Bulletin n°19 , novembre 2006
Le bulletin fait peau neuve, message du coprésident, Québec
Le bulletin fait peau neuve,
message du coprésident, Québec
Le bulletin de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs fait peau neuve.
Depuis quelques années, la section québécoise de la Commission produisait un bulletin d’information qui était déposé sur son site web. Ce bulletin prendra désormais la forme d’un bulletin électronique diffusé aux membres de la Commission ainsi qu’à un large lectorat composé, des deux côtés de l’Atlantique, de personnes intéressées par la mémoire franco-québécoise.
Au rythme de quatre numéros par an, ce bulletin vise à contribuer à la sensibilisation d’un plus vaste public à la mémoire franco-québécoise et à l’histoire de l’Amérique française.
Il a également pour objectif de souligner la richesse et la variété des actions conduites par les membres et partenaires de la Commission qui investissent temps et énergie dans des projets d’inventaire, de connaissance , de diffusion ou de mise en valeur des lieux de mémoire franco-québécois.
Le premier numéro de cette nouvelle génération de bulletins traduit également une volonté de transformer progressivement le site de la Commission afin d’en faire le reflet d’une réalité bilatérale et de faire écho aux réalisations importantes sur les deux rives de l’Atlantique. Au fil des prochains numéros , nous verrons se concrétiser cette volonté.
L’édition de Mémoires vives est rendue possible grâce à l’engagement du rédacteur du bulletin, Gilles Durand archiviste, de l’édimestre du site, Madeleine Côté et du webmestre, Gaétan Chouinard. Je les en remercie vivement.
Je suis convaincu que nos lecteurs et partenaires trouveront dans ce bulletin une source d’information intéressante et un véhicule de communication utile.
Vos suggestions et collaborations sont les bienvenues.
Le coprésident, Québec
André Dorval
Un partenariat renforcé, message du coprésident, France
Un partenariat renforcé
Depuis les débuts, l’action de la Commission franco-québécoise repose sur une collaboration fructueuse entre partenaires français et québécois qui partagent non seulement une mémoire commune, mais également un même intérêt
Aujourd’hui s’amorce une nouvelle étape de cette collaboration par l’avènement d’un bulletin électronique qui vise à mieux faire connaître les actions et initiatives relatives à la connaissance et à la mise en valeur de la mémoire franco-québécoise, sous ses différentes manifestations.
J’ai la conviction que cette nouvelle passerelle contribuera à stimuler nos échanges et j’invite toutes les personnes qui le souhaitent à contribuer de leurs suggestions .
Bonne lecture et longue vie à Mémoires vives !
Le coprésident, France
Pierre-André Wiltzer
Une découverte majeure sur un site de Cap Rouge – Le lieu d’établissement de Cartier et de Roberval
Une découverte majeure sur un site de Cap Rouge
Le lieu d’établissement de Cartier et de Roberval
Cinquante ans d’efforts récompensés
Depuis les débuts de la Nouvelle-France, l’embouchure de la rivière Cap Rouge est connue comme le lieu de la première tentative de colonisation française en Amérique; celle-ci s’y est déroulée entre le 23 août 1541 et le 22 juillet 1543 sur une période presque continue d’environ 23 mois. Le lieu et l’événement ont été perpétués dans la mémoire grâce surtout aux récits officiels des expéditionnaires, Cartier et Roberval, même s’il ne subsiste aujourd’hui aucune copie originale de leurs manuscrits. Plus de quatre cents ans plus tard, les archéologues ont commencé à rechercher les traces de cet établissement sur les hauteurs du Cap Rouge à l’arrière de l’actuelle marina, et ce n’est qu’une cinquantaine d’années plus tard que leurs efforts furent récompensés soit le 20 octobre 2005.
L’âge du site est corroboré : entre 1540 et 1550
Artefacts découverts et leur position
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Cette journée mémorable, l’archéologue, Yves Chrétien, mandaté par la Commission de la capitale nationale du Québec, mit au jour à quelques dix-huit centimètres de profondeur un tesson d’une faïence très inusitée dont il s’empressa de vérifier, le soir même, l’origine culturelle de même que l’âge. La bonne fortune était de son côté car un fragment similaire trouvé sur le site Internet du musée de la Floride portait des motifs similaires ce qui lui permit d’estimer que le fragment était de style Istoriato et pouvait être d’origine italienne, plus particulièrement d’une production datée entre 1540 et 1550.
Aujourd’hui, sept datations au carbone-14 donnant des résultats dans la première moitié du 16e siècle (probabilité de 68%) viennent corroborer l’âge du site. Aussi, plusieurs fragments de poterie des Iroquoïens du Saint-Laurent trouvés en association avec le matériel européen constituent un marqueur chronologique compatible puisque cette population amérindienne avait disparu des basses terres du Saint-Laurent au début du 17e siècle.
Il n’en fallait pas plus pour que tous les autres éléments de la découverte prennent leur juste signification. Ainsi, il était permis de croire que la grande quantité de charbon de bois et d’argile cuite associée à cette faïence et aux objets de fabrication européenne tels que clous forgés à tête large et aplatie, céramiques diverses, perle de verre de forme cylindrique et de couleur noire, fragment d’un bol en bois, etc. pouvait représenter les ruines des établissements de Cartier et/ou de Roberval.
L’hypothèse de la présence de Cartier et de Roberval se confirme en 2006
Des fouilles furent entreprises en juillet 2006 afin de compléter l’évaluation de la découverte. À cette fin, la direction des interventions fut accordée à une équipe d’archéologues, composée de Yves Chrétien, Richard Fiset et Gilles Samson. Les résultats ainsi que plusieurs avis d’experts québécois et étrangers permirent de confirmer hors de tout doute que les archéologues avaient non seulement mis au jour une occupation du 16e siècle mais également les restes carbonisés d’une construction de bois qui pouvait fort bien représenter un élément architectural des forts de Cartier et de Roberval. Aussi, tout laissait croire qu’un incendie majeur s’y était produit pour réduire en cendres un édifice sur la frange sud du site, et par le fait même altérer par sa chaleur intense l’ensemble des objets qui s’y trouvaient.
Parmi les objets notables, outre la faïence de style Istoriato aux couleurs orangées et aux motifs de dauphins et de feuilles stylisées, on retrouva une magnifique hache utilisée pour l’abattage des arbres, des creusets de terre cuite réfractaire généralement associés à l’exploration minière, et plusieurs fragments probables d’une assiette ou d’un plateau de verre translucide; ce dernier élément, s’il s’avérait exact, ainsi que la faïence, sont considérés des produits de luxe qui auraient fort bien pu appartenir à des gentilshommes ou à Roberval lui-même.
Le site archéologique est la résultante de deux hommes, deux œuvres aux parcours très distincts, et il sera intéressant par les fouilles d’y déchiffrer si possible leur marque respective. Cartier, le marin et l’explorateur catholique, fort d’un voyage probable au Brésil en 1524, se fait connaître auprès de François 1er par l’abbé Jean Le Veneur, évêque de Saint-Malo. Il en résulte l’obtention de subsides pour deux voyages au Canada (1534 et 1535-36) dont les succès lui permettent d’en proposer un troisième axé sur l’établissement d’une colonie, ce qui lui est encore une fois accordé en octobre 1540. Ainsi, il peut envisager de compléter son œuvre, réaliser sa grande ambition qui est aussi celle de son roi, soit découvrir un passage vers l’Asie et mettre la main sur les richesses, or et épices du royaume du Saguenay.
Cartier et Roberval, des pères fondateurs qui se succèdent
Toutefois, c’était pas sans compter sur les intentions d’un personnage de la cour, Jean-François de la Roque, sieur de Roberval. Ce dernier, un militaire et courtisan huguenot, très proche du roi, s’interposa pour lui ravir le mandat de diriger cette première entreprise de colonisation française en Amérique qui survient après celle des Vikings à Terre-Neuve vers l’an mille et celle non localisée du Portugais, Joao Alvares Fagundez au Cap Breton en 1521. Donc, en janvier 1541, ce seigneur de Picardie, criblé de dettes mais partageant les ambitions de découverte des Indes et surtout de ses ressources, reçut du roi les pleins pouvoirs de l’aventure américaine qui lui apparaissait sans doute comme un moyen de se refaire financièrement.
