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Découverte archéologique majeure à Québec. Les archéologues de Parcs Canada localisent le logis de Champlain au Fort Saint-Louis

Découverte archéologique majeure à Québec
Les archéologues de Parcs Canada localisent le logis de Champlain au Fort Saint-Louis

 

Entreprises en juin 2005, les importantes fouilles archéologiques qui ont actuellement cours au Lieu historique national du Canada des Forts-et-châteaux-Saint-Louis, sous l’emplacement de la partie nord de la Terrasse Dufferin, face au célèbre hôtel Château Frontenac, se terminent à la fin octobre 2007. Les objectifs des archéologues de Parcs Canada qui étaient de documenter de façon synchronique et diachronique les occupations des quatre forts Saint-Louis et des deux châteaux du même nom, sous la gouverne de 32 des 40 gouverneurs généraux du Canada de l’époque coloniale, sont maintenant tous atteints. En effet, la découverte d’une partie des fondations du logis construit par le fondateur de Québec, Samuel de Champlain, en 1626, à l’intérieur du deuxième fort Saint-Louis, complète, pour les archéologues, les connaissances d’une exceptionnelle qualité qu’ils ont extirpées de ce lieu qui a abrité le siège du pouvoir exécutif de 1620 à 1834.

Historique de l’occupation du lieu et découvertes principales

Douze ans après la fondation de Québec, soit en 1620, Champlain fait entreprendre la construction du premier fort Saint-Louis, en bois, sur les hauteurs de la falaise pour mieux contrôler l’accès par le fleuve Saint-Laurent. Les archéologues ont découvert deux alignements de pierres liées par de l’argile et les restes d’un plancher de bois appartenant vraisemblablement à un bastion du premier fort construit par Champlain en 1620. Il s’agit d’une interprétation préliminaire qui sera confirmée par les analyses des mois à venir.

À son retour de France, en 1624, Champlain est insatisfait des travaux sur le fort qui ne sont pas encore complétés. Il décide donc de la construction d’un nouveau fort qu’il fera cette fois munir d’un rempart de terre revêtu de bois; il érige d’ailleurs un fort à double enceinte. L’enceinte intérieure abrite les deux corps de logis qui remplacent celui du premier fort. Les levées de terre de ces deux enceintes furent identifiées par les fouilles, de même que l’emplacement d’une plate-forme à canon pointée vers le fleuve. De plus, découverte extraordinaire, le coin sud-est de la fondation du corps de logis où vécut le fondateur de Québec jusqu’à sa mort le 25 décembre 1635, fut également localisé.

C’est Charles Huault de Montmagny, le premier gouverneur en titre, qui succède à Champlain en 1636. Dès son arrivée il munit l’enceinte du fort Saint-Louis d’un revêtement de pierre dont des segments furent trouvés lors des interventions archéologiques. En 1647-1648, Montmagny dérase l’ancien logis de Champlain dans lequel il habitait pour faire construire, exactement au même emplacement, le premier château Saint-Louis. De longues parties du mur de fondation est de ce premier château sont toujours présentes sur le site. Les vestiges d’une forge, construite à proximité du château, sans doute pour répondre aux besoins des travaux de construction du nouveau logement du gouverneur, furent aussi mis au jour. Agrandi à deux reprises dans les années 1680, ce premier château est finalement démoli jusqu’à « ses fondements » par le gouverneur Frontenac au début des années 1690.

Après l’attaque de Phipps sur Québec, en 1690, et la célèbre réponse du gouverneur « par la bouche de ses canons », le fort Saint-Louis est entièrement reconstruit pour atteindre les dimensions et la forme qu’il conservera pendant plus d’un siècle et demi. Plusieurs segments imposants des murs de cette enceinte furent mis au jour par les archéologues, de même que quatre des plates-formes à canon qui avaient été érigées au sud du château pour battre le fleuve Saint-Laurent. Àprès l’achèvement des travaux sur le fort, Frontenac fait donc élever un nouveau château Saint-Louis, toujours sur le même emplacement. Il munit alors les caves de cet édifice de salles voûtées dont les piédroits et l’amorce des voûtes existent toujours aujourd’hui. Faute de fonds suffisants, il ne peut cependant terminer le projet du nouveau château qui restera en plan, dans sa partie sud, pendant une trentaine d’années.

