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Bulletin n°30, juin 2010

L’état des sciences en Nouvelle-France : conférence prononcée par Yves Gingras devant les membres de la Société généalogique canadienne-française

L’état des sciences en Nouvelle-France :
conférence prononcée par Yves Gingras
devant les membres de la
Société généalogique canadienne-française

 

par Gilles Durand
Gilles_du@hotmail.com

 

Yves Gingras - conférence sur l'état des sciences en nouvelle-France

Yves Gingras, conférencier
Crédit : Gilles Durand

Dans le cadre des rencontres mensuelles organisées par la Société généalogique canadienne-française à la Maison de la généalogie à Montréal, Yves Gingras, professeur à l’Université du Québec à Montréal, prononce, le 13 janvier 2010, une conférence sur l’état des sciences en Nouvelle-France. L’exposé est l’occasion d’une réflexion féconde de la part des auditeurs présents.

 

Le contexte scientifique des 17e et 18e siècles coloniaux

À l’époque, la Nouvelle-France se développe dans un contexte mercantiliste. Elle constitue pour la mère patrie, la France, un continent à traverser pour obtenir les épices de l’Asie de même qu’un réservoir de matières premières à exploiter pour subvenir à ses besoins. Dès lors, les sciences utilisées sont celles qui supportent ces objectifs : l’astronomie et l’hydrographie pour évaluer la distance et le temps de la traversée par les navires, pour repérer leur position en mer et pour naviguer en toute sécurité sur les voies d’eau intérieures en tenant compte de leur profondeur, des côtes et des écueils; la cartographie pour reproduire le tracé des régions côtières et la position des endroits stratégiques de même que pour délimiter la propriété de ceux qui s’établissent sur le nouveau continent; la botanique, alors inséparable de la médecine, la minéralogie et la zoologie pour encadrer l’observation des spécimens et des espèces, l’étude de leurs caractéristiques – et de leurs propriétés médicinales dans le cas des plantes –, de leur milieu naturel et des possibilités d’exploitation; enfin l’anthropologie ou ce qui en tient lieu à l’époque pour étudier avec objectivité les façons de faire, les mœurs, les coutumes et les croyances des habitants.

 

Des cartographes, ingénieurs et hydrographes

Dans chacun de ces champs du savoir, un certain nombre de Français, parmi ceux qui tentent l’aventure en Amérique du Nord, correspondent avec les savants européens et les alimentent. Ils facilitent le passage d’une vision magique de la réalité à une vision plus scientifique. Dans le but d’illustrer les comptes rendus de ses voyages, Samuel de Champlain se démarque par la préparation plus rigoureuse de cartes – en particulier la carte de 1632 –, faites à partir de levés authentiques. Deux ingénieurs en Nouvelle-France donnent une base plus solide aux travaux d’arpentage : le premier, Jean Bourdon, ingénieur du gouverneur, uniformise l’unité de mesure; le second, Martin Boutet, professeur de mathématiques et d’hydrographie au Collège des jésuites, ingénieur du roi, fait de même pour les instruments utilisés par les arpenteurs, et assure l’accès à la profession de gens compétents. Dans le quatrième quart du 17e siècle, Jean-Baptiste-Louis Franquelin prend la succession de Jean Bourdon et de Martin Boutet comme cartographe, ingénieur et hydrographe du roi. Il laisse une vingtaine de cartes comptant parmi les plus belles, faisant le point sur l’état des découvertes sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre, dans la vallée du fleuve Saint-Laurent et, à l’intérieur du continent, dans la vallée du Mississippi.

 

Les sciences de la nature à l’honneur

Dans le champ de l’histoire naturelle, Michel Sarrazin et Jean-François Gaultier, deux médecins du roi, font leur marque comme correspondants de l’Académie royale des sciences. Ils constituent aussi la main à distance des scientifiques français. Poursuivant les habitudes de collecte de Champlain et de Louis Hébert, ils rassemblent des spécimens de plantes, de minéraux et d’animaux qu’ils expédient outre-Atlantique, accompagnés de notes d’observation; de la sorte, les académiciens français peuvent constituer des collections d’envergure internationale et donner une portée plus générale à leurs conclusions. Gaultier répond également à des préoccupations plus utilitaires de la mère patrie, par exemple en recueillant des données météorologiques permettant de relier climat et production agricole.

 

L’observation et l’étude des premiers occupants

Les premiers Français ont aussi fait progresser la connaissance des habitants des territoires découverts. C’est le cas du jésuite Joseph-François Lafitau, qui séjourne au Sault-Saint-Louis de 1712 à 1717. Il n’hésite pas à prendre ses distances face aux conceptions anciennes et aux idées préconçues de certains Européens, qui les amènent à sous-estimer et à sous-utiliser le savoir et les remèdes des autochtones. Éveillé aux idées du Siècle des lumières, Lafitau observe les mœurs, les coutumes et les façons de faire de la société iroquoise avec beaucoup d’ouverture, tentant de les expliquer par l’entourage et le contexte de vie. Il produit un ouvrage remarquable, Mœurs des Sauvages amériquains comparés aux mœurs des premiers temps, qui peut être considéré comme l’un des premiers traités d’anthropologie.

 

L’appui et le soutien de l’État

En Nouvelle-France, les sciences se développent avec l’appui de l’État. Le souverain joue un rôle d’abord indirectement, par le biais de lieutenants généraux qui font appel à des collaborateurs de talent, tel Champlain. Par la suite, il intervient plus directement, par l’intermédiaire de ses ministres, dans le choix d’hydrographes et de médecins qui reçoivent un statut officiel, par exemple médecin du roi. Le souverain rend aussi l’organisation scientifique de la France mieux adaptée au contexte colonial. En 1635, il crée le Jardin royal des plantes médicinales qui s’ajoute aux jardins des facultés de médecine. Il met sur pied en 1666 l’Académie royale des sciences dont les membres suscitent des activités de collecte et d’observation de la part de correspondants dans la colonie, tel Michel Sarrazin et Jean-François Gaultier. L’administration royale utilise aussi les militaires de la colonie comme la main des scientifiques français. Elle leur demande d’observer, lorsque leur fonction première leur en laisse le loisir, pour y déceler les espèces intéressantes, rassembler des graines et des plants et les faire parvenir outre-mer pour compléter les collections.

 

Histoire des sciences au Québec de la Nouvelle-France à nos jours

Crédit : Éditions du Boréal

Pour en savoir davantage sur l’histoire des sciences au Québec

Les personnes intéressées à en savoir davantage sur le développement des sciences en Nouvelle-France, sur l’intégration des réalités géographiques, naturelles et humaines de la colonie aux connaissances des savants européens, sont invitées par le conférencier à faire la lecture de l’ouvrage dont il est coauteur : Histoire des sciences au Québec de la Nouvelle-France à nos jours, nouvelle édition. Elles y trouveront aussi une information abondante et riche sur les périodes postérieures jusqu’au début du 21e siècle : naissance des sociétés savantes, enseignement des sciences au niveau universitaire et développement de la recherche en réponse à l’industrialisation du Québec, formation des chercheurs québécois à l’étranger, en particulier en France, etc.

 

Voir aussi l’ouvrage : Les premiers Français au Québec sous la direction de Gilbert Pilleul, Paris, Archives & Culture, 2008, p. 170-171.

Les soldats des troupes de la Marine en Nouvelle-France durant la décennie 1750 : origine, recrutement et devenir

Les soldats des troupes de la Marine en Nouvelle-France
durant la décennie 1750 : origine, recrutement et devenir

 

 

par Gilles Durand
Gilles_du@hotmail.com

 

le conférencier Rénald Lessard etJacques Olivier

Le conférencier Rénald Lessard et Jacques Olivier
Crédit Gilles Durand

Dans le cadre des rencontres mensuelles qu’elle organise, la Société de généalogie de Québec a invité Rénald Lessard, historien et coordonnateur des services au public au Centre de Québec de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, à prononcer une conférence sur les troupes de la Marine en Nouvelle-France le 20 janvier 2010. Cent neuf personnes ont assisté à la conférence, voyant là une occasion de trouver peut-être un maillon qui relie leur ancêtre à la France ancestrale.

 

Un portrait d’ensemble

Les troupes de la Marine se différentient des troupes de Terre. Les premières relèvent du ministère de la Marine qui a charge des colonies. Elles servent sur les navires, dans les ports et assurent la défense des colonies. Les deuxièmes, relevant du ministère de la Guerre, constituent l’armée régulière chargée d’assurer la défense du territoire français. Les troupes de la Marine sont organisées en compagnies indépendantes les unes des autres, tandis que les troupes de Terre sont divisées par régiments composés chacun d’un plus grand nombre de soldats. En ce qui concerne l’origine, les troupes de la Marine et celles de Terre sont françaises, à l’exception des officiers commandant les premières. Au début des années 1750, ces derniers sont pour les trois quarts nés au Canada.

 

L’importance des troupes à travers le temps

Les troupes de la Marine sont présentes durant la plus grande partie de la période de la Nouvelle-France. Jusqu’en 1755, elles constituent les seules forces régulières de la colonie. Leur histoire débute en 1683 quand le ministère de la Marine décide d’avoir ses propres soldats pour la défense de ses colonies sans avoir à faire appel aux troupes du ministère de la Guerre. Dans la première moitié du 18e siècle, le ministère de la Marine envoie, au Canada et à l’île Royale, moins de 200 recrues par année pour combler les pertes par décès et licenciements.

