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jeudi 28 mars 2024

Commission de la mémoire franco-québécoise

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memoires vives

La Ville de Trois-Rivières célèbre le
375e anniversaire de sa fondation

 

par Gilles Durand

 

Des activités pour commémorer le 375e anniversaire de fondation de Trois-Rivières

 

Second monument Laviolette inauguré en 1934 en remplacement de celui inauguré en 1886
Crédit :
ministère de la Culture, des Communications
et de la Condition féminine
, Christian Lemire,
2005.

La Ville de Trois-Rivières fête, en cette année 2009, le 375e anniversaire de sa fondation. La fierté anime les Trifluviens comme en témoigne le 5e couplet de la chanson thème : « Tant d’éléments de fierté qu’on ne doit pas oublier1 ». Des activités diversifiées ont été mises au programme, dont le lancement par la Corporation de développement culturel de Trois-Rivières et les Éditions d’art Le Sabord d’un livre commémoratif Rencontrer Trois-Rivières : 375 ans d’histoire et de culture2. De leur côté, des Trifluviens de naissance ou de résidence ont prêté leur concours à l’équipe de rédaction de la revue Cap-aux-Diamants pour la préparation d’un numéro spécial (no 98) intitulé Bonne fête Trois-Rivières, 1634-2009.

 

Face à la capitale nationale et à la métropole qui retiennent le plus souvent l’attention, cet événement est important pour la deuxième ville française à être fondée en Nouvelle-France, après Québec, mais avant Montréal. Il apporte une plus grande notoriété à cette agglomération qui ne peut compter sur le même rythme de croissance que les deux autres pour changer sa réputation de « mi-chemin entre Québec et Montréal3 ».

 

 

Société et économie dans la ville naissante


L’histoire sociale et économique de Trois-Rivières présente des similarités avec celle de Québec et de Montréal. Il est possible que celui qui pourrait être considéré comme le véritable fondateur de la ville, Théodore Bochart du Plessis, ait été mis de côté au profit d’un personnage « dont on ignore jusqu’au prénom4 », Laviolette, en raison de son appartenance à la communauté huguenote5; un cas qui pourrait ressembler fort à celui de Dugua de Mons, un protestant, paraissant pour cette raison avoir été laissé dans l’ombre face à un Champlain longtemps considéré comme le seul fondateur de Québec. Les bâtisseurs de Trois-Rivières ont partagé le rêve des Québécois et des « Montréalistes » : créer une société franco-amérindienne, étendre leur territoire d’influence, commercer avec les populations amérindiennes, échanger les fourrures contre des produits manufacturés importés de France, faire fortune. Ils n’hésitent pas à se faire aventuriers, à se déplacer vers l’intérieur lorsque les Amérindiens cessent de fréquenter ce lieu de foire au confluent du Saint-Maurice et du Saint-Laurent : « Les plus grands coureurs des bois provenaient d’ici, Les plus grands découvreurs sont tous partis d’ici, Merci La Vérendrye6 ». À Trois-Rivières comme à Québec et Montréal, le système seigneurial constitue le moyen privilégié pour permettre aux premiers Français de s’enraciner plus facilement dans la vallée du Saint-Laurent.

Par contre, la ville fondée par Laviolette se démarque par une industrie bien à elle, les Forges du Saint-Maurice : « La première industrie de toute l’Amérique, Nous l’avons baptisée les Forges du St-Maurice, Trois-Rivières tu manipules les métaux7 ».

 

Dès 1730, des forges sont mises sur pied. Le minerai de fer de la région, des ressources forestières abondantes et facilement accessibles et les besoins urgents de la métropole pour renforcer sa marine font contrepoids aux restrictions nées du contexte mercantiliste. Le coup d’envoi est donné, les forges sont en opération durant plus de 150 ans, fermant définitivement leurs portes en 1883.

 

La mission et la paroisse

 

Les bâtisseurs de Trois-Rivières ont aussi partagé les rêves des Québécois et des « Montréalistes » d’implanter solidement le catholicisme en Amérique du Nord, de sédentariser les Amérindiens et de les intégrer aux colons français, de fournir aux uns et aux autres les services spirituels dans le cadre de la paroisse, de les éduquer et de soigner les corps. Malgré cette similitude dans les fins poursuivies, la vie à Trois-Rivières n’en présente pas moins des traits qui lui sont spécifiques. Côté paroissial, Québec profite de la présence des communautés religieuses, Jésuites et Récollets, et des prêtres séculiers auprès de ses habitants. Montréal est pris en charge par les Sulpiciens. Trois-Rivières, de son côté, bénéficie d’une implication marquée des Récollets comme pasteurs de la paroisse de Trois-Rivières et des villages riverains durant plus de 100 ans, de 1671 à 1776. Quant aux volets éducation, soins de santé et services sociaux, Québec peut compter sur les Ursulines pour l’enseignement, de même que sur les Augustines pour les services de santé (Hôtel-Dieu) et pour les secours à apporter aux indigents (Hôpital-Général). À Montréal, ces trois missions sont partagées entre les religieuses de Sainte-Croix, les religieuses Hospitalières de Saint-Joseph (Hôtel-Dieu) et les Sœurs Grises (Hôpital-Général). Fait à signaler pour Trois-Rivières, les Ursulines cumulent à la fois l’éducation et les soins de santé (Hôtel-Dieu de Trois-Rivières). Elles assument cette dernière mission durant près de deux siècles, jusqu’en 1886, année de l’ouverture de l’Hôpital Saint-Joseph et de sa prise en charge par les Sœurs de la Providence.

