Bulletin n°29, décembre 2009
Exposition Le récit d’une guerre, 1756-1763
Exposition Le récit d’une guerre, 1756-1763
par Gilles Durand
Histoire, mémoire, commémoration
Crédit : Musée de la civilisation |
Le Musée québécois de la civilisation profite du 250e anniversaire de la bataille des plaines d’Abraham pour présenter une exposition sur la guerre de Sept Ans. L’exposition constitue un événement important pour la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC). Elle joue un rôle commémoratif et elle constitue un rappel, peut-être à l’occasion une mise au point sur le souvenir des péripéties et des suites de cette guerre : pour l’Amérique où « s’enchevêtrent le regard des conquérants et celui des conquis, la perception des vainqueurs et celle des vaincus »; pour la France où les années 1756-1763 ont « beaucoup moins marqué les imaginaires que les révolutions nationales et les guerres survenues depuis ».
Les coproducteurs et les partenaires de l’exposition
L’exposition est en montre jusqu’au 14 mars 2010. Elle est le fruit d’une collaboration avec le Musée Stewart1 pour sa production, et aussi avec des partenaires européens, dont le musée de l’Armée à Paris et le château de Versailles, pour le prêt de pièces. Elle met en montre de nombreux artéfacts de toute nature, maquette de fort, munitions, costumes, objets de la vie quotidienne, imprimés d’époque, mémoires, lettres, plans, etc. Le parcours est agrémenté de tableaux, dont les informations textuelles, préparées par l’historien Patrice Groulx, se signalent par leur sobriété et la qualité de leur présentation.
La relation franco-québécoise au cours de la guerre
Le récit d’une guerre rappelle la relation franco-québécoise soutenue au cours de ces années de conflits, qui, nous devons le reconnaître, avaient débuté bien plus tôt entre la Nouvelle-France et les colonies britanniques du Sud. Les combats mettent en cause, d’un côté deux métropoles, la France et la Grande-Bretagne, de l’autre deux colonies, la Nouvelle-France et celles que nous appelons les « Treize » du Sud. Pour la France, la Nouvelle-France constitue un réservoir de matières premières. Pour cette dernière, la mère patrie demeure une source incontournable : nominations, promotions, prise de décisions finales, ravitaillement et munitions, soldats professionnels dont un certain nombre prennent femme et terre dans la vallée du Saint-Laurent. La France supporte tout au long du conflit – voir la liste des départs de navires dans l’ouvrage Combattre pour la France en Amérique, p. 129-138 –, mais dans la mesure de ses ressources, bien inférieures à celles de sa rivale, la Grande-Bretagne. Tout au plus, réussit-elle, à la fin du conflit à atteindre son objectif dans sa dimension la plus minimaliste : « Quelque médiocre que soit l’espace que vous pourrez conserver, il est de la dernière importance d’avoir toujours un pied dans le Canada… (Québec, ville assiégée, 1759-1760, le ministre Belle-Isle à Montcalm, 19-02-1759) ». Le traité de paix signé en 1763 lui conserve une présence dans les pêches du golfe – la possession des îles Saint-Pierre et Miquelon.
Une information qui se démarque par son originalité
L’exposition délaisse le terrain auquel le public se restreint trop souvent, celui des plaines d’Abraham, pour élargir la vision du champ de bataille de 1759, un territoire qui de la vallée de l’Ohio et du lac Champlain se resserre progressivement autour des principales agglomérations de la vallée du Saint-Laurent. Elle met l’accent sur des événements moins connus, mais décisifs dans l’issue du conflit, comme la manœuvre des marins du général Saunders qui réussissent à faire passer des navires en amont de Québec et ainsi à semer le doute sur l’endroit d’un débarquement possible le long d’une côte mal défendue –depuis Batiscan jusqu’aux chutes Montmorency. Elle laisse la parole aux protagonistes du conflit, les grands en la personne des généraux, mais aussi aux acteurs plus humbles, tel le soldat de Montcalm qui ne désespère pas de pouvoir revenir à ses activités quotidiennes – malgré la rareté des témoignages. Par la voie de la technologie et de l’art dramatique, elle laisse les témoins exprimer les misères que la guerre leur occasionne, telle Madeleine Pothier, cette femme d’un soldat-milicien, ignorant tout du sort de son conjoint, laissée à ses propres moyens pour les corvées de la ferme, la récolte et la subsistance de la marmaille.
Crédit : Memodoc |
Une visite dont le parcours se poursuit au-delà de la dernière vitrine
L’exposition veut éveiller la curiosité du visiteur, l’inciter, une fois sorti de la salle, à porter attention aux rappels mémoriels qui l’entourent : parcs et espaces aménagés, monuments, toponymes, odonymes, peut-être un ouvrage à caractère généalogique resté en plan dans un vieil armoire de la maison. Le répertoire des soldats des troupes de Terre de la guerre de Sept Ans (Combattre pour la France en Amérique) pourra s’avérer le bon outil pour relier les premiers maillons d’une lignée ascendante…
D’autres activités sont aussi prévues en marge de l’événement. Consulter régulièrement le site Web du Musée de la civilisation
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Le directeur exécutif et conservateur en chef du Musée Stewart, Guy Vadeboncoeur, est également président du comité Musées de la CFQLMC.
Le patrimoine culinaire québécois : héritage des Premières Nations ou de la vieille France
Le patrimoine culinaire québécois :
héritage des Premières Nations ou de la vieille France
par Gilles Durand
Crédit : Château Ramezay |
L’héritage culinaire du Québec
Le Château Ramezay présente, jusqu’au 6 septembre 2010, une exposition sur les traditions alimentaires au Québec. Le visiteur peut se familiariser avec les aliments consommés par les habitants d’origine française : pain de blé, viande de bœuf, lard du porc – le porc est ici considéré comme source de gras pour la préparation des mets plutôt que comme viande à consommer, le lard étant délaissé au profit du beurre au milieu du 19e siècle seulement. Il peut découvrir les emprunts faits aux Premières Nations durant la période d’acclimatation au nouveau continent : maïs, viande de gibier, citrouilles, courges. En même temps, il peut tourner ce qui sera peut-être pour lui une nouvelle page d’histoire, l’apport des Britanniques au répertoire culinaire québécois : pomme de terre, sucre, thé. Toutes ces traditions et habitudes de consommation sont matérialisées par la présentation de plus de 1 000 artefacts comprenant vaisselle, ustensiles, équipements culinaires.
