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Une visite que les Québécois ne sont pas prêts d’oublier!

Une visite que les Québécois ne sont pas prêts d’oublier,
La Capricieuse

BAnQ et CFQLMC partenaires dans la commémoration

 

Capricieuse

 

Crédit : Bulletin de la CFQLMC, no 16 – juin 2005, p. 1, Colloque sur la régate La Capricieuse

L’année 2005 a marqué le 150e anniversaire de la visite de la corvette La Capricieuse au port de Québec et de celle de son commandant, Henri Belvèze, dans la Province du Canada d’alors. Pour l’occasion, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) ont joint leurs efforts à ceux de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC) pour commémorer l’événement. La Commission a assumé la responsabilité d’un colloque de deux jours et la publication, en 2006, de ses actes sous le titre La Capricieuse (1855) : Poupe et proue, par les soins de Yvan Lamonde et de Didier Poton; l’occasion a permis d’analyser en profondeur et de présenter les causes et les retombées dans le court et le long terme de cette visite à caractère avant tout commercial. BAnQ de son côté consacre un espace de son site Web (http://www.banq.qc.ca/histoire_quebec/parcours_thematiques/capricieuse/index.html — également accessible dans la section du portail intitulée Branché sur notre histoire, catégorie « Parcours thématiques ») à ce sujet, qui complète la contribution de la Commission, c’est-à-dire qu’il présente le voyage de la corvette et de son capitaine au jour le jour à partir du récit de Belvèze lui-même.

L’événement mérite un pareil traitement de la part de BAnQ en raison de son importance. Depuis 1760, un seul navire français, l’Édouard, avait remonté le Saint-Laurent, en 1854 sans avoir soulevé le débat des relations du Québec avec son ancienne mère patrie. Cette fois, en 1855, La Capricieuse, dirigée par le commandant Henri Belvèze, ne passe pas inaperçue, bien qu’elle soit chargée d’une mission avant tout commerciale, mais des plus délicates. Prendre connaissance de l’état des ressources de la Province du Canada, une colonie rattachée à l’Empire britannique; rechercher des moyens d’intensifier les échanges commerciaux avec la France tout en évitant d’éveiller chez la couronne britannique des soupçons de velléité de reconquête par l’ancienne mère patrie. Nous sommes à une époque où la France a besoin de l’Angleterre et veut demeurer alliée à celle-ci.

Un site Web convivial

Le site Web conçu et réalisé par BAnQ se caractérise par sa convivialité. La page d’accueil situe l’internaute de façon concise et précise relativement au sujet traité : « La Capricieuse. Voilà nos gens revenus? Le voyage d’Henri Belvèze, commandant de La Capricieuse, dans la Province du Canada en 1855 ». Elle indique par le biais de cinq grandes parties la composition du site : « Orientations, Itinéraire, Épilogue, Bibliographies, Crédits ».

La première partie, les Orientations, introduit au cœur du sujet : une colonie devenue britannique en 1763, visitée par un navire de guerre français; la recherche de relations commerciales en droite ligne entre la France et une Province dont l’appartenance à la couronne britannique a tracé autrement les circuits d’échanges. Elle donne l’itinéraire suivi par Belvèze, soit de Québec à Toronto en passant par Montréal, Kingston, Ottawa et Trois-Rivières. Elle indique les sources utilisées : le rapport rédigé par le capitaine de vaisseau lui-même et des pièces de sa correspondance (publiés en 1882 dans Henri Belvèze, Lettres choisies dans sa correspondance 1824-1875); des comptes rendus d’allocutions prononcées par les hôtes de Belvèze ou par le commandant lui-même, parus dans les journaux de l’époque; des cartes géographiques, des daguerréotypes, des gravures, des œuvres d’art et même des documents sonores pour situer et rendre concrets les propos de Belvèze de même que pour recréer l’atmosphère de l’époque. L’ensemble est complété par des contenus encyclopédiques divers : lieux, personnages, événements, contexte international, découvertes technologiques qui révolutionnent les transports, tels le passage de la voile à la vapeur, le chemin de fer, le télégraphe. L’ensemble des données permettent à l’internaute d’exercer son jugement critique en même temps qu’elles témoignent des richesses documentaires de BAnQ. L’approche privilégiée pour transmettre l’information est le passage du général au particulier par le biais de liens hypertextes : leur présence est signalée par des ancres, c’est-à-dire des parties de phrases et surtout des mots de couleur différente de celle du texte.

Un itinéraire captivant

La deuxième partie, l’Itinéraire, forme le corps du site. Elle se subdivise en dix étapes : la première rappelle la situation internationale, soit La France et le monde en 1855; les neuf autres décrivent le parcours de Belvèze d’une durée de près de deux mois à travers le récit du commandant lui-même. Les étapes retenues pour regrouper l’information sont les suivantes : De Sidney (Nouvelle-Écosse) à Québec, 5 au 13 juillet; Québec et ses alentours, 13 au 25 juillet; En route pour Montréal, 26 juillet; Montréal, 27 juillet au 2 août; De Montréal vers Kingston, 3 août; Kingston, Toronto et Ottawa, 4 au 12 août; Retour à Montréal et visite des environs, 13 au 15 août; Sur le chemin de Québec, un arrêt en Mauricie, 15 au 18 août; Retour à Québec et départ pour Terre-Neuve, 25 août. L’approche retenue pour faire revivre le voyage à l’internaute est la division de l’image qui apparaît à l’écran. Dans la moitié droite, la plume est laissée à Belvèze : celui-ci fait état des lieux qu’il visite, des réceptions dont il est l’objet et des discours et allocutions auxquels elles donnent lieu. L’autre moitié, celle de gauche, peut renfermer des documents d’époque, cartes géographiques, daguerréotypes, gravures, œuvres d’art, etc. donnant la juste mesure des lieux, personnages et événements mentionnés par Belvèze dans la partie droite; au besoin, des mises en contexte permettent à l’internaute de faire plus facilement un bond de 150 ans en arrière.