Au moment du départ, à Saint-Malo, le 15 avril 1541, cette expédition conjointe de Cartier et de Roberval, composée de cinq navires avec des approvisionnements pour deux ans, fait face à un obstacle de taille : Roberval n’a pas pu réunir à temps son armement et son artillerie, ce qu’il juge crucial pour la réussite de l’entreprise. Cartier devra donc partir seul le 25 mai et espérera l’arrivée de son chef tout au long de son séjour au Cap Rouge. Un an plus tard, en juin 1542, il décidera de mettre les voiles n’ayant pu trouver de passage du côté de Hochelaga mais, espère-t-il, avec ses cales chargées de barils d’or et de diamants. À l’escale de Saint-Jean, Terre-Neuve, les deux hommes se croisent mais Cartier, à l’encontre du désir de son chef, refuse de revenir prétextant le harcèlement des Stadaconiens. L’huguenot devra donc vivre seul son séjour au Canada avec ses cent cinquante colons, hommes et femmes.
À son arrivée, à l’instar de Cartier, il édifie lui aussi un fort sur le promontoire du Cap Rouge et un second au bas de la falaise. Il décrit celui d’en haut comme étant composé de : « deux Corps de logis, une grosse Tour, et une autre de la longueur de quarante ou cinquante pieds, où il y avait diverses Chambres, une Salle, une Cuisine, des Chambres d’office, des Celliers, haut et bas, et proche d’iceux il y avait un Four et des Moulins, aussi un Poêle pour y chauffer les gens, et un Puits au devant de la maison ». C’est cet ensemble architectural de même que celui indéterminé de Cartier, qui feront l’objet des recherches archéologiques, constituant le site connu par son code Borden, CeEu-4, attribué par le ministère de la Culture et des Communications dans son Inventaire des sites archéologiques du Québec. Ce site est aujourd’hui protégé par la Loi sur les biens culturels du gouvernement du Québec.
La sauvegarde du site malgré l’usure du temps
Vue du site archéologique Cartier-Roberval
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Maintenant, nous savons que le site du moins en partie a survécu miraculeusement au temps. En effet, il en subsiste au moins environ cinq cent mètres carrés malgré l’installation, au XIXe siècle, de la villa « Redcliffe », de William et Henry Atkinson, avec ses écuries, ses jardins, son boulingrin et sa tourelle d’observation. Ensuite, vers 1906, le pont ferroviaire de la compagnie Canadien National, communément appelé le « tracel » de Cap Rouge par les gens de Québec, est venu empiéter une seconde fois sur une portion encore indéterminée de cet ensemble patrimonial qui est maintenant devenu la propriété de la Commission de la capitale nationale du Québec. C’est d’ailleurs cet organisme qui eut la maîtrise d’œuvre des recherches initiales sur le site et qui poursuivra son œuvre au cours des prochaines années en espérant clôturer le tout par un projet de mise en valeur à proximité du lieu de la découverte.
Tous les espoirs sont permis pour la mise en valeur
Quelle sera la contribution du site archéologique à l’histoire? Déjà, on peut envisager la production effervescente d’idées et d’hypothèses nouvelles sur l’existence ou non de forts distincts pour les deux épisodes de colonisation de même que des réponses à des questions déjà posées sur les relations entre les deux hommes ou de nouvelles avenues de recherche sur les fortifications de campagne et l’armement du XVIe siècle ou sur la Renaissance en général.
Aussi, on pourrait assister à une certaine revitalisation de la recherche biographique sur Cartier et Roberval de même que sur leurs péripéties au Canada, en Amérique et en Europe comme cela s’est produit au moment de la période du 400e anniversaire de Cartier au Canada (1934-42). Enfin, un regard nouveau se portera sur de nombreux petits détails de l’histoire à partir des archives ou des résultats de recherche archéologique dont la culture matérielle et l’organisation de leurs installations à Cap Rouge.
Un des sites archéologiques les plus importants en Amérique du Nord
La littérature historique à propos des voyages de Cartier est astronomique. Elle lui confère une place de choix dans l’histoire des découvreurs du Nouveau-Monde. Le site archéologique pourra espérer quant à lui se ranger parmi les plus importants de l’histoire de l’Amérique du Nord à côté de ceux de l’Anse-aux-Meadows, Red Bay, Jamestown, l’Habitation de Champlain, l’Île Sainte-Croix, Port-Royal, Cupids, etc. Toutefois, il lui reste à continuer à produire ses fruits dont des infrastructures militaires et résidentielles, ses limites, et d’une façon générale, après fouilles et analyses, à nous renseigner plus abondamment encore sur cette expérience européenne longtemps perçue comme une tentative de colonisation mais aussi, faut-il le rappeler, d’enrichissement personnel. Car, lors de ces voyages en Canada, ne se confondaient-ils pas la soif du savoir et l’appât du gain et, en réalité, la colonie n’était-elle pas que le moyen légal de s’approprier le territoire dit « fabuleux »?
Gilles Samson, archéologue, Ph.D., membre du Groupe de direction du Projet archéologique Cartier-Roberval, Commission de la capitale nationale du Québec et ministère de la Culture et des Communications du Québec, Québec, novembre 2006
(lu et commenté par Yves Chrétien, Ph. D., et Richard Fiset, Ph. D., archéologues du Groupe de direction du Projet archéologique Cartier-Roberval, Commission de la capitale nationale du Québec ainsi que Nicolas Giroux, historien , responsable du Projet archéologique Cartier-Roberval, Commission de la capitale nationale du Québec ).
Autres textes : http://www.capitale.gouv.qc.ca/
Tracel de Cap-Rouge :
http://www.netrover.com/~capaigle/Ponts/CAPROUGE.htm
Séminaire de Trappes sur les lieux de mémoire, octobre 2006
Le séminaire de Trappes sur les lieux de mémoire communs
aux Français et aux Québécois
26, 27 et 28 octobre 2006
Une première publication en 2001
Ce troisième séminaire est l’une des expressions de la volonté née à la suite de la
Le séminaire de Trappes sur les lieux de mémoire a rassemblé
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publication en 2001 d’une carte nationale de 101 lieux de mémoire franco-québécois. Il fut alors décidé de poursuivre les recherches au niveau régional et de publier pour 2008 des cartes de toutes les régions de la France métropolitaine.
Les maillons d’une chaîne que 1763 et 1803 n’ont pu briser
Le principal défi que cet ambitieux projet doit relever est celui de sensibiliser le grand public français à l’histoire commune de la France et du Québec, soit de 1534, année du premier voyage de Jacques Cartier à 1815, année du Congrès de Vienne et de la fin officielle de l’empire français en Amérique, conséquence du traité de Paris de 1763 et de la cession de la Louisiane en 1803. Le séminaire a été l’occasion de rappeler quelques obstacles à la connaissance de cette histoire commune dont l’absence de la Nouvelle-France dans les programmes à tous les niveaux avant l’université. Toutefois, et cela peut paraître paradoxal, l’intérêt pour l’histoire de ces Français qui fondèrent le Québec et plus largement la Nouvelle-France demeure vif dans l’inconscient collectif national français. La mémoire des peuples est comme une force souterraine, latente mais prête à s’éveiller de nouveau lorsqu’on la sollicite. Voudrait-on nous faire oublier que le lien entre identité et mémoire est fondamental ?
Le partenariat au service de l’histoire et de la mémoire
Défi de l’histoire à rappeler et non de la mémoire qui demeure et qui se manifeste à la moindre sollicitation. Pour mieux faire connaître cette histoire, la Commission Franco-Québécoise sur les Lieux de Mémoire Communs a eu la sagesse dès sa fondation de faire appel aux professionnels et aux universitaires. Plusieurs d’entre eux, généalogistes, documentalistes, spécialistes en muséologie, historiens ont directement ou indirectement participé à faire de ce séminaire un succès. Les échanges avec un public d’adhérents de diverses associations, passionnés par ces recherches, ont été encore une fois exemplaires et fructueux. Il est vrai que chacun y trouve son compte, les uns en développant auprès des professionnels leur compétence, les autres en rencontrant un public prêt à contribuer à la diffusion de leurs travaux.