Plusieurs bonnes raisons d’aller voir l’exposition
L’exposition À table : traditions alimentaires au Québec se signale par la grande qualité de sa présentation, tant la mise en vitrine des artefacts que les textes descriptifs de chacun des objets présentés et de leur contexte. L’exposition présente aussi un intérêt particulier pour le visiteur préoccupé de la relation franco-québécoise. En arrivant en sol québécois, les premiers Français empruntent au patrimoine culinaire des Amérindiens, mais pour un temps seulement : à compter de 1690, c’est l’héritage de la métropole qui s’impose, le blé, la viande de bœuf, le lard du porc à l’encontre des habitudes des autochtones, maïs, viande de gibier, graisse d’ours.
Une publication pour approfondir le sujet et comme cadeau de Noël
Le visiteur intéressé à approfondir les influences qui ont marqué le patrimoine alimentaire du Québec au temps de la Nouvelle-France, peut se procurer la publication préparée par l’historien rattaché à l’exposition, Yvon Desloges. Intitulé À table en Nouvelle-France. Alimentation populaire, gastronomie et traditions alimentaires dans la vallée laurentienne avant l’avènement des restaurants (Québec, Éditions du Septentrion, 2009, 240 p.), l’ouvrage se démarque par sa mise en forme, ses illustrations et surtout par la variété et les sources de première main sur lesquelles il s’appuie : rapport découlant de fouilles archéologiques, relations et mémoires d’observateurs et de voyageurs, inventaires après décès et donations entre vifs accompagnées de pensions alimentaires préparés par les notaires de l’époque concernée. La compétence de l’auteur vient d’être reconnue encore une fois, celui-ci ayant été invité tout récemment, le 30 novembre 2009, à prononcer une communication sur le sujet au colloque organisé à Tours par l’Institut européen de l’histoire et des cultures de l’alimentation, rattaché à l’Université François-Rabelais
Pourquoi ne pas en profiter pour visiter aussi le château
Au temps de la Nouvelle-France, le Château Ramezay sert tour à tour de résidence (1706-1724) au onzième gouverneur de Montréal, Claude de Ramezay, de maison montréalaise aux intendants Claude-Thomas Dupuy (à vrai dire bien peu de temps, durant une semaine à l’été 1727) et Gilles Hocquart (1729-1745) de même que d’hôtel à la Compagnie des Indes (1745-1763). D’autres expositions et des activités variées se déroulent tout au long de l’année.
Hommage aux miliciens qui ont défendu la Nouvelle-France en 1759 et 1760
Hommage aux miliciens qui ont défendu
la Nouvelle-France en 1759 et 1760
par Esther Taillon
Crédit : Jacques Boutet,
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Sous la présidence d’honneur de monsieur Jacques Lacoursière avait lieu à Québec, le 13 septembre 2009, une manifestation commémorative pour honorer les miliciens canadiens et acadiens qui ont défendu la Nouvelle-France en 1759 et 1760. La Société historique de Québec, présidée par Jean Dorval, avait formé un comité composé de douze sociétés d’histoire et de généalogie de la région de Québec, dès le printemps 2009. Le public intéressé à l’histoire de ses racines fut donc invité à un défilé à partir du Jardin Saint-Roch, situé à l’angle des rues Saint-Vallier Est, côte d’Abraham et du Parvis où, entourés de plus de cent personnes, les présidents Lacoursière et Dorval prirent brièvement la parole. Précédés de drapeaux et de tambours, les marcheurs se sont ensuite rendus au cimetière de l’Hôpital Général de Québec où une courte cérémonie protocolaire eut lieu. Des certificats de lignée ascendante préparés par la Société de généalogie de Québec furent remis à 12 contemporains descendant en ligne directe d’un milicien de 1759 ou de 1760. Les noms des récipiendaires sont : André Courtemanche; Mario Daigle; Solange Deschênes; Denise Dupont; Paul Fortin; Florent Gingras; Henri-Paul Gingras; Charles Goulet; Monique Loranger-Tessier; André Marceau; Jacques Paquin et Pierre Provencher. De plus, les membres du comité ont procédé à l’appel nominal des 94 miliciens enterrés dans la fosse commune du cimetière de l’Hôpital Général. Une plaque commémorative fut par la suite dévoilée par Sœur Aline Plante, mairesse de la municipalité de Notre-Dame-des-Anges, Jacques Lacoursière et Jean Dorval. Ainsi, la mémoire de l’événement sera inscrite dans la pierre pour les générations futures.
Hommage aux miliciens : Mot de bienvenue
Hommage aux miliciens
Mot de bienvenue
par Jean Dorval
Crédit : Jacques Boutet, Société historique de Québec |
Bienvenue à vous tous, membres des sociétés d’histoire et de généalogie de Québec et tous les autres, intéressés par l’histoire et interpellés par la nécessité de garder la mémoire de ce qui s’est passé il y a 250 ans. Il est en effet essentiel de se souvenir des conséquences que le siège de Québec et ses nombreux bombardements ont eues sur la population civile, sur nos ancêtres. 1759, ce n’est pas seulement une bataille perdue : ce sont surtout les souffrances endurées par les habitants de Québec et la mort de centaines de miliciens, ces citoyens enrôlés pour la défense de leur pays.
Nous ne voulons pas souligner le travail des soldats. Nous voulons nous remémorer toutes ces victimes, miliciens et civils, qui ont subi cette guerre et ses conséquences. Et il est bien de se rappeler que cette guerre provoqua d’immenses bouleversements chez les Canadiens qui, depuis 150 ans, avaient pris racine dans ce grand pays. C’est un devoir pour nous de nous souvenir de leur sacrifice.
Ce courage qu’ils ont démontré, cette détermination qui a été le lot de ceux qui les ont suivis, tout cela nous a permis de devenir ce que nous sommes maintenant. Rappelons-nous notre histoire afin de continuer à nous épanouir comme peuple et comme nation.
