atelier spécial pour faire connaître le film tout récemment lancé par Annabel Loyola sur l’héritage laissé par Jeanne Mance. Pour l’occasion, la réalisatrice présente elle-même son film, le contexte de sa production et les motifs qui l’ont animée.
En atelier : Annabel LoyolaCrédit : CFQLMC – Gilles Durand |
Pourquoi un film sur Jeanne Mance?
Au-delà de l’origine commune, la ville de Langres, qu’elle partage avec Jeanne Mance, la cinéaste est motivée par le fait que la mémoire collective retient bien peu sur ce personnage, une infirmière ni mariée, ni veuve, ni religieuse, à l’origine de la fondation de l’Hôtel-Dieu de Montréal remise aux Religieuses hospitalières de Saint-Joseph à leur arrivée en 1659. Des rappels mémoriels existent bien, plaques commémoratives, dénomination d’édifices, statue, tant à Langres qu’à Montréal. Une tentative de faire sortir de l’ombre la contribution de Jeanne Mance comme cofondatrice de Montréal au même titre que Paul Chomedey de Maisonneuve est faite en 1992 à l’occasion du 350e anniversaire de la fondation de Montréal, appelée à l’époque Ville-Marie. Malgré tout, il reste aujourd’hui bien peu du souvenir de Jeanne Mance en dehors du cercle des érudits. Un oubli majeur qui, dit-elle, donne naissance à son film.
L’audiovisuel pour combler un déficit de mémoire sur Jeanne Mance
C’est par l’audiovisuel que la cinéaste Annabel Loyola décide de faire connaître et reconnaître Jeanne Mance comme cofondatrice de Ville-Marie et de la faire revivre dans la mémoire collective des Québécois et des Français. Le média choisi tient compte de l’expertise antérieure de la cinéaste. Malgré l’absence d’écrits de la main de Jeanne Mance et la disponibilité seulement de quelques registres, d’actes notariés et de témoignages de ses contemporains, la réalisatrice relève le défi avec succès.
La cinéaste fait preuve d’un engagement inconditionnel face à son projet qui permet de renouer avec nos origines. Elle témoigne de beaucoup de curiosité face aux sources disponibles. Elle fait preuve de créativité dans le choix des images et des commentaires qui les accompagnent. Elle se laisse en effet guider par les idées et les sentiments que lui inspire un voyage, le sien, sur les deux côtés de l’Atlantique, dans ce qu’elle imagine avoir été l’univers quotidien de Jeanne Mance. Elle manifeste beaucoup d’ouverture face aux travaux des chercheurs et des historiens, tant québécois que français, spécialistes du contexte dans lequel vit Jeanne Mance : tout au long du film, elle leur laisse la parole.
Un message approprié qui se signale par la qualité de l’image et des sons
Annabel Loyola produit une œuvre de vulgarisation. Elle aide à mieux connaître et comprendre les motivations qui ont amené Jeanne Mance à quitter sa ville natale, Langres, et à s’installer en permanence dans la colonie, de même que l’héritage qu’elle nous laisse, un hôpital mais aussi et surtout un bourg devenu aujourd’hui une métropole. L’objectif qu’elle poursuit ne l’empêche pas de parvenir à une grande maîtrise de l’art cinématographique, au point que le documentaire qu’elle nous offre peut être qualifié de documentaire poétique. Les personnes, intéressées à inviter la réalisatrice à présenter son film de même qu’à le voir, peuvent consulter dans le présent bulletin Mémoires vives un article signé de la main même de l’auteure sous le titre À l’écran, La Folle Entreprise, sur les pas de Jeanne Mance.
Pour le programme complet du congrès de la SPHQ tenu les 5 et 6 novembre 2010
Pour connaître le programme complet du congrès tenu les 5 et 6 novembre 2010, consulter le site de la SPHQ