 

Au début des années 1750, les troupes de la Marine comptent près de 1 600 soldats et sous-officiers en service au Canada et à l’île Royale. Durant la décennie marquée par la guerre de Sept Ans, le ministère augmente le nombre de compagnies de même que le nombre de soldats dans chacune. Plus de 4500 recrues sont envoyées au Canada et à Louisbourg, portant le nombre de ceux qui servent dans la colonie à plus de 6 100 soldats. L’effort de la France est sans précédent si nous tenons compte de plus de 7 500 officiers et soldats des troupes de Terre envoyés par le ministère de la Guerre à compter de 1755.

 

Le territoire d’opération des troupes

Le territoire d’opération des troupes de la Marine est à l’image de l’étendue de l’empreinte française à l’intérieur de l’Amérique du Nord, soit dans la partie de l’Acadie demeurée possession française, dans la vallée du Saint-Laurent, dans la région des Grands Lacs et dans la vallée du Mississippi jusqu’à son embouchure. Elles servent dans les villes de garnison, Québec, Montréal et Trois-Rivières, dans les forts et les postes de traite disséminés sur le continent. Les troupes affirment les prétentions de la mère patrie et protègent ses territoires de traite contre les empiètements des colonies anglaises trop à l’étroit sur un territoire enclavé entre l’Atlantique et les Appalaches.

 

Affiche de recrutement sous Louis XV

Crédit Wikipédia
L’encyclopédie libre

Le mode de recrutement des troupes

Le recrutement des troupes de la Marine se fait par des officiers français et canadiens sur le territoire français. À compter des années 1750, les besoins augmentent tellement que l’État doit faire appel à des recruteurs privés. Ceux-ci parcourent le royaume pour trouver des candidats. Leurs efforts sont récompensés. Le bassin de recrutement ne se limite plus aux régions côtières, tels le Poitou-Charentes, la Bretagne et la Normandie. Des régions traditionnellement absentes, l’est et le sud de la France, fournissent leur quote-part. Même l’initiative du chevalier Alexis Magallon de la Morlière de faire appel à des déserteurs, réfugiés dans les pays étrangers, est couronnée de succès. Il est en de même du mandat confié à Jean Chrétien Fischer de lever aussi des volontaires à l’étranger pour alimenter les départs pour la Nouvelle-France.

 

Contribution des troupes à la présence française en Amérique du Nord

Les compagnies de la Marine, plus de 6 000 soldats et 500 officiers, ont apporté une contribution significative à la défense du Canada et de Louisbourg. Les soldats ont servi en compagnie des miliciens canadiens et des Amérindiens, plus rarement en compagnie des troupes de Terre. À la suite de la capitulation de la Nouvelle-France, la majorité des recrues françaises sont retournées en Europe, mais au moins 600 soldats se sont mariés au pays. Ils ont contribué à l’enracinement du fait français en Amérique du Nord en prenant terre et en laissant des descendants.

 

Les archives et leur exploitation

Plusieurs traces existent de la présence des troupes de la Marine sur le territoire de la Nouvelle-France : contrôles militaires, actes notariés, registres d’état civil et registres d’hospitalisation. Par contre ces documents sont dispersés.

 

Du côté français, les Archives nationales d’outre-mer conservent des rapports d’inspection et des revues de compagnies, des rôles de recrues envoyées aux colonies, des états de troupes entretenues au Canada, des bordereaux de recettes et de dépenses, des listes de soldats mariés ou retournés en France à la fin de la guerre de Sept Ans.

 

Le Service historique de la défense et son antenne rochefortaise conservent, pour leur part, des listes d’embarquement, des listes de soldats arrivés à Québec et des états de soldats tués et blessés.

 

Pour compléter leur information, les chercheurs ont grand intérêt à se rendre au Public Records Office de Kew en Angleterre qui conserve des listes de soldats des troupes de la Marine. Les documents proviennent d’états dressés par le conquérant britannique à la fin de la guerre ou de prises sur des navires français capturés par la marine britannique.

 

Du côté québécois, mentionnons, entre autres, les fonds et collection des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec – voir Les carnets du patrimoine. Ils renferment les registres des malades dans lesquels ont été inscrits les noms des soldats admis pour blessures ou autres maladies.

 

Par l’exploitation de ces ressources, le conférencier, Rénald Lessard, a ainsi pu retrouver les noms des soldats qui ont fait partie des troupes de la Marine dans une proportion de près de 80 %. Il versera l’ensemble des informations dans une base de données qui verra le jour à l’occasion du 250e anniversaire de la bataille de Sainte-Foy, en avril 2010. Le travail ne sera pas toutefois terminé. Restent pour le futur des recherches de nature prosopographique à effectuer, c’est-à-dire le regroupement de données de nature à constituer une biographie de chacun des soldats.

 

Pour enrichir la mémoire franco-québécoise sur les troupes de la Marine

Les personnes intéressées à approfondir le sujet de la conférence sont invitées à faire l’acquisition de l’ouvrage, préparé sous la direction de Marcel Fournier, ayant pour titre Combattre pour la France en Amérique : les soldats de la guerre de Sept Ans en Nouvelle-France 1755-1760. Réalisée avec le soutien financier de plusieurs partenaires dont la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, cette publication renferme, entre autres, un article préparé par le conférencier, intitulé : « Les compagnies franches de la Marine au Canada et à l’île Royale (1750-1760) », p. 105-125.

 

L’ouvrage est disponible à la Société généalogique canadienne-française et, bien entendu, peut être consulté à la Bibliothèque de la Société de généalogie de Québec.

 

Voir aussi, sur le site Web de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, un article préparé par Arnaud Balvay et intitulé « Les hommes des troupes de la Marine en Nouvelle-France (1683-1763) » dans le bulletin électronique Mémoires vives, no 22, octobre 2007

Un 400e anniversaire franco-québécois : l’assassinat de Henri IV

Un 400e anniversaire franco-québécois :
l’assassinat de Henri IV
(14 mai 1610)

 

par Eric THIERRY
Docteur de l’Université de Paris-Sorbonne, professeur d’histoire

thierryer@wanadoo.fr

 

La France de Henry IV en Amérique du Nord

Crédit : Les Editions Honoré Champion

2010 est l’année du 400e anniversaire de l’assassinat de Henri IV. Eric Thierry, auteur de La France de Henri IV en Amérique du Nord (Paris, Honoré Champion, 2008), nous rappelle les grands moments de la vie et du règne de ce roi qui a tenté de réconcilier ses sujets français et protestants, qui a contribué à la relance de l’économie de son royaume et qui a permis à Champlain et à Dugua de Mons de fonder Québec en 1608.

 

La fin des guerres de Religion

Né à Pau le 13 décembre 1553, le futur Henri IV est le fils d’un descendant de saint Louis, Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, et de Jeanne d’Albret, reine de Navarre. Il passe ses sept premières années dans son Béarn natal, en contact avec les petits paysans. Puis, à partir de 1561, il vit à la cour de France, où il grandit en compagnie du jeune roi Charles IX et du frère de celui-ci, le futur Henri III. Sa mère, veuve et calviniste, le ramène dans le Béarn en 1567. Henri de Navarre fait alors sa première campagne militaire, pour mater une révolte en Basse-Navarre, et gagne La Rochelle, pour participer, aux côtés de l’amiral de Coligny, à la 3e guerre de Religion, dans le camp protestant.

En 1572, la reine Catherine de Médicis lui fait épouser sa fille Marguerite de Valois, avec l’espoir de réconcilier les Français des deux confessions, mais peu de temps après la célébration de l’union, le 24 août, commence le massacre de la Saint-Barthélemy. Les protestants présents à Paris sont tués et Henri de Navarre est contraint de devenir catholique. Il reste prisonnier à la Cour jusqu’en 1576, date à laquelle il s’enfuit et prend la tête du parti protestant, lors d’une nouvelle guerre de Religion qui déchire la France.

 

L’assassinat du roi Henri III, le 1er août 1589, fait de Henri de Navarre le nouveau souverain français, en vertu de la loi salique qui veut que la couronne soit transmise uniquement par les hommes au plus proche parent mâle du monarque défunt. Henri IV n’a alors de cesse de reconquérir son royaume, où les Espagnols soutiennent la Ligue catholique et songent à donner la couronne de France à une fille de leur roi Philippe II. Pour être accepté par tous ses sujets, Henri IV redevient catholique dans la basilique de Saint-Denis le 25 juillet 1593. La ville de Reims étant aux mains des ligueurs, il se fait sacrer dans la cathédrale de Chartres le 27 février 1594. Puis, le 22 mars suivant, il peut faire son entrée dans Paris, qui était jusqu’alors sous le contrôle de la Ligue. Après une guerre contre l’Espagne et les derniers chefs ligueurs, il signe, le 30 avril 1598, l’édit de Nantes qui met fin à presque un demi-siècle de guerres civiles. Protestants et catholiques peuvent alors vivre ensemble, même si des tensions demeurent.