La collaboration des Québécois indéfectible
Disons pour conclure que ce séminaire a encore une fois, avec la présence d’une forte délégation québécoise, montré que la collaboration, le travail en commun au sein de la Commission Franco-Québécoise ne sont pas un objectif à atteindre. C’est une réalité présente et qui s’inscrit dans le droit fil de la vocation de la Commission de rappeler ce qu’il y a de commun chez un Français et un Québécois au-delà de leurs différences.
Un bilan plus complet, produit par Janine Giraud-Heraud, est disponible en format PDF (21 ko)
Gilbert Pilleul
L’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française
L’Encyclopédie du patrimoine culturel
de l’Amérique française
directeur de l’Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval
et Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine
co-dirigé par Yves Bergeron de l’Université du Québec à Montréal
Novembre 2006
L’origine du projet
Ce projet d’encyclopédie est une initiative de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs qui veut ainsi souligner les 400 ans de présence française en Amérique du Nord. À l’origine, en 2001, une équipe d’universitaires sous la direction de M. Jacques Mathieu, alors doyen de la Faculté des lettres de l’Université Laval, a réfléchi à la pertinence scientifique et à la configuration du projet. Aujourd’hui, la Société Héritage de Champlain, fondée et présidée par M. Marcel Masse, a la responsabilité de la mise en œuvre de l’Encyclopédie. Elle en a confié la direction à M. Laurier Turgeon, professeur d’histoire et d’ethnologie et directeur de l’Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval.
Description de l’Encyclopédie
L’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française se veut un projet novateur qui présente le patrimoine comme un phénomène pluriel et dynamique toujours en construction, plutôt qu’homogène et figé. Il a pour but d’étudier les principaux éléments du patrimoine des francophones du Québec, du Canada et des États-Unis, sous toutes ses formes et dans toutes les régions, à travers les 400 ans de présence française sur le continent. L’Encyclopédie incluera aussi le patrimoine français d’origine et les relations que la France a entretenues avec l’Amérique française pendant ces quatre siècles.
L’ouvrage présentera une sélection de plus de 600 articles portant sur une grande variété de sujets. Les articles seront d’une longueur de 1000 à 2 000 mots et seront rédigés par des spécialistes. De nombreux documents textuels, sonores, visuels et audio-visuels complèteront chaque article. L’Encyclopédie sera d’abord diffusée sur un site Web bilingue (français/anglais), comprenant une section spécialement conçue pour le jeune public. Elle sera ensuite publiée sous la forme d’un livre illustré en trois tomes, également en version française et anglaise. Au terme du projet, une exposition muséale itinérante contribuera au rayonnement de l’ouvrage. Il est prévu que la réalisation de l’ensemble du projet s’étalera sur une période de cinq ans.
L’intérêt d’une encyclopédie du patrimoine culturel
L’intérêt pour le patrimoine culturel va croissant partout dans le monde. Le patrimoine englobe aujourd’hui tous les aspects de la vie sociale et touche à tous les domaines du savoir : histoire et architecture, ethnologie, muséologie, aménagement du territoire, histoire de l’art, tourisme et développement culturel et économique. C’est sur la base de cet engouement pour les multiples dimensions du patrimoine que l’Encyclopédie portera un regard neuf sur l’héritage culturel de l’Amérique française. Elle éclairera tout particulièrement les processus de construction du patrimoine, c’est-à-dire qu’elle mettra en lumière les courants culturels, sociaux et politiques qui sous-tendent la formation et les transformations du noyau dur et durable de la culture collective qu’est le patrimoine.
Le contenu de l’Encyclopédie
L’Encyclopédie sera divisée en thèmes pour faciliter son utilisation. Elle reprendra les trois grandes catégories de patrimoine définies par l’UNESCO, soit le patrimoine naturel (paysager), le patrimoine matériel (bâti), et le patrimoine immatériel (ethnologique).
Patrimoine naturel
La centaine d’articles de la catégorie Patrimoine naturel donnera un aperçu complet de l’espace où les francophones d’Amérique ont voyagé, travaillé et vécu de façon durable. Les paysages et les lieux signifiants par leur configuration particulière ou parce qu’ils sont chargés d’histoire renseigneront les lecteurs sur les rapports que les francophones ont entretenus avec leur environnement naturel. Les articles traiteront du patrimoine naturel encore peu touché par l’intervention humaine : explorations pionnières et parcs naturels, ainsi que du patrimoine lié à l’environnement transformé en milieux de vie : peuplement et exploitation du territoire, chasse et pêche, agriculture, voies naturelles de communication, etc. Cette section comprendra entre autres des articles sur Percé, le fleuve Saint-Laurent, l’île du Cap Breton, la rivière Rouge, les bayous de la Louisiane et les Grands Bancs de Terre-Neuve, ainsi que sur la drave, la pêche sur glace, l’énergie hydroélectrique et la culture du blé.
Patrimoine matériel
Place royaleCrédit photo : Bulletin de la CFQLMC, no 3, janv. 2002, p. 1 |
Les deux cents articles de la catégorie Patrimoine matériel témoigneront de l’attachement des francophones d’Amérique aux manifestations les plus concrètes de leur histoire. Car les ouvrages et les bâtiments restaurés, reconstitués et mis en valeur sont les témoins les plus visibles de la mémoire collective. Ils ont sans cesse motivé les efforts des citoyens et des gouvernements pour garder le passé présent parmi nous. Cette section comprendra entre autres des articles sur la maison familiale Drouin à l’île d’Orléans, la basilique Notre-Dame-de-Montréal, le village industriel de Val-Jalbert, le Parlement de Québec, la ville reconstituée de Louisbourg, le couvent des Sœurs Grises de Saint-Boniface, le Carré Français de la Nouvelle-Orléans et le port de La Rochelle, en France.
Patrimoine immatériel
Les trois cents articles de la catégorie Patrimoine immatériel illustreront les multiples façons d’être, de dire et de faire des francophones de l’Amérique du Nord. Ce patrimoine particulièrement varié, même dans ses origines régionales françaises, éclairera donc toutes les facettes de la culture française transplantée en Amérique du Nord, à travers les célébrations d’hier et d’aujourd’hui, les objets rassemblés dans les musées, les chansons et les danses, les rituels religieux, les savoirs techniques et scientifiques, la culture artistique et les lieux de mémoire. Cette section comprendra entre autres des articles sur les vocations missionnaires au Régime français, le temps des Sucres, le Grand Tintamarre des Acadiens, les chansons des Voyageurs de la traite des fourrures, la formation des élites dans les collèges classiques, les centres de généalogie en Nouvelle-Angleterre, la fête du Mardi Gras et les récits du débarquement de Normandie.
Principaux partenaires actuels
L’Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval (Québec) supervise la réalisation du projet, en partenariat avec l’Université Sainte-Anne (Nouvelle-Écosse), l’Université de Sudbury (Ontario), le Collège universitaire de Saint-Boniface (Manitoba), l’Institut français de l’Université de Regina (Saskatchewan), et la Société héritage de Champlain (Québec).
Martin Fournier
Coordonnateur
Quatre siècles de présence française en Amérique du Nord : bilan commémoratif
Quatre siècles de présence française en Amérique du Nord
Champlain supervisant la construction de l’habitation
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La commémoration, en 2004, du 400e anniversaire de l’arrivée de Champlain en terre d’Amérique a donné lieu, entre autres, à trois projets qui méritent d’être soulignés. Ceux-ci visent à mieux faire connaître et apprécier l’apport des communautés francophones situées de part et d’autre de l’Atlantique au développement politique, économique, social et culturel de l’Amérique du Nord.
Projet Nouvelle-France/Horizons nouveaux : Histoire d’une terre française en Amérique
Le premier projet résulte d’une coopération entre la Direction des archives de France (DAF), Bibliothèque et Archives Canada (BAC) et l’ambassade du Canada à Paris, auxquelles se sont jointes Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ). L’ensemble de toutes ces activités concertées ont donné lieu au montage d’une exposition virtuelle et à la mise en ligne de documents originaux couvrant la période de la Nouvelle-France. L’exposition, intitulée Nouvelle-France/Horizons nouveaux : Histoire d’une terre française en Amérique et accessible à l’adresse suivante http://www.archivescanadafrance.org/ , raconte l’aventure de la France en Amérique et le développement de la colonie naissante dont elle avait jeté les bases, depuis le contexte social au départ et la traversée jusqu’à la Conquête de 1760. Les thèmes retenus, concession des terres par le biais du régime seigneurial, peuplement, commerce d’exportation des fourrures et d’importation de produits manufacturés, etc., permettent la mise en contexte de documents originaux, dont la numérisation et la description dans des bases de données pour en permettre l’accès en ligne constituent le second volet du projet.
