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Carnets du chemin du Roy

Carnets du chemin du Roy

Par Geneviève Auger

 

Carnets du chemin du Roy

Crédit : http://www.heuresbleues.com 

Prendre la route, c’est plus que se déplacer d’un point à un autre ou regarder défiler le paysage. Pour qui s’offre le temps de s’y arrêter, d’observer et de s’interroger sur son apparition et son évolution, la route réserve un passionnant voyage dans le temps.

Gilles Matte, aquarelliste, et Geneviève Auger, chroniqueuse, se sont lancés dans une telle aventure ; pendant deux ans, ils ont sillonné le chemin du Roy, entre Québec et Montréal sur la rive nord du Saint-Laurent. Les résultats de leurs pérégrinations sont illustrés et consignés dans les Carnets du chemin du Roy, parus aux Éditions Les Heures bleues en avril 2012. Réunissant aquarelles, dessins et courts textes, cet ouvrage ne se veut pas un guide exhaustif du chemin du Roy ; il en brosse plutôt un tableau impressionniste à saveur historique.

 

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En Nouvelle-France,  le chemin du Roy (ou royal) désignait toute route du domaine public, quel que soit son emplacement dans la vallée du Saint-Laurent. Pour la construire, les autorités comptaient sur la corvée du roi, qu’on distinguait de la corvée du seigneur, représentant les quelques jours de travail que chaque censitaire devait accorder annuellement au seigneur.  La corvée du roi était destinée au chemin du Roy, d’où son appellation.

Aujourd’hui, c’est la portion de la route provinciale 138 comprise entre Québec et Montréal, entrecoupée de quelques tronçons du chemin du Roy originel, qui a hérité du nom de chemin du Roy, en vertu du Programme de signalisation des routes et circuits touristiques du gouvernement du Québec. L’ancienneté et l’étendue du tout premier tracé lui ont certainement valu ce privilège. 

Moulin banal des Sœurs Augustines, propriétaires de la seigneurie Desmaures, de 1734 à 1868.

Moulin banal des Sœurs Augustines, propriétaires de la seigneurie Desmaures, de 1734 à 1868.
Crédit : http://www.heuresbleues.com 

En effet, c’est entre 1731 et 1737 que fut construite la plus grande partie de cette première route reliant Québec et Montréal. À son achèvement, elle traversait 37 seigneuries et 27 rivières et se déroulait sur plus de 280 kilomètres. Un véritable tour de force dans le contexte de l’époque: absence de machinerie et de moyens de communication, main d’œuvre dispersée et soumise à cette fameuse corvée du roi,  laquelle obligeait chaque habitant dont la propriété était traversée par la route à fournir gratuitement le terrain et le labeur nécessaires à son implantation et à son entretien. Les travaux étaient sous la gouverne d’un grand voyer qui, avec l’aide du capitaine de milice et des habitants « les plus considérables » de chaque paroisse, décidait du tracé.

Vestiges des embrasures de canons sur le site du Fort Jacques-Cartier, à Cap-Santé.

Vestiges des embrasures de canons sur le site du Fort Jacques-Cartier, à Cap-Santé.
Crédit : http://www.heuresbleues.com

En plus de nous instruire sur la naissance de cette route légendaire, les Carnets du chemin du Roy font revivre quelques grands moments de l’histoire de la Nouvelle-France. Les vestiges du Fort Jacques-Cartier, à Cap Santé,  et la bataille de l’Atalante, qui eut lieu en face de Neuville, en 1760, rappellent la défaite irrémédiable des armées françaises, malgré leur victoire sur les Anglais à Sainte-Foy.  Les Carnets révèlent également l’étroite relation, longtemps maintenue, entre la route terrestre et le fleuve Saint-Laurent, la toute première voie de communication dans la colonie.

Le lecteur peut aussi constater l’évolution des moyens de transport et leur influence sur le développement de la route et de l’hébergement.  Il apprend ainsi qu’à l’époque où le cheval constituait la seule force motrice, des postes de relais, situés à environ tous les quinze kilomètres, permettaient aux voyageurs d’échanger leurs chevaux essoufflés contre des chevaux frais. Le transport de la poste, qui ne souffrait aucun retard, a aussi joué un grand rôle dans l’amélioration de la route.

Des écrits de voyageurs du XVIIIe siècle apportent des compléments d’information sur les difficultés rencontrées le long du parcours. Ainsi, l’ingénieur militaire français, Louis Franquet, rapporte que les passagers des calèches sont « fatigués de mille façons, soit à monter ou à descendre les côtes, et toujours à la veille de s’y précipiter de haut en bas ». Quant à l’officier britannique Thomas Anburey, il se plaint du grand nombre de croix jalonnant la route entre chaque paroisse : « Ces croix élevées dans une bonne intention, écrit-il, sont une cause continuelle de retard pour les voyageurs ; et ces retards, quand il fait un froid vif, sont réellement insupportables pour des hommes moins dévots que les Canadiens ; car quand le conducteur d’une calèche, voiture couverte semblable à nos chaises de poste, arrive près d’une de ces croix, il saute en bas de son cheval, se met à genoux, et récite une longue prière, quelle que soit la rigueur de la saison. »

Calvaire de Grondines

Calvaire de Grondines
Crédit : http://www.heuresbleues.com

De tels témoignages donnent corps au passé, tout comme les images de Gilles Matte renforcent l’illusion de circuler sur le chemin du Roy à différentes époques. En fait, les Carnets du chemin du Roy invitent à la détente, à la contemplation et à la redécouverte d’une route, au fil d’une histoire en perpétuel mouvement.

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