 

Le redressement de la France

Le règne de Henri IV permet une reprise en main de la France. En témoignent des grands travaux réalisés à Paris, comme la grande galerie du Louvre, le Pont-Neuf, la place Dauphine et celle des Vosges. Le roi veut que sa capitale soit belle et pleine de toutes les commodités. Aussi veille-t-il à ce que les ordonnances d’urbanisme des règnes précédents soient réellement appliquées. Elles concernent les alignements, les auvents et enseignes qui encombrent la voie publique, la police et la salubrité des rues.

 

Le retour de la paix permet aussi la relance de l’économie française. Le sort des paysans s’améliore, avec la démobilisation des soldats qui ravageaient auparavant le pays et l’allègement de la pression fiscale permis par les économies de Sully, le fidèle surintendant des finances. Le roi encourage l’assèchement de marais, en particulier dans le Poitou. Il contribue aussi à une large diffusion du Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres, qui paraît en 1600 et qui connaît cinq éditions en dix a ns. Des cultures nouvelles y sont prônées : celles du mûrier, du maïs, du houblon et de la betterave, qui doivent permettre de diversifier le maigre éventail de la tradition française, formé surtout de céréales.

 

Pendant le règne de Henri IV, il y a également un développement de l’industrie. Le roi cherche à développer des productions de luxe pour satisfaire les goûts de la noblesse et de la bourgeoisie et procurer du travail au petit peuple et à la foule des vagabonds, qui a grossi dans les villes et les campagnes à cause des guerres civiles. A Paris, dans le nord du terrain des Tournelles, il fait élever une manufacture où il attire des ouvriers italiens. Des métiers et des moulins à étirer les fils de métal commencent à y fonctionner, mais l’établissement périclite vite et est englobé dans le projet d’urbanisme de la place des Vosges. Un pareil effort est mené pour concurrencer, à Mantes, les crêpes fins de Bologne et, à Troyes, les satins de Bruges.

 

Pour faciliter les échanges à l’intérieur du royaume, les réseaux fluvial et routier sont améliorés, sous la responsabilité de Sully, qui détient aussi la charge de grand voyer. Des canaux sont creusés, comme celui de Briare qui est destiné à relier la Seine et la Loire, et les grands chemins sont retracés, remblayés et repavés. Des arbres sont même plantés sur les bas-côtés. Ce sont des tilleuls ou les fameux « ormes de Sully ». Pour tout cela, un corps d’ingénieurs est créé, afin de ne plus dépendre des étrangers.

 

logo de l'année Henry IV 1610-2010

Logo de l’année Henri IV
Crédit : la Société Henri IV.

La naissance de l’Amérique française

Le redressement de la France s’opère aussi au-delà de ses frontières. En digne héritier des Valois, Henri IV conteste la mainmise ibérique sur le Nouveau Monde. Il rêve de voir ses sujets s’implanter au Brésil et cherche à créer des établissements fixes sur les littoraux de l’Amérique du Nord-Est, afin d’assurer à son royaume le contrôle de la pêche à la morue et de la traite des fourrures. Dès 1598, il fait de La Roche son lieutenant général pour les « païs de Canada, Hochelaga, Terres-neuves, Labrador, riviere de la grand Baye, de Norembergue et terres adjacentes », mais ne lui accorde que l’exclusivité du commerce.

 

Déçu par l’établissement unique créé par La Roche sur l’île de Sable, Henri IV se tourne vers le Honfleurais Pierre Chauvin, qui est gentilhomme ordinaire de sa chambre. En janvier 1600, il lui attribue un monopole de la traite des fourrures sur cent lieues le long du Saint-Laurent à partir de l’embouchure, et durant l’été suivant, Chauvin construit un poste de traite à Tadoussac. Il y laisse seize hommes, mais seuls quelques-uns survivent à l’hiver, secourus par les Montagnais. Ils sont rapatriés dès le printemps suivant. A la mort de Chauvin, en février 1603, c’est au commandeur Aymar de Chaste qu’Henri IV accorde le monopole de la traite des fourrures.

 

Associé avec plusieurs marchands de Rouen, ce vice-amiral de France et gouverneur de Dieppe fait partir, dès mars 1603, une expédition en direction du Saint-Laurent, sous la conduite du Malouin Gravé du Pont qui est accompagné de Champlain. À Tadoussac, les deux hommes participent à un conseil avec les Montagnais. Là, deux indigènes, qui ont été conduits en France l’année précédente et qui ont rencontré le roi, font un compte rendu de leur séjour, soulignant la volonté d’Henri IV de peupler leur terre et de les aider à lutter contre les Iroquois. Puis, de juin à septembre 1603, Gravé du Pont et Champlain remontent le Saint-Laurent jusqu’aux rapides de Lachine, reviennent sur leurs pas et vont pêcher à Gaspé, où ils rencontrent le Malouin Jean Sarcel qui leur dit avoir vu en Acadie, au fond de la baie de Fundy, des mines de cuivre et d’argent. Enthousiastes, ils reviennent en France, mais apprennent, dès leur arrivée, la mort de Chaste.

 

Résolu à faire aboutir son projet d’expansion outre-Atlantique, Henri IV privilégie l’Acadie, aux richesses minières prometteuses, et en confie la conquête à un autre gentilhomme ordinaire de sa chambre, le Royannais Pierre Dugua de Mons. Le 8 novembre 1603, il le nomme son lieutenant général pour toutes les terres situées du 40e au 46e degré de latitude, c’est-à-dire au nord de la Virginie confiée à Raleigh par Elisabeth 1ère d’Angleterre en 1584, et, le 18 décembre suivant, il lui accorde pour dix ans le monopole de la traite des fourrures sur le littoral atlantique (du 40e au 46e degré de latitude), dans la Gaspésie et sur les deux rives du Saint-Laurent.

 

Dès février 1604, Dugua de Mons parvient à s’associer à des marchands de Rouen, Saint-Malo, La Rochelle et Saint-Jean-de-Luz. Partie de Honfleur et du Havre sur deux navires en avril 1604, son expédition se retrouve en Acadie le mois suivant. Elle explore les côtes des actuels Nouvelle-Ecosse et Nouveau-Brunswick à la recherche d’un lieu propre à une « habitation » et choisit de s’installer sur l’île Sainte-Croix, dans l’actuel État américain du Maine. Pendant le premier hiver, le scorbut emporte trente-cinq ou trente-six hommes et les survivants préfèrent déménager, dès l’été 1605, de l’autre côté de la baie de Fundy, dans celle de Port-Royal (l’actuelle baie d’Annapolis, en Nouvelle-Ecosse). La colonie se maintient jusqu’en août 1607, date à laquelle les colons l’abandonnent pour rentrer en France. Désireux de contrôler le marché de la fourrure en Europe, des marchands d’Amsterdam ont tellement mis à mal le monopole de Dugua de Mons que sa compagnie a dû être dissoute durant l’hiver 1606-1607. Pour satisfaire ses alliés hollandais, Henri IV a même fini par révoquer le privilège de son lieutenant général en Nouvelle-France, le 17 juillet 1607.

 

Le 7 janvier 1608, comme il a appris la fondation de la colonie anglaise de Saint-George en Acadie, le roi accepte de surseoir temporairement à la révocation du monopole de Dugua de Mons. Celui-ci en profite pour faire partir Champlain en direction de Québec, qu’il fonde en juillet. Contrairement à la vallée du Saint-Laurent, l’Acadie lui apparaît sans véritable avenir quant à la traite des fourrures et à l’accès à la mer d’Asie, sans parler des mines qui se sont révélées assez décevantes. Après un hiver québécois particulièrement dur, Champlain part en campagne contre les Iroquois. La victoire qu’il contribue à remporter, à Ticonderoga le 30 juillet 1609, lui permet de renforcer son alliance avec les Montagnais et d’en conclure de nouvelles avec les Algonquins et les Hurons. Cependant, Henri IV révoque définitivement le monopole de Dugua de Mons le 6 octobre suivant. Il songe alors à la création d’une compagnie franco-hollandaise des Indes orientales et a besoin du concours de marchands opposés au privilège de son lieutenant général. Henri IV veut être un roi d’ouverture tous azimuts, mais le poignard de l’extrémiste catholique Ravaillac l’en empêchera le 14 mai 1610.

 

Les lecteurs peuvent visiter :

Le site web de l’éditeur Honoré Champion

Le site de la société Henri IV, dédié à l’actualité de la recherche autour du vert galant et de son époque

La page de Caroline Valbrun du magazine en ligne Suite 101, pour connaitre les manifestations prévues en France pour la commémoration l’assassinat de Henri IV

Les Archives des jésuites au Canada

Les Archives des jésuites au Canada

Logo des Archives des jésuites au Canada

 

par Jacques Monet, s.j.
Historien, Centre d’Archives des jésuites
archives@jesuites.org

 

Pourquoi un nouveau Centre d’Archives des jésuites à Montréal

Le 22 septembre 2009, les jésuites des deux «provinces» canadiennes ont officiellement inauguré au cœur de Montréal le Centre d’Archives des jésuites au Canada. C’était suite à une décision prise en 2006 par les supérieurs de la Compagnie de Jésus de centraliser en milieu urbain, en l’occurrence Montréal, toutes les archives touchant les activités des jésuites, dispersées jusque-là dans les maisons de la Compagnie depuis Saint-Jean en Terre-Neuve jusqu’à Vancouver en Colombie Britannique, et principalement aux centres d’Archives à Saint-Jérôme (Québec) pour la Province du Canada français et à Toronto pour celle des jésuites de langue anglaise. L’intention était de rendre toutes ces archives plus accessibles non seulement aux chercheurs, aux étudiants et aux spécialistes, mais aussi au grand public.