 

Un anniversaire à célébrer

 

La chanson thème rappelle aux Trifluviens l’importance de se souvenir – « On l’oublie, mais ils sont venus ici, Que sans eux nous ne vivrions pas ainsi, Trois-Rivières célébrons, Ce premier pan de vie…8 » –, d’être fiers de leurs origines, de les commémorer et célébrer. Toutes ces activités prennent appui sur la recherche et la diffusion de l’histoire. Comme la capitale et la métropole, Trois-Rivières compte aussi ses historiens hors pair, prolifiques. Ces personnages hors de l’ordinaire ont ouvert de nouvelles pages de l’histoire de leur coin de pays et ont compris toute l’importance de la faire connaître au grand public. Benjamin Sulte, un employé du ministère fédéral de la Milice durant une bonne partie de sa vie professionnelle, jusqu’à sa retraite en 1903, est un de ceux-là. À l’occasion du 375e anniversaire de la fondation de Trois-Rivières, la revue Cap-aux-Diamants a jugé digne d’intérêt pour ses lecteurs de le faire sortir de l’ombre. Dans le portrait que Patrice Groulx trace, il ne manque pas d’introduire quelques phrases de cet historien, journaliste et écrivain engagé, écrites en 1884 à l’occasion du projet d’inauguration d’une statue à Laviolette : « Les livres ont parlé. Que le ciseau travaille! Peuplons nos places publiques des figures de ces grands hommes. Il est beau et fortifiant de saluer chaque jour les patriotes d’un autre âge9 ».

 

Benjamin Sulte prêche non seulement par la parole, mais aussi par l’exemple. En 1884, il s’implique à fond dans les célébrations du 250e anniversaire de fondation de sa ville natale. Le peu de visibilité qu’il en retire n’est pas dû à de la tiédeur de sa part, mais à un conflit avec Mgr Louis-François La Flèche qui demande au conseil municipal de le rayer de la liste des invités d’honneur, sans quoi il ne serait pas présent aux fêtes. Blessé par la décision du conseil, Sulte n’assiste pas aux cérémonies10.

 

Faut-il tout raconter sur l’histoire de Trois-Rivières au point de médire?

 

Les commémorations et les célébrations suscitent la fierté, mais piquent aussi la curiosité. Elles peuvent constituer des occasions de découvrir certains côtés et travers de notre histoire qui nous sont inconnus. Jacques Lacoursière en donne l’occasion en nous laissant le soin de juger s’ils constituent des choses à révéler ou à garder sous le boisseau. Par exemple, cette remarque du baron de Lahontan qui écrit en 1684 : « …il faut être de la nature du chien pour y habiter, ou du moins se plaire à gratter sa peau, car les puces y sont en plus grand nombre que les grains de sable11 ». Ou bien encore le départ, en 1667, du gouverneur de Trois-Rivières, Pierre Boucher, pour les îles Percées (Boucherville), en raison, semble-t-il, de l’implication de personnes de sa famille et de son entourage immédiat dans le commerce illicite de l’eau-de-vie avec les Amérindiens. À vous de lire et de répondre.

  1. http://www.375tr.com/pdf/chanson_theme_paroles.pdf
  2. Rencontrer Trois-Rivières : 375 ans d’histoire et de culture / direction historique René Beaudoin, Trois-Rivières, Éditions d’art Le Sabord, 2009, 225 p. + un disque son. numérique
  3. Cap-aux-Diamants, no 98 : Bonne fête Trois-Rivières, 1634-2009, p. 9
  4. Patrice Groulx, « Benjamin Sulte, trifluvien pour toujours » dans Cap-aux-Diamants, no 98 : Bonne fête Trois-Rivières, 1634-2009, p. 39
  5. Yannick Gendron, « L’énigmatique La Violette » dans Rencontrer Trois-Rivières : 375 ans d’histoire et de culture, p. 58-72
  6. Extrait de la chanson thème Trois-Rivières 2009 : 375 ans de vie, 5e couplet
  7. Ibid.
  8. Extrait de la chanson thème Trois-Rivières 2009 : 375 ans de vie, 3e couplet
  9. Patrice Groulx, « Benjamin Sulte, trifluvien pour toujours » dans Cap-aux-Diamants, no 98 : Bonne fête Trois-Rivières, 1634-2009, p. 39
  10. Jacques Lacoursière, « De quelques Trifluviens de la diaspora » dans Rencontrer Trois-Rivières : 375 ans d’histoire et de culture, p. 94
  11. Jacques Lacoursière, « Trois-Rivières, victime de médisances et de calomnies? » dans Cap-aux-Diamants, no 98 : Bonne fête Trois-Rivières, 1634-2009, p. 27
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