Merci
Hommage aux miliciens qui ont défendu la Nouvelle-France : Rappel de la contribution des miliciens
Hommage aux miliciens qui ont défendu la Nouvelle-France
Rappel de la contribution des miliciens
Par Jacques Lacoursière
Crédit : Jacques Boutet,
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Pourquoi nous sommes-nous donné rendez-vous ici, au Jardin fleuri de Saint-Roch? Cet endroit est bien plus qu’un lieu de départ vers le cimetière de l’Hôpital-Général de Québec où reposent plusieurs miliciens qui ont donné leur vie pour la défense de leur coin de pays, il y a deux cent cinquante ans. Il y a cette plaque, rue Saint-Vallier, qui explique le pourquoi de notre choix. On y lit ce qui suit : «Honneur aux miliciens. Regroupés en ce lieu , autour d’une boulangerie, 200 miliciens canadiens et acadiens affrontèrent, de leur propre initiative et pour faire diversion, quelque 800 soldats de l’armée de Wolfe. Ils y laissèrent leur vie, au terme d’un combat acharné, mais permirent à ce qui restait de l’armée française de traverser le pont enjambant la rivière Saint-Charles et regagner leur campement en toute sécurité.» Cette plaque-souvenir a été inaugurée le 15 août 1997. Il faut se rappeler que le 15 août de chaque année est la fête des Acadiens. Ce sont le ministère des Affaires culturelles du Québec, la Commission de la capitale nationale et la Ville de Québec qui sont à l’origine de cet hommage aux miliciens de 1759.
Que l’histoire nous permette de reculer 250 ans dans notre passé. C’était donc le jeudi, 13 septembre 1759, vers dix heures et vingt minutes. La bataille sur les Plaines venait de se terminer. Les soldats réguliers français cherchaient à regagner leur campement de Beauport. Ils étaient attaqués, surtout par des militaires du 78e régiment Highlanders écossais qui avaient laissé tomber leurs fusils pour brandir leurs épées. Des soldats d’autres régiments se joignent à eux. Des miliciens canadiens et acadiens avaient décidé de s’interposer pour faciliter la retraite des soldats français. Ils y laissèrent leur vie!
L’historien Thomas Champagne raconte ainsi ce qui s’est passé, se basant sur les souvenirs de James Johnstone, qui était adjoint à l’état-major du général Montcalm. « Après être tombé vers onze heures sur les soldats britanniques qui avançaient en formation de croissant sur la route menant à la basse ville, James Johnstone réussit à fuir sous les balles et se retrouve au pied de la falaise. Sur un site situé au pied de la Côte d’Abraham, appelé le pré de la boulangerie, il voit les miliciens chassés précédemment du boisé, en train de se préparer à contre-attaquer. Sans qu’aucun ordre ne soit donné, deux cents d’entre eux se mettent spontanément en marche et remontent à la charge le chemin de campagne, arme à la main et hurlant des cris de guerre. Malgré leur impétuosité, ils savent ce qui les attend. (…) Les miliciens se replient vers la falaise au bout de quelques minutes, en continuant de tirer sur leurs poursuivants. Regroupés autour d’une boulangerie qui se trouvait sur le site actuel des Jardins Saint-Roch, rue Saint-Vallier, ils se battent jusqu’au dernier. »
Leur geste courageux a sans doute permis aux soldats réguliers français d’avoir la vie sauve! Honneur soit rendu aux miliciens, aussi bien canadiens qu’acadiens qui ont posé un tel geste et sacrifié leur vie!
Les soldats de la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France (1755-1760 )
Journée d’études internationale au château de Vincennes
et lancement de l’ouvrage
Combattre pour la France en Amérique.
Les soldats de la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France (1755-1760)
par Gilles Durand
L’écho d’un colloque déjà tenu à Québec
Description : De g. à d., Laurent Veyssière (ministère de la Défense de France), Serge Bernier (Directeur Histoire et Patrimoine au ministère de la Défense du Canada) , Jacques Mathieu (professeur à l’Université Laval) et Bertrand Fonck (Service historique de la Défense)Crédit : Marcel Fournier |
Le colloque sur la guerre de Sept Ans, tenu le 15 septembre 2009 à la chapelle du Musée de l’Amérique française, ne pouvait pas ne pas avoir d’écho en France. Durant plus d’un siècle et demi, la mère patrie a assuré la défense, l’administration et le soutien de sa colonie en Amérique du Nord. Jusqu’en 1760, il y avait de part et d’autre de l’Atlantique deux sociétés partageant la même langue et la même culture, vivant une même aventure, témoignant d’un même attachement au pouvoir royal.
Le Service historique de la Défense a repris le colloque de Québec en mettant l’accent sur la participation française
Le 1er octobre 2009, le Service historique de la Défense a organisé une journée d’études avec la collaboration de la Fédération française de généalogie, de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs et de la Délégation du Québec à Paris. Cette fois, l’accent a été mis sur la participation française à cette guerre dont l’Amérique a été l’un des théâtres d’opération. Il a par là orienté le programme retenu quant au choix des sujets déjà développés au colloque de Québec de même que des conférenciers chargés d’en faire la présentation. Soixante-quinze personnes, le maximum pouvant s’inscrire compte tenu des capacités d’accueil de la salle disponible au château, ont participé à l’activité avec le plus grand intérêt.
Le colloque a été clôturé par le lancement d’une publication phare
La journée s’est terminée par le lancement de l’ouvrage phare des activités commémoratives de la guerre de Sept Ans, Combattre pour la France en Amérique : les soldats de la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France, 1755-1760. La publication, abondamment illustrée, est le fruit du travail d’une équipe de généalogistes et d’historiens dans le cadre du Projet Montcalm, dirigé par Marcel Fournier. Pour mener le projet à terme, les participants ont mis à profit les archives du Service historique de la Défense et de d’autres dépôts d’Amérique et d’Europe afin de rappeler la contribution militaire de la France à sa colonie. Tout comme de ce côté-ci de l’Atlantique, la publication est grandement appréciée, tant par les études de mise en contexte de la guerre, les statistiques et les listes de navires qu’elle renferme, que par le corps de l’ouvrage, un répertoire à caractère biographique des quelque 7 500 soldats venus combattre en Nouvelle-France et dont près de 600 y sont demeurés en permanence à la fin du conflit.
Les lecteurs, qui oseront s’aventurer dans cette somme d’information sur la relation franco-québécoise, découvriront peut-être un soldat français des troupes de Terre parmi leurs ancêtres ou bien encore un volet de cette guerre qu’ils ignoraient. De son côté, en organisant cette activité, le Service historique de la Défense ne pouvait mieux remplir l’un de ses mandats, à savoir le développement de la recherche indissociable de la connaissance des fonds d’archives qu’il conserve.
