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Élites et institutions : nouvelles perspectives sur la Nouvelle-France et son héritage

Élites et institutions :
nouvelles perspectives sur la Nouvelle-France et son héritage

 

 

par Gilles Durand

 

Ollivier Hubert, vice-président de l’IHAF, Alain Beaulieu, président, Michel Bock, secrétaire-trésorier

De g. à d. Ollivier Hubert, vice-président de l’IHAF,
Alain Beaulieu, président, Michel Bock, secrétaire-trésorier
Crédit : CFQLMC – Gilles Durand
Le 63e congrès de l’Institut d’histoire de l’Amérique française (IHAF) s’est tenu à l’Université d’Ottawa du 21 au 23 octobre 2010. 64 conférenciers prennent la parole sur le thème de la rencontre « Élites et institutions ». Toutes les périodes de l’histoire de l’Amérique française sont abordées. Pour le Régime français, intendants, médecins-botanistes, coureurs de bois, loisirs élitaires, notaires, seigneurs et relations avec les autochtones forment autant de sujets traités. Dans le présent compte rendu, nous retenons les trois derniers, particulièrement intéressants en ce sens qu’ils ouvrent de nouvelles perspectives de recherche sur la Nouvelle-France et son héritage.

Le notaire : un professionnel gagnant dans la foulée de la Conquête

Au lendemain de la Conquête, le droit civil français est accepté dans les faits et, une dizaine d’années plus tard, juridiquement par l’Acte de Québec de 1774. Reconnaissant la maîtrise des lois françaises par les notaires en place, les juges britanniques transfèrent plusieurs litiges aux notaires pour arbitrage plutôt que de les trancher au tribunal. Les notaires jouent également le rôle de conseillers devant les tribunaux, servent comme greffiers et exercent même la fonction de juge dans les tribunaux de juridiction inférieure. À compter des années 1784-1785, ils sont en mesure de cumuler les charges, étant admis à l’exercice d’une nouvelle profession, celle d’avocat, dont la pratique avait été interdite en Nouvelle-France. Désormais, les notaires améliorent leur situation matérielle, gagnent en prestige par leurs connaissances et deviennent des intermédiaires incontournables entre le gouvernement et la population. Les lecteurs intéressés sont invités à consulter également le compte rendu du colloque, tenu les 28 et 29 septembre 2010, paraissant sous le titre « Conquête et lendemains de conquête… » dans le présent bulletin. Lors de cette activité, le conférencier, David Gilles, a développé le même thème.

David Gilles

David Gilles
Crédit : CFQLMC – Gilles Durand

 

 

La seigneurie dans la vallée du Saint-Laurent avant et après 1854 : manifestation et persistance du pouvoir du seigneur

 

Benoît Grenier, Élisabeth Martineau Montminy, Béatrice Craig, Alain Laberge

De g. à d. Benoît Grenier, Élisabeth Martineau-Montminy,
Béatrice Craig, Alain Laberge
Crédit : CFQLMC – Gilles Durand

L’historiographie traditionnelle a habitué, pour les 17e et 18e siècles, à aborder la réussite des seigneurs et par ricochet leur ascendant sur leurs censitaires, en utilisant deux mesures : la population habitant la seigneurie de même que les statistiques de la production agricole de l’ensemble des terres qui la composent. Dans une communication sur le sujet, l’historien Alain Laberge, professeur à l’Université Laval, présente une nouvelle approche. En limitant l’étude et l’analyse aux propriétés du seigneur comme telles, c’est-à-dire son domaine et la portion de terre additionnelle qu’il se réserve très souvent, il découvre des seigneurs qui mettent le temps et les efforts nécessaires pour mettre en valeur leur seigneurie. Ils défrichent et ensemencent de grands espaces, y construisent des bâtiments bien adaptés et diversifiés, tels maison, grange, étable, porcherie, poulailler, et mettent à la disposition de la communauté environnante des équipements de service capables de répondre à ses besoins. Le déplacement du champ d’observation permet de conclure que les seigneurs sont prospères et en mesure de s’insérer dans le mouvement de commercialisation des grains lorsqu’il apparaît au 18e siècle. Le conférencier conclut en plaidant pour une réinsertion de la dimension économique dans l’étude de la seigneurie et en signalant son tout récent ouvrage, disponible en livre numérique seulement, préparé avec collaborateurs.

