Bulletin n°37, décembre 2013
Une nouvelle publication pour commémorer le cinquantenaire de la Délégation générale du Québec à Paris intitulé La coopération franco-québécoise hier, aujourd’hui, demain – Actes du colloque
Une nouvelle publication pour commémorer le cinquantenaire
de la Délégation générale du Québec à Paris intitulé
La coopération franco-québécoise hier, aujourd’hui, demain – Actes du colloque
Par Gilles Durand
Pour commémorer le cinquantenaire de la Délégation générale du Québec à Paris (1961-2011), ouverte en octobre 1961, la branche française de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC) organise un colloque sur la coopération franco-québécoise au cours de ces 50 années. La rencontre se tient à Paris le 4 octobre 2011. Plusieurs conférenciers tant français que québécois y participent. Leurs communications – sans compter des études particulières annexées –, présentées dans l’ouvrage intitulé La coopération franco-québécoise hier, aujourd’hui, demain – Actes du colloque et publié par les Éditions Privat en 2012, sont regroupées sous trois grandes parties, permettant de cerner des éléments déclencheurs de la coopération, des éléments moteurs, enfin ses fondements qui justifient de l’optimisme pour son avenir.
Des éléments déclencheurs : l’arrivée au pouvoir en 1961 d’une nouvelle équipe dirigée par Jean Lesage et la visite du président français, le général Charles de Gaulle
Les relations du Québec avec la France, devenues ténues après la conquête britannique en 1760, prennent de la vigueur au début des années 1960. Le besoin d’un rapprochement avec l’ancienne mère-patrie est déjà dans l’air depuis quelque temps. Un an après sa victoire du juin 1960, le gouvernement libéral ouvre une Délégation du Québec à Paris. Les premières ententes ne tardent pas à être signées entre un gouvernement du Québec, décidé à étendre à l’externe ses champs de compétence interne comme État fédéré, et le gouvernement français, un État souverain dirigé par Charles de Gaulle. Une Commission permanente de coopération franco-québécoise est mise en place en 1965 pour chapeauter la mise à exécution des projets conjoints. De Gaulle n’en reste pas là. Il donne à la coopération un élan sans pareil lors de son voyage au Québec en juillet 1967 dans le cadre de l’Exposition universelle de Montréal. Dorénavant les ententes se multiplient sous l’impulsion des deux gouvernements. Un organisme pour faciliter les échanges de jeunes dans un but d’observation et de formation voit aussi le jour en 1968, l’Office franco-québécois pour la jeunesse.
Des éléments moteurs de la coopération franco-québécoise
Le coup de barre initial donné par les gouvernements québécois et français trouve écho de part et d’autre de l’Atlantique jusqu’au niveau régional. Enseignants, chercheurs et étudiants français et québécois répondent positivement aux invitations des établissements universitaires, préuniversitaires et professionnels dans un but de formation, de spécialisation et de participation à des projets de recherche. Des touristes traversent l’Atlantique tant pour revoir des lieux d’origine que des lieux d’enracinement au temps de la Nouvelle-France. Un marché se forme entre les deux continents. L’entreprise privée exporte des biens de haute technologie et réalise des investissements dans des domaines très variés depuis le transport jusqu’au cosmétique. Le milieu du livre, du cinéma et des arts de la scène y trouve également son profit. Des associations comme France-Québec et Québec font beaucoup pour faire connaître et susciter l’intérêt pour le pays d’en face.
Les fondements de la coopération franco-québécoise – Pourquoi l’organisation du colloque par la CFQLMC
La coopération entre la France et le Québec connaît des hauts et des bas à l’occasion. N’empêche, elle repose sur une histoire, une culture et une langue communes. Elle s’exprime dans ce que la CFQLMC appelle des lieux de mémoire et qu’elle a pour mission de faire connaître et de commémorer pour garder vivants dans la mémoire collective. Les lieux de mémoire sont constitués de personnages, de lieux, d’événements, de paysages, de bâtiments, d’objets, de documents, de savoirs et de savoir-faire toujours vivants, formant autant de manifestations partagées par Français et Québécois et qui permettent de garder confiance en l’avenir. C’est en ces termes que le président passé de la branche québécoise de la CFQLMC, André Dorval, le rappelle : « Car un demi-siècle plus tard, les relations franco-québécoises, par leurs ramifications personnelles, professionnelles, institutionnelles, irriguent tous les domaines de la vie en société. Ces résultats sont redevables en bonne partie aux programmes de coopération et aux impulsions politiques… Mais ils s’expliquent aussi par le terreau fertile dans lequel ces initiatives ont été semées. Et cette fertilité, on la doit beaucoup à la proximité culturelle, ainsi qu’à des racines, une histoire et une mémoire communes (p. 208). »
La coopération franco-québécoise hier, aujourd’hui, demain – Actes du colloque, un compagnon indispensable en vente aux Éditions Privat, 10, rue des Arts – BP 38028, 31080 Toulouse Cedex 6
Les médailles sont des témoins incontournables de nos origines françaises : étude de Denis Racine, AIG et président de la CFQLMC
Denis Racine, AIG et coprésident Québec de la CFQLMC,
rappelle l’intérêt des médailles comme témoins de nos origines françaises
Par Gilles Durand
Les médailles sont des témoins importants de nos origines françaises. C’est ce que nous démontre Denis Racine, 2e secrétaire général de l’Académie internationale de généalogie (AIG) et président de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC). Pour les lecteurs de la revue Cap-aux-Diamants, il consacre une page à l’étude d’une médaille frappée vers 1885 à l’effigie de Mgr de Laval : brève biographie de l’évêque, présentation de l’auteur de l’œuvre et de la société à laquelle l’artiste appartient.
Voir Cap-aux-Diamants, no 115, automne 2013, p. 36, en vente dans les librairies.
Congrès sur les 100 ans de gouvernance du Conseil souverain en Nouvelle-France à l’occasion de son 350e anniversaire de création
Congrès sur les 100 ans de gouvernance du Conseil souverain
en Nouvelle-France à l’occasion de son 350e anniversaire de création
Par Gilles Durand
Six conférenciers mettent en commun leur expertise
À l’occasion du 350e anniversaire de la création du Conseil souverain en 1663 et dans le cadre de son 15e congrès quinquennal, la Société généalogique canadienne-française (SGCF) organise une rencontre en soirée du 11 octobre et durant la journée du 12 octobre 2013. Elle choisit pour thème les 100 ans de gouvernance du Conseil souverain en Nouvelle-France. Pour l’occasion, le Collège de Maisonneuve se fait l’hôte des nombreux congressistes à y participer, tant généalogistes que historiens et grand public en quête de découvrir, peut-être même de redécouvrir de nouveaux visages de cette institution ancestrale. Six conférenciers se succèdent pour faire ressortir les différents visages de ce tribunal : ses pouvoirs judiciaires et comme organisme de surveillance et de réforme sur les juridictions inférieures royales et seigneuriales (Jean-Philippe Garneau), la nature des sentences rendues et leur exécution (André Lachance), la prise en considération par cette cour des opinions exprimées par la population (Josianne Paul), les traces qui en restent dans les jugements récemment rendus (Céline Gervais) ainsi qu’au niveau des registres et des pièces produits à l’époque (Rénald Lessard), enfin la signification de son abolition après la Conquête et son remplacement par un gouverneur et un conseil exécutif majoritairement britannique qui forment dorénavant la cour d’appel (Charles-Philippe Courtois).