La contribution de BANQ se situe au niveau de la diffusion de trois fonds : celui du Conseil souverain (qu’on pourrait assimiler à un conseil exécutif et à une cour d’appel au point de départ, mais qui perdra au XVIIIe siècle son premier pouvoir), celui des Intendants, ces hauts fonctionnaires responsables de l’administration intérieure de la colonie, enfin celui des Grands Voyers chargés de la construction et de l’entretien des routes. À l’été 2006, plus de 380 000 documents originaux avaient été décrits dans l’instrument de recherche PISTARD-Archives et plus de 45 000 documents numérisés avaient été rattachés à leur description. La description et la numérisation d’archives de la période de la Nouvelle-France sont prévues prendre fin en 2008. Étudiants, professeurs, chercheurs en généalogie et en histoire sont invités à consulter la revue trimestrielle À rayons ouverts, chroniques de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, no 68, accessible en ligne http://www.banq.qc.ca , et à visiter le site Internet de BANQ à l’adresse suivante : http://pistard.banq.qc.ca/unite_chercheurs/recherche_simple .
Projet 400 ans de présence française au Canada, 1604-2004
Le deuxième projet résulte d’une concertation entre deux centres de recherche et une société d’histoire : le Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) de l’Université d’Ottawa, le Centre d’études acadiennes (CEA) de l’Université de Moncton et la Société historique de Saint-Boniface (SHSB). Tous trois se sont entendus pour témoigner, chacun sur leur propre espace Internet, de la naissance et du développement des communautés francophones sur le territoire qu’ils desservent respectivement, soit l’Ontario, l’Acadie, le Nord-Ouest et le Manitoba.
Les trois sites Internet, totalisant plus de 8 500 pages Web, permettent un voyage emballant de l’Atlantique au Pacifique et donnent la possibilité de suivre la trace de l’empreinte française. Toutes les ressources ont été mises à contribution pour reconstituer l’espace à travers le temps : documents manuscrits originaux, cartes et plans, documents iconographiques. Au moyen de contenus informatifs variés et de pièces d’archives inédites, l’ensemble présente une vision multiforme des différentes communautés francophones, qui ont su s’adapter aux particularités du milieu dans lequel elles ont vécu, et donner à l’empreinte française les traits distinctifs qui les caractérisent encore aujourd’hui. Étudiants des niveaux primaire, secondaire, collégial et universitaire, professeurs à la recherche d’outils pédagogiques, chercheurs en généalogie et en histoire peuvent rejoindre les trois sites aux adresses suivantes : http://www2.umoncton.ca/cfdocs/cea/index.cfm pour le CEA, http://www.uottawa.ca/academic/crccf/passeport/index.html pour le CRCCF, http://www.shsb.mb.ca/paysriel/accueil.html pour la SHSB.
Projet Archives des francophonies nord-américaines, revue Archives, volume 36
La troisième contribution est celle de l’Association des archivistes du Québec qui a préparé, en 2004-2005, deux numéros spéciaux de la revue Archives consacrés aux archives des francophonies nord-américaines. La préface du premier numéro est signée par le président d’alors de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, Marcel Masse.
Les deux numéros ont le grand mérite de rassembler une vaste information de nature archivistique dispersée, isolée et parfois enfouie, en un ensemble de 11 articles, soit plus de 400 pages rédigées par 19 auteurs différents. Ils se veulent un bilan du patrimoine archivistique relié aux faits et gestes des francophonies de ce côté-ci de l’Atlantique, conservé par les Archives françaises et canadiennes de même que par des institutions et par des services d’archives tant du Québec, principal pôle de développement du fait français en Amérique du Nord, que de l’Acadie, de l’Ontario, de l’Ouest canadien, de la Nouvelle-Angleterre et de la Louisiane. Non seulement les travaux abordent-ils le contenu de ce patrimoine, mais ils font aussi le point sur les efforts de mise en valeur. De leur lecture, malgré la diversité des milieux dans lesquels les communautés francophones évoluent et les difficultés qu’elles rencontrent, une constante se dégage : toutes restent attachées à leur identité d’origine et aux archives qui en témoignent en même temps qu’elles font preuve de beaucoup de dynamisme pour assurer à ces dernières toute la diffusion qu’elles méritent.
Les lecteurs intéressés à se procurer ces numéros spéciaux de la revue Archives (volume 36,1, 2004-2005 et volume 36,2, 2004-2005) trouveront l’information nécessaire en consultant le site Web de l’Association des archivistes du Québec : http://www.archivistes.qc.ca/revuearchives/revuearchives.html .
Gilles Durand
13 novembre 2006
Colloque Lieux de mémoire, commémoration et identité dans la francophonie canadienne :une relecture des traces de la Nouvelle-France
Lieux de mémoire, commémoration et identité dans la
francophonie canadienne
Colloque tenu à l’Université d’Ottawa du 15 au 17 novembre 2006
Le Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités (CIRCEM) et le Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’Université d’Ottawa (CRCCF) ont uni leurs efforts pour organiser un colloque sur les questions de patrimoine, de mémoire et d’identité en Acadie, au Québec, en Ontario de même que dans l’Ouest canadien, depuis la Nouvelle-France jusqu’à aujourd’hui. Une trentaine de conférenciers de différents horizons disciplinaires ont traité de patrimoine bâti, de lieux où se sont déroulés des événements marquants, de leur contexte, de leur signification et de leur mise en valeur par la commémoration. Les communications ont aussi pris en considération la situation minoritaire ou majoritaire des communautés francophones qui portent ces lieux de mémoire de même que la place qu’ils occupent comme composante de leur identité culturelle.
Cinq chercheurs engagés dans le volet pan-canadien du projet Inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France (http://www.memoirenf.cieq.ulaval.ca/ ) ont pris part au colloque comme conférenciers.
Alain Roy a présenté l’inventaire, cette base de données transnationale, accessible en ligne, qui renferme des descriptions de lieux de mémoire situés de part et d’autre de l’Atlantique, du côté français en Poitou-Charentes pour le moment, du côté canadien dans les provinces de l’Atlantique, au Québec, en Ontario et dans l’Ouest canadien. Marc St-Hilaire a par la suite indiqué comment l’inventaire faisait l’objet d’une première mise en valeur scientifique par le biais d’un atlas historique. Cet ouvrage vise à mettre les traces de la Nouvelle-France qui subsistent (décrites dans l’Inventaire) en rapport les unes avec les autres pour présenter d’une manière nouvelle l’apport de l’expérience coloniale française à la construction des paysages. L’inventaire prend en compte le contexte des lieux, donne leur signification et établit des relations avec les personnages qui les ont marqués de même qu’entre les lieux eux-mêmes. À l’heure actuelle, le nombre de lieux de mémoire (bâtiments, monuments, plaques), situés de ce côté-ci de l’Atlantique et accessibles dans la banque, se répartit comme suit : 987 pour le Québec, 23 pour les provinces de l’Atlantique, 73 pour l’Ontario et 19 pour l’Ouest canadien.
Colin Coates (Collège universitaire Glendon, Université York) et Yves Frenette (directeur du Centre de recherche en civilisation canadienne-française, Université d’Ottawa) ont pour leur part offert des résultats préliminaires sur la commémoration de la Nouvelle-France dans le paysage ontarien. Enfin, Gratien Allaire, directeur de l’lnstitut franco-ontarien (Université Laurentienne, Sudbury), a montré comment l’inventaire permettait de mettre en valeur le patrimoine associé à Pierre de La Vérendrye, figure dominante de la mémoire de la Nouvelle-France dans les Prairies.
Le programme du colloque se retrouve sur le site Web de l’Université d’Ottawa à l’adresse suivante : http://www.uottawa.ca/academic/crccf/evenements/colloque2006-07.html . Compte tenu des dates de la rencontre, les sujets développés au colloque seront présentés plus longuement dans le prochain bulletin.