 

Vieux collège jésuites

Vieux Collège des jésuites fondé à Québec en 1635
Crédit Archives des jésuites au Canada

 

Les fonds et les collections

La réaction ne s’est pas fait attendre, depuis la fin-septembre, quelque 250 chercheurs se sont déjà manifestés. De plus, des dizaines d’autres personnes sont venues soit en visites guidées, soit pour voir des expositions, ou encore pour assister à des rencontres de groupe. Ils trouvent au nouveau Centre beaucoup d’autographes inédits provenant des premières années de la Nouvelle-France, sans parler des récits d’expéditions missionnaires au nouvel Ontario durant les années 1840. La carte manuscrite du Mississippi par son découvreur, le P. Jacques Marquette, et celle de la Grande Ile Manitouline du lac Huron par le missionnaire-peintre, le P. Nicolas Point, attirent toujours l’attention. C’est aussi le cas pour la collection d’œuvres d’art, dont le « portrait » de la jeune iroquoise, la Bienheureuse Kateri Tekakwitha, par le jésuite Claude Langlois. Les rayons dans la voûte des Archives comptent 1,5 kilomètre linéaire de documents, la bibliothèque spécialisée sur l’histoire des jésuites canadiens compte plus de 15,000 volumes, dont 1,500 très rares et anciens. Exceptionnelle à tous points de vue est la collection de documents en langues amérindiennes écrite par les jésuites français pendant trois siècles, entre 1620 et 1920.

 

Course en berge, « Souvenirs et mémoires illustrés, Mission Ste Croix, Grande Île Manitouline »

Crédit: Course en berge, « Souvenirs et mémoires illustrés,
Mission Ste Croix, Grande Île Manitouline »
AJC-GLC, BO-0043, Fonds P. Nicolas Point, s.j. 1799-1868

Les facilités de consultation et de travail

Tout cela est accessible au public qui peut s’installer dans la grande et accueillante salle de consultation, munie non seulement d’un éclairage ajusté et d’un réseau sans fil, mais aussi de huit stations de branchement encastrées dans le plancher, pour les postes informatiques.

 

Un peu d’histoire

Ce nouveau centre intéressera sans doute les Français, l’œuvre des jésuites au Canada étant strictement française pendant presque deux cents ans. Arrivés premièrement en 1611, puis, après un intervalle de 42 ans causé par la suppression de la Compagnie de Jésus par le Pape, revenus en 1842, ce n’est qu’à la fin des années 1870 que les jésuites nés au Canada sont devenus majoritaires.

 

Bienvenue à tous

« Il fait beau à Montréal durant l’été » déclare la directrice du Centre, madame Céline Widmer. « Le Centre est ouvert, même durant les mois de juillet et d’août. Venez voir. »

http://www.jesuites.org/archives/

Exposition : Partir sur la route des francophones

Exposition : Partir sur la route des francophones

 

 

par Gilles Durand
Gilles_du@hotmail.com

 

Danielle Poiré, directrice générale par intérim du Musée de la civilisation

Danielle Poiré, directrice générale par intérim du Musée de la civilisation
Crédit : Gilles Durand

Une toute nouvelle exposition sur les francophones

Depuis le 10 mars 2010, le Musée de l’Amérique française, faisant partie du complexe muséologique du Musée de la civilisation, présente une toute nouvelle exposition permanente, Partir sur la route des francophones. L’exposition se veut une invitation à suivre le parcours des descendants de Champlain sur le continent nord-américain.

Elle se signale par la qualité des objets et de l’information écrite et orale présentés, de même que par leur mise sur panneau et en vitrine.

 

De nombreux spécialistes mettent en commun leur expertise

L’exposition a été rendue possible par la mise en commun de l’expertise de nombreux spécialistes tant du domaine de l’histoire que de la muséologie et de la communication.

http://www.podcastmcq.org/fr/documents/presse/partir_credits.pdf

 

Des repères à l’image de ceux qui les ont posés

La participation d’autant d’experts était une condition indispensable pour relever le défi de présenter des repères abondants permettant de suivre les routes empruntées par les francophones. Celles-ci se ramifient sur tout le continent nord-américain : elles traversent non seulement des territoires plus connus comme la vallée du Saint-Laurent, l’Acadie et la Louisiane, mais aussi nous mènent vers de nouvelles découvertes, l’Ouest canadien et de nombreux États américains.

François Tremblay, Michel Baril et André Dorval

François Tremblay, directeur des expositions
et des relations internationales
au Musée de la civilisation, Michel Baril, muséologue à Parcs Canada
et André Dorval, co-président de la Commission franco-québécoise
sur les lieux de mémoire communs
Crédit : Gilles Durand

Elles sont aussi diversifiées que les mobiles qui en sont à l’origine : atteindre la mer de Chine et, en bout de piste, ce pays tant convoité; obtenir des fourrures en échange de produits européens, propager la foi catholique auprès des Amérindiens par l’établissement de lieux de culte et d’enseignement, participer aux bienfaits découlant de l’industrialisation et de la production en série, prendre sa place dans la recherche de l’or, etc. Les traces qui restent de cette grande aventure sont à l’image de l’expertise, de la langue, de la foi et de la culture de ceux qui y ont participé : objets de la vie quotidienne, bâtiments, toponymes et ordonymes, monuments et autres biens commémoratifs, imprimés et documents d’archives, etc.

http://www.podcastmcq.org/fr/documents/presse/partir_personnages.pdf

http://www.podcastmcq.org/fr/documents/presse/partir_info.pdf

 

L’exposition, une invitation à pratiquer le tourisme culturel

L’exposition donne une bonne vue d’ensemble de l’empreinte française sur le territoire nord-américain. Elle ne peut cependant tout mettre en vitrine et tout dévoiler du périple des francophones. En ce sens, elle constitue une invitation au voyage et à préparer des guides de visite pour relever ou signaler les points d’intérêt faisant partie du quotidien des communautés actuelles : toponymes et odonymes, édifices religieux, vestiges d’un comptoir de traite ou d’un fort, etc. Le tourisme culturel est une préoccupation que la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs vous convie à continuer à partager avec elle. Il reste encore des défis stimulants à relever…

 

Depuis le 10 mars jusqu’au 23 juin 2010, du mardi au dimanche de 10 h à 17 h

 

François Tremblay et Jacques Mathieu , collaborateur au contenu

François Tremblay et Jacques Mathieu , collaborateur au contenu
Crédit : Gilles Durand

La correspondance consulaire politique et commerciale 1858-1901 : Une source indispensable pour l’étude des relations Québec-France

La correspondance consulaire politique
et commerciale 1858-1901 :
Une source indispensable pour l’étude des
relations Québec-France

 

 

par Gilles Durand
Gilles_du@hotmail.com

 

Une copie microfilmée de la correspondance

Le Centre de Québec de Bibliothèque et Archives nationales du Québec conserve une copie microfilmée (cote ZF) des échanges entre les consuls en poste au Québec et le ministère des Affaires étrangères à Paris. Les copies reproduisent les lettres et les pièces jointes des originaux conservés aux Archives du ministère des Affaires étrangères à Paris. Elles ont été remises en 1967. Occupant treize bobines de microfilm, elles couvrent les années 1858 – le premier consul à rejoindre son poste étant nommé un an plus tard – à 1901. Chaque bobine est précédée d’un inventaire analytique de son contenu, indiquant, pour chaque lettre, la date à laquelle elle a été préparée, le nom de l’auteur et du destinataire. Cet instrument de recherche a été préparé par Louise Dechêne lorsqu’elle était représentante des Archives nationales du Québec à Paris.

 

La vision des consuls : reflet des réalités québécoise et française

À une époque où les relations franco-québécoises connaissent une renaissance spectaculaire, la correspondance consulaire constitue, à travers les jugements des consuls en poste au Québec et les directives qui leur sont données par le Quai d’Orsay, une source de renseignements sur la façon dont Québécois et Français se voient compte tenu du contexte de l’heure : le lien colonial du Québec avec sa nouvelle mère patrie, l’Angleterre; le passage de l’Union à l’Acte confédératif en 1867; l’influence des Américains et son corollaire, l’américanisation croissante des Québécois; le courant ultramontain au Québec et le mouvement laïque en France, etc.

 

Les relations économiques

La correspondance entre Québec et Paris permet également de donner aux rapports économiques le poids qui leur revient dans le développement des relations entre l’Ancien et le Nouveau Monde : par exemple les besoins d’emprunt du gouvernement du Québec, les ententes commerciales en vue de trouver chez l’autre de nouveaux débouchés aux produits manufacturés dans un contexte qui peut devenir à l’occasion plus protectionniste, etc.