C’est sous le gouverneur Vaudreuil, en 1723, que Chaussegros de Léry fait lever le segment sud du deuxième château Saint-Louis, dont la symétrie proposée par Frontenac dans le style classique français ne sera cependant pas respectée. Les archéologues ont découvert de nombreux vestiges correspondant à cette période de travaux : fosses de latrines, corridor, garde-manger, cuisine, foyers, four à pain, pièce de réception des vivres et office.

Avant la fin du Régime français, vers 1742, la vocation militaire de la cour sud du château Saint-Louis disparaît au profit de nouvelles fonctions, entre autres, destinées à la circulation hippomobile. Un dallage fait de pierres calcaires, trouvé devant la porte d’accès de la cave, reliait la cour sud, plus basse, à la cour avant, situé au niveau du rez-de-chaussée. Dans la cour furent aussi trouvés plusieurs projectiles d’artillerie provenant du bombardement par l’armée anglaise de l’été 1759. Ce bombardement a lourdement affecté le château Saint-Louis : sa galerie du côté du fleuve fut détruite et la partie nord du bâtiment fut incendiée.

Lors des travaux de rénovation du château, en 1765-1766, on détruit entièrement le segment incendié, puis, en 1775, on rétablit une nouvelle galerie sur une série de piliers qui servent également de contrefort au mur de fondation est de l’édifice. Les vestiges de ces piliers et des réparations réalisées à cette époque ont été identifiés par les archéologues. En 1784-1787, un nouveau château est construit le long de la cour ouest du fort Saint-Louis : on lui donnera plus tard le nom de château Haldimand en l’honneur de celui qui l’a fait construire. Les gouverneurs y logeront pendant un quart de siècle, laissant le vieux château Saint-Louis aux fonctionnaires de l’État. En 1799, on reconstruit la partie nord qui avait été détruite lors du bombardement de 1759, puis en 1808, le gouverneur Craig prend la décision de réintégrer l’ancien château Saint-Louis non sans lui donner une cure de jeunesse importante.

En 1811, le gouverneur britannique s’installe dans un édifice élargi vers l’avant et rehaussé d’un étage, auquel on attribue définitivement un style architectural palladien, d’inspiration britannique. Les murs de fondation de ces élargissements furent mis au jour tout comme ceux de nombreux bâtiments secondaires érigés dans la cour sud à cette occasion pour loger les fonctions domestiques (cuisine, buanderie, hangars divers) qui sont, à la manière des grandes demeures anglaises, évacuées du corps de logis principal, mais reliées à celui-ci par un corridor qui en permet l’accès sans avoir à sortir à l’extérieur.

En janvier 1834, un incendie ravage le château Saint-Louis qui sera définitivement abandonné par les gouverneurs. Les ruines du château hantent quelque temps les hauteurs de la falaise, puis en 1838 on en décide la démolition jusqu’aux fondations sur lesquelles on construit une première terrasse destinée à l’agrément du public : la terrasse Durham. L’ancien jardin privé du gouverneur, qui date des années 1640, est également ouvert au public. Les constructions annexes du château qui occupaient l’ancienne cour sud seront conservées mais à de nouvelles fins. En 1854 cependant, ces bâtiments seront détruits pour faire place à un premier agrandissement de la terrasse vers le sud. Puis en 1878-1879, sous l’impulsion du gouverneur général du Canada, Lord Dufferin, la terrasse sera agrandie jusqu’au pied de la citadelle : elle sera alors baptisée Dufferin. Plusieurs vestiges de ces trois générations de terrasse furent fouillés, mais à certaines exceptions près, enlevés après leur enregistrement pour permettre la poursuite des excavations dans des endroits associés aux occupations des forts et châteaux Saint-Louis.