Dévoilement d’une plaque souvenir au Jardin de l’Académie de marine de Brest et exposition pour marquer le départ des soldats et marins vers la Nouvelle-France
Dévoilement d’une plaque souvenir au Jardin de l’Académie
de marine de Brest et exposition pour marquer le départ
des soldats et marins vers la Nouvelle-France
par Gilles Durand
Brest, premier port d’embarquement des troupes pour la Nouvelle-France
de gauche à droite : Gisèle Monarque, présidente |
La Ville de Brest est le premier port d’embarquement des troupes pour la Nouvelle-France lors de la guerre de Sept Ans : environ 6 700 soldats sont partis de Brest pour l’Amérique (publication Combattre pour la France en Amérique : les soldats de la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France, 1755-1760, p. 138) comparativement à environ 2 700 combattants du port de Rochefort, qui vient en deuxième position. Aussi a-t-elle tenu à commémorer et à rappeler les liens indissolubles qu’elle partage avec le Québec et, plus largement, avec l’Amérique française.
Dévoilement d’une plaque commémorative
Le samedi 3 octobre 2009, la Ville a dévoilé une plaque souvenir au Jardin de l’Académie de marine, avenue Franklin Roosevelt, près du château de Brest. La plaque a été réalisée à l’initiative de la Société généalogique canadienne-française avec le soutien du Souvenir français, une association créée en 1887 dont le mandat est de conserver le souvenir de ceux et celles qui ont servi et honoré la France avec éclat. Elle constitue un témoignage fort de cette chaîne qui relie le Québec à la France et que les événements de l’histoire n’ont jamais pu briser :
Entre 1755 et 1760 plusieurs milliers de soldats et marins embarquèrent à Brest pour aller défendre la Nouvelle-France, vaste territoire français en Amérique du Nord qui s’étend de l’embouchure du Saint-Laurent au delta du Mississipi. Beaucoup perdirent la vie au combat. D’autres succombèrent à leur retour, lors d’une épidémie de typhus qui fit en 1757, plus de 10 000 victimes à Brest. À l’issue de la guerre de Sept Ans (1756-1763), qui marque la fin de la présence française en Amérique du Nord, plus de 600 d’entre eux se sont installés au Canada. Ils y ont fondé famille, tissant ainsi pour les générations futures des liens fraternels et indéfectibles avec la France. Cette plaque a été réalisée à l’occasion du 250e anniversaire de la mort de Montcalm à Québec, à l’initiative de la Société généalogique canadienne-française et avec le soutien de la Ville de Brest et du Souvenir français. Elle a été dévoilée le 3 octobre 2009. |
Conférence par Marcel Fournier sur le Projet Montcalm
Le même jour, trois conférences ont aussi été ouvertes à tous à l’auditorium du Musée des beaux-arts, dont l’une donnée par Marcel Fournier sur le Projet Montcalm et la publication qui en a résulté Combattre pour la France en Amérique : les soldats de la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France, 1755-1760, l’un et l’autre constituant le fruit du travail d’une équipe de généalogistes et d’historiens. Pour le directeur de ce projet et de la publication, ce fut l’occasion de démontrer que l’apport de la France a été loin d’être négligeable compte tenu des ressources à sa disposition. À la fin du conflit, quelque 600 soldats ont même décidé de s’établir en permanence au pays (Combattre pour la France en Amérique, p. 94).
Une exposition Brest et le Québec, la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France (1756-1763)
Le Service historique de la Défense a également apporté sa collaboration en préparant et en présentant, au 4, rue du Commandant Malbert, une exposition intitulée Brest et le Québec, la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France (1756-1763). En montre jusqu’au 15 décembre 2009, l’exposition ouvre une nouvelle page sur l’histoire de la guerre de Sept Ans, un événement qui n’a pas fini d’intéresser Français et Québécois sur les causes et les conséquences de la disparition du premier empire colonial français.
Le souvenir de Montcalm à l’occasion du 250e anniversaire de sa mort
Le souvenir de Montcalm à l’occasion
du 250e anniversaire de sa mort
par Gilles Durand
Montcalm à la tête de ses
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La commémoration de la mort de Montcalm et de la guerre de Sept Ans est l’occasion pour la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC) de rappeler le lien étroit et ancien qui relie le Québec à la France, une chaîne que l’histoire et les événements n’ont jamais pu rompre.
Du côté québécois
De ce côté-ci de l’Atlantique, la CFQLMC s’est impliquée dans le rappel de la relation franco-québécoise par l’intermédiaire de son président du comité Commémoration, généalogie et toponymie, Marcel Fournier. Celui-ci a su s’entourer d’appuis et de collaborateurs compétents et efficaces pour mettre sur pied le projet Montcalm, un projet destiné à raviver le souvenir des quelque 7 500 combattants français venus en Amérique pour défendre la Nouvelle-France. Le projet a donné naissance à une publication Combattre pour la France en Amérique, un point fort des événements commémoratifs de 2009. L’ouvrage renferme une courte biographie de chacun des soldats de terre. En plus d’éclairer le contexte de la guerre de Sept Ans par des contributions de spécialistes, il met sur la piste, celle des archives, pour retracer d’autres soldats appartenant cette fois aux troupes de la Marine. L’initiative de Marcel Fournier a été soulignée par le Service historique de la Défense en lui remettant la médaille d’honneur. Historiens et généalogistes ont à leur portée des données sur leurs ancêtres venus de France ou bien encore des clés pour se rattacher à ceux-ci dans le cas où la recherche est encore en friche. La CFQLMC a apporté son soutien non seulement à l’ouvrage, mais aussi à d’autres activités, tel le colloque sur la guerre de Sept Ans préparé par la Commission des champs de bataille nationaux en collaboration avec la Société généalogique canadienne-française et le Musée de la civilisation.