D’un régime de collaboration de pouvoirs délégués par le roi de France en matières législative, exécutive et judiciaire à un régime de séparation et partage des pouvoirs
Lors de sa création en 1663, le Conseil souverain participe à l’exercice des trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire exercés par le souverain français. Parmi ses membres, greffier, procureur et conseillers, se retrouvent le gouverneur, l’intendant (à partir de 1665) et l’évêque. Le Conseil rend jugement dans des causes de nature civile et criminelle tant en première instance qu’en appel des décisions des tribunaux locaux. À ses débuts, il possède un droit de regard sur l’administration de la colonie, peut émettre des arrêts de règlement et des ordonnances de police et enregistre les actes royaux avec droit de remontrance au souverain. Progressivement, il voit son champ d’opération restreint au seul domaine judiciaire. Le changement d’appellation, en 1702, de Conseil souverain à Conseil supérieur, en est un témoignage éloquent.
L’héritage du Conseil souverain toujours actuel
Les juristes constatent que des jugements actuels rendus par les tribunaux portent la marque d’arrêts et d’ordonnances émanant du Conseil. De plus, rares sont les généalogistes et les historiens qui ne font pas appel au patrimoine écrit qu’il nous a légué. Les premiers trouvent souvent dans ses délibérations, ordonnances et jugements des informations pour illustrer des faits et gestes de leurs ancêtres. Pour les historiens, c’est la meilleure source pour l’étude d’une institution qui a su évoluer au rythme de la société et des tribunaux de première instance, soit en confirmant leur décision, soit en atténuant la peine imposée, soit en la rendant plus sévère. Dans les cas de sévérité de la peine, la sentence n’était pas prononcée dans un but de vengeance pour un acte passé, mais plutôt pour protéger la société dans le futur, c’est-à-dire pour dissuader d’éventuels délinquants de poser à nouveau les mêmes actes. Le recours continuel aux archives du Conseil souverain, désormais sous la garde de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), n’a rien de surprenant, comme le donne à penser un des conférenciers, Rénald Lessard : « Grâce au projet Champlain, tous les documents ont été numérisés et décrits finement en 2003. Cet accès gratuit permet aux généalogistes d’avoir accès à des documents touchant nombre d’ancêtres. Qui plus est, en 2013, l’intégration aux notices inscrites dans Pistard – le moteur de recherche de BAnQ – des transcriptions intégrales des registres des délibérations, arrêts et jugements du Conseil souverain de Québec pour la période allant de 1663 à 1716 leur redonne une nouvelle vie et les rend encore plus attrayants pour les chercheurs (Résumé des conférences des 11 et 12 octobre 2013, SGCF). »
VIe Journées d’histoire de la grande pêche et des pêches maritimes : pêche, grande pêche et bruits de guerre – Hommage à Charles de La Morandière, à Granville, les 26 et 27 septembre 2014
VIe Journées d’histoire de la grande pêche et des pêches maritimes :
pêche, grande pêche et bruits de guerre – Hommage à Charles de La Morandière, à Granville, les 26 et 27 septembre 2014
La Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs vous invite à prendre connaissance d’un communiqué relatif à la tenue des VIe Journées d’histoire de la grande pêche et des pêches maritimes, à Granville les 26 et 27 septembre 2014. Les pêches ont joué un rôle incontournable dans la naissance et la poursuite des relations entre la France et l’Amérique du Nord. Les organisateurs du colloque, la Société française d’histoire maritime, le Musée des pêcheries de Fécamp et le Musée du Vieux-Granville, le rappellent et lancent un appel à communication.
Robert Trudel entretient les membres de la régionale sherbrookoise de Québec-France de l’importance du voyage de de Gaulle en avril 1960 dans les relations France-Québec
Robert Trudel entretient les membres de la régionale sherbrookoise de Québec-France
de l’importance du voyage de de Gaulle en avril 1960 dans les relations France-Québec
Par Gilles Durand
C’est devant un auditoire attentif et vivement intéressé que Robert Trudel prononce, le dimanche 15 septembre 2013, une conférence sur l’importance du voyage du général de Gaulle en avril 1960. Le voyage dure une quinzaine de jours. Le général de Gaulle débute sa visite au Canada, mais il se rend aussi aux États-Unis, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, se réservant quatre jours – du 18 au 22 avril 1960 – pour des arrêts dans quatre villes canadiennes, soit Ottawa, Québec, Montréal et Toronto.
Le voyage de de Gaulle en 1960, un sujet moins connu que celui réalisé en 1967 lors de l’exposition universelle de Montréal, revêt une grande importance. Il se situe au début de la période d’accélération de la Révolution tranquille. Le général y découvre la réussite et le potentiel du Québec dans beaucoup de domaines. Il prend davantage conscience que la France, en aidant le Québec à accentuer son processus de développement, aurait tout à gagner elle aussi de la coopération du Québec. Sans compter que ce dernier constitue une barrière contre la pénétration grandissante de l’influence américaine dans tous les secteurs.
Le conférencier conclut son exposé devant les membres de la régionale sherbrookoise de l’Association Québec-France en s’inspirant de la conclusion d’un texte récemment publié dans le dernier bulletin Mémoires vives, no 36, juin 2013 : « Ce survol rapide des thèmes que de Gaulle affectionne montre bien que les relations qu’il a, au moins depuis 1940, voulu voir la France et le Canada français développer étaient le fruit d’une pensée cohérente sur ce qu’il nommait « la chose » ou « l’œuvre française ». Bien sûr, en 2013, son utilisation d’expressions comme « Français du Canada » en communion avec ceux de France nous étonne. Mais, et c’est ce qui doit importer, il a toujours reconnu l’existence d’une entité particulière de langue française en Amérique du nord, le Canada français. Il a pris les décisions et les dispositions nécessaires pour que s’établissent entre la France et le Québec des relations directes et privilégiées, durables et audacieuses, dans tous les domaines, qui n’ont cessé de s’affermir et de se ramifier depuis cinquante ans. »
Pour en savoir davantage sur les suites de ce voyage, consulter Les textes marquants des relations franco-québécoises (1961-2011), dont le conférencier a assumé la coordination, publié aux Éditions MultiMondes à l’automne 2011.
Québec s’est rappelé Piaf
Par Michel Dufresne
CFQLMC
Le 14 mai 2013, lors de l’annonce du colloque : de g. à d. Jacques Fortin, CFQLMC et régionale des Seigneuries–La Capitale de Québec, Paul Lacasse, régionale de la Rive-Droite-de-Québec de l’Association Québec-France, Jil igrot, interprète, Pierrette Lelièvre, CFQLMC et Denis Racine coprésident de la section du Québec de la CFQLMC.
|
Le 10 novembre 2013, par un dimanche après-midi pourtant frisquet et neigeux, 132 amoureux de la chanson française se réunissaient en La Chapelle du Musée de l’Amérique francophone, dans le Vieux-Québec, à l’appel de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC), des régionales de Québec et des Seigneuries–La Capitale de l’Association Québec-France et de la Société historique de Québec. Cet événement, qui se voulait au départ un exercice de mémoire à l’occasion du 50e anniversaire du décès de la chanteuse Édith Piaf, avait été néanmoins conçu comme un mini-colloque axé sur la chanson française aux pays de Trenet et de Vigneault (Photo 1).
Les participants eurent droit ainsi, en ouverture, à quelques mots d’usage des représentants des trois grands organismes et, dans le cas de l’Association Québec-France, à ceux des présidents de ses deux régionales concernées. Le coprésident de la CFQLMC, M. Denis Racine (PHOTO 2), évoqua pour sa part l’intérêt grandissant accordé au patrimoine immatériel et, notamment, aux œuvres et aux événements reliés à nos grands créateurs et interprètes (Photo 2).