Le parcours de l’itinéraire de Belvèze en sa propre compagnie constitue autant de rappels et, peut-être pour plusieurs, de découvertes d’un événement passé et du contexte de son époque. Quels produits la France envisage-t-elle d’importer du Canada? D’où arrive La Capricieuse en juillet 1855, d’un port français comme Brest pour apparaître dans toute sa majesté à l’entrée du golfe ou bien encore « des régions hyperboréennes de la morue… [à la température] archi-brumeuse accompagnée de vents furibonds »? L’arrivée de la corvette est-elle connue à l’avance? Quelle innovation technologique en permet l’annonce préalable? Comment expliquer le touage depuis le Bic jusqu’au port de Québec par le vapeur l’Advance de l’armateur Charles-François-Xavier Baby? Belvèze remonte-t-il le fleuve jusqu’au port de Montréal avec son propre voilier? Existe-t-il à l’époque des ponts pour relier l’île de Montréal à la région environnante? Quelles sont les activités économiques dominantes à l’époque? Sommes-nous bien assurés de connaître l’importance du secteur de la construction des navires; ou bien encore le mode de transport du bois sur les voies fluviales, par trains ou cajeux, dans les slides, au moyen de radeau? Dans le Haut-Canada, qu’en est-il des travaux relatifs à la construction du canal Rideau pour relier la région de l’Outaouais à Kingston; quelle est la place occupée par Toronto, après l’ouverture, en 1851, du chemin de fer Northern relativement aux marchandises en provenance du Nord-Ouest?

Le récit de Belvèze présente aussi du piquant par l’information transmise sur l’attitude et l’accueil des contemporains : réactions du grand public au sujet de l’arrivée du navire de guerre et de son capitaine; réserves dont font montre Belvèze et ses hôtes, entre autres les élus des municipalités bordant la voie fluviale et le lac Ontario, dans les allocutions qu’ils prononcent. D’un côté, l’internaute peut constater l’attention portée par Belvèze à ne pas froisser la couronne britannique en mentionnant le désir de la France, alliée à l’Angleterre, d’établir des relations directes avec une de ses colonies. De l’autre, il peut lire en filigrane le soin porté par les dirigeants des municipalités visitées à ne pas éveiller les susceptibilités des compatriotes originaires de l’autre mère patrie; également à ne pas porter atteinte à leur obligation d’allégeance envers la couronne britannique, tout en ne cachant pas leur intérêt à développer les échanges commerciaux.

Un voyage qui a des suites

La troisième partie du site, l’Épilogue, joue plusieurs rôles. Il avertit l’internaute que le récit de Belvèze retenu ne constitue que le premier volet d’un rapport plus détaillé accessible en ligne. Il attire l’attention sur l’une des solutions avancées par Belvèze pour accroître les échanges commerciaux entre la France et le Canada, soit l’achat par les armateurs français de navires canadiens pour compenser le prix élevé des bâtiments en France. Il nuance le jugement d’ensemble du capitaine de vaisseau que « tout a réussi » par la citation d’extraits de journaux contemporains, : dont celui du Moniteur canadien soupçonnant à l’époque Belvèze d’espionnage dans une colonie d’origine française maintenant rattachée à l’Empire britannique. L’épilogue aborde aussi les retombées du voyage sur le plan culturel : maintes fois source d’inspiration pour les poètes et les écrivains canadiens-français; dans le cadre du centième anniversaire de la visite, présentation d’une exposition à La Rochelle accompagnée d’un catalogue publié, France et Canada. Catalogue de l’exposition, de même que l’émission par la Poste française d’un timbre commémoratif. Pour cette même année 1955, il serait bon de mentionner aussi (voir les actes du colloque sur La Capricieuse) les visites aux ports de Québec et de Montréal de la frégate L’Aventure, qui se sont ajoutées au programme régulier d’activités de soutien aux chalutiers français dans le golfe Saint-Laurent.

Pour en savoir plus

Les deux dernières parties du site sont constituées des Bibliographies et des Crédits. La bibliographie présentée fait état des dernières publications sur le sujet. Elle se signale tant par l’abondance d’ouvrages et d’articles de journaux cités et à l’occasion commentés que par son appartenance plus large à un projet bibliographique sur les relations France-Québec, accessible en ligne. Les crédits quant à eux répartissent les responsabilités pour la conception, la recherche et la réalisation du site entre le personnel de BAnQ, soit la Direction de la recherche et de l’édition, et des collaborateurs de l’extérieur, responsabilités qui font honneur à ceux qui les ont assumées. Par le biais d’un site Web qui se caractérise par la qualité de la recherche, de la présentation des résultats et du montage, BAnQ donne aujourd’hui à l’internaute l’occasion de faire un court voyage dans le temps en partageant les préoccupations de notre ancienne mère patrie et, partant, de prendre connaissance en des raccourcis parfois étonnants de ce que sont le Québec et l’Ontario d’alors et le contexte dans lequel ils baignent. Tous y trouveront leur intérêt. Le grand public préoccupé d’enrichir et de garder vivante la mémoire commune franco-québécoise. Également les professeurs et étudiants à la recherche d’information à caractère historique sur les relations France-Québec, de synthèses faciles d’accès et d’utilisation ou bien encore d’illustrations pour la leçon d’histoire au moyen de cartes géographiques, de photographies, de gravures, d’œuvres d’art et même de pièces musicales.

Gilles Durand

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