Gilles Durand avec la collaboration de Marc St-Hilaire
20 novembre 2006
Le côté plus caché de l’aventure française en Amérique du Nord : la localisation des familles dans l’espace
Le côté plus caché de l’aventure française en Amérique du Nord
La localisation des familles dans l’espace
Sous le signe du partenariat et de la continuité des sources
Colloque du 18 novembre 2006
Dans le cadre de son 45e anniversaire de fondation, la Société de généalogie de Québec a organisé une journée d’études pour aider les généalogistes à découvrir une facette, parfois obscure, de leur famille ancestrale, sa localisation dans l’espace à différents moments de son histoire. Sous le titre « Espaces et familles », la journée a
Mission accomplie. De gauche à droite,
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surtout été consacrée au mode de peuplement de la vallée du Saint-Laurent. Compte tenu de la complexité du sujet qui n’est pas étrangère à la longue période à l’étude, plus de quatre siècles, la Société de généalogie a fait appel au partenariat : à ses propres membres pour organiser la journée, de même qu’à quatre organismes pour le contenu à livrer, soit l’Université Laval, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, la Commission de toponymie et le Service gouvernemental de l’enregistrement foncier auxquels s’est jointe une géographe. La journée a été divisée en deux, la matinée étant consacrée à la période pré-industrielle, et l’après-midi aux années postérieures à 1850. Les moyens retenus furent la conférence présentant une mise en contexte globale du territoire pour la période concernée, suivie par des présentations en ateliers portant principalement sur la documentation originale disponible. L’atelier a été jugé une formule intéressante pour permettre aux participants de s’exprimer. La journée d’études se termina par une plénière, en même temps une occasion de souligner une publication d’un chercheur qui s’est démarqué par un apport soutenu à la diffusion de connaissances sur les vieilles familles du Québec.
Espaces et familles avant 1850
Alain Laberge débute la journée par une conférence présentant la complexité des situations et des défis que doivent relever les généalogistes pour la période pré-industrielle. La vallée du Saint-Laurent, déjà un long couloir entre la capitale et la future métropole, ne doit pas être envisagée isolément. La population initiale déborde dans l’arrière-pays et le long des principaux affluents du fleuve, le Richelieu, la Chaudière et d’autres affluents secondaires comme les rivières Batiscan et Sainte-Anne. Les familles entretiennent des liens en amont, avec les Pays d’en haut pour la traite des fourrures et avec la Louisiane, en aval avec l’Acadie et même outre-Atlantique avec la France, dans ce dernier cas pour retourner dans la mère-patrie après une brève expérience en sol laurentien. La dénomination des lieux n’est pas non plus toujours facile à apprivoiser, les toponymes pouvant référer à des réalités très diverses, un accident géographique, le nom d’un premier arrivant ou d’un bâtisseur, etc.
Les intervenants sur le territoire sont nombreux. Les compagnies de commerce au tout début, par la suite l’intendant qui concède des seigneuries avec l’approbation subséquente du roi et l’enregistrement de sa volonté au Conseil souverain. Les seigneurs développent leur seigneurie avec tout ce que cela implique de concession de lopins à des censitaires, de mise en place d’infrastructure comme le moulin banal, ou bien encore de concession de partie plus ou moins grande de la seigneurie à un détenteur d’arrière-fief qui jouera à l’égard de celui-ci le rôle du seigneur. Le grand voyer intervient aussi pour faire ouvrir des chemins au fur et à mesure que les populations en expriment le besoin.
Pendant les deux siècles et demi qui précèdent l’abolition de la tenure seigneuriale, les préoccupations des intervenants changent. Jusqu’à la conquête, les autorités coloniales mesurent l’occupation du territoire de façon précise, c’est-à-dire dénombrent la population. Après la conquête, le gouvernement britannique cherche plus à contrôler le territoire qu’à dénombrer sa population, ce qui explique vers 1780 la plus grande rareté d’aveux et dénombrements des détenteurs de lots par les seigneurs. Ceux-ci gèrent également leur seigneurie de façon différente en fonction de son état de développement et du nombre de seigneuries possédées. Tant et aussi longtemps que la seigneurie renferme un petit nombre de censitaires, soit jusqu’aux années 1730-1740, le seigneur utilise peu d’outils de contrôle, ce qui se reflète par la quasi-absence de sources écrites. Quant aux grands propriétaires terriens, en pratique les seigneurs ecclésiastiques tels le Séminaire de Québec et les Sulpiciens, ils se voient confrontés très tôt à l’établissement d’instruments de contrôle précis, terriers, censiers, livres de comptes, etc. Non seulement les sources sont-elles plus nombreuses chez ces derniers, mais elles ont été mieux conservées. Pour les seigneurs laïcs possédant moins, il ne reste souvent que très peu, la conservation et l’accessibilité étant liées à la remise des documents entre les mains de services d’archives publics et privés.
Les présentations en ateliers, qui prennent ensuite la relève, sont données par Rénald Lessard avec la collaboration de Christian Drolet, Jacques Fortin, Andrée Héroux, Monique Lord et Jean Thibault. Les grandes séries de documents d’origine publique, témoignant de la mise en place du système seigneurial jusqu’à son extinction complète en 1975, sont passées en revue avec, au besoin, leurs lacunes selon la période à laquelle elles appartiennent. Certaines séries sont plus connues : les registres et les cahiers d’intendance référant aux concessions aux seigneurs eux-mêmes; les aveux et dénombrements des censitaires par les seigneurs, cette source se faisant plus rare au cours du Régime anglais, les recensements de différents types, ceux de portée plus générale livrant des données agglomérées, ceux de nature patriarcale ne retenant que les chefs de famille ou ceux du genre nominatif renseignant sur chaque individu; les grands inventaires du territoire dont les résultats se retrouvent dans les dictionnaires imprimés (1815 et 1831-1832) de l’arpenteur général Joseph Bouchette; l’enquête de 1843 et autres documents qui ont précédé l’abolition du régime seigneurial déposées dans les archives de la Chambre d’assemblée; les cadastres des seigneuries préparés pour dédommager les seigneurs de la perte de leurs droits en 1854; le fonds du Syndicat national de rachat des rentes seigneuriales mis sur pied pour assurer l’extinction complète du système et dont le mandat prend fin en 1975 — l’abolition de la tenure en 1854 fait disparaître les droits de mutation, de banalité, mais ne dispense pas du paiement des cens et rentes.
Les fonds de nature privée, renfermant des renseignements sur le fonctionnement du régime seigneurial, sont aussi abordés sous un triple point de vue : quant à leur endroit de conservation, particulièrement ceux entre les mains de services d’archives publics, Bibliothèque et Archives Canada, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ); quant à leur nombre et contenu, par exemple la liste des fonds conservés par BANQ, démontrant leur existence et leur intérêt pour la recherche, même s’ils ne peuvent soutenir la comparaison avec ceux des seigneuries ecclésiastiques, tel le fonds du Séminaire de Québec comprenant terriers et censiers, livres comptables, etc. Il est d’intérêt de mentionner l’existence d’un type de source qui a existé à l’époque des seigneuries, mais dont le chercheur ne retrouve plus trace aujourd’hui, le billet de concession remis par le seigneur au censitaire avant l’octroi du titre définitif. Les questions de toponymie et de gestion du territoire par le biais du régime municipal comptent aussi parmi les sujets abordés.
Espaces et familles après 1850
Le thème de l’après-midi donne d’abord lieu à une conférence d’introduction par Marc St-Hilaire sur le système des cantons adossés aux seigneuries. Par la suite, des présentations sont faites en ateliers par Rénald Lessard, Andrée Héroux et Jean Thibault sur les archives laissées par le système de même que sur un complément additionnel d’information pour mesurer l’occupation du territoire, les recensements.
Le système cantonnal peut être vu comme un mode de concession et de gestion du territoire sous la dépendance de l’État uniquement, à la différence de la période précédente où le seigneur demeure un agent important. Par contre, si le seigneur disparaît comme interlocuteur majeur, l’arpenteur est toujours présent et un nouvel intermédiaire apparaît, l’agent des terres, qui fait le lien entre le gouvernement, plus précisément le service de concession des terres, et les colons relevant de la division administrative dont il a charge. Malheureusement pour ce dernier, il ne reste pas de documents concernant la gestion interne de son bureau.