Le mot de bienvenue au colloque : de g. à d. Michel Dufresne, André Poulin et Denis Racine
|
Puis, le colloque prit son envol avec une conférence on ne peut plus vivante de l’historien Jean-Marie Lebel (Photo 3) qui, citations mimées et extraits d’enregistrements sonores à l’appui, nous fit revivre en un peu moins d’une heure vivement appréciée, les passages successifs de la Môme à Québec, à l’invitation du cabaretier Gérard Thibault.
Jean-Marie Lebel fait revivre la Môme
|
Devait suivre une table ronde sous forme d’entretien entre l’animatrice de Radio-Canada Catherine Pépin et le producteur, diffuseur et spécialiste de la chanson Pierre Jobin (Photo 4). S’appuyant à son tour sur des extraits d’entrevues filmées d’époque, ce dernier fit un survol également fort goûté de ses quelque 40 ans de carrière d’agent auprès de Félix Leclerc et de plusieurs autres artistes, aussi bien européens que québécois.
De g. à d. Pierre Jobin, Catherine Pépin
|
Ce trop court événement, que j’eus le plaisir d’animer avec le concours de mes collègues Pierrette Lelièvre et Jacques Fortin, se sera avéré de toute évidence un franc succès, comme le soulignèrent d’ailleurs en clôture le président de l’Association Québec-France, MM. André Poulin, et Denis Racine, qui s’est engagé au nom de toutes les personnes présentes à déposer une gerbe de roses sur la tombe de Piaf à l’occasion de son prochain passage à Paris (Photo 5, 6).
En soirée, plusieurs des participants allaient se retrouver de nouveau réunis au spectacle « Édith », donné par l’interprète Jil Aigrot, la voix chantée d’Édith Piaf dans le film La vie en rose, au Théâtre Petit Champlain.
Tombe d’Édith Piaf au cimetière du Père-Lachaise à Paris
|
Denis Racine au cimetière du Père-Lachaise, donnant suite à la promesse faite lors de son allocution de clôture, au nom des amis et admirateurs de la Grande de la chanson.
|
Colloque « Louis Hémon, pluriel et exemplaire? », le 31 octobre et le 1er novembre 2013 au Centre d’archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)
Colloque « Louis Hémon, pluriel et exemplaire? »,
le 31 octobre et le 1er novembre 2013 au
Centre d’archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)
Par Gilles Durand
À l’occasion du centenaire du décès de Louis Hémon, survenu le 8 juillet 1913, trois organismes organisent en partenariat un colloque pour faire découvrir et au besoin redécouvrir Louis Hémon et son œuvre : BAnQ, le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ – UQAM) et l’Université du Québec à Montréal. L’événement se déroule sous le haut patronage du Consulat général de France (CGF) et avec le soutien de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC), de la Société historique de Montréal (SHM) et de l’Écomusée du fier monde. Seize conférenciers se succèdent au cours de ces deux jours pour présenter à un auditoire vivement intéressé les différents visages de cet écrivain-journaliste et de l’héritage qu’il lègue à la postérité.
Un colloque qui donne satisfaction aux organisateurs et partenaires : 1re rangée, de g. à d.
|
Quelques notes biographiques
Louis Hémon naît à Brest en France, le 12 octobre 1880, dans une famille cultivée et influente. Il poursuit des études à Paris en droit et en langue annamite. En rupture avec sa famille et le milieu littéraire parisien, rêvant de liberté et d’indépendance, il quitte en 1902 la France pour l’Angleterre. Dès lors commence le cycle londonien de huit ans au cours duquel il donne libre cours à ses talents, rédigeant ses trois premiers romans et des textes, notamment pour le journal sportif parisien Le Vélo. En octobre 1911, Hémon quitte. Il s’embarque pour le Canada et se rend à Montréal. Son séjour dans la métropole, entre 1911 et 1913, où il travaille comme traducteur et sténographe, est entrecoupé par un déplacement au Lac-Saint-Jean, où il se met au service de l’agriculteur Samuel Bédard de Péribonka, comme garçon de ferme pour une période de quelques mois. En juin 1913, il décide de se rendre dans l’Ouest canadien, mais décède peu de temps après, âgé de 33 ans, à Chapleau en Ontario, happé par un train. À sa mort, il laisse une œuvre littéraire diversifiée, chroniques sportives, nouvelles, récit de voyage, romans dont le plus célèbre, Maria Chapdelaine, est publié pour la première fois en 1916.
Pour une relecture de Maria Chapdelaine
Louis Hémon, écrivain polyvalent, laisse une œuvre littéraire à son image, mais il doit surtout sa renommée à Maria Chapdelaine, son œuvre maîtresse, inspirée de la vie des colons au Lac-Saint-Jean, qui connaît plus de 150 éditions. Il serait simpliste d’assimiler le roman à la littérature du terroir, promotrice de la vie paysanne et de l’agriculture. L’écrivain ne se fait pas le chantre inconditionnel de l’idéologie du terroir. Les personnages de l’ouvrage témoignent d’un attachement à l’héritage apporté de la vieille France, mais la trajectoire suivie par ceux-ci est loin d’être rectiligne.
COLONISATION ET CULTURE DU SOL : Par exemple, trois Français qui ont pris terre dans la région ne peuvent s’empêcher de laisser paraître « leurs illusions », « leur chimère » face aux « mille duretés d’une terre impitoyable (Maria Chapdelaine, Bibliothèque canadienne-française, Fides, 1970, p. 147) ». Samuel Chapdelaine, le père de Maria, apparaît moins comme un pionnier et un colon que comme un homme qui aime le défi et la liberté que procurent les nouveaux espaces : « C’était sa passion à lui : une passion d’homme fait pour le défrichement plutôt que pour la culture. Cinq fois déjà depuis sa jeunesse il avait pris une concession, bâti une maison, une étable et une grange, taillé en plein bois un bien prospère; et cinq fois il avait vendu ce bien pour s’en aller recommencer plus loin vers le nord, découragé tout à coup, perdant tout intérêt et toute ardeur une fois le premier labeur rude fini, dès que les voisins arrivaient nombreux et que le pays commençait à se peupler et à s’ouvrir… (Ibid., p. 39) ». Face à trois prétendants, François Paradis, Lorenzo Surprenant et Eutrope Gagnon, Maria choisit le premier, d’un tempérament aventurier, celui qui n’a pas gardé la terre de son père, qui a « presque toujours travaillé dans le bois, fait la chasse ou bien commercé avec les sauvages du grand lac à Mistassini… aussi passé deux ans au Labrador (Ibid., p. 19) ». Ce n’est qu’après sa mort au cours d’une tempête de neige qu’elle accorde sa préférence à Gagnon plutôt qu’à Surprenant. Lorenzo Surprenant, c’est le travailleur déraciné dans les usines de la Nouvelle-Angleterre, mais Eutrope Gagnon, c’est le colon opiniâtre sur lequel une famille peut compter : « Je ne suis pas riche, bien sûr, dit-il à Maria; mais j’ai deux lots à moi, tout payés, et vous savez que c’est de la bonne terre. Je vais travailler dessus tout le printemps, dessoucher le grand morceau en bas du cran, faire de bonnes clôtures, et quand mai viendra j’en aurai grand prêt à être semé… (Ibid., p. 162) ».
PRATIQUE RELIGIEUSE : Abordant la misère des colons qui se déplacent sur le territoire, tel le père Samuel Chapdelaine, et leur manque d’aise, Hémon écrit : « A leur aise… O Dieu redoutable des Ecritures que tous ceux du pays de Québec adorent sans subtilité ni doute, toi qui condamnas tes créatures à gagner leur pain à la sueur de leur front, laisses-tu s’effacer une seconde le pli sévère de tes sourcils, lorsque tu entends dire que quelques-unes de tes créatures sont affranchies, et qu’elles sont enfin à leur aise (p. 39)? ».