 

L’immigration au Québec

Les marchandises et les capitaux ne sont pas les seuls à circuler. Les individus également. À ce chapitre, la correspondance consulaire présente un portrait révélateur de la circulation des personnes entre l’ancienne mère patrie et le Québec. Elle entrouvre la porte sur plusieurs dimensions de cette réalité : nombre de Français qui quittent leur pays d’origine; leur vision du Québec avant d’effectuer la traversée; leur choix entre le Québec, l’Ouest canadien ou bien encore les États-Unis, comme territoire d’enracinement; l’importance des retours en France après une tentative d’établissement; la vision par certains dirigeants français d’une émigration qui se dirige vers une ancienne colonie qui ne relève désormais plus d’eux; les efforts du gouvernement québécois pour recruter en France par l’intermédiaire d’agents, etc. Autant de questions qui projettent une lumière nouvelle sur la présence française au Québec et sur les relations franco-québécoises dans la deuxième moitié du 19e siècle.

 

Où consulter les microfilms

 

Centre d’archives de Québec

Pavillon Louis-Jacques-Casault
Campus de l’Université Laval
1055, avenue du Séminaire
Case postale 10450, succursale Sainte-Foy

Québec (Québec) G1V 4N1

Tél. : 418 643-8904
Téléc. : 418 646-0868
Courriel : anq.quebec@banq.qc.ca

 

Horaire

Bibliothèque, archives iconographiques, cartographiques, architecturales et audiovisuelles
Lundi : fermé
Du mardi au vendredi de 9 h à 12 h et de 13 h à 17 h

Manuscrits et microfilms
Lundi : fermé
Mardi, vendredi, samedi et dimanche de 9 h à 17 h
Mercredi et jeudi de 9 h à 21 h

Communiqué Pointe-à-Callière s’agrandit Le Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal entame son projet d’expansion en 2010

Communiqué
Pointe-à-Callière s’agrandit
Le Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal
entame son projet d’expansion en 2010

 

par Catherine Roberge, responsable des communications
Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal
croberge@pacmusee.qc.ca

 

Pointe-à-Callière Complexe muséal

Crédit 1

Montréal, le 3 mai 2010 – Lieu de fondation de Montréal, Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal entame, avec l’appui du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, la Ville de Montréal et la Fondation Pointe-à-Callière, son projet d’expansion avec l’aménagement de la Maison de l’archéologie et la réalisation de fouilles archéologiques sur le site de la place D’Youville Ouest où se trouvent les vestiges du marché Sainte-Anne et du parlement du Canada-Uni.

 

Plus qu’un simple projet d’expansion, ces travaux sont un pas de plus vers la création d’une institution muséologique de niveau mondial sur un site d’une valeur patrimoniale exceptionnelle en Amérique du Nord. Ce projet s’inscrit dans la mission de Pointe-à-Callière de préservation, de diffusion et d’éducation.

 

« Nous accueillons avec enthousiasme cet appui au projet d’expansion. La création de la Maison de l’archéologie va permettre à Pointe-à-Callière de mieux accueillir et sensibiliser les 100 000 jeunes qui fréquentent ses lieux chaque année. Et réaliser les fouilles archéologiques du parlement du Canada-Uni va enfin démontrer l’exceptionnelle richesse historique du site qui vient s’ajouter à l’importance nationale du lieu de fondation de Montréal », souligne Francine Lelièvre, directrice générale de Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal.

 

La Maison-des-Marins

Crédit 2

La Maison de l’archéologie, lieu phare pour les jeunes et l’archéologie au Québec

Le projet d’expansion de Pointe-à-Callière comprend l’aménagement, pour 2012, de la Maison de l’archéologie dans la Maison-des-Marins, édifice voisin du Musée.

 

Lieu phare consacré à l’archéologie, la Maison de l’archéologie deviendra un espace privilégié de rencontres, de concertation et de diffusion avec l’ensemble des partenaires de l’archéologie au Québec. Son Espace Archéo-jeunes offrira aussi, aux quelque 100 000 jeunes qui le fréquentent, un emplacement unique où se tiendront des activités éducatives, des ateliers pour la famille et des simulations de fouilles archéologiques.

 

La Maison de l’archéologie regroupera de plus un auditorium ainsi que des zones conçues pour présenter des expositions et des activités d’animation culturelle. La Maison deviendra accessible à partir d’un couloir souterrain qui la reliera au Musée, à la hauteur de la crypte archéologique de la place Royale.

 

Cet édifice, situé au 165-169 place D’Youville a été géré pendant plus de 15 ans par Les Oeuvres de la Maison du Père pour y accueillir des hommes en difficulté; il a été acheté par la Fondation Pointe-à-Callière en 2004, au coût de 2 millions de dollars. Rappelons que c’est en 1875 que le Montreal Sailor’s Institute s’était installé sur cet emplacement pour desservir les marins de la marine marchande en escale à Montréal.

 

Terrain de stationnement de la place D'Youville Ouest Photo Lapointe Magne et associés

Crédit 3

Des vestiges exceptionnels sous la place D’Youville Ouest

Le projet d’expansion du Musée consiste aussi à réaliser des fouilles archéologiques sous le terrain de stationnement de la place D’Youville Ouest situé entre la rue McGill et la rue Saint-Pierre. Des vestiges exceptionnels s’y trouvent – ceux du marché Sainte-Anne construit en 1832 et du parlement du Canada-Uni, Montréal ayant été la capitale du Canada-Uni de 1843 à 1849.

 

Associé à une page majeure de l’histoire du pays, le premier parlement permanent du Canada-Uni s’est installé dans l’édifice du marché Sainte-Anne. Y ont été votées, notamment, des lois importantes dont celles établissant le « gouvernement responsable » en 1848. Mais en 1849, le parlement sera complètement détruit par le feu et Montréal perdra sa place de capitale au profit de Toronto, puis d’Ottawa.

 

Pour Pointe-à-Callière, ces fouilles sont essentielles dans la mesure où elles mettent au jour un élément important de l’histoire de la métropole et du Québec en vue d’une mise en valeur pour le grand public. L’an dernier, des sondages exploratoires réalisés par la Ville de Montréal ont permis de révéler la solidité et l’intégrité de l’égout collecteur localisé sous le parlement du Canada-Uni et qui se rend au Musée à partir de la rue McGill.

 

Le projet d’agrandissement actuel de Pointe-à-Callière est évalué à 22,2 millions de dollars. Il représente un pas de plus vers l’aménagement d’un complexe muséal et touristique en neuf lieux qui comprend ses espaces déjà existants comme l’Éperon, la place Royale, l’Ancienne-Douane et la Station de pompage D’Youville auxquels s’ajouteront la Maison de l’archéologie ainsi que la mise en valeur de la canalisation de la petite rivière Saint-Pierre par l’égout collecteur William sur 400 mètres de long ; les vestiges du marché Sainte-Anne et du parlement du Canada-Uni ; ceux du fort de Ville-Marie et du château de Callière ; et finalement, l’aménagement d’une salle d’expositions de calibre mondial.

 

À propos de Pointe-à-Callière

Seul grand Musée d’archéologie au Québec et au Canada, Pointe-à-Callière est un complexe muséal érigé sur une concentration de sites historiques et archéologiques d’envergure nationale qui permettent de retracer de grands pans de l’histoire de Montréal, du Québec et du Canada. Inauguré en 1992 à l’occasion du 350e anniversaire de la fondation de Montréal, Pointe-à-Callière a pour mission de faire aimer et connaître l’histoire de la métropole du Québec et de bâtir des liens avec les réseaux régionaux, nationaux et internationaux préoccupés d’archéologie, d’histoire et d’urbanité.

 

Le Musée est subventionné au fonctionnement par la Ville de Montréal.

 

Crédits

  1. Pointe-à-Callière Complexe muséal
    Photo Normand Rajotte
  2. La Maison-des-Marins
    Photo Lapointe Magne et associés
  3. Terrain de stationnement de la place D’Youville Ouest
    Photo : Lapointe Magne et associés

Québec dans la ville – « …c’est notre histoire d’amitié avec le Québec qui est sans fin. Ici aussi, on se souvient…»

Québec dans la ville – « …c’est notre histoire d’amitié
avec le Québec qui est sans fin.
Ici aussi, on se souvient… »

 

par Marie Page
Chargée de mission pour « Québec dans la Ville »

 

Place du Québec - plaque

Crédit photo: Michèle Marcadier

Le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec a représenté une occasion en or pour adresser un signe de fraternité à nos amis québécois.

 

De nombreuses manifestations se sont déroulées en France sous l’égide du comité présidé par Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre. Pour le Carrefour des Acteurs Sociaux et Joël Broquet, son président, il semblait important de s’associer à ces festivités et d’inciter les villes françaises à se mobiliser pour fêter la première ville à voir le jour sur le territoire de la Nouvelle-France.

 

Il était nécessaire d’une part, d’adresser un témoignage d’amitié aux habitants du Québec, de se faire pardonner l’abandon de la France à la suite du désastreux traité de Paris de 1763. D’autre part, il fallait sensibiliser les Français à notre histoire dans cette partie de l’Amérique. L’histoire du Canada, c’est aussi notre histoire.