Du côté français
De l’autre côté de l’Atlantique, la CFQLMC – par le biais de sa section France – a reconnu l’engagement et la qualité de l’implication de ses partenaires. Elle s’est associée à la journée d’études organisée au château de Vincennes par le Service historique de la Défense, la Délégation générale du Québec et la Fédération française de généalogie, le 1er octobre 2009. Les mêmes thèmes que ceux développés au colloque de Québec ont été repris, mais cette fois devant un auditoire français. D’autres partenaires ont aussi tenu à remettre à l’ordre du jour la mémoire commune de Montcalm. La commune Vestric-et-Candiac a commémoré le 250e anniversaire de la mort du général par une journée spéciale : conférence par Marcel Fournier sur les soldats de la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France, dépôt d’une gerbe de fleurs au pied du monument Montcalm, visite du château de Candiac où celui-ci est né, etc. De son côté, le samedi 3 octobre 2009, la Ville de Brest a tenu une cérémonie commémorative pour souligner le départ de quelque 7 800 soldats et marins vers la Nouvelle-France. À cette occasion, elle a dévoilé une plaque réalisée à l’initiative de la Société généalogique canadienne-française avec le soutien de la Ville de Brest et du Souvenir français. Le Service historique de la défense a également organisé une exposition à Brest, intitulée Brest et le Québec, la guerre de 7 ans en Nouvelle-France (1756-1763), en montre jusqu’au 15 décembre 2009.
Rassemblement et dépôt de gerbes de fleurs dans le mausolée de Montcalm au cimetière de l’Hôpital-Général de Québec
Rassemblement et dépôt de gerbes de fleurs dans le mausolée
de Montcalm au cimetière de l’Hôpital-Général de Québec
par Gilles Durand
La Consule générale de France,
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Une initiative de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC) et de la Commission de la capitale nationale du Québec (CCNQ)
La CFQLMC et la CCNQ se sont associées pour rendre un hommage solennel, au cimetière de l’Hôpital-Général de Québec, au général Montcalm, décédé le 14 septembre 1759. Le décès est survenu à la suite de l’affrontement, le matin précédent, de l’armée française avec l’armée britannique du général Wolfe sur les plaines d’Abraham.
Le cimetière de l’Hôpital-Général de Québec, aussi appelé « Cimetière des pauvres »
Le cimetière de l’Hôpital-Général, situé sur un terrain adjacent à l’institution, renferme les dépouilles des personnes sans ressources de la région de Québec qui y sont décédées à compter de 1710. Lors de la guerre de Sept Ans, il reçoit également les corps de quelque 1 200 combattants, français, canadiens, amérindiens et, aussi, britanniques, ensevelis dans des fosses communes. En 1981, le cimetière est fermé. Quelques années plus tard, la Ville de Québec le restaure et le dote d’un mémorial pour raviver le souvenir des défenseurs de la Nouvelle-France : vaste espace carré délimité par des murets pour évoquer les fosses communes, avec dalles de pierre alignées portant les noms des soldats inhumés – les soldats décédés entre 1755 et 1760 nous sont connus par le biais du registre tenu par les Augustines –; installation d’une sculpture en granit et en bronze, intitulée « Traversée sans retour » et symbolisant l’entraide, le réconfort et l’espoir, avec barque implantée à l’arrière de l’œuvre. Mentionnons également l’élévation d’un mausolée avec sarcophage de granit, situé au cœur même du cimetière, pour recevoir la dépouille de Montcalm. La translation des ossements du général a lieu de la chapelle des Ursulines au cimetière le 11 octobre 2001 à l’initiative de la CCNQ. Désormais, Montcalm repose près de ses troupes.
L’hommage du 14 septembre 2009 rendu à Montcalm
La cérémonie commémorative du 14 septembre 2009, animée par le directeur des communications de la CCNQ, Denis Angers, se déroule en présence de plusieurs personnalités. Le député de Montmorency, Raymond Bernier, la consule générale de France à Québec, Hélène Le Gal, la députée de Taschereau, Agnès Maltais, et la supérieure du monastère de l’Hôpital-Général de Québec, Sœur Aline Plante, déposent chacun une gerbe de fleurs sur la tombe du général. Le comédien Paul Hébert déclame des extraits rendant hommage à Montcalm, tirés d’une conférence de Philippe Séguin, un grand ami du Québec, ancien ministre et ancien président de l’Assemblée nationale de la République française, actuellement premier président de la Cour des comptes de France – les extraits sont tirés d’une conférence magistrale prononcée en 2002. intitulée Revisiter Montcalm et publiée aux Éditions Fides. Enfin est lancé un appel aux morts de la guerre de Sept Ans visant à raviver le souvenir des quelque 1200 soldats de toute origine qui, pour le plus grand nombre, reposent près de celui qui demeure leur général.
Journée commémorative à Vestric-et-Candiac : allocutions, conférences, visite du château de Montcalm, concert …
Journée commémorative à Vestric-et-Candiac :
allocutions, conférences, visite du château de Montcalm, concert …
par Gilles Durand
Cérémonie commémorative à Vestric-et-Candiac
Activité commémorative au pied
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Les deux municipalités de Vestric et de Candiac (dans le sud-est de la France près de Nîmes), regroupées sous le nom de Vestric-et-Candiac, ont commémoré le 250e anniversaire de la mort de Montcalm, le samedi 26 septembre 2009.
Allocutions des invités
L’avant-midi a été marqué par les allocutions des invités d’honneur, dont celles de M. Gilbert Pilleul, secrétaire général de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, et de M. Marcel Fournier, directeur du Projet Montcalm et de la publication qui en a découlé, Combattre pour la France en Amérique : les soldats de la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France, 1755-1760. Ce dernier a entretenu l’auditoire des soldats des troupes de terre ayant combattu sous la direction de Montcalm.
Monuments Montcalm à Vestric et à Québec
Monument Montcalm
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La cérémonie a également été l’occasion de déposer une gerbe de fleurs au pied du monument Montcalm face au château de famille de Vestric, lieu de naissance de Louis-Joseph. Offert par le gouvernement du Canada au tout début des années 1900, le monument représente Montcalm grièvement blessé avec, à ses côtés, un ange le supportant de la main droite et s’apprêtant à le couronner de la main gauche. Il possède une réplique à Québec sur la Grande-Allée face à l’hôtel Le Concorde, dévoilée en 1911. L’Association Québec-France a déposé à ses pieds une gerbe de fleurs le 14 septembre dernier, jour anniversaire de la mort de Montcalm.