Louis Hémon, un élément incontournable de la mémoire collective
Dans la région que l’écrivain a fréquentée et qui a été la source d’inspiration pour son chef-d’œuvre, Maria Chapdelaine, un musée lui est dédié depuis 1938, dont le conservateur fondateur est Gilbert Lévesque, coordonnateur des célébrations des centenaires Hémon (1980 et 2013), également conférencier lors du présent colloque. Récemment, le 4 juillet 2013, le souvenir de l’écrivain a été gravé encore plus profondément dans la mémoire collective par sa désignation comme personnage historique par le ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto, et, de ce fait, par son entrée au Répertoire du patrimoine culturel du Québec. Les actes du colloque seront publiés en 2014. Les lecteurs intéressés à prendre connaissance dès maintenant de la diversité des communications présentées sont invités à consulter le site Web de BAnQ.
Colloque académique sur le centenaire du Royal 22e Régiment : 100 ans de formation de pointe, de détermination et de fidélité à l’héritage de Champlain
Colloque académique sur le centenaire du Royal 22e Régiment :
100 ans de formation de pointe, de détermination et de fidélité à l’héritage de Champlain
Par Gilles Durand
Une marque de reconnaissance : de g. à d. Dr Marc Imbeault et le Brigadier général Richard GiguèreCrédit photo : Brian Naud, Défense nationale du Canada |
Un colloque de deux jours
Les 17 et 18 octobre 2013, un colloque académique est organisé au Collège militaire royal de Saint-Jean pour célébrer le 100e anniversaire du Royal 22e Régiment, le premier bataillon francophone dans l’Armée canadienne. La rencontre se déroule sous la présidence du Colonel du Régiment, le major-général Alain Forand, et sous la coordination pour le contenu scientifique, du Doyen à l’enseignement et à la recherche en humanités et sciences sociales, le Dr Marc Imbeault. Vingt-cinq conférenciers défilent à la barre pour rappeler le parcours unique du Régiment, sa levée, sa formation, sa participation tant aux guerres qu’aux missions de paix, son caractère distinctif au sein de l’Armée canadienne. Comme nous pouvons nous y attendre, l’auditoire se compose des militaires du Régiment, mais aussi de civils en quête d’approfondir le pourquoi et le comment d’aventures gravées dans la mémoire collective. La Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC) participe également à ces journées commémoratives par l’entremise, entre autres, de son coprésident, Denis Racine.
Les débuts du Régiment
Lorsqu’éclate la guerre 1914-1918, elle entraîne dans son sillage le Canada par son statut de colonie britannique. Une première levée de volontaires a lieu à Montréal, mais l’entraînement de base se poursuit à l’extérieur. Saint-Jean fait partie des sites retenus. Les Iroquois, les Français au temps de la Nouvelle-France et les Britanniques après la Conquête reconnaissent la position stratégique de ce site en bordure de la rivière Richelieu. D’ailleurs, une école de formation pour l’infanterie est en opération à partir de 1883.
En vue d’assurer la relève dans ses rangs, le 22e Bataillon doit exercer une force d’attraction sur les Québécois, tant par son expertise militaire que par son caractère francophone. À la suite de pressions d’hommes politiques et d’un mouvement d’opinion favorable dans la population, la décision est prise d’en faire une unité dont la langue de travail et les traditions demeurent fidèles à l’héritage de Champlain. Très tôt, le Bataillon se démarque. Dès 1920, il passe du statut de bataillon à celui de régiment – le régiment se composant de bataillons. Un an plus tard, avec le qualificatif « royal » que lui accorde le roi George V. le 22e Bataillon prend nom de Royal 22e Régiment. C’est aussi en 1920 qu’il est assigné à la Citadelle de Québec, cette dernière servant à la fois de maison-mère, de lieu d’entraînement et d’espace de conservation et de mise en valeur de la mémoire de ses glorieux faits d’armes – un musée entièrement rénové doit d’ailleurs ouvrir ses portes en 2014.
Une image de marque durant 100 ans
Depuis sa création en 1914, le 22e Régiment intervient dans une variété d’opérations au pays et à l’étranger. Il laisse en héritage une contribution marquante aux conflits mondiaux et aux missions de paix des Nations-Unies La Première Guerre mondiale, dont le centenaire sera célébré en 1914, exige beaucoup de sa part, entre autres à Courcelette en septembre 1916, à Vimy en avril 1917, à Chérisy près d’Arras en août 1918, par contre elle lui donne l’occasion d’inscrire de nombreux faits d’armes dans la mémoire collective.
L’expertise et la compétence dans la manière de guerroyer du 22e Régiment de même que ses qualités militaires sont à la base de l’influence indéniable qu’il exerce sur le développement de l’Armée canadienne. De plus, en implantant l’usage du français comme langue de travail, il se fait le fer de lance de l’égalité linguistique au Canada et apporte une contribution significative à la consolidation et à l’épanouissement de la nation québécoise – reconnue par la Chambre des communes du Parlement du Canada le 27 novembre 2006.
Pour en savoir davantage
Consulter :
- La publication de Serge Bernier lancée lors du colloque, Le Royal 22e Régiment, Québec, Les Éditions GID, 2013, 215 p.
- Le site Web du Royal 22e Régiment
- Le site Web du Collège militaire royal de Saint-Jean
- « Le Royal 22e Régiment » par Carl Pépin dans l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française
Des pionniers de l’Auvergne, de la Champagne et de la ville de Paris font leur entrée au Fichier Origine
COMMUNIQUÉ
Des pionniers de l’Auvergne, de la Champagne et de la ville de Paris font leur entrée au Fichier Origine
Québec, le 10 octobre 2013 – La version 43 compte 65 nouvelles fiches dont 44 actes de baptême de pionniers et pionnières dont plusieurs sont originaires des régions de l’Auvergne, de la Champagne et de la ville de Paris. Plus de 60 fiches ont été modifiées pour ajouter des dates de naissance ou mariage de parents des pionniers. Dans la présente version, 62 actes de baptême numérisés ont été ajoutés aux fiches existantes et aux nouvelles fiches de la version 43.
En 2013, année de la commémoration du 350e anniversaire de l’arrivée du premier contingent des filles du roi, des recherches ont été réalisées par nos collaborateurs pour ajouter de nouvelles données à ce groupe de migrantes. Bernadette Foisset, de Dieppe, a permis d’ajouter au Fichier Origine une quinzaine de filles du roi originaires de Normandie et d’apporter de nouveaux renseignements sur une vingtaine d’autres. Pour sa part, Marie Gagné a procédé à une recherche sur les pionniers auvergnats ce qui a permis d’ajouter une vingtaine de pionniers originaires de cette région de France. Romain Belleau, un collaborateur de longue date, vient de publier une étude exhaustive sur les pionniers du département de la Haute-Marne (Champagne). Ses recherches ont été diffusées dans les Cahiers haut-marnais, vol. 266-267, 2013, p. 13-253.
Pour sa part, Jean-Paul Macouin a poursuivi ses recherches au Minutier central des notaires de Paris permettant d’ajouter plusieurs pionniers originaires de la ville de Paris. Comme plusieurs données recensées par M. Macouin ne peuvent être inscrites pour le moment dans la version 43 du Fichier Origine, nous avons placé sur la page d’accueil les résultats globaux de ses recherches effectuées au cours de l’hiver 2012-2013. Dans la prochaine version, en avril 2014, nous vous présenterons les résultats des recherches de Marie Gagné sur les pionniers du département de la Somme en prévision de la commémoration du 100e anniversaire de la grande guerre.