 

C’est ainsi qu’est né le comité Québec dans la Ville dont l’objectif est d’inciter le maximum de communes françaises à donner le nom de Québec à un espace public : voie, place, bibliothèque, crèche…

 

Dès le début, cette initiative a été encouragée par madame Monique Gagnon-Tremblay, ministre des Relations internationales du Québec et par le président de l’Association des Maires de France. Un comité de parrainage prestigieux soutient cette démarche. Parmi ses membres citons : Alain Decaux, Max Gallo, Yves Lacoste, Jean d’Ormesson, Denise Bombardier, Fabienne Thibault et le Prince Jean d’Orléans.

 

18 000 courriels ont été adressés aux secrétariats des mairies. Les marques d’intérêts ont été nombreuses. Elles sont venues de toute la France métropolitaine mais aussi de Nouméa, du Luxembourg et même du Sénégal.

 

Les réponses obtenues peuvent être divisées en trois catégories.

  • Dans la première figurent de nombreuses villes de la Bretagne et de l’Ouest qui nous ont précédés et qui possèdent déjà une rue du Québec. Par exemple : Quimper, La Rochelle, Angoulême, la ville de Montréal dans l’Aude qui a une « promenade du Québec ».

  • La deuxième catégorie est constituée de toutes les villes qui avaient déjà pris l’initiative d’organiser des festivités : Ingersheim, Auchel, Cambrai…

  • Enfin, la troisième catégorie est celle des villes prêtes à baptiser un espace public du nom de Québec. Ainsi, Sallaumines nous a informés que le bureau du Conseil municipal a dénommé la salle d’exposition de la Maison de l’Art et de la Communication « Québec ».

 

Le député-maire du Touquet nous a avisés qu’une initiative serait prise pour dénommer soit un rond-point, soit une avenue dans le prolongement de l’Avenue des Canadiens « Rond Point du Québec » ou Avenue du Québec.

 

La ville de Sens envisagerait d’attribuer le nom de Québec à un complexe sportif.

 

Monsieur Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, a tenu, lui aussi, à rendre hommage à la première ville française d’Amérique. Le projet est à l’ordre du jour de la prochaine commission des noms de rues.

 

Martine Aubry s’est engagée à proposer à la commission des noms de rues de prendre en compte notre proposition. La Ville de Lille a effectivement lancé un Grand Projet Urbain. Madame Aubry nous signale qu’une des salles les plus importantes du « Nouveau Siècle », équipement du Conseil régional à rayonnement international, porte déjà le nom de Québec.

 

La commune de La Bonneville-sur-Iton a baptisé du nom de Québec un important rond-point. L’inauguration s’est déroulée le 30 juin 2009 en présence de Fabienne Thibeault.

 

Dernièrement, Abbeville, par une délibération du 21 décembre 2009, a décidé d’attribuer le nom de Québec à une rue.

 

D’autres villes sont intéressées, mais elles n’ont aucun espace public à baptiser à court terme.

 

Bien entendu, nous poursuivons notre mission. Le nombre de communes en France est tel que nous aurons de quoi nous occuper pendant plusieurs années. Mais surtout, c’est notre histoire d’amitié avec le Québec qui est sans fin. Ici aussi, on se souvient.

La chapelle Saint-Michel des ursulines de Tours Un lieu de mémoire franco-québécois

La chapelle Saint-Michel des ursulines de Tours
Un lieu de mémoire franco-québécois

 

par Gilles Durand
Gilles_du@hotmail.com

 

Chapelle Saint-Michel à Tours 2008

Crédit et auteur :
Martin Fournier

La chapelle Saint-Michel des ursulines de Tours est un lieu de mémoire hautement symbolique des relations qui existent entre le Québec et la France depuis près de quatre siècles. C’est en effet le lieu où Marie Guyard de l’Incarnation prononce ses voeux avant de s’embarquer pour la Nouvelle-France.

 

L’ensemble patrimonial des ursulines de Tours

La chapelle Saint-Michel des ursulines fait partie d’un ensemble patrimonial de trois bâtiments, les deux autres étant la Petite Bourdaisière, qui abrite le Centre Marie de l’Incarnation, et le petit ermitage Saint-Joseph – reconstruction à l’identique d’un édifice démoli en 1948. La chapelle a été construite en 1628. Depuis plusieurs années, un groupe de Tourangeaux – ces derniers sont regroupés aujourd’hui dans l’Association Touraine-Canada – et de Canadiens s’activent à la remettre en bon état. L’importance du bâtiment a été soulignée en 2008 par la restauration et le dévoilement de tableaux qui lèvent le voile sur l’environnement dans lequel ont vécu Marie Guyard et les ursulines aux 17e et 18e siècles.

 

La figure de Marie Guyard de l’Incarnation

Marie Guyard de l’Incarnation constitue pour les Québécois une figure de premier plan. Quelques années après son entrée dans la communauté des ursulines de Tours, elle quitte pour la Nouvelle-France, soit en mai 1639. De ce côté-ci de l’Atlantique, elle fonde la communauté des ursulines de Québec et s’investit dans l’implantation d’un monastère. Celui-ci, première école pour jeunes filles amérindiennes et françaises, contribue à la renommée de Québec et à son classement comme ville du patrimoine mondial.

 

L’héritage laissé par Marie Guyard à Tours : un patrimoine à redécouvrir

Marie Guyard de l’Incarnation et les bâtiments et places qui sont associés à sa mémoire, sont de plus en plus connus depuis quelques années, non seulement au Québec mais aussi en France. Une telle notoriété n’est pas étrangère aux efforts déployés par Françoise Deroy-Pineau et par les collaborateurs et collaboratrices qui l’assistent. Socio-historienne et biographe, Françoise Deroy-Pineau a pris la plume à plusieurs reprises pour dévoiler les côtés parfois ignorés d’une des premières fondatrices de l’Amérique française. L’auteure vient de déposer récemment dans l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française un article sur le grand intérêt des lieux de mémoire qui lui sont associés à Tours.

 

Pour nous en convaincre, elle nous convie à une visite accompagnée d’un guide qualifié, organisée par l’Office du tourisme et la Direction du patrimoine de la Ville de Tours – prendre note qu’il faut s’inscrire à l’avance.

Courriel : promo@tours-tourisme.fr ou promo@ligeris.com

Le Chien d’Or, une légende franco-québécoise

Le Chien d’Or, une légende franco-québécoise

 

 

par Gilles Durand
Gilles_du@hotmail.com

 

Présentation du conférencier

Le conférencier Jean-François Caron

Le conférencier Jean-François Caron
Crédit photo : Gilles Durand

Dans le cadre de ses conférences mensuelles, la Société historique de Québec donne la parole, le 2 mars 2010, à l’un de ses administrateurs, l’historien Jean-François Caron, pour faire le point sur une légende qui connaît plusieurs versions, la légende du Chien d’Or. La présentation à l’auditoire du conférencier, spécialisé dans l’histoire de la ville de Québec, est faite par l’historien Jean-Marie Lebel.

 

En quoi consiste la légende?1

La légende du Chien d’Or tire son origine du lien établi entre une plaque apposée sur l’édifice Louis-S.-Saint-Laurent, situé à l’angle de la Côte de la Montagne et de la rue De Buade (l’actuel passage du Chien-d’Or), et un meurtre survenu en janvier 1748.

 

La plaque en question, datée de 1736, présente un chien, gravé en bas-relief, tenant entre ses pattes un os qu’il ronge. Elle porte au bas une inscription affichant un esprit revanchard :

« Je suis un chien qui ronge l’o.

En le rongeant je prend mon repos.

Un tems viendra qui nest pas venu

Que je morderay qui m’aura mordu.»

 

La plaque aurait été apposée par Timothée Roussel, chirurgien originaire de Montpellier, sur sa résidence, construite en 1688 et vendue en 1734 au marchand Nicolas Jacquin dit Philibert, originaire de Martigny-les-Bains, département des Vosges, France2. La maison est démolie en 1869 pour faire place au bureau de poste, l’actuel édifice Louis-S.-Saint-Laurent, et la plaque est transférée sur le fronton du porche à colonnade du bâtiment inauguré en 1871.

 

La plaque avec encadrement avant 1871

La plaque avec encadrement avant 1871
Crédit : Projet Gutenberg Canada

 

Le lien entre l’assassinat de Jacquin dit Philibert et la plaque du Chien d’Or

L’assassinat du marchand Jacquin dit Philibert est survenu en janvier 1748. Il fait suite à une altercation entre l’officier des troupes de la Marine, Pierre-Jean-Baptiste-François-Xavier Legardeur de Repentigny et le marchand. Legardeur détient un billet de logement lui permettant d’être hébergé par Jacquin dit Philibert, mais ce dernier voit les choses autrement et suscite la colère de Legardeur. Le contexte de cet incident nous ramène à une période où le ministère de la Marine assure la défense de la colonie par ses propres troupes et fait appel aux habitants pour loger les soldats. L’événement précède la construction des nouvelles casernes qui voient le jour à compter de 1749.