Dans le système cantonnal, la physionomie du territoire change : le carré fait place au rectangle, ces bandes de terre étroites et allongées sur la façade des cours d’eau. Comme au temps du régime seigneurial, l’État recourt aux services d’arpenteurs pour découper le territoire en canton, et pour un même canton, mesurer les lots sur le terrain, poser des points de repère au sol (arpentage primitif) et immatriculer chaque lot, c’est-à-dire leur attribuer un numéro (registes et plans cadastraux à compter de 1860). Dans l’accomplissement de leurs opérations, les arpenteurs ont laissé trois grandes séries de documents : les carnets de notes décrivant les opérations effectuées sur le terrain et illustrant la position des bornes, les plans et les journaux, ces derniers pouvant parfois se révéler très riches pour connaître la présence de colons (squatters, familles apparentées) installés avant la venue de l’arpenteur et sans autorisation officielle, de même que certaines infrastructures tels des quais, etc. Avant d’être concédée, toute terre doit être arpentée.
Pour la période considérée, le mode de concession repose sur le permis d’occupation et la vente, afin d’éviter la spéculation foncière. L’État remet un billet de concession au concessionnaire, le colon recevant par là une autorisation de s’installer sur un lot avec sa famille (les billets sont pratiquement introuvables avant 1937, année où les registres débutent). Le billet fixe les conditions d’établissement (construction des bâtiments, superficie à défricher, etc.) et d’obtention du lot (prix à payer). Celle-ci se fait par le biais d’une vente dont le prix est payable par versement au service de la concession des terres ou à l’agent des terres qui remet l’argent au service de la concession à Québec (livres des ventes et livres des recettes). À la différence du régime seigneurial, les droits des seigneurs sont disparus : il n’est plus question de droit de banalité, de cens, de rente, de droit de mutation, etc. Une fois le prix de vente entièrement acquitté, le titre de propriété sous forme de lettres patentes est délivré au colon (livres de référence pour lettres patentes) après recherche des mutations ayant pu affecter la propriété, c’est-à-dire les ventes, échanges, etc. conclus depuis le premier acquéreur qui n’est pas nécessairement celui qui reçoit les lettres patentes (registres d’enregistrement des transports et les transports eux-mêmes). Si la vente est la règle générale pour l’octroi des lots, ceux-ci peuvent être aussi remis sans frais en retour de l’entretien de chemins de colonisation dans le cas de lots situés en bordure de ceux-ci; ils peuvent être aussi donnés en guise de support aux familles de douze enfants et plus (registres des octrois gratuits); les lots sous billet de concession peuvent encore être repris par l’État pour cause de non-respect des conditions d’établissement et d’obtention, et concédés à nouveau par voie d’adjudication (registres des adjudications). La demande d’obtention de lettres patentes, octroyées à la suite du paiement complet du prix de vente, se retrouve dans la correspondance ancienne qui comprend aussi celle des agents des terres (rapports mensuels, etc.) jusqu’en 1917 (à laquelle peuvent être joints des documents de toute sorte, billet de location, etc.), par la suite dans les dossiers de lots pouvant renfermer une information des plus variées : nombre de personnes dans la famille du demandeur, lettres de référence du curé de la paroisse, du député, etc.
L’ensemble des informations relatives aux concessions sont accessibles par le biais du terrier (en voie d’informatisation), ou plutôt les registres terrier. Il s’agit en fait de gros volumes qui permettent de suivre la trace des droits de l’État sur chaque lot (présenté par canton et rang); l’information a trait au billet de concession, à la révocation de celui-ci et à sa remise à un autre occupant, aux différents versements effectués par un occupant pour régler le prix de vente, à l’obtention des lettres patentes. Les registres terrier permettent d’accéder aux autres registres et documents mentionnés au paragraphe précédent. Depuis l’ouverture du premier registre, l’information accumulée au fil du temps a nécessité des recopiages, à chaque fois l’information désuète étant laissée pour compte d’un registre à l’autre. Il n’en demeure pas moins que, pour toute recherche, les registres terrier constituent le point de départ pour la consultation des archives du service de la concession des terres.
Le titre de propriété sur un lot accordé par l’État fait en sorte que le lot sort du domaine public. Dorénavant, à compter de 1841, tous les actes l’affectant, vente, hypothèque, avis juridique, document sous seing privé, etc., sont pris en charge par les bureaux d’enregistrement, appelés aujourd’hui bureaux de publicité des droits en raison de leur raison d’être. Autrefois, l’enregistrement des actes se faisait par transcription dans de grands registres, puis par la suite par dépôt. La consultation des actes, affectant chacun des lots, est facilitée dans les bureaux d’enregistrement par les plans cadastraux de cantons et par les livres de renvoi décrivant les lots tracés sur les plans (dimensions, superficie), de même que par les index aux immeubles (préparés en fonction des numéros des lots) et par les index aux noms des individus impliqués dans les transactions. Comme pour le terrier de la province, les documents des bureaux d’enregistrement sont en train d’être numérisés.
Conclusion
Cette 45e journée, organisée par la Société de généalogie de Québec, ne pouvait manquer de se terminer sur une note d’enthousiasme. Enthousiasme à l’idée que le partenariat entre généalogistes, historiens, chercheurs universitaires et archivistes puisse se poursuivre d’une façon encore plus intense et soutenue. Enthousiasme devant les sources originales dont le défi de consultation lancé par leur abondance n’en laisse pas moins découvrir de grandes possibilités pour localiser avec plus d’exactitude des familles mobiles sur un vaste territoire. Enfin enthousiasme et émulation devant le dynamisme et l’intérêt des membres de la Société de généalogie de Québec pour la diffusion de l’histoire des familles. L’occasion ne pouvait être mieux choisie pour recevoir le journaliste Louis-Guy Lemieux, comme 6 000e membre, l’auteur d’une toute dernière publication sur les Grandes Familles du Québec (Septentrion, 2006, 162 pages).
Gilles Durand
21 novembre 2006
Projet Montcalm : une vaste étude sur les soldats des troupes françaises…
Une vaste étude sur les soldats des troupes françaises envoyés
en Nouvelle-France lors de la guerre de Sept Ans (1755-1760)
Montréal, le 15 octobre 2006. La Société généalogique canadienne-française annonce officiellement le lancement d’un vaste projet de recherche portant sur les soldats des troupes françaises qui ont combattu en Amérique entre 1755 et 1760. Les objectifs du projet sont de constituer une base de données exhaustives sur quelque 9 800 soldats et officiers envoyés en Amérique au cours des années précédant la Conquête et d’en publier les résultats dans un livre commémoratif qui sera lancé en 2009. Cette recherche permettra d’établir avec précision le nombre et les noms des soldats venus en Amérique, d’identifier ceux qui sont décédés au pays, ceux qui s’y sont établis et ceux qui sont rentrés en France en 1760. Pour chaque militaire, on retrouvera des éléments spécifiques concernant son parcours militaire et civil depuis son engagement en France jusqu’à son décès.
Marcel Fournier |
Une équipe de chercheurs, composée de Jean-Yves Bronze, Suzanne Galaise, Luc Lépine, Renald Lessard, Claude Paulette, Micheline Perreault et Hélène Quimper, a été formée afin de réaliser ce projet d’une durée de trois ans. Mme Jessica Bolduc, étudiante à la maîtrise en histoire à l’Université de Montréal, a été engagée à titre d’agent de projet. Elle aura comme mandat de constituer la base de données. M. Marcel Fournier, président de la SGCF, assure la direction du projet.
Plusieurs institutions ont accepté de financer la réalisation de ce projet évalué à 65 000 $ dont la Commission des champs de batailles nationaux, les Amis des Plaines d’Abraham, le Musée Stewart de l’Île-Sainte-Hélène, le Centre d’études acadiennes, la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, le Ministère de la Défense nationale du Canada, le Projet de recherche sur les origines familiales des émigrants français et étrangers établis au Québec (Fichier Origine) et la Fédération française de généalogie.
