Bourgogne et Franche-Comté
Publication du tome 4 de la collection
Ces villes et villages de France, berceau de l’Amérique Française
par Gilbert Pilleul
Secrétaire général de la CFQLMC-France
Crédit : LDMC-Publication |
Près de 300 pionniers en Bourgogne et près de 200 en Franche-Comté ont affronté les difficultés du voyage terrestre et les risques de la traversée de l’Atlantique pour aller fonder là-bas, un nouveau « pays » qu’on a appelé la Nouvelle-France et dont le Québec est aujourd’hui le principal héritier. La publication du tome 4 de la collection Ces villes et villages de France, berceau de l’Amérique Française qui concerne ces deux régions, vient rappeler leur épopée.
La courbe de l’immigration vers le Canada montre deux moments forts : au milieu du 17ème siècle avec en particulier l’arrivée de filles du Roy et au milieu du 18ème siècle, lorsque de nombreux soldats sont venus défendre la Nouvelle-France et se sont installés au pays. Parmi les pionniers, à Paray-le-Monial même, Jean-Baptiste Bouillet de la Chassaigne, officier des troupes royales, après avoir combattu les Iroquois, deviendra gouverneur de Montréal.
Dans cet ouvrage, on pourra trouver une lettre adressée à son frère resté à Paray-le-Monial, et dans laquelle il décrit la situation difficile de la Nouvelle-France en 1692, confrontée aux attaques des Anglais et de leurs alliés iroquois. Cet ouvrage est le 4ème d’une collection qui en compte 12 couvrant l’ensemble des régions de France. On constate ainsi que toutes les régions de l’hexagone ont été concernées par cette migration qui ne fut pas massive mais sélective, jouant un rôle historique important en donnant naissance à l’Amérique française et en particulier au Québec. Cette collection est le fruit d’un partenariat entre France-Québec, ses régionales et la Commission Franco-Québécoise sur les Lieux de Mémoire Communs.
A l’occasion de la publication du tome 4 de la collection Ces villes et villages de France, berceau de l’Amérique Française qui concerne ces deux régions, France 3 dans son émission « ça manque pas d’air » évoquera l’histoire de ces pionniers bourguignons et francs-comtois. L’émission, qui est prévue pour début 2011, sera animée par le journaliste de France 3 Christophe JOLY et par des membres de l’association Bourgogne-Québec, Françoise LABONDE, généalogiste, Gilbert PILLEUL, historien et Georges PIERRE, président de Bourgogne-Québec. La rédaction précisera dans la rubrique quoi de neuf toutes les précisions relatives à cette émission. L’ouvrage pourra être acheté sur place ou commandé dès maintenant à l’association, dont l’adresse internet est : bourgognequebec@free.fr
Note biographique extraite du tome 4 de la collection Ces villes et villages de France, berceau de l’Amérique Française
« Michel Sarrazin
Médecin, naturaliste, un des premiers savants en Nouvelle-France. »
Michel Sarrazin est né en Bourgogne à Gilly-lès-Citeaux près de Nuits-Saint-Georges le 5 septembre1659. On sait peu de choses de son enfance et il faut attendre son départ pour la Nouvelle-France à 26 ans pour être en mesure d’évoquer sa biographie. Nous sommes en 1685 donc et Michel Sarrazin est sur un vaisseau qui transporte des troupes régulières pour le Québec. L’automne de l’année suivante, il est nommé officiellement chirurgien-major des soldats de la colonie, nomination qui ne sera ratifiée qu’en 1691 par décret royal. De Québec à Montréal, il a pour mission de soigner les malades, les blessés, civils et militaires et d’intervenir pour tenter de juguler les épidémies. Activité professionnelle à haut risque dont il sera victime. Contaminé par une fièvre maligne, variole ou petite vérole qui touchait de nombreux habitants de Québec, il meurt en 1734 à l’Hôtel-Dieu. S’il meurt dans l’exercice de ses fonctions et bien qu’il accordât toujours à ses patients une grande attention et un réel dévouement, ce n’est pas, toutefois, ce qui en fait un personnage majeur de l’histoire de la Nouvelle-France. Par contre, son sens de l’observation, sa rigueur d’analyse et sa passion pour les sciences naturelles vont le conduire très tôt à devenir un savant naturaliste réputé et recherché.
[Médecin-naturaliste]
A peine arrivé en Nouvelle-France, ravi de découvrir une flore et une faune quelque peu différentes de celles qui existent en Europe, il entame ses premières recherches. Ses responsabilités professionnelles à cette époque où les liens entre médecine et botanique demeurent très forts s’accordent au mieux avec cette activité à laquelle il consacre tous ses temps libres. Dès 1687, il se rend avec une expédition de Denonville chez les Iroquois où il commence ses observations systématiques sur la flore du Canada. Violon d’Ingres, passion naissante qui a bien failli rester éphémère. En effet, en 1692 au cours d’un séjour à Montréal, il tombe gravement malade. Craignant la mort, il rédige son testament et revient à Québec où un ami, Franquelin, hydrographe du roi, l’accueille et lui fait prodiguer les soins nécessaires à sa guérison.
Signature de Michel Sarrazin
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Cette grave maladie donne naissance, chez Michel Sarrazin à une phase mystique au cours de laquelle il songe à se tourner vers la vie ecclésiastique. Diverses lettres retrouvées dans les archives des sulpiciens selon Jacques Rousseau, qui a rédigé sa biographie dans le Dictionnaire biographique du Canada laissent supposer qu’il aurait passé un an au séminaire de Québec, « infirme et exerçant encore son métier de chirurgien-major ». Poursuivant ce projet, il retourne en France en 1694 et commence une retraite jusqu’à ce que le Supérieur des sulpiciens lui conseille de reprendre son premier emploi dans lequel il est en état de faire pour le moins autant de bien …que dans l’état ecclésiastique. 1 Désormais, revenu à sa vocation de médecin-naturaliste, il décide de compléter sa formation. A Paris et peut-être aussi à Reims, durant trois ans, il étudie la médecine et fréquente à Paris le Jardin Royal des plantes où les leçons de Tournefort donnent à sa passion retrouvée pour la botanique les bases scientifiques qui lui manquaient.