 

Peu à peu, le lien en vient à s’établir entre l’assassinat de Jacquin en 1748 et la plaque du Chien d’Or, qui porte pourtant la date de 1736. Cette dernière donne à entendre, du moins au premier abord, que la famille du marchand veut retrouver et punir le coupable. Toutefois, une plaque semblable – chien et inscription – datant de 1561, apposée à Pézenas, ville située non loin de Montpellier, jette une nouvelle lumière sur toute cette affaire. En fait, la plaque que les visiteurs peuvent voir dans le Vieux-Québec, aurait été copiée sur celle de Pézenas et installée par le chirurgien Roussel sur sa résidence en souvenir de sa région natale. Détenteur de la maison par la suite, Jacquin aurait procédé à un agrandissement et c’est alors qu’il aurait ajouté lui-même la date de 1736 sur la plaque.

 

L’importance de la légende du Chien d’Or

La légende du Chien d’Or connaît de nombreuses versions de la part d’artistes, d’écrivains et d’historiens. Ces ouvrages témoignent de son importance pour les Québécois. La plaque fait partie de l’héritage reçu de la France. Elle a une valeur de repère dans le paysage urbain de Québec. Elle est inscrite au Répertoire du patrimoine culturel du Québec. Le Chien d’Or est au parcours de guides touristiques du Vieux-Québec. Plus récemment, l’équipe de l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, un projet issu des travaux de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, a confié au conférencier le mandat de faire enquête sur cette légende et de livrer le résultat de ses recherches dans l’encyclopédie accessible en ligne.

 

 

  1. Voir, entre autres, les textes suivants :
    « Jacquin, dit Philibert, Nicolas » par Jean-Claude Dupont dans le Dictionnaire biographique du Canada accessible en ligne

    Le Chien d’Or
    , par William Kirby, traduit par Pamphile Le May, livre rendu accessible en ligne par le Projet Gutenberg Canada

    Le Répertoire des toponymes de la Ville de Québec
  2. Livre 1 de Ces villes et villages de France, …berceau de l’Amérique française (p. 191), collection de douze livres régionaux, réalisée par une centaine de membres de l’Association France-Québec, publiée sous la direction de Janine Giraud-Héraud et Gilbert Pilleul

Le Québec et son alimentation métissée

Le Québec et son alimentation métissée*

 

par Yvon Desloges
Professeur associé
Département d’histoire
Université Laval, Québec

 

Conférencier Yvon Desloges

Le conférencier Yvon Desloges
Crédit : Jacques Boutet, Société historique de Québec

Emprunts aux Amérindiens

Depuis les premières arrivées de colons sur les rives du fleuve Saint-Laurent, on se plaît à dire que les colons ont adopté les aliments des Amérindiens. Consommer le maïs, les produits de l’érable en constitue d’ailleurs les meilleurs gages et témoigne non seulement de ce métissage mais aussi d’une certaine pérennité de nos habitudes alimentaires. D’ailleurs comment ne pas y croire lorsqu’on réfère toujours au maïs selon l’expression « blé d’inde », faisant ainsi référence aux croyances des premiers temps coloniaux lorsqu’il était question de retracer les richesses orientales des Indes? Cette perception est fermement ancrée dans la mémoire collective des Québécois. Mais est-ce aussi évident?

 

Certes les premiers occupants autochtones consomment-ils le maïs, les courges et les haricots, aussi surnommés les trois sœurs puisqu’on les fait pousser ensemble. À cela rien de très novateur puisque le maïs représente LA céréale des Amériques dont la culture se répand du sud au nord parmi les autochtones. Les Iroquoiens – c’est-à-dire ceux dont la langue est l’iroquoien et non les Iroquois qui sont eux de langue iroquoienne – partagent la culture de ces trois végétaux de base, bien qu’ils n’apprêtent pas tous ces aliments de la même façon; qui plus est, selon le territoire qu’ils occupent, la faune et la flore diffèrent, ce qui apporte des mœurs alimentaires différentes à chacune des peuplades amérindiennes.

 

Alimentation à la française

Les premiers colons adoptent ces aliments dès leur arrivée, tout en cherchant à implanter leurs cultures céréalières et leur cheptel domestique, en somme, leur modèle alimentaire; d’ailleurs Champlain dispose de plusieurs vaches à sa ferme du Cap-Tourmente. Par contre, le gibier abonde alors que le calendrier liturgique sévère impose de recourir aux ressources halieutiques coloniales. Voilà qui fait rêver de mener la vie de seigneur, d’autant plus que chasser sur le vieux continent est devenu l’apanage des nobles depuis longtemps. Mais encore faut-il disposer d’un fusil, ce qui n’est pas à la portée de tous et par conséquent limite la consommation de gibier, gros ou petit.

 

S’il est indéniable que ce sont les autochtones qui apprennent aux colons comment récolter la sève d’érable, est-ce à dire pour autant qu’ils la transforment qui en sirop, qui en sucre? Et faut-il en conclure par extension que les colons consomment le sucre d’érable? Bien que les autochtones connaissent deux façons de réduire la sève en « sirop », aucune des deux ne s’apparente à ce que nous connaissons de nos jours; au mieux peut-on parler d’un liquide visqueux dont la teneur en sucre est plus élevée. Et ce liquide n’est pas encore converti en sucre, ce qui est impossible à obtenir selon les techniques amérindiennes. Il aura fallu l’intervention des colons français pour y parvenir. Surprenant? Non pas puisque, faut-il le rappeler, la France contrôle le marché du sucre en Europe et en viendra d’ailleurs à échanger le Canada contre une colonie sucrière lors de la signature du traité de Paris. Quant à sa consommation, elle est limitée, moins d’un kilo et demi (toute forme de sucre confondue, canne et érable) par personne par année; c’est que le sucré fait davantage partie de la pharmacopée dans le modèle culturel français.

 

Voilà donc qu’avant même la fin du 17e siècle, les colons laurentiens rejettent en bloc les apports amérindiens. Le métissage alimentaire amérindien aura duré l’espace de trois générations, le temps d’implanter le modèle alimentaire français. Celui-ci repose d’abord et avant tout sur le pain, qui se consomme à raison d’un kilo par jour. Bien sûr, le poisson – notamment la triade anguille, morue, saumon – tient bonne place dans ce régime alimentaire puisque le calendrier liturgique impose 150 jours d’abstinence carnée par année. Comme viande, les colons consomment d’abord le bœuf, viande accessible parce que les ruraux manquent de fourrage. Dès lors, il devient préférable d’abattre les bovins, alors que le porc représente, par son lard, la source de gras de prédilection puisque le lait produit ne permet pas la fabrication de beurre en quantité suffisante

 

Métissage anglo-français

Mais voici que la Conquête s’apprête à modifier ces habitudes alimentaires, non pas instantanément mais petit à petit. Premier élément de changement : l’introduction de la pomme de terre qui coupera de moitié l’importance dans la ration quotidienne du pain, en l’espace d’un demi-siècle. S’ajouteront, quelques décennies plus tard, le thé et son corollaire insidieux, le sucre, car la boisson chaude s’accompagne non seulement d’un soupçon de lait mais d’une montagne de sucre! Voilà qui heurte de front les habitudes alimentaires des colons et explique pourquoi son acceptation en milieu francophone se fait tardivement, même si le thé est accessible en grande quantité dès 1760 dans la colonie.

 

Alimentation à la canadienne

Une troisième innovation britannique apportera des résultats à plus long terme, c’est-à-dire vers le milieu du 19e siècle. De quoi s’agit-il? De l’introduction des racines-fourrages comme le navet et la betterave à la fin du 18e siècle; méthode empruntée initialement aux Flamands et Hollandais par les Britanniques, cette culture permet d’augmenter la lactation des vaches et permet d’obvier du même coup au manque de fourrage, problème chronique auquel sont confrontés les colons. Ainsi au milieu du 19e siècle, l’économie agricole du Québec repose sur la production laitière et la viande de porc devient accessible. Coïncidence, les premiers recueils culinaires paraissent à la même période et proposent les premières recettes à base de viande de porc fraîche. Les mets soi-disant traditionnels viennent d’apparaître! Qui plus est, ces mêmes livres proposent des recettes de puddings et de tartes de toutes sortes, signe que les rapports au sucre ont changé.

 

Influences internationales

Voilà donc quatre étapes de changement majeur dans les mœurs alimentaires du Québec, étapes variant entre 75 et 100 ans, un espace de temps qui couvre de trois à quatre générations. De fait, ces changements majeurs surviennent quand la quatrième génération se montre plus perméable au changement parce qu’elle n’est plus en contact avec la première qui se veut la gardienne des valeurs. Et le Québec vient de vivre une autre de ces étapes majeures avec Expo 67 qui a amené le monde sur la table des Québécois; il se sera justement écoulé un autre centenaire entre le milieu du 19e siècle et l’exposition universelle !… La mémoire collective aura perdu de vue cette évolution de son patrimoine … culinaire.

 

À table en Nouvelle-France

Crédit :
Les éditions du Septentrion

*Résumé d’une conférence prononcée devant les membres de la Société historique de Québec, le mardi 2 février 2010.

Voir aussi le bulletin électronique Mémoires vives pour une présentation de l’exposition À table : traditions alimentaires au Québec et de l’ouvrage qui l’accompagne À table en Nouvelle-France : Alimentation populaire, gastronomie et traditions alimentaires dans la vallée laurentienne avant l’avènement des restaurants.