La Société généalogique canadienne-française est fière d’avoir initié ce projet dont les résultats seront dévoilés, en 2009 à l’occasion du 250e anniversaire de la bataille des Plaines d’Abraham.
Source : Marcel Fournier,
Directeur du Projet Montcalm
La collection Baby : une source indispensable pour la recherche historique et l’initiation des jeunes au patrimoine
La Collection Baby
Une source indispensable pour la recherche historique
et pour l’initiation des jeunes au patrimoine
Commémoration du 100e anniversaire du don
La Collection Baby est une des plus riches parmi celles possédées par la Division des archives et la Direction des bibliothèques de l’Université de Montréal. Comprenant plus
Crédit |
de 20 000 pièces manuscrites et environ 3 400 livres rares, gravures et estampes, elle constitue un témoignage particulier du fait français pour la période de la Nouvelle-France, par exemple la mise en valeur du territoire par le biais du régime seigneurial, de même qu’au cours des cent cinquante années qui ont suivi la Conquête. La consultation de cet ensemble permet de bien cerner le rôle des descendants de Champlain, après 1760, dans l’administration coloniale face au gouvernement britannique, dans la défense de la colonie (la milice) de même que dans le commerce, entre autres celui des fourrures, sur une grande partie du continent nord-américain. Compte tenu de son apport indispensable à une connaissance en profondeur de l’identité culturelle du Québec, la ministre de la Culture et des Communications, madame Line Beauchamp, a donné un avis signifiant sa volonté de classer la collection et de l’inscrire au Répertoire du patrimoine culturel du Québec (http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/ ).
L’année 2006 marque le centenaire de ce don impressionnant, fait à l’Université de Montréal par Louis-François-Georges Baby à l’automne 1905, peu avant sa mort survenue le 13 mai 1906; aussi fut-elle l’occasion toute désignée pour commémorer l’événement. Tout a été mis en œuvre pour jeter une lumière additionnelle sur le collectionneur, les vieilles familles qui lui sont reliées, la société de l’époque de même que sur l’évolution de la langue française au cours de la période de la Nouvelle-France et des 140 années qui ont suivi la conquête anglaise : colloque d’une demi-journée tenu à l’Université McGill dans le cadre du congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), conférences, montage de deux expositions.
Initiative du Service des livres rares et des collections spéciales et de la Division des archives de l’Université de Montréal, la première exposition, montée sur place au service et intitulée Louis-François Georges Baby collectionneur, révèle le contenu de cette collection, riche d’information pour la connaissance du fait français dans la vallée du Saint-Laurent aux points de vue politique, économique, social et culturel. Elle fait voir les différentes facettes de la personnalité de ce grand bienfaiteur de l’Université de Montréal que fut Louis-François-Georges Baby, né en 1832, qui ne manqua jamais une occasion de soutenir cette institution de haut savoir au cours de sa vie active. Elle replace cet homme dans son milieu familial, un milieu qui origine de la noblesse française et qui solidifiera ses racines en Amérique du Nord en contactant alliance avec de grandes familles qui se sont démarquées dans l’administration de la colonie et dans le commerce pour s’engager par la suite dans les professions libérales. Elle rend le visiteur familier avec les différentes étapes de la vie de celui qui fut étudiant en droit, stagiaire, avocat et juge tout en se laissant tenter par la politique municipale et fédérale, un ardent supporteur de l’Université de Montréal, un personnage, influencé par le nationalisme de survivance canadien-français, qui fut peut-être d’abord et avant tout un collectionneur passionné d’histoire. Tout au long de sa vie, Baby put profiter des papiers accumulés par les membres de sa famille, impliqués d’une façon soutenue dans l’administration et dans la vie économique de la colonie avant et après la Conquête, pour recueillir, auprès de ceux-ci, une documentation ancienne, impressionnante tant en quantité qu’en qualité, qu’il compléta par des visites auprès de ses amis. Rassembler des manuscrits, des brochures et des imprimés rares, c’était pour lui asseoir le présent et le devenir de ses compatriotes sur des bases solides sur lesquelles ils pourraient s’appuyer pour enrichir leurs connaissances.
L’inauguration de cette exposition fut aussi l’occasion de donner un aperçu d’une deuxième l’exposition, virtuelle celle-là et intitulée Les Canadas vus par les Canadiens (1750-1860) qui sera mise en ligne prochainement. Initiative de la Division des archives de l’Université de Montréal en partenariat avec le projet Modéliser le changement : les voies du français dirigé par la professeure France Martineau de l’Université d’Ottawa qui travaille, avec son équipe de recherche, sur l’évolution de la langue française au Canada, elle met en ligne plus de 200 documents originaux en français et en anglais tirés de la collection Baby. Les documents originaux, illustrant l’histoire canadienne sous ses aspects politique, économique, social et culturel de la guerre de la Conquête jusqu’à la Confédération, sont accompagnés de leur transcription, de notes historiques permettant de les situer dans leur contexte, de même que, fait à signaler, de commentaires linguistiques sur les particularités de la langue française au Canada. L’exposition virtuelle veut faire revivre notre patrimoine historique et culturel de façon à ce qu’il trouve preneur auprès de la jeune génération et que celle-ci puisse se l’approprier plus facilement; en ce sens, le site est conçu non seulement pour le grand public, mais aussi pour les élèves du primaire et du secondaire, les étudiants de niveau collégial et universitaire, les professeurs qui y trouveront des outils pédagogiques pour faciliter leur cours et les travaux pratiques à faire réaliser par leurs étudiants.
Pour plus d’information, se référer au site Web de la Division des archives et de la Direction des bibliothèques de l’Université de Montréal à l’adresse suivante : http://www.bib.umontreal.ca/centenaire-baby/default.htm
Gilles Durand
11 novembre 2006
Crédit :
Division des archives, Université de Montréal.
Collection Louis-François-George Baby (P0058)1FP06793.
Louis-François-George Baby / par Wm Notman & Son. – Montréal.
Moulins et meuniers du 17e siècle dans la vallée du Saint-Laurent : de nouvelles découvertes
Moulins et meuniers du 17e siècle dans la vallée du Saint-Laurent
De nouvelles découvertes
Michel Langlois fait part de ses découvertes sur les moulins et les meuniers de la vallée du Saint-Laurent au 17e siècle par des conférences, entre autres dans les sociétés de généalogie, et par sa toute dernière publication : Des moulins et des hommes, 1608-1700.
L’auteur a fait carrière comme historien et généalogiste aux Archives nationales du Québec à Québec. En plus de la publication mentionnée ci-dessus, il est l’auteur de nombreux volumes dans le domaine de la généalogie, dont deux guides généalogiques : Qui sont mes ancêtres et Cherchons nos ancêtres. Il a mis dix années de recherches intensives pour produire les quatre tomes du Dictionnaire biographique des ancêtres québécois. Il a également publié deux volumes dans le domaine de la paléographie, un volume sur le régiment de Carignan-Salière, un autre sur la Grande Recrue de Montréal en 1653. Il compte également à son crédit cent vingt-cinq articles dans les revues généalogiques et les journaux.
Les moulins à farine ont joué un très grand rôle chez nous jusqu’à leur disparition progressive il y a environ cent ans. Il y aurait long à dire sur chacun des moulins qui ont existé au cours de ces siècles. L’auteur a voulu, pour notre mémoire collective, rappeler l’histoire des moulins du dix-septième siècle, des meuniers qui les faisaient tourner et des charpentiers qui les ont fabriqués. Toute une législation existait au sujet des moulins. Nos ancêtres ne pouvaient y avoir accès le dimanche, ils étaient fermés. Les moulins des seigneuries hors des villes tombaient sous la loi du ban, ce pourquoi on disait d’un moulin d’une seigneurie qu’il était banal. Les censitaires de chaque seigneurie devaient obligatoirement faire moudre leurs grains au moulin banal de leur seigneurie. Se rendre au moulin pour y faire moudre ses grains, c’était l’occasion de prendre des nouvelles de tous et chacun.