Visites des châteaux de famille à Candiac et à Saint-Véran
L’après-midi a été consacré à la visite de deux propriétés ancestrales en compagnie d’un des descendants de Montcalm, le baron Georges Savarin de Marestan : le château de Candiac dans lequel Montcalm a vécu avec sa famille, et celui de Saint-Véran, une autre propriété familiale ancienne. Les personnes intéressées pourront en apprendre davantage sur les bâtiments, monuments de même que sur la région d’origine de Montcalm, en consultant : Ces villes et villages de France, …berceau de l’Amérique française, vol. 9 : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon, entre autres, les pages 116 et 134 à 137
et l’Inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France.
Quelques mythes reliés à la guerre de Sept Ans
Quelques mythes reliés à la guerre de Sept Ans
par Gilles Durand
De nombreuses activités de commémoration
Le rappel et la commémoration du 250e anniversaire de la bataille des plaines d’Abraham et de la mort de Montcalm donnent lieu à plusieurs activités de commémoration de part et d’autre de l’Atlantique : dévoilement de mémorial, marche et rassemblement, dépôt de gerbes de fleurs, visites d’expositions, tenue de colloque et de journée d’études, lancement de publications dont un point fort des événements commémoratifs demeure le répertoire à caractère biographique des soldats des troupes de Terre qui ont combattu en Nouvelle-France au cours de la guerre de Sept Ans – voir suggestion de lecture ci-dessous. Toutes ces activités ont mobilisé plusieurs partenaires à titre d’organisateur ou de soutien : la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, la Commission de la capitale nationale du Québec, la Commission des champs de bataille nationaux, le Service historique de la Défense, le Musée de la civilisation du Québec, le Musée national des beaux-arts du Québec, le Musée Stewart, la Société généalogique canadienne-française, la Fédération française de généalogie, les sociétés d’histoire et de généalogie de la région de Québec, les Augustines de l’Hôpital-Général, la municipalité de Vestric-et-Candiac, la ville de Brest, plusieurs historiens, etc.
Tout en donnant le pouls de l’attachement à la France, l’ensemble des événements et des publications permet de mieux cerner le contexte du conflit, les témoins et les acteurs de celui-ci. À l’occasion, certaines découvertes faites à la suite des recherches peuvent remettre en question certaines idées préconçues. D’autres révèlent une contribution de la France beaucoup plus grande que nous ne l’aurions d’abord cru.
L’abandon de la Nouvelle-France par la mère patrie
L’abandon de la colonie par la France fait partie de la propagande britannique pour amener les habitants à déposer les armes à la suite de la conquête et à accepter le nouveau Régime. La mère patrie fait beaucoup pour conserver sa colonie laurentienne. Tout au long du conflit, elle envoie des troupes du ministère de la Marine et du ministère de la Défense terrestre, des munitions de guerre, du ravitaillement. Elle doit cependant tenir compte de ses ressources, devant se battre sur trois fronts, sur le continent européen, sur mer et dans ses colonies, à un moment où sa marine, le nerf de la guerre, est loin d’être en mesure de soutenir la concurrence de celle de la Grande-Bretagne. Plusieurs des secours qu’elle envoie ne parviennent pas à destination, un facteur explicatif de la perte de la Nouvelle-France aussi important, selon certains, que la faiblesse du poids démographique face aux treize colonies du Sud.
Pour évaluer à sa juste mesure la contribution de la France, nous devons aussi prendre en considération, entre autres choses, le mariage et l’établissement au pays de plus de 600 soldats des troupes de Terre (Combattre pour la France, p. 94), une révélation importante découlant des recherches du projet Montcalm.
Le mythe du Canadien « canadien »
S’il faut reconnaître que l’identité canadienne est en formation au temps de la guerre de Sept Ans, la notion de « canadianité » apparaît véhiculée par le dernier gouverneur général de la Nouvelle-France, Pierre de Rigaud de Vaudreuil, à des fins personnelles. Bénéficiaire de la réputation légendaire de son père, le gouverneur Philippe de Rigaud de Vaudreuil, Pierre de Rigaud de Vaudreuil est le seul gouverneur à être né au pays. Il utilise sa naissance canadienne pour progresser plus rapidement dans sa carrière. La correspondance qu’il achemine à la cour le démontre : « Il n’est pas nécessaire qu’il y ait d’officier général à la tête de ces bataillons [troupes de terre]… Je ne dois pas vous dissimuler, Monseigneur, que les Canadiens et les Sauvages ne marcheraient pas avec la même confiance sous les ordres d’un commandant des troupes de France que sous ceux des officiers de cette colonie (Cité dans Le Peuple, l’État et la Guerre, p. 371). »
En réalité, Français et habitants de la vallée du Saint-Laurent deviennent des Canadiens plus tard, à la suite de la conquête britannique. Pour le moment, ils se considèrent tous sujets du roi Louis XV. Ils en attendent support, nomination, promotion, etc. Le 12 mai 1759, l’officier français Jérôme de Foligné écrit dans son journal : « A huit heures du soir arriva Mr. de Bougainville […] Son arrivée causa tant de joye que dans l’instant son arrivée fut repandue par toute la ville, cette nouvelle etoit d’autant plus interessante qu’elle annoncoit une flotte, dans peu, de dix sept vaisseaux venant de Bordeaux chargés de munitions de guerre et de bouche […] Jamais joye ne fut plus générale elle ranima le cœur de tout un peuple… (Québec ville assiégée, p. 30). L’attachement au roi apparaît encore lorsque Bougainville repousse avec son détachement une attaque des Britanniques à la Pointe-aux-Trembles (Neuville) : celui-ci, de noter l’auteur anonyme du Journal du siège de Québec (p. 115), « a vu son cheval blessé entre ses jambes, ce qui l’a fait tomber à terre; les ennemis l’ayant aperçu l’ont cru mort et ont aussytôt crié houra, mais il s’est relevé et a fait crier : vive le Roy ». En 1763, c’est toujours le même sentiment d’affection et de fidélité à la France, exprimé par l’annaliste de l’Hôpital-Général de Québec : « On ne peut, Monseigneur, dépeindre au naturel la douleur et l’amertume qui s’est emparée de tous les cœurs à la nouvelle de ce changement de domination; on se flatte que quelque révolution que la Providence suscitera nous remettra dans nos droits (Le Devoir, Défaite ou cession? 25 août 2009). »
À l’époque, la participation à des groupes d’intérêt et l’affiliation à des réseaux assurent l’avancement personnel, parfois autant que les qualités personnelles. Pour s’être aliéné Nicolas Sarrebource de Pontleroy, devenu ingénieur en chef de la colonie, Michel Chartier de Lotbinière, officier dans les troupes de la Marine et ingénieur militaire, se fait suivre par une réputation d’incompétence : « M. de Lotbinière… a fait faire un pont sur la rivière du Cap Rouge, d’une construction nouvelle; les voitures, au lieu de passer dessus comme à l’ordinaire, passent par-dessous; cet ouvrage est digne d’une tel inventeur (Journal du siège de Québec, p. 69-70). » À l’inverse, des appuis dans la colonie et à la cour peuvent compenser un insuccès. Chargé de bloquer, à l’île aux Coudres, l’avance des Anglais dans le fleuve à l’aide de cageux (radeaux), Charles-François Tarieu de Lanaudière les brûle à l’arrivée de la flotte anglaise en mai 1759 et bat en retraite. À la suite de cette opération peu reluisante, le gouverneur Vaudreuil et l’intendant Bigot lui confient la responsabilité de réquisitionner du bétail auprès des habitants pour nourrir les troupes. L’auteur anonyme du Journal du siège de Québec écrit que « cette nouvelle dignité lui est plus lucrative que la première; d’ailleurs un coup de corne n’est pas si à craindre qu’un coup de canon qui fait très souvent la récompense des bons officiers (p. 78) »; plus loin, il ajoute : « M. de Lanaudière, chevalier de St. Louis, est à présent le grand Bouvier du munitionnaire; cette nouvelle charge lui est plus lucrative qu’honorable; tout le monde en rit mais il trouve son compte et sa sûreté (p. 100). » L’auteur anonyme exagère probablement, mais il n’en demeure pas moins que de Lanaudière est qualifié, dans une liste apostillée des officiers, de « Riche, officier très médiocre (Journal du siège de Québec, Notes, p. 149) ».
