D’Hector Fabre aux relations politiques officielles, 1882-1960
par Gilles Durand
Le centième anniversaire de la mort du premier diplomate québécois, Hector Fabre, est l’occasion pour la Société du patrimoine politique du Québec de se joindre à la Fédération Histoire Québec pour tenir un colloque sur quatre-vingt ans de relations du Québec avec la France, de la nomination du diplomate comme représentant de la province jusqu’au début de la Révolution tranquille.
De g. à d. Monique Gagnon-Tremblay, Robert Comeau
|
Le colloque se déroule au Parlement du Québec les 16 et 17 septembre 2010. Au nom de la Société du patrimoine politique du Québec, le professeur et historien Robert Comeau donne le coup d’envoi. Plus de 25 conférenciers, historiens, professeurs, chercheurs, se succèdent pour entretenir les participants du contexte dans lequel les échanges se sont développés et des champs qu’ils ont couverts. Invitée à prendre la parole pour l’occasion, la ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie, Monique Gagnon-Tremblay, souligne la pertinence d’une telle rencontre, une occasion privilégiée d’approfondir une relation bien enracinée de part et d’autre de l’Atlantique, riche de retombées.
Hector Fabre, un agent consulaire officieux du Québec avec mission restreinte
Le premier ministre du Québec d’alors, Adolphe Chapleau, nomme en 1882 Hector Fabre agent de la province de Québec à Paris. À l’image de la mission à caractère commercial du commandant du navire de guerre La Capricieuse, de Belvèze, Fabre reçoit un mandat de faire connaître les ressources naturelles du Québec et d’attirer des immigrants français dans la province. À l’époque, le Québec est une province de la fédération canadienne dont les relations avec la France doivent passer par Londres. Très tôt, Fabre, un homme cultivé, possédant une expérience de journaliste et de libraire, donne de l’importance aux relations culturelles, notamment littéraires. Il fait de l’agence parisienne un lieu de rencontre, un centre de renseignements pour écrivains et artistes québécois, désireux de faire connaître et reconnaître leurs œuvres, et pour les intellectuels français intéressés au Québec. Il voit dans la fondation d’un journal, le Paris-Canada, le trait d’union indispensable. Lancé en 1884, le périodique rapporte le contenu de réunions de représentants des deux communautés de même que celui de conférences données; il fait connaître les Québécois en visite à Paris, leur lieu de résidence et leur itinéraire; il reproduit des textes déjà publiés soit au Canada français, soit en France, sur des sujets d’intérêt pour le monde littéraire et artistique. Malgré tout le rayonnement qu’il donne à son bureau, le gouvernement du Québec ne lui donne pas de successeur à son décès en 1910. La place est laissée au représentant du gouvernement canadien – De 1882 à 1910, Fabre agit à la fois comme représentant du Québec et du Canada.
La représentation du Québec laissée aux individus et aux réseaux associatifs
À compter de 1910, les échanges du Québec avec la France se poursuivent, mais ils passent par les individus et les réseaux associatifs. Au nombre de ceux qui effectuent la traversée, mentionnons les touristes, les visiteurs des expositions universelles, des conférenciers, des professeurs, des étudiants, de même que des scientifiques, des médecins, des écrivains et des artistes en quête de formation et de reconnaissance. Les réseaux associatifs ne sont pas non plus des acteurs à négliger. Le Comité France-Amérique, fondé en 1909, et sa filiale montréalaise, mise sur pied en 1910, développent les échanges culturels : ils suscitent et organisent des activités de commémoration, favorisent les échanges interuniversitaires, donnent des bourses à des étudiants pour se perfectionner en France, interviennent pour la réalisation – en 1926 – du projet de construction de la Maison des étudiants canadiens à Paris, dont les coûts de construction sont assumés par l’un de ses directeurs, l’homme d’affaires canadien-français et sénateur, Joseph-Marcellin Wilson. Fondé en 1926, l’Institut scientifique franco-canadien facilite les échanges de professeurs entre universités françaises et québécoises de même que de conférenciers. De son côté, la Société d’étude et de conférences, fondée à Montréal en 1933, travaille à assurer la promotion des femmes par une plus grande maîtrise par celles-ci de la culture française. Elle retient comme moyens la présentation de causeries par des conférenciers du Québec, de France ou d’ailleurs, par l’octroi de bourses de perfectionnement pour des études en France, etc.
Le gouvernement du Québec supporte financièrement les échanges en mettant sur pied des programmes de bourses pour les étudiants et les artistes. Il subventionne la filiale montréalaise du Comité France-Amérique à ses débuts. Il contribue aux coûts de fonctionnement de la Maison des étudiants canadiens ouverte en 1926. Il fonde de grandes écoles, Hautes études commerciales, École des beaux-arts, École du meuble, Conservatoire de musique et d’art dramatique, qui empruntent à la France des modèles et du personnel enseignant.
André Dorval, coprésident de la CFQLMC
|
Relations politiques, directes et privilégiées à compter de la Révolution tranquille
Les liens du Québec avec la France forment une chaîne que les événements de l’histoire n’ont jamais réussi à briser. Comme nous venons de le voir, les relations n’ont jamais cessé complètement au cours des années 1882-1960. Après 1910, des projets d’échanges plus larges sont même en gestation sous les gouvernements Godbout et Duplessis. À compter du début des années 1960, les relations s’intensifient : de nature commerciale et culturelle, elles prennent une couleur politique et acquièrent un caractère officiel. La Délégation générale du Québec à Paris voit le jour en 1961. Pour mieux faire connaître cette question, la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC) organise, dans le cadre du colloque, de concert avec le Consulat général de France à Québec, le lancement d’un ouvrage. Intitulé 150 ans de relations France-Québec : le Consulat général de France à Québec (1859-2009) et publié par les Éditions MultiMonde, celui-ci se situe en complément des thèmes abordés au cours du colloque, insistant tout particulièrement sur la période postérieure à 1960. L’événement a lieu sous la présidence du coprésident de la CFQLMC, André Dorval, et de la consule générale de France à Québec, Hélène Le Gal.