Le Fichier Origine s’inscrit dans le cadre d’une entente de coopération, signée en mars 1998, renouvelée en mai 2013 entre la Fédération québécoise des sociétés de généalogie et la Fédération française de généalogie. Le projet est financé par la Fédération québécoise des sociétés de généalogie qui reçoit une aide financière du ministère de la Culture et des Communications du Québec ainsi que des commandites de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, des Éditions du Septentrion, du PRDH et de l’Institut généalogique Drouin. Le Fichier Origine est accessible gratuitement dans Internet depuis 1998 à l’adresse suivante : http://www.fichierorigine.com/
Source :
Marcel Fournier
Coordonnateur du Fichier Origine
marcel.fournier@sympatico.ca
De nouvelles désignations en marge du 350e anniversaire de la première séance du Conseil souverain le 18 septembre 1663
De nouvelles désignations en marge du 350e anniversaire
de la première séance du Conseil souverain le 18 septembre 1663
Par Gilles Durand
Collaboration : Claude Jean
À l’occasion du 350e anniversaire de la première séance du Conseil souverain de la Nouvelle-France, le 18 septembre 1663, le ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto, annonce la désignation de cet événement comme événement historique inscrit au Répertoire du patrimoine culturel.
La première séance du Conseil souverain constitue le coup d’envoi majeur de la prise en charge de la colonie par Louis XIV. « Le Conseil souverain était appelé à devenir l’une des institutions les plus prestigieuses de la colonie. À titre de plus haut tribunal colonial, le Conseil avait toute autorité pour trancher les litiges, condamner les contrevenants, examiner et enregistrer les lois, rédiger des règlements de police et même transmettre au roi des doléances. De plus, il avait les pleins pouvoirs pour gérer les finances publiques, imposer des taxes et des droits de douane. Par ailleurs, la présence du Conseil souverain à Québec confirmait la vocation de capitale de cette cité », nous rappelle le communiqué du ministre.
Le ministre saisit également l’occasion pour inscrire dans la mémoire collective deux des principaux acteurs de l’administration royale en Nouvelle-France, membres du Conseil souverain devenu Conseil supérieur à partir de 1702. Les gouverneurs et les intendants qui ont siégé dans cet organisme tout au long de la Nouvelle-France sont désignés personnages historiques. Pour en savoir davantage sur ces désignations, consulter le communiqué de ministère de la Culture et des Communications et le Répertoire du patrimoine culturel du Québec (RPCQ).
Histoire de Jeanne Chevalier
Histoire de Jeanne Chevalier
Par Janine Arsène-Larue
Chercheure bénévole pour la CFQLMC
Jeanne Chevalier
Un beau jour de 1644 ou 1645, Marguerite Scorban, épouse de Jacques ou Jean Alexandre Le Chevalier, mit au monde une fille nommée Jeanne. On baptise l’enfant à Saint-Jacques de Dieppe à moins que ce ne soit à Saint-Nicolas de Coutances (les généalogistes ne sont pas d’accord) mais en tout cas c’est une Normande !
Quand elle atteint l’âge de 26 ans, elle est recrutée par l’Archevêque de Rouen qui, à la demande de Colbert, doit envoyer en Nouvelle-France, selon les souhaits de l’Intendant Jean Talon, des femmes robustes, fécondes et besogneuses. Les hommes en place en ont besoin pour les aider à défricher et pour s’assurer une descendance.
Le 26 Juin 1671, Jean-Baptiste-François Deschamps de la Bouteillerie, originaire de Cliponville, petit village du pays de Caux, embarque à Dieppe, sur le Saint-Jean-Baptiste. Il espère obtenir une concession en Nouvelle-France. Il emmène avec lui deux charpentiers, un maçon, quatre manœuvres et 26 Filles du Roy. Jeanne est une de celles-ci.
Couple Chevalier-Le Canteur
Elle est accueillie à son arrivée par Anne Gasnier, veuve de Jean Bourdon, originaire de Rouen, ingénieur et, dès le 11 octobre 1671, trouve mari en la personne de Guillaume Le Canteur. Celui-ci est aussi un Normand, originaire du diocèse de Lisieux.
Le couple donne naissance à trois fils, entre septembre 1672 et juillet 1678 : Nicolas, Charles et Guillaume. A cette époque, il réside à l’Ange Gardien, sur la côte de Beaupré, près de Québec où le père décède, sans doute accidentellement, à l’âge de 33 ans, en début 1679.
Couple Chevalier-Lévesque
Voilà Jeanne veuve avec trois jeunes enfants à charge. Il lui faut retrouver un mari. Ce sera Robert Lévesque.
Qui est ce dernier ? Eh bien, c’est certainement un des deux charpentiers emmenés par Jean-Baptiste-François de la Bouteillerie. Ce dernier a obtenu du Roi une concession sur la Rive Sud du Saint-Laurent, de chaque côté de la Rivière Ouelle, à environ 150 km de Québec. Pour la défricher, se faire construire une maison, il a besoin d’artisans : Robert Lévesque, charpentier, Damien Bérubé (de Rocquefort, également dans le pays de Caux), maçon, seront les artisans désignés.
Robert, né lui, le 3 septembre 1642, à Hautot-Saint Sulpice (encore dans le pays de Caux) obtient lui-même une concession sur les terres du Sieur de la Bouteillerie en 1674. Cependant, de juillet 1675 à mai 1676, il est à Québec où il participe à la construction du Petit Séminaire. Qui s’occupe de ses terres pendant ce temps ? Certainement un ou plusieurs de ses voisins, car les anciens Normands et d’autres pionniers unis par des liens de parenté ou d’amitié se trouvent tous regroupés à Rivière Ouelle. De plus, ils ont été, auparavant, plus ou moins résidents sur la côte de Beaupré. Pas étonnant que Robert, jusque-là célibataire, ait pu rencontrer notre Jeanne.
Le mariage a lieu le 22 Avril 1679 à l’Ange Gardien. Robert, 37 ans, emmène Jeanne et ses trois fils à Rivière Ouelle. Toute la famille à laquelle s’ajoutent bientôt les enfants Levesque, s’emploie à développer le patrimoine d’origine pour assurer l’avenir de ses descendants. En bon Normand, Robert s’y entend bien et acquiert de nouvelles terres. Naturellement, tout cela requiert beaucoup de travail, ce qui ne leur fait pas défaut. A son décès, le 11 Septembre 1699, qu’on suppose dû à une épidémie, Jeanne et ses trois enfants survivants héritent d’un vaste domaine.
Couple Chevalier-de la Bouteillerie
Elle épouse le sieur de la Bouteillerie le 5 avri1 1701. Malheureusement, celui-ci décède deux ans après, en décembre 1703, à l’âge de 59 ans.
Descendance Chevalier-Lévesque
La descendance Lévesque-Chevalier est de six enfants :
- François-Robert, 12 février 1680 – 7 octobre 1765 (85 ans), père de 13 enfants dont huit fils
- Pierre-Joachim, 24 janvier 1682 – 8 novembre 1759 (76 ans), père de13 enfants : sept garçons, six filles
- Joseph, 11 décembre 1684 – 12 Février 1755 (70 ans), père de10 enfants : cinq fils et cinq filles.
Les 3 derniers, Jean-Baptiste, Jean-Baptiste et Marie-Anne, nés entre octobre 1686 et octobre 1690, ne survivront pas.
On peut noter qu’à la 3ème génération, il y avait déjà 36 descendants, qui continuèrent évidemment à procréer, si bien que l’on peut dire que Jeanne Chevalier est à l’origine de la plus importante descendance de Lévesque en Amérique du Nord.
Ils ne sont pas les seuls à avoir travaillé dur pour assurer le développement de ce territoire devenu le Québec mais on peut dire que ces deux-là ont particulièrement fait preuve d’endurance et de volonté.