Ces édifices étaient en quelque sorte un lieu de rendez-vous. Ils étaient construits avec minutie par des charpentiers spécialisés : une douzaine pour tout le dix-septième siècle. Parler des moulins, c’est également parler de leur fonctionnement, du vocabulaire particulier rattaché à ce genre d’édifice. C’est également rappeler la mauvaise réputation des meuniers qui, s’ils étaient reconnus comme des gens extrêmement débrouillards et astucieux, traînaient également une réputation de malhonnêteté trop souvent exagérée, en raison des dictons, des proverbes, des contes, des chansons qui les concernent tout en les décrivant bien.
C’est de tout ce petit monde du 17e siècle chez nous qu’il est question dans le dernier
Crédit : Olivier Lamarre,
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ouvrage de l’auteur: Des moulins et des hommes. C’est l’histoire des 97 moulins dont il a pu retracer l’existence au 17e siècle, celle des 102 meuniers qui les ont fait fonctionner et celle des 12 charpentiers qui les ont fabriqués. Aujourd’hui, il ne reste plus rien, sinon le souvenir, de ce patrimoine passé. Des photographies que l’auteur a réalisées au début des années mil neuf cent soixante-dix viennent témoigner du piètre état de ces édifices il y a 40 ans. D’autres images nous permettent de découvrir ce qu’on a fait pour sauver quelques-uns de ces monuments. Voilà dans les grandes lignes, le contenu de ce volume et de cet exposé sur ce précieux patrimoine, témoin d’une autre époque.
Michel Langlois
13 novembre 2006
L’héritage de Champlain dans le Nord-est américain toujours bien vivant
L’héritage de Champlain dans le Nord-Est américain
toujours bien vivant
La Franco-Américanie du Nord-Est américain, en dépit des pertes subies depuis la Deuxième guerre mondiale, tient à participer aux fêtes prévues pour 2008.
Avant d’aller plus loin, il serait peut-être bon de noter le fait que les Franco-Américains avaient réussi, au cours des années, à mettre en place 427 paroisses et 264 écoles où le français était à l’honneur. Lors des célébrations marquant le Centenaire franco-américain qui eurent lieu à Worcester, Mass. en 1949, les Franco-Américains pouvaient se targuer de leurs quatorze journaux de langue française publiés dans les villes dites franco-américaines, en raison du grand nombre de Franco-Américains qui y demeuraient, telles Fall River, Holyoke, Lewiston, Lowell, Manchester, Woonsocket, etc.
De nos jours, les sociétés de secours mutuel continuent à œuvrer de diverses manières à maintenir et à encourager des manifestations culturelles et à décerner des bourses pour l’étude du français.
Les Sociétés généalogiques sont florissantes. Quelques universités américaines manifestent leur intérêt pour le fait franco-américain qui découle des études québécoises. Claire Quintal fut invitée en avril dernier à prononcer le discours de circonstance devant un groupe de professeurs de français, Academic Women in French. Son sujet : « Images de la femme franco-américaine d’autrefois, d’hier et d’aujourd’hui à travers la littérature franco-américaine ». La Boston Public Library s’implique dans la mémoire du fait français. Elle a récupéré vingt-quatre cartes rares de la Nouvelle-France, volées par Forbes Smiley III, mais malheureusement trente-six autres, dont une de Champlain datant de 1613, restent à être retrouvées. Il ne faut pas oublier non plus que la Société historique franco-américaine, fondée en 1899 — et qui recevait en 1949 la visite du Premier ministre du Canada, le Très honorable Louis Saint-Laurent, au moment du cinquantenaire de l’organisme — fit apposer une plaque à l’aéroport de Boston pour commémorer les explorations de Samuel de Champlain le long de la côte de la Nouvelle-Angleterre au tout début du 17e siècle.
Les États ne sont pas en reste non plus. L’État de New-York conserve vivante la mémoire de la venue de Champlain. En 1907, donc deux ans avant les fêtes commémoratives du tricentenaire de la découverte et prise de possession en 1609, au nom du roi de France, du lac qui porte le nom de Champlain, F.-X. Chagnon, curé de la paroisse franco-américaine l’Assomption de la ville de Champlain dans l’État de New York avait fait ériger une statue de l’explorateur à côté de son église. Dévoilée le 4 juillet de l’année 1907, la statue porte l’inscription suivante : « À la mémoire de Samuel de Champlain, par les Franco-Américains, . . . Sa mémoire est une inspiration qui nous porte vers le vrai, le bien et le beau. . . . Comme notre patron Saint-Jean-Baptiste, il prépara les voies sur ce continent ». F.-X. Chagnon, à qui nous devons cet hommage à Champlain, vint au monde à Verchères en 1842. Il fut très actif dans les Conventions générales des Franco-Américains tenues dans diverses villes des États-Unis de 1865 à 1901 afin d’unir entre eux les Franco-Américains dispersés, non seulement à travers la Nouvelle-Angleterre, mais aussi dans l’État de New-York et dans le Midwest. Il a tant et si bien œuvré en faveur des siens qu’on l’a surnommé le « Père des Conventions générales ».
Au Massachusetts, on trouve dans le port de Chatham une stèle commémorative sur laquelle est gravé un hommage à Champlain. La ville de Chatham, Massachusetts, au Cap Cod — là où Champlain mit pied à terre en 1606 avec son équipage et d’où il rebroussa chemin vers l’Ile Ste-Croix après avoir exploré la côte de la Nouvelle-Angleterre — vient de monter une exposition sur Champlain et les Amérindiens Wampanoag qu’il y rencontra. L’exposition eut lieu au Atwood House Museum du 10 juin au 15 octobre, date du départ de Champlain de l’endroit. Le dépliant de l’exposition décrit de façon détaillée l’apport précieux de Champlain en ces mots : « En dépit de son bref séjour sur cette côte, Champlain nous laissa une description inestimable des lieux. Ses journaux . . . décrivent de façon détaillée ce qu’il vit et ce dont il a fait l’expérience. Ses dessins, y compris des croquis de plantes, de poissons, de navires, de villages et du peuple [Wampanoag], aussi bien que des escarmouches, nous fournissent un point de vue à travers lequel nous pouvons voir ce qu’il a observé il y a longtemps. Les cartes et les plans qu’il traça avec tant d’habileté sont encore exacts aujourd’hui. Comme résultat de ses vastes explorations et de ses activités, Champlain nous fournit un document historique d’une immense valeur ». Le jour de fermeture de l’exposition, le 15 octobre, une gerbe, en son honneur, fut lancée à la mer en présence des sommités de la ville.
Dans l’État du Maine récemment, le Maine Coast Heritage Trust remettait à la tribu amérindienne Passamaquoddy 5,5 acres de terrain où se trouvent Picture Rocks qui contiennent, outre des pétroglyphes de chasseurs et d’animaux, une représentation d’un grand bateau qu’on croit être celui de Champlain, aperçu par les autochtones lorsque celui-ci longea la côte en 1604.
Afin d’apporter la pierre franco-américaine à l’édifice commémorant la fondation de Québec, chaque État de la Nouvelle-Angleterre est en train de mettre sur pied un comité représentatif. C’est à l’Institut français de Assumption College à Worcester qu’a eu lieu le 18 novembre dernier une première réunion de concertation pour le Massachusetts.
Armand Chartier, auteur d’une Histoire des franco-américains, vient de terminer une recherche en profondeur sur les lieux du Midwest où les Français ont laissé leur empreinte, ayant auparavant prospecté le sud-est du Massachusetts, en collaboration avec Marcelle Fréchette. Claire Quintal et Eugena Poulin ont terminé un manuscrit sur La Gazette Françoise, publiée à Newport, RI par les Français qui y ont séjourné pendant onze mois, en 1780-1781, lors de la Guerre d’indépendance américaine.
Une visite récente à Moosup, Connecticut, nous révèle que les gens de cette petite ville n’oublient guère le fait que le Bienheureux Frère André, né Bessette, y travailla pendant trois ans avant d’entrer au noviciat des religieux de la Congrégation Sainte-Croix. Voilà la preuve, s’il en fallait une, que, contrairement à la boutade attribuée à Sir Georges-Etienne Cartier : « Laissez-les partir, c’est la canaille qui s’en va », même les futurs bienheureux participèrent à cette diaspora des Canadiens français vers les États-Unis.
Claire Quintal
Directrice fondatrice émérite
de l’Institut français
de Assumption College, Worcester, MA
20 novembre 2006