[Correspondant de l’Académie Royale des sciences de Paris]
En 1697, il est de retour au Québec, avec le titre sur le plan professionnel de médecin du roi. Il observe attentivement diverses maladies et aurait rédigé un traité sur la pleurésie. Pehr Kalm, savant suédois, de passage un peu plus tard au Canada, note la haute estime portée, nous dit Jacques Rousseau, à la compétence médicale de Sarrazin. Mais ce temps consacré à la médecine ne lui fait pas négliger la recherche naturaliste. D’ailleurs, il a conservé des contacts à Paris avec les milieux scientifiques et ses premiers travaux et études lui valent d’être bientôt nommé correspondant de l’Académie Royale des sciences de Paris. Il a, entre autres, pour interlocuteur, son professeur Tournefort et plus tard, Réaumur.Dès 1699, il commence à expédier, au rythme des mouvements des navires qui vont et viennent entre la France et le Québec, une importante correspondance faite de notes diverses, d’observations accompagnées d’échantillons et de spécimens de plantes. Travail d’information et de documentation qui ne cesse qu’avec sa mort en 1734. On lui demande aussi d’envoyer des espèces vivantes pour le Jardin des plantes. Mais leur transport présente de nombreuses difficultés et il est arrivé que certaines meurent au cours des traversées, faute d’eau potable pour les arroser ou brûlées au contraire par le sel de mer.
Sarracenia
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Résultat d’autant plus décevant que les efforts pour la collecte avaient été méritoires. Sarrazin signale régulièrement dans sa correspondance qu’il est plus facile d’herboriser en France qu’en Nouvelle-France en raison des distances à parcourir, du climat et des relations avec les Amérindiens parfois bonnes, parfois difficiles. Néanmoins, Sébastien Vaillant, professeur au Jardin royal des plantes parvint grâce à Michel Sarrazin à publier un Catalogue des plantes du Canada. Ouvrage antérieur à la documentation publiée par Charlevoix en annexe à son Histoire de la Nouvelle-France.
S’intéressant aux plantes des tourbières, Sarrazin expédie à Tournefort, un spécimen de ce qu’on appelait vulgairement en Nouvelle-France : « oreille de cochon ». Tournefort puis Linné ayant lu les observations de Sarrazin décident de la nommer scientifiquement du nom de son découvreur soit « Sarracénie », en latin : Sarracinea purpurea. On dit que cette belle plante carnivore était la plante préférée de Marie-Victorin auteur de nombreux travaux sur la flore laurentienne. Au jardin des plantes de Montréal, on peut voir une statue de Marie-Victorin tenant une sarracénie dans ses mains.
[Pratique médicale et recherche scientifique]
Associant pratique médicale et recherche scientifique, Michel Sarrazin utilise sa trousse de chirurgien pour des travaux de dissection. Il rédige ainsi des mémoires dont les manuscrits ont été conservés et que l’Académie publia sur le castor, le carcajou, le rat musqué, le porc-épic, le veau-marin ou phoque. Ses recherches en minéraux le conduisent en 1728 à découvrir une ardoisière à Grand-Etang. Soucieux de compléter ses maigres revenus, il se lance dans la commercialisation des ardoises. Mais le manque d’ouvriers spécialisés, la distance et la mauvaise qualité de l’ardoise l’obligent très vite à déposer le bilan, ce qui ne fait qu’aggraver les difficultés financières du médecin du roi au moment même où la monnaie de carte en Nouvelle-France connait une forte dépréciation. Certes en 1702, il est nommé membre du Conseil souverain, il finira même garde des Sceaux peu avant sa mort, mais ces fonctions plus honorifiques que rentables, ne l’ont jamais libéré de la difficulté de parvenir à répondre convenablement à ses obligations familiales et à tenir un train de vie compatible avec le rang qu’il occupe dans la colonie. Rappelons qu’à 53 ans, il a épousé Marie-Anne-Ursule Hazeur, âgée de 20 ans qui lui donne 7 enfants dont trois meurent en bas âge. Il avait reçu en dot deux seigneuries qui, sur le plan financier, ne lui furent guère d’un grand secours.
Etudier la biographie de Michel Sarrazin 2 c’est, comme souvent dans ce type d’exercice, faire une plongée très éclairante dans la vie quotidienne des hommes et des femmes au temps de la Nouvelle-France. Il faut en particulier noter les liens très forts et réguliers que Sarrazin conserva avec la métropole, avec l’Académie des sciences et avec le Jardin royal des plantes qui demeurèrent : tout au long de l’Ancien Régime, nous dit Stéphanie Tésio, 3 les lieux essentiels de la construction et de la validation du savoir colonial. »
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Le Dictionnaire biographique du Canada est consultable en ligne sur Internet.
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En 1996, Louis-Martin Tard a publié chez XYZ, Montréal, une biographie de Michel Sarrazin qui, nous dit-on, se lit comme un roman : Michel Sarrazin, le premier scientifique du Canada.
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Expansion coloniale et développement des savoirs scientifiques en Nouvelle-France : l’apport des médecins du roi, Michel Sarrazin et Jean-François Gaultier. Voir l’Année francophone Internationale. Colloque 2003. Université Laval.