La guerre à l’européenne ou la guerre à la canadienne
On fait beaucoup état de l’opposition Montcalm « le Français »-Vaudreuil « le Canadien » sur la façon de mener la guerre. Dans son journal, Montcalm adresse plusieurs reproches à Vaudreuil, celui qui de supérieur est devenu subordonné à compter de 1758 : « Notre gouvernement ne vaut rien, écrit-il dans sa correspondance le 12 avril 1759… nulle confiance en Monsieur de Vaudreuil ny Monsieur Bigot (Québec ville assiégée, p. 26) ». « Nouveaux embarras pour la défense de Québec, n’y ayant rien de fait et point de ressources pour faire; suite nécessaire de la prodigieuse sécurité de M. le marquis de Vaudreuil », fait-t-il écrire dans son Journal le 23 mai 1759 à l’approche de la flotte britannique sur le fleuve (Québec ville assiégé, p.34). Plus loin, en date du 6 septembre 1759, face à l’armée française qui bombarde les vaisseaux qui contournent la ville pour remonter en amont, sans canonner en même temps les batteries ennemies installées à Pointe-Lévy, il fait consigner dans son Journal : « On gardait la poudre pour tirer sur les vaisseaux, et moi je dis qu’on la gardait pour les moineaux (Québec ville assiégée, p. 174). » De nouveau, le 10 septembre 1759, il ne peut s’empêcher de mettre en doute la crédibilité du gouverneur : « Le Canadien [Vaudreuil] confiant espère beaucoup des coups de vent communs dans cette saison. Mais il nous a si souvent donné de fausses espérances sur le secours des éléments, que l’on doute fort de la vérité de ses prophéties, qui ont perdu tout leur crédit (Québec ville assiégée, p. 182). »
L’opposition entre les deux hommes n’apparaît pas s’expliquer uniquement par le fait que Montcalm est familier avec la guerre à l’européenne en bataille rangée alors que Vaudreuil préfère la « petite guerre » offensive. D’un côté, il est loin d’être sûr que le premier ignore tout de la guerre d’embuscade. De l’autre, Vaudreuil est présenté comme « le seul gouverneur de la Nouvelle-France qui n’a pas d’expérience militaire. Sa participation à la campagne de 1728 contre les Renards ne peut en tenir lieu (Le Peuple, l’État et la Guerre, p. 625). » L’auteur anonyme du Journal du siège de Québec nous en laisse un portrait peu inspirant lors de la bataille du 13 septembre 1759 : « Pendant l’action M. de Vaudreuil a paru sur la coste étant en calèche, sa vue n’a fait qu’augmenter la déroute, et lui-même a décampé aussitôt et a repassé le pont de la petite rivière [rivière Saint-Charles] où il y avait au moins 3 à 4000 hommes qui y avoient été arrêtés (p. 130). »
Le mythe du Canadien féroce et belliqueux
Les journaux de campagnes militaires conservés dans les archives sont pour la plupart rédigés par des officiers français. Les habitants, conscrits pour servir dans la milice, ont laissé peu de traces permettant de retracer leurs qualités, leurs sentiments et leurs états d’âme. La rareté de leurs témoignages n’empêche toutefois pas Louise Dechêne de remettre en question l’image traditionnel du milicien canadien à l’instinct belliqueux, naturellement porté au combat et à la guerre.