 

De son côté, Benoît Grenier, historien et professeur à l’Université de Sherbrooke, reprend la recherche là où Alain Laberge l’abandonne, tout particulièrement après 1854, alors que la Chambre d’assemblée de la Province du Canada met fin au régime seigneurial. La question ne manque pas d’intérêt pour la connaissance du pouvoir des seigneurs. Le régime seigneurial est aboli comme mode de concession des terres, mais non les droits acquis par les seigneurs sous son empire, soit le domaine et les terres réservées de même que la rente que les censitaires doivent lui verser et dont ils peuvent se libérer par commutation. Dans les faits, les censitaires continuent à payer la rente aux seigneurs jusqu’en 1941. Une loi votée par l’Assemblée législative en 1935 renferme des dispositions pour libérer les censitaires de la rente et pour en transférer la perception finale aux municipalités. Quel impact le maintien des droits acquis des seigneurs durant près de 100 ans après l’abolition du régime a-t-il eu sur la paysannerie et sur le pouvoir socioéconomique des seigneurs? C’est là une des questions à laquelle le projet de recherche que le conférencier mène, tentera de répondre.

http://www.usherbrooke.ca/histoire/nous-joindre/personnel-enseignant/grenier-benoit/#c22395

 

Voir aussi un article du même auteur dans l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, disponible en version numérique pour le moment, sous le titre « Régime seigneurial au Québec »

 

La prise de possession pacifique du territoire par le biais du métissage

Emma Anderson, Dominique Deslandres, Mathieu Chaurette, Gilles Havard

De g. à d. Emma Anderson, Dominique Deslandres,
Mathieu Chaurette, Gilles Havard
Crédit : CFQLMC – Gilles Durand

Une certaine historiographie a habitué à l’idée d’achat des terres des autochtones quand ce n’est pas à une conquête violente du territoire du côté américain. Au contraire, la France implantée sur un vaste espace et pouvant compter sur une population très restreinte, prend possession du territoire d’une façon pacifique, sans recourir à la force, par des ententes non écrites avec les premiers occupants. Dominique Deslandes, spécialiste de la question religieuse et professeure à l’Université de Montréal, démontre que le pouvoir royal ne poursuit pas moins un projet de déploiement de son empire; il tente d’y intégrer un vaste espace colonial sur lequel il pourra régner. D’abord, par une prise de possession solennelle, une cérémonie suffisante aux yeux des Français pour transférer l’autorité du souverain sur le nouveau territoire : le salamalec se métamorphose en appropriation par le souverain. Ensuite, la conversion des autochtones par le travail des missionnaires à l’intérieur du continent et la création de réductions ou réserves en bordure d’espaces habités dans la vallée du Saint-Laurent, constituent un autre pas vers l’acquisition de la nationalité française; en effet la naturalisation suit la conversion. Enfin, le beau projet de Champlain « Nos fils marieront vos filles », vise à franciser le territoire au même rythme que la francisation de la population : en effet l’Amérindienne convertie qui contracte union avec un Français, multiplie les sujets du roi en donnant naissance à des enfants; en même temps, elle étend le royaume de France, car la dot qu’elle est susceptible d’apporter, par exemple une terre, tombera dans le patrimoine familial et en bout de piste dans le royaume de France. Ce qui appartient à un sujet du roi relève de ce dernier.

 

Hommage posthume à Jean-Pierre Wallot

Le 63e congrès est également l’occasion de rendre un hommage posthume à Jean-Pierre Wallot qui fut chercheur, professeur d’histoire et à la tête des Archives canadiennes. Par ses recherches, ses publications, son enseignement et son engagement, il contribue à la mise en valeur des sources sur lesquelles l’histoire de la société bas-canadienne s’appuie. Il donne aussi une interprétation nouvelle de son évolution au tournant du 19e siècle. Par ses activités et par les idées qu’elle partage, cette société fait preuve d’ouverture d’esprit et d’intégration dans l’économie nord-atlantique, tout le contraire d’une société fermée comme certains ont pu l’affirmer.

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