L’importance de la découverte des fondations du logis de Champlain

L’historiographie, depuis la fin du 19e siècle, situe l’emplacement du fort Saint-Louis érigé par Champlain sous l’extrémité nord de la terrasse Dufferin. Le monument qui honore la mémoire du fondateur de Québec, érigé en 1898, devait se dresser à l’intérieur de ce fort. Or, les découvertes archéologiques de plusieurs composantes des deux premiers forts Saint-Louis, levés successivement en 1620 et 1626 par Champlain, permettent maintenant d’établir avec précision l’emplacement de ces fortifications et des bâtiments qu’elles abritaient. Le logis de Champlain et les deux châteaux Saint-Louis occupent exactement le même lieu, les pierres de fondation des trois édifices reposant les unes sur les autres. De plus, le fort Saint-Louis, d’abord transformé quelques fois au 17e siècle, puis entièrement reconstruit en 1692, s’est toujours dressé sur le même site, ses limites est et nord n’étant pas touchées, les agrandissements ayant toujours lieu vers le sud et vers l’ouest, démontrant ainsi la qualité du choix fait par Champlain.

Par ces informations, on est maintenant en mesure de préciser l’importance stratégique et symbolique du choix du site du fort Saint-Louis. En effet, le site défensif, choisi pour sa domination sur le fleuve Saint-Laurent et la ville de Québec, alors concentrée dans la partie basse, afin de contrer toute invasion maritime par une autre puissance européenne, sera maintenu par les successeurs de Champlain jusqu’à la construction de la citadelle temporaire à la fin des années 1770, plus haut sur le cap Diamant. De même, l’importance symbolique, pour le siège du pouvoir exécutif, fut maintenue jusqu’en 1834, soit pendant plus de deux siècles. Cet emplacement symbolique, favorable aux négociations diplomatiques avec les Amérindiens pendant le Régime français, imposait encore, au début des années 1800, la suprématie du pouvoir du gouverneur sur celui de la chambre d’assemblée dont le parlement était situé plus bas dans la côte de la Montagne.

La beauté du site, dont le coup d’œil sur la région environnante séduit encore les visiteurs, avait déjà son importance pour le fondateur de Québec qui avait dressé une galerie derrière son corps de logis. Montmagny, qui démolit le corps de logis de Champlain, choisit de reconstruire exactement au même emplacement : il fait lever une nouvelle galerie en lieu et place de la précédente. Tous les gouverneurs français maintiendront cette terrasse. Après le bombardement de 1759, les gouverneurs britanniques la font reconstruire. Et après l’incendie du château en 1834, c’est cette terrasse qu’on agrandit, sur les ruines du château, et à laquelle on donne accès au public. Et c’est toujours cette même terrasse qui est à nouveau agrandie en 1854 puis en 1879. Alors que le fort Saint-Louis et le château du même nom ont aujourd’hui disparu, la terrasse Dufferin peut être considérée comme un héritage du fondateur de Québec à sa ville.

Lorsque vous vous tenez accoudé sur le garde-corps de la terrasse Dufferin, directement au sud du kiosque qui abrite aujourd’hui l’entrée du funiculaire, vous vous trouvez exactement là où la galerie de Champlain se dressait en 1626. Vous pouvez alors saisir l’importance défensive du site et sa valeur symbolique.

Les vestiges mis au jour au Lieu historique national du Canada des Forts-et-châteaux-Saint-Louis seront accessibles au public de la mi-mai à octobre 2008. Les visiteurs pourront alors déambuler à l’intérieur des caves de l’ancien château Saint-Louis, marcher sur les dallages d’époque et avoir un contact direct avec le passé. Ces visites seront offertes gratuitement.

Pierre Cloutier
Archéologue
Parcs Canada

 

Le dallage de la cour sud en cours de dégagement, vue depuis l’extrémité sud du château Saint-Louis. À droite se trouve le mur de fondation de l’élargissement de l’aile des latrines sud mis en place lors des travaux de 1808-1811. À gauche et au fond, les murs de fondation du corridor et de la cuisine construits en annexe en 1808-1811 dans la cour sud. Finalement, à l’extrême gauche se dresse le mur de fortification est du fort Saint-Louis dont les bases datent de 1691 et la partie supérieure du 19e siècle. (Photo : Parcs Canada)
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