Les membres de la famille Papineau : mémoire nationale et officielle, mémoire savante et familiale

Les membres de la famille Papineau :
mémoire nationale et officielle,
mémoire savante et familiale

 

par Gilles Durand
Gilles_du@hotmail.com

 

De g. à d. Jean-yves Papineau, Micheline Lachance, Georges Aubin

De g. à d. Jean-Yves Papineau, Micheline Lachance, Georges Aubin
Crédit photo : Gilles Durand

Le dimanche 21 février 2010, le Musée Pointe-à-Callière d’archéologie et d’histoire de Montréal a organisé une table ronde sur la vie et la carrière des membres de la famille Papineau. L’activité est réalisée en partenariat avec la Société généalogique canadienne-française. Trois conférenciers se succèdent pour faire revivre la mémoire de quatre générations de Papineau : Jean-Yves Papineau, Georges Aubin et Micheline Lachance, chacun à la fois riche de son parcours personnel et animé par la passion de mieux faire connaître une partie de l’aventure commune vécue par Québécois et Français. Jacques Desautels, de l’Association La descendance de Pierre Desautels de la Grande Recrue, joue le rôle d’animateur. L’occasion est bien choisie, Henri Bourassa, le fondateur du journal Le Devoir qui célèbre en 2010 son centième anniversaire, faisant partie de cette famille du côté maternel – sa mère étant Joséphine Papineau, petite fille de Louis-Joseph Papineau. Une soixantaine de personnes prêtent une oreille attentive aux trois exposés.

 

Les deux premières générations : Samuel Papineau dit Montigny et Joseph Papineau dit Montigny

Jean-Yves Papineau, un des descendants de la famille Papineau, est le premier à prendre la parole. Il fait état de ses recherches et de ses travaux en cours sur Samuel et Joseph Papineau dit Montigny, appartenant respectivement à la première et à la deuxième génération.

 

Samuel arrive en terre québécoise en 1688. Originaire du bourg de Montigny en Poitou, il fait partie des recrues des Compagnies franches de la Marine et sert comme soldat durant dix années, contribuant par là à jeter les bases de la grande paix signée par les tribus autochtones en 1701. À la suite de sa démobilisation en vertu de l’ordonnance royale de 1698, il se fait concéder en 1699 une terre sur l’île de Montréal dans la seigneurie des Sulpiciens. Il y mène une vie modeste, jusqu’à son décès en 1737, en compagnie de Catherine Quevillon avec qui il se marie en 1704.

 

De père en fils, les conditions d’existence s’améliorent. Le fils de Samuel, Joseph Papineau dit Montigny, né en 1719, parvient à acquérir fortune et aisance, fort probablement dans le commerce des fourrures. Il profite d’une situation matérielle enviable pour assurer à son fils, Joseph Papineau, né en 1752, le père de Louis-Joseph, une éducation de qualité, qui le rend apte à donner à la lignée des Papineau son impulsion et son caractère.

 

Le conférencier termine son exposé en invitant les personnes présentes à visiter le site Web Papineau-Histoire-Qc.ca qu’il est en train de monter

Le site renferme le texte de la présentation qu’il vient de faire et les résultats de ses travaux actuels sur les membres de la famille Papineau.

 

Les deux générations suivantes de Papineau : Joseph Papineau et Louis-Joseph Papineau (à noter l’absence de la seconde partie du nom de famille « dit de Montigny»)

Georges Aubin est le deuxième conférencier à prendre la parole pour nous entretenir de deux autres membres de la famille, Joseph né en 1752, et son fils, Louis-Joseph, né en 1786. Le conférencier ne peut être mieux préparé pour cet exposé, ayant à son crédit, partagé avec Renée Blanchet, la publication de plusieurs ouvrages renfermant les écrits de la famille Papineau. L’ensemble des publications du conférencier, un travail colossal, peuvent être retracées sur le site Web de Bibliothèque et Archives nationales du Québec dans le Catalogue Iris.

 

Comme il est mentionné ci-dessus, Joseph Papineau, représentant de la troisième génération, a la possibilité de poursuivre des études classiques au Séminaire de Québec qui le mènent à l’arpentage. En 1775, dans le nouveau contexte introduit par l’Acte de Québec de 1774 qui reconnaît le droit français, Joseph s’oriente vers le notariat. L’exercice de sa nouvelle profession le met en contact avec les censitaires et les seigneurs de la région de Montréal, plus particulièrement les Sulpiciens, seigneur de l’Île-de-Montréal, et le Séminaire de Québec, détenteur des seigneuries de l’Île-Jésus et de la Petite-Nation. Il ne tarde pas à se signaler par sa compétence et se retrouve bientôt régisseur de la seigneurie de l’Île-Jésus pour le compte du Séminaire de Québec. C’est par ce biais, en partie en compensation d’honoraires qui lui sont dus par ce dernier, qu’il peut acquérir en 1801 la seigneurie de la Petite-Nation. Joseph en entreprend le développement jusqu’en 1817, année où il la vend à son fils, Louis-Joseph.

 

Joseph est à l’affût des opportunités qui se présentent. L’avènement en 1791 d’un régime constitutionnel qui établit une Chambre d’assemblée dans le Bas-Canada, l’incite à se présenter comme député. D’ailleurs quelques années auparavant, il avait signé une pétition demandant une chambre d’assemblée. Joseph se fait élire comme député en 1792, en 1796, en 1800 et en 1809, année où son fils, Louis-Joseph, entre aussi en politique. Au cours de ses quatre mandats, Joseph se fait surtout remarquer par ses prises de position en faveur de l’usage de la langue française en Chambre. Après 1814, il quitte la vie politique pour se consacrer à ses affaires personnelles dont l’exercice du notariat.

 

Représentant de la quatrième génération, Louis-Joseph, l’un des fils de Joseph, formé à l’exercice de la profession d’avocat, entre en politique en 1809, alors que son père est dans son quatrième et dernier mandat. Il connaît une carrière plus longue que celle de son père et marquée de plus d’éclat. Élu orateur (président) de la Chambre en 1815, il s’engage dans une lutte de tous les instants pour l’obtention d’un système de gouvernement démocratique pour les Canadiens français qui constituent la majorité dans le Bas-Canada. Le combat politique qu’il poursuit avec opiniâtreté pour le contrôle du budget par les élus, l’électivité des ministres et l’établissement d’un gouvernement responsable mènent aux troubles de 1837-1838 sur le refus de Londres. Lors de l’affrontement des Patriotes avec les troupes britanniques à l’automne 1837, Louis-Joseph se réfugie aux États-Unis, puis s’exile en France de 1839 à 1845. L’amnistie lui ayant été accordée en 1844, il revient au pays, mais dès lors il se consacre surtout à la mise en valeur de la seigneurie de la Petite-Nation qu’il avait achetée de son père Joseph en 1817.

 

Le conférencier termine son exposé en traitant de la prétendue fuite de Louis-Joseph Papineau, chef du Parti patriote, aux États-Unis à l’automne 1837, et de la question de l’annexion, c’est-à-dire de sa vision du Bas-Canada comme membre d’une confédération continentale d’États. Il annonce aussi une nouvelle édition du Journal d’un Fils de la Liberté aux Éditions du Septentrion.

 

Deux femmes de la famille Papineau qui se sont démarquées

La troisième conférencière à prendre la parole est Micheline Lachance, journaliste, écrivaine et auteure de romans à succès – voir le Catalogue Iris sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Elle traite tout particulièrement de deux femmes de la famille Papineau qui se sont démarquées dans la cause des Patriotes, Julie Bruneau et Rosalie Papineau.

 

Julie Bruneau est la fille de Pierre Bruneau, marchand de Québec, membre de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada comme Louis-Joseph Papineau, celui qui devient son mari en 1818. De ce mariage naissent neuf enfants dont Amédée avec qui Louis-Joseph entretient une correspondance particulière. Femme de grande fierté et dotée d’une force de caractère, elle partage la cause des Patriotes et exerce sur Louis-Joseph une influence marquante, n’hésitant pas à le rejoindre lors de son exil aux États-Unis et en France.

 

Quant à Rosalie Papineau, elle est la sœur de Louis-Joseph. En 1816, elle épouse Jean Dessaulles, seigneur de Saint-Hyacinthe, député du comté de Richelieu et de Saint-Hyacinthe. Rosalie s’engage elle aussi dans la cause des Patriotes. La distribution de vivres aux personnes participant à la rébellion et l’accueil des réfugiés dans son manoir comptent parmi quelques-uns des gestes qu’elle a posés en leur faveur.

 

Par quoi commencer la lecture des écrits publiés de la famille Papineau?

Yvan Lamonde, professeur d’histoire et de littérature, chercheur, historien des idées, a effectué de nombreuses recherches dans les écrits de la famille Papineau. C’est lui qui a rédigé les introductions aux publications de la correspondance de Louis-Joseph, une œuvre magistrale réalisée par Georges Aubin et Renée Blanchet. Les personnes intéressées à ces sources publiées auraient avantage à débuter par la lecture de l’une des dernières publications d’Yvan Lamonde, Signé Papineau. La correspondance d’un exilé (voir la rubrique Suggestions de lecture dans le présent bulletin). L’ouvrage renferme, entre autres, les introductions aux travaux de Georges Aubin et de Renée Blanchet.

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