Parmi les descendants de François- Robert (le fils aîné de Jeanne Chevalier et Robert Lévesque), on peut noter deux personnages connus :
- René Lévesque : 1922-1987, Premier ministre du Québec de 1976 à 1985, à l’initiative du jumelage entre Hautot-Saint-Sulpice et Rivière Ouelle, communes de départ et de résidence de l’ancêtre, avec la collaboration active du maire d’Hautot-Saint-Sulpice de l’époque : M. Roger Eudier.
- Raymond Levesque (1928- ) poète, compositeur, auteur, interprète de chansons: entre autres « Quand les hommes vivront d’amour »
Bibliographie :
- Yves Landry : Les Filles du Roy au XVIIème siècle
- Ulric Lévesque, membre de l’Association Lévesque Inc. : Robert Levesque et son époque 1642-1699
- Site internet : www. jacantdionne.net, réalisé par l’Historien de Rivière Ouelle Paul-Henri Hudon auteur de : Rivière-Ouelle de la Bouteillerie, 3 siècles de vie
- Site internet www.myheritage.fr/Jeanne-Marguerite Chevalier, Famille Chouinard/Fournier
La condition d’orphelin(e) en France au XVIIe siècle
La condition d’orphelin(e) en France au XVIIe siècle
Par Monique Pontault
Socio-anthropologue
Secrétaire générale de la CFQLMC (France)
Les historiens ont longtemps retenu des Filles du Roy qu’elles étaient orphelines. C’est le cas notamment de Lionel Groulx, de Benjamin Sulte et de Marcel Trudel. Certes, plus récemment, Yves Landry a nuancé cette affirmation. Il juge toutefois « vraisemblable que la proportion d’orphelines ait […] approché les 65 % ». Il précise : « Les Filles du Roy orphelines de père auraient compté au minimum 56,7 % (387/683), celles d’orphelines de mère pour 19,0 % et les orphelines complètes pour 11,3 %1. Et il ajoute : « Par rapport à leurs contemporaines des campagnes du Bassin parisien, les Filles du roi affichent une surmortalité paternelle de près de 20 % […]2.
Il semble donc intéressant de se pencher sur la condition des orphelins en France au XVIIe siècle, en essayant de dégager plus particulièrement la condition des filles.
Définitions
Sous Louis XIV, il faut distinguer enfants trouvés, dont on ignore l’origine (et auxquels s’est voué saint Vincent de Paul), enfants abandonnés – dont les parents sont connus mais qui ont disparu ou sont hospitalisés – et enfants délaissés du fait de la mort d’un de leurs parents ou des deux. Or, au XVIIe siècle, la différence essentielle entre ces enfants sans parents réside dans leur statut ou non d’enfants légitimes. On parle de « sans nom » pour les enfants trouvés considérés comme « bâtards » et d’« orphelins » pour les enfants légitimes. C’est seulement par la loi du 28 juin 1793 que tous ces enfants, quel que soit leur statut, seront dorénavant appelés orphelins. Et le mot « orphelinat » n’apparaîtra qu’au XIXe siècle. Auparavant on parlait d’institut, d’asile ou d’hôpital.
La famille et l’enfant
Une naissance s’inscrit toujours dans une lignée familiale dont elle permet la continuité. La famille joue un rôle essentiel sous l’Ancien Régime car elle constitue le socle de la société jouant un rôle vital de solidarité entre ses membres. Ce qu’on appelle aujourd’hui Famille recomposée constitue le plus souvent la règle car le fait de vivre avec ses deux parents jusqu’à sa majorité est une exception. La mortalité des femmes au moment des accouchements, en particulier, est importante. Elle a été estimée en moyenne à 20% entre le XVIe et le milieu du XIXe siècle. Il faut donc davantage parler de « parenté », constituée du réseau des oncles, tantes, cousins, etc.
La condition d’orphelin, même légitime, marque une rupture dans la solidarité intergénérationnelle car l’enfant échappe à sa lignée s’il est placé. Et une nouvelle distinction s’impose, parmi les orphelins, entre les orphelins en très bas âge et ceux qui ont eu le temps de bénéficier des premiers apprentissages transmis par la famille.
La prise en charge des enfants sans parents
Au XVIIe siècle, plus de 30% des enfants de moins de 15 ans sont orphelins de père3. Trois possibilités s’ouvrent alors à eux : la prise en charge familiale, l’hôpital, l’errance. La prise en charge par la famille est tributaire des moyens financiers de celle-ci. Si la famille est trop pauvre, les enfants sont placés à l’hôpital ou se retrouvent à la rue. On assiste souvent à la dispersion des fratries dans les familles ou entre le tuteur et les maisons pour orphelins.
Les orphelins assistés constituent une minorité.
Le placement familial
Ce placement semble la première solution envisagée car elle permet à l’enfant de rester dans son milieu biologique et social d’origine, même si on assiste souvent à la dispersion des frères et des sœurs à l’intérieur du cadre familial. Il peut, mais cela n’a rien d’obligatoire, être assorti d’un acte de tutelle.
La tutelle
Elle se pratique, après inventaire, lorsqu’il y a des biens à préserver, en principe dans les trois mois qui suivent le décès. Au XVIIe siècle les orphelins sous tutelle représentent 40 % des cas. Une tutelle n’est jamais définitive et peut évoluer dans le temps.
En général, le choix du tuteur incombe à une assemblée constituée de la parenté – oncles et cousins principalement – mais aussi de voisins et de relations socioprofessionnelles. Ce groupe – informel – (environ 7 à 8 personnes) et qui pourra d’ailleurs évoluer dans le temps se réunit chez un notaire qui l’officialise. L’assemblée de tutelle peut alors désigner un tuteur et un subrogé tuteur ou curateur chargé de veiller tout particulièrement aux intérêts du mineur (contrepouvoir en quelque sorte). Tuteur et subrogé tuteur comparaissent en audience pour prêter serment.
Dans la grande majorité des cas, c’est le parent survivant qui devient le tuteur mais, s’il vient à se remarier, la famille du défunt, par méfiance envers le nouveau beau-père ou la nouvelle belle-mère du ou de la pupille, a tendance à contester la tutelle, notamment s’il s’agit de la mère et celle-ci peut se voir retirer la tutelle qui sera confiée à un parent du défunt. Quand le père et la mère sont tous deux décédés, c’est souvent un oncle qui est choisi. Il arrive aussi qu’un orphelin soit placé chez des étrangers, moyennant pension. L’Acte de tutelle est enregistré par le notaire.
La tutelle s’exerce en principe jusqu’à la majorité légale (la majorité matrimoniale étant fixée depuis l’ordonnance de Blois de 1579, article 41, à 25 ans pour les femmes, 30 ans pour les hommes). Toutefois, les pupilles jouissent d’une certaine liberté à partir de 12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons, ce qui correspond à leur entrée en apprentissage. Le mariage ou l’entrée dans la vie religieuse avant 25 ans apporte une forme d’émancipation. Le tuteur peut aussi choisir de procéder à une émancipation en justice de son ou sa pupille. Mais même dans tous ces cas le mineur ne pourra gérer ses biens que dans une certaine limite, il ne pourra les vendre sans l’accord de l’assemblée de tutelle et du curateur. Cette procédure est la même pour tous les actes légaux.
Par ailleurs, la prise en charge par un tuteur ou par la famille n’empêche pas que cette autorité puisse déléguer ses responsabilités à un tiers ou à une institution.
A la majorité du pupille, le tuteur doit rendre compte de sa gestion et seulement alors la tutelle prend fin. Toutefois il reste 10 ans au pupille pour s’opposer à certaines opérations faites par son tuteur et pour engager une procédure de restitution.