À l’époque, l’habitant de la vallée du Saint-Laurent est pacifique; son horizon se limite en grande partie à sa famille, à sa ferme et à sa paroisse. Tout en n’étant pas un soldat professionnel, entraîné à observer une grande discipline et à défier le danger, il n’en apporte pas moins un soutien indispensable aux soldats des troupes de la Marine dans les rangs desquelles il combat, et aux troupes de Terre. Montcalm sait d’ailleurs à l’occasion reconnaître leur contribution : « …À la vérité si tout ce qui est soldat habitans est prevenu et se presente en armes, je pense qu’il n’y a rien à craindre (Québec ville assiégée, p. 146), trouvons-nous dans sa correspondance à propos d’une tentative possible de débarquement des Britanniques à Trois-Rivières. Lors de la débandade de l’armée le 13 septembre 1759, 200 miliciens apportent un appui indispensable… jusqu’à y laisser leur vie. De plus, le comportement des troupes françaises ne leur est pas spécifique. Les troupes britanniques font de même sur le champ de bataille lors de revers. « A peine entrées, le feu de notre mousqueterie les [les troupes britanniques] a mises en désordre, et elles se sont rembarquées (Ibid., p. 110) », trouvons-nous dans le Journal de Montcalm, en date du 31 juillet 1759, lors de l’attaque de Montmorency. Même chose à la Pointe-aux-Trembles le 7 août 1759 : « Les ennemis à cette descente pouvaient avoir, par l’estimé de leurs berges, environ 1200 hommes… où ils furent reçus par un feu étourdi; à la seconde décharge, les berges anglaises regagnèrent le large… M. de Bougainville m’a assuré qu’il a vu 7 berges dans lesquelles il pouvait y avoir 50 hommes dans chaque, et qu’il n’en a remarqué dans chaque que 4 ou 5 en état de ramer (Ibid., Journal de Panet, p. 128) ». Lors de l’attaque victorieuse de Lévis le 28 avril 1760, nous trouvons un commentaire semblable : « Mais ils se retirèrent avec tant de précipitation…Ils abandonnèrent toute leur artillerie, munitions, outils, morts et blessés… (Ibid., Journal des campagnes du Chevalier de Lévis, p. 244). »
Les aptitudes militaires du milicien canadien comme faisant partie de son bagage génétique constituent une affirmation lancée par Vaudreuil pour avoir le haut commandement non seulement des troupes de la colonie (Marine et milice), mais aussi des troupes de Terre. La milice est indispensable pour vaincre les Britanniques. Lui seul se dit capable de l’utiliser pleinement : « Je me flatte de posséder les cœurs et la confiance des colons et leur sensibilité (Le Peuple, l’État et la Guerre, p. 372) ». Mais c’est bien en vain qu’il adresse ces commentaires à la cour.
Les misères de l’habitant sous le Régime français, les bienfaits de la conquête britannique
Lors de la guerre de Sept Ans, l’habitant est fortement mis à contribution par l’administration royale et coloniale. S’il ne verse pas d’impôt, il doit payer de sa personne, comme conscrit dans la milice, pour la construction de fortifications, pour le logement des troupes, pour le transport de vivres et de munitions; il doit aussi fournir des vivres aux troupes chargées de la défense de la colonie. Par contre, la période qui suit la conquête est souvent présentée comme un temps de répit : l’habitant peut reprendre son train quotidien sous l’œil bienveillant et admiratif de Murray à l’endroit du courage, de la foi et du conservatisme des Québécois. En fait, la vie est-elle si facile? Au lendemain de la capitulation de la Nouvelle-France en 1760, les habitants peuvent retourner dans leurs paroisses et prendre possession de leur terre, habitation et effets. « Mais, quels biens veut-il [le brigadier Monckton] que nos habitants aillent occuper après les ravages qu’il a fait commettre…C’est à ce jour, s’exclame l’officier français Foligné, qu’on vit sortir du fond des bois nos pauvres femmes traînant après elles leurs petits enfants mangés des mouches, sans hardes, criant la faim… (Le Peuple, l’État et la Guerre, p. 417-418) ».
Les recherches actuelles font état de miliciens faits prisonniers. Elles mentionnent plus de 4000 retours en France jusqu’aux années 1770. Les membres de l’élite, ceux qui dépendent de l’administration royale pour leur emploi et leur subsistance, quittent. De même, des Canadiens appartenant aux classes populaires. D’autres doivent rester, ceux qui, vivant de la culture de leur terre, n’ont d’autre choix. Pour ceux-ci, nous devons nous poser la question sur ce qu’ils doivent endurer. Des situations comme la mise à mort par Murray, le 22 mai 1760, du meunier Nadeau pour avoir incité ses compatriotes à la révolte et poussé l’attachement à la France, nous invitent à pousser plus loin les enquêtes dans les archives sur ceux qui refusent de se rallier au nouveau Régime (L’Année des Anglais, p. 109). Tout n’a pas été dit et écrit sur ceux qui sont demeurés dans la vallée du Saint-Laurent après 1760 et sur la « condescendance » de Murray…
Pour mieux se souvenir
Le rappel de la bataille des plaines d’Abraham et de la mort de Montcalm suscite des travaux à caractère généalogique et historique. Les Québécois ont maintenant à portée de la main des informations qui remettent en question le mythe de l’abandon de la France et qui permettent de découvrir, peut-être de redécouvrir, l’apport important de la France et des premiers Français au développement du Québec. En même temps, ils disposent de données pour vérifier si un de leurs ancêtres peut être rattaché aux soldats des troupes de Terre. Pour les autres, les soldats des troupes de la Marine et les miliciens, ils disposent de pistes permettent d’entreprendre une enquête semblable.
Montcalm, homme de cœur, soldat courageux mérite qu’on ne l’oublie pas
Montcalm, homme de cœur,
soldat courageux mérite qu’on ne l’oublie pas
par Michèle Marcadier
France
En 2009, des sites Web français rendent aussi hommage à Louis Joseph, Marquis de Montcalm de Saint-Véran.
- Les Archives de France ont mis en ligne une très belle page commémorative de la vie et de l’œuvre du marquis. L’auteur conclut son article avec une certaine émotion « Montcalm, homme de cœur, soldat courageux, mérite qu’on ne l’oublie pas »
- Le ministère de la Défense français qui a donné à une frégate, le nom de l’illustre officier du roi, n’est pas en reste. La page de son site consacrée à son redoutable navire évoque la vie du marquis
- Un site des villes jumelées met également en ligne une biographie du général et on y trouve un médaillon et la reproduction du célèbre tableau de la mort de Montcalm.
Des initiatives individuelles rendent également hommage à Montcalm
- Plus rare sans doute et moins convenu, le site l’Armorial du Pays d’Oc nous propose la généalogie des Montcalm et replace notre général dans sa filiation.
- Le site Herodote.net relate la mort du général le 14 septembre 1759 et évoque les multiples aspects de son commandement en Nouvelle-France
- C’est un témoignage de mémoire que poursuit le site de l’ordre de Saint-Véran qui s’est donné comme objectif « d’honorer … tous celles et ceux qui contribuent par leurs actions à perpétuer le souvenir du fait Français aux Amériques… Cette confrérie aura son siège au Château de Saint-Véran, fief historique de la famille de Montcalm »
- Des initiatives particulières peuvent être glanées sur le net, ainsi cette page personnelle.
- Montcalm est un pic en Ariège, mais c’est aussi un nom exploité commercialement : gîtes, restaurant, terrain pour l’aventure, etc. Le manoir ancestral n’oublie pas de rappeler son illustre occupant, sur le site commercial consacré à son vignoble.