En dehors de ces points précis concernant leur statut et leurs droits, les orphelins élevés en famille reçoivent, en principe, les mêmes soins que les autres enfants de leur milieu, à leur époque.
Le placement en institution
Les lieux d’accueil à Paris
Longtemps, la majorité des orphelins furent recueillis avec les pauvres et les malades à l’HOTEL-DIEU, sur la rive gauche de l’Ile de la Cité, le plus ancien et d’ailleurs le seul hôpital de la capitale jusqu’à la Renaissance. Le lieu était particulièrement insalubre et propice à la propagation de maladies infectieuses. Peu à peu, des établissements spécialisés voient donc le jour, avec le souci de séparer les enfants légitimes des « bâtards ». Il existe ainsi plusieurs lieux d’accueil à Paris au XVIIe siècle et chacun est consacré à une catégorie particulière d’enfants. Sont concernés notamment les orphelins de la classe des petits commerçants et artisans qui n’est pas démunie mais chez laquelle on manque de place – surtout à Paris et dans les grandes villes – et de disponibilité des femmes qui doivent seconder leurs maris dans leurs activités professionnelles. L’institution est alors perçue comme une sorte de pensionnat. D’ailleurs, l’arrivée en institution est plus tardive pour les enfants légitimes que pour les autres.
Les orphelines légitimes, comme ce fut le cas pour les Filles du Roy, placées en institution, le sont :
- soit dans l’une des maisons de l’HOPITAL GENERAL, qui rassemble, en 1656, plusieurs établissements hospitaliers de Paris, dont, La Salpêtrière et La Pitié. Yves Landry écrit qu’entre 1669 et 1671 250 Filles du Roy ont été recrutées à l’Hôpital général4.
– L’HOPITAL DE LA SALPETRIERE. En 1663, 3000 femmes y sont hébergées5.
– L’HOPITAL DE LA PITIE. Fondé en 1612 dans le faubourg St-Victor (5e arr.). Il sera déplacé près de la Salpêtrière en 1912 avant d’y être réuni en 1964. Il est destiné à recueillir les mendiants, infirmes, pauvres et errants, par conséquent également les enfants (de mendiants, trouvés et orphelins). On distingue alors la « Grande Pitié » destinée aux filles (2000 en 1663)6 et la « Petite Pitié » réservée aux garçons.
- soit dans un COUVENT comme
– LE COUVENT DES URSULINES du faubourg Saint-Jacques. Il comprend un pensionnat recevant des élèves de la noblesse et de la bourgeoisie (notamment des nouvelles converties protestantes comme la future marquise de Maintenon) mais également des classes gratuites pour enfants pauvres.
- soit dans une MAISON DE CHARITE, comme :
– L’HOPITAL DES CENT-FILLES OU DES CENT-FILLES ORPHELINES, rue Censier, dans le faubourg Saint-Marcel. Appelé également NOTRE-DAME DE LA MISERICORDE, il est destiné à accueillir cent orphelines indigentes nées à Paris et issues d’un mariage légitime. Ces fillettes, admises à l’âge de 6 à 7 ans, peuvent y demeurer jusqu’à 25 ans. Recueillies, nourries, logées, habillées, elles bénéficient d’une éducation chrétienne et d’une instruction professionnelle. Elles sont dotées si elles se marient ou entrent au couvent.
– LA MAISON DES ORPHELINS DE SAINT-SULPICE, OU DE LA MERE DE DIEU, rue du Vieux-Colombier, pour les orphelins garçons et filles de la paroisse. L’établissement est lié à la Cie du Saint-Sacrement et 46 Filles du Roy en partirent.7
La réception de l’orphelin
Contrairement à ce qui se passe pour les enfants trouvés, il existe des critères et des modalités d’admission dans les lieux d’accueil spécialisés pour orphelins. Dans chaque institution, un bureau d’accueil est destiné à l’enregistrement de l’enfant présenté par des membres de sa famille ou, plus largement, de son entourage – en général deux ou trois – qui constituent les « témoins », en présence d’un notaire. Ces témoins doivent justifier de l’inscription de l’orphelin au Grand Bureau des pauvres et, éventuellement, fournir une lettre de recommandation d’un « protecteur » extérieur à l’institution.
Le Grand Bureau des Pauvres de Paris (1544-1791)
Fondé par lettres patentes de François 1er le 7 novembre 1544, installé place de Grève, le Grand Bureau des Pauvres apporte secours en argent, en nature, en service médical à domicile et à l’hôpital.
Dans les lieux d’accueil, les jeunes enfants sont élevés par des nourrices, au sein de l’hôpital, dans Paris ou à la campagne jusqu’à cinq-sept ans, âge où ils ont acquis une certaine autonomie. Certes, c’est également le cas dans les milieux urbains et favorisés (malgré l’opposition de l’Eglise), mais le placement des orphelins fait sans doute moins l’objet de surveillance et de stabilité : les nourrices « rendent » fréquemment l’enfant accueilli, faute d’être payées…
Le coût
La règle générale est que les biens de l’orphelin soient mis en vente et les bénéfices en reviennent à l’hôpital. Il semble, d’après les actes de réception, que les 2/3 de ces biens consistent en meubles mais on trouve aussi des outils et du matériel professionnel. Si toutefois l’orphelin bénéficie d’un patrimoine, l’hôpital s’en octroie l’usufruit jusqu’à sa majorité et en hérite s’il vient à mourir durant son séjour. S’il survit, il devra rembourser les frais de sa prise en charge.
Caractéristiques des lieux d’accueil
- Le caractère religieux
L’hôpital général, par exemple, est sous l’emprise de la Compagnie du Saint-Sacrement, association secrète, créée en 1629, sans statut officiel mais reconnue au plus haut sommet de l’Etat, constituée de notables ultra catholiques et anti-jansénistes.
- L’opprobre
Il frappe tous les exclus. On imagine bien que l’orphelin accueilli à l’hôpital n’échappe pas à cette stigmatisation encore amplifiée lorsque celui-ci est illégitime.
- Séparation / promiscuité
– Sociale
Tout est prévu généralement pour que les pauvres soient isolés, distingués entre eux, selon le sexe, emploi, maladie, âge, qualité.
– Religieuse
N’oublions pas que, pour l’Eglise, les enfants nés de parents protestants étaient des « bâtards ». Toutefois, on trouve dans les maisons des nouveaux et nouvelles convertis qui se multiplient à partir de 1660, des orphelines catholiques.
– Sexuelle
Certaines institutions sont spécialisées garçons ou filles mais il semble que ce ne soit pas la règle générale.
- Vie communautaire : silence et gestion du temps
Toutes les activités se font en commun et elles sont rigoureusement encadrées car il est important qu’un jeune ne soit jamais livré à lui-même, tant la crainte du péché d’impureté, la contamination en matière morale est l’objet d’une obsession (en revanche, celle qui touche à la maladie est négligée). Il faut éviter les contacts entre deux individus, quel que soit leur âge. Le silence est de règle, les repas se font, au réfectoire, sans échanges verbaux. L’emploi du temps est strict, scrupuleusement découpé et défini. Toutes les occupations, même les repas, sont accompagnés ou encadrés par la lecture de textes religieux, les prières, les messes, les séances de catéchisme.A l’enfermement jalousement contrôlé s’ajoute donc, dans les hôpitaux généraux, un enfermement temporel. Cadrans solaires, horloges partout, rappellent l’importance du temps qui doit être totalement maîtrisé du matin au soir et si celui du collège est marqué fortement par la rupture de deux congés annuels, ceux de Pâques et ceux dits des vendanges auxquels s’ajoutent un certain nombre de jours fériés, celui de l’hôpital où n’existent ni vacances, ni récréations le plus souvent (ni promenades extérieures, bien sûr)8 est parfaitement circulaire. Pour les enfants qui ont encore de la famille, les visites sont autorisées dans certains hôpitaux mais elles sont très limitées dans le temps (dimanches et jours de fête de 11h à 13h et de 17 à 18h à La Salpêtrière) et l’espace (le parloir). A l’hôpital, il ne semble guère possible de se projeter dans l’avenir. Précisons enfin qu’à leur majorité (25 ans, rappelons-le) si les jeunes filles n’ont pas obtenu d’emploi, elles sont condamnées à rester à l’hôpital où elles sont employées à divers travaux.
• Port de l’uniforme
Rappel de l’habit religieux, l’uniforme permet à la fois d’uniformiser les enfants, à l’intérieur d’une institution, en leur rappelant leur condition modeste – car ces vêtements sont d’une grande simplicité, confectionnés dans un drap grossier, mi-laine, mi-fil, appelé tiretaine ou taillé dans la bure, drap de laine – et de les distinguer d’un établissement à l’autre. A la Pitié les orphelins sont vêtus de bure grise, et on finit d’ailleurs par appeler « enfants bleus », en raison de leurs habits de cette couleur, les pupilles de l’hôpital de la Trinité, comme on appela « enfants rouges » ceux de l’hôpital des Enfants-Dieu. Tous marchent en sabots.
• Austérité, frugalité
Il est important d’inculquer à l’orphelin son statut de pauvre. Il doit apprendre à accepter son sort humblement et à obéir. Pas de superflu : la nourriture consiste essentiellement en pain et potage. A la Crèche déjà, les nourrissons pâtissent de la mauvaise qualité du lait des nourrices qui souffrent elles-mêmes de sous-alimentation.
• Discipline
L’autorité règne à tous les niveaux de la hiérarchie, sur le modèle militaire (en témoigne par exemple le nom d’officières que l’on donne aux surveillantes de la Salpêtrière…). La privation de nourriture est une des formes de punition les plus courantes (en revanche, si l’on a quelques moyens on peut se payer un petit supplément). Il existait, à l’intérieur même de ces lieux d’enfermement, des « prisons » pour les indisciplinés.Tous ces établissements à qui l’on confie des enfants ont donc des points communs : ils ont un caractère religieux, véhiculent des valeurs d’ordre et de morale, il s’agit par dessus tout de veiller au maintien des bonnes mœurs dans une société où la crainte du péché est omniprésente. Ce sont des lieux de clôture, avec des portes barrées soigneusement, des portiers, des surveillants – l’hôpital est même gardé par un corps de police spéciale : les archers de l’hôpital. La surveillance est constante.
L’éducation des orphelins
La notion d’éducation ne se limite pas à l’instruction, elle touche également aux premiers apprentissages de la vie : marcher, parler, être propre… à la formation morale et disciplinaire, l’enseignement proprement dit vient après.
- Les premiers apprentissages de la vie, la formation morale
Les orphelins élevés dans leur famille d’origine reçoivent une éducation semblable peu ou prou à celle des enfants de leur âge, de leur milieu et de leur sexe9 : marcher, parler, participer aux besognes masculines ou féminines selon le cas, jusqu’à leur entrée dans la vie active ou dans un établissement d’accueil (comme c’est souvent le cas des Filles du Roy qui peuvent indiquer leur origine, nommer leurs parents, donner la profession du père et fournir un extrait de baptême).Cette première éducation est sans doute plus formelle et directe quand elle se fait en institution qu’en famille où celle-ci s’inscrit davantage dans la durée et repose en grande partie sur l’imitation des adultes au quotidien.
- Les travaux domestiques
Dans les familles, les enfants participent très tôt aux tâches ménagères, surtout les filles qui, apprennent à cuisiner, à coudre, à broder, à tenir un ménage. C’est le plus souvent le cas dans les institutions où elles consacrent une grande partie de leur temps aux tâches ménagères. Chez les Ursulines, les jeunes filles apprennent à lire et à compter mais aussi à manier l’aiguille et à gouverner une maison.
- L’instruction
Les orphelins élevés dans leur famille d’origine fréquentent le collège ou, à défaut, la « petite école », du ressort généralement de la Commune. Le réseau des petites écoles est, en effet, le principal diffuseur de l’enseignement populaire. Les plus pauvres parmi les orphelins peuvent recevoir un enseignement dans les écoles de charité qui apparaissent à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, à l’initiative de particuliers d’abord puis de communautés spécialisées, comme les Frères des Ecoles chrétiennes de Jean-Baptiste de la Salle (1651-1719) qui fut le grand pédagogue des enfants des pauvres.Pour les autres, la destination est généralement l’hôpital général dont le but est avant tout de protéger la société et où le travail manuel obligatoire prédomine. Outre une instruction religieuse prépondérante, le but n’est pas tant d’apprendre à écrire – surtout aux filles – que d’apprendre aux jeunes un métier le plus tôt possible. A la Salpêtrière, par exemple, le règlement prévoit une heure de classe un jour sur deux. Par ailleurs, à la différence des maîtres des collèges, les hospitaliers qui instruisent les enfants n’ont pas reçu de formation d’enseignants. Ce sont des séculiers, voire des laïcs, qui s’inspirent plus ou moins des méthodes utilisées dans les petites écoles ou les écoles paroissiales, ou bien ils appartiennent à un ordre religieux et s’inspirent alors des règles de cet ordre.
Il s’agit, aussi d’autofinancer, le plus tôt possible, par leur travail même au sein de l’établissement, l’entretien de ces enfants accueillis. Il existe des bureaux de vente dans les hôpitaux destinés à la vente, des travaux d’aiguille notamment.
Il ne faut pas oublier que sous l’Ancien Régime, l’apprentissage de la lecture est privilégié et n’entraîne pas automatiquement celui de l’écriture qui est jugé dangereux d’ailleurs pour les filles. Ainsi, on peut savoir lire sans savoir signer10, comme le fait de savoir signer n’est pas forcément synonyme d’une complète alphabétisation. Précisons au passage que, d’après Yves Landry11 23 % des Filles du Roy savaient signer, celles en provenance de Paris davantage que les autres et les citadines plus que les rurales. L’analphabétisme touche à l’époque 4/5 des paysans alors que la majorité des citadins savent signer (86 % des hommes et 58 % des femmes à Paris dans la première moitié du XVIIe siècle12).
- L’apprentissage
A l’hôpital, il joue un rôle très important et commence tôt (à l’hôpital de la Trinité, dès l’âge de sept ans) et se poursuit trois ans, au minimum.
Ailleurs, on place les enfants en apprentissage à l’âge de 13-14 ans, soit chez des particuliers, soit dans des institutions. Toutefois, les apprentis restent sous la responsabilité de leur tuteur ou de l’hôpital. Qu’ils soient élevés en familles ou en institution, le choix des professions est plus ouvert pour les garçons que pour les filles – qui restent presque toujours cantonnées au service domestique et aux travaux d’aiguille. A l’époque d’ailleurs, en ville, la domesticité féminine constitue la plus grande « corporation ». Les enfants issus de la classe des boutiquiers et des artisans et dont les contacts avec la famille ne sont pas rompus bénéficient d’un réseau fort utile au moment de leur mise en apprentissage, puis de leur placement.
Ceci n’est qu’un rapide aperçu de la condition d’orphelin au XVIIe siècle. Cette condition particulière qui se décline suivant les critères et les situations que nous avons évoqués est évidemment à replacer dans son contexte social (la pauvreté) et en tenant compte des mentalités de l’époque.
__________