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La francophonie nord-américaine sous la direction d’Yves Frenette, Étienne Rivard et Marc St-Hilaire : un nouvel atlas de la collection Atlas historique du Québec publié aux Presses de l’Université Laval

La francophonie nord-américaine sous la direction
d’Yves Frenette, Étienne Rivard et Marc St-Hilaire :
un nouvel atlas de la collection Atlas historique du Québec
publié aux Presses de l’Université Laval

Par Gilles Durand

 

La francophonie nord-américaine.

La francophonie nord-américaine

Une publication marquante et d’envergure
L’atlas historique de la francophonie, dont trois spécialistes, Yves Frenette, Étienne Rivard et Marc St-Hilaire, ont assumé la direction, est récemment paru, fin 2012, aux Presses de l’Université Laval. L’ouvrage de plus de 300 pages, format 23 cm x 31 cm, fait le point sur les fondements historiques et géographiques de la francophonie nord-américaine sur une période de plus de 400 ans, depuis l’établissement des premiers foyers de peuplement au tournant du 17e siècle jusqu’à l’aube du 21e siècle. C’est une œuvre de collaboration, 33 spécialistes des sciences humaines et sociales ayant mis en commun leur expertise et les résultats de leur recherche pour rendre compte d’une expérience quatre fois séculaire en Amérique du Nord.

Vue d’ensemble et contenu
La publication rend compte des faits de migration, de peuplement et d’occupation du territoire et les explique par les facteurs géographiques, socioéconomiques et sociopolitiques. Elle s’adresse autant au spécialiste qui désire faire le point sur une communauté francophone particulière qu’au lecteur grand public désirant en savoir un peu plus sur une région particulière en vue d’un éventuel voyage. Tout est mis en œuvre pour faciliter la lecture et suivre les parcours des francophones. Les notes, réduites au minimum, donnent l’essentiel, soit les écrits de l’auteur de chacun des textes et ceux d’autres spécialistes sur le même sujet. La trame textuelle s’appuie largement sur l’iconographie : celle-ci regorge de reproductions de photographies, cartes anciennes, gravures, tableaux chiffrés, encarts, autant d’informations qui permettent une récapitulation et invitent à revoir certains sujets traités dans le texte. L’ouvrage est divisé en cinq chapitres correspondant à autant de points forts qui encadrent l’évolution de la francophonie : 1604-1763, 1763-1860, 1860-1920, 1920-1960, 1960 à nos jours. Les textes de chaque chapitre sont présentés selon une logique spatiale, de la façade atlantique vers l’intérieur.

La mise en place des premiers foyers de peuplement, 1604-1763
Le premier chapitre couvre la période par excellence de l’expansion des Français depuis la façade atlantique jusqu’à la baie d’Hudson et, de là, au golfe du Mexique en passant par la région des Grands Lacs, de même que des relations avec la mère patrie : concentrations de populations le long des cours d’eau sur des bandes étroites et allongées, alliance et métissage avec les Amérindiens dans le cadre du commerce des fourrures, espoir non encore évanoui de trouver un passage pour le Pacifique, assurance d’une place bien à soi dans le concert des nations colonisatrices. Ces 150 premières années se terminent par une amère déception pour la France : celle-ci doit remettre la majorité de ses colonies à la Couronne britannique à la suite de la guerre de la Conquête et du traité de Paris de 1763. En même temps, ces événements s’accompagnent d’une grande épreuve pour une partie de ses ressortissants, la déportation des Acadiens – des 12 618 qu’ils étaient avant 1763, il n’en reste en cette année que 1 250 sur le territoire de la Nouvelle-Écosse, 300 à l’Île-du-Prince-Édouard et 700 sur le pourtour de la baie des Chaleurs. N’importe, la population canadienne, au nombre d’environ 75 000, est fortement concentrée dans la vallée du Saint-Laurent, qui devient le pivot pour l’expansion du fait français en Amérique du Nord.

La marche de la frontière agricole et commerciale, 1763-1860
Le deuxième chapitre ouvre une nouvelle ère, les années 1763-1860, celles des relations entre les différentes régions de l’Amérique du Nord. À la suite du traité de Paris de 1763, les descendants de Champlain continuent de se répandre sur l’espace nord-américain à la mesure de l’avancée de la frontière agricole et commerciale. Quelques événements sont particulièrement à signaler pour cette période. L’ancienne Acadie se reconstitue, entre autres par des retours de ses premiers occupants, mais cette fois surtout sur le territoire qui devient le Nouveau-Brunswick en 1784, plutôt qu’en Nouvelle-Écosse. En raison de leur vitalité démographique, les habitants de la vallée du Saint-Laurent sont amenés à repousser la frontière du Québec au sud de la zone seigneuriale, dans l’aire découpée en cantons par l’administration britannique; en même temps, ils étendent leur participation au commerce des fourrures toujours plus à l’Ouest, favorisant le développement des communautés métisses. Quant aux Louisianais, à la suite de la vente de leur territoire aux États-Unis en 1803, ils conservent leur héritage francophone, mais doivent le vivre de plus en plus en anglais.

Les grandes migrations, 1860-1920
Le troisième chapitre, le plus long, est consacré à 60 années de migrations massives sur le sous-continent nord-américain, de 1860 à 1920. Parmi les anciens foyers de peuplement, l’Acadie, la vallée du Saint-Laurent et la Louisiane, c’est le second qui vole la vedette comme point de départ des migrants. Plus de 900 000 Canadiens français traversent la frontière. Ils se dirigent surtout vers les industries textiles et de la chaussure de la Nouvelle-Angleterre. Ils poursuivent aussi leur avancée dans le Midwest américain, au nord de l’Ontario et jusqu’à la côte du Pacifique pour participer à l’industrie forestière et minière. À la recherche de mieux-être, ils ne boudent pas l’industrialisation, s’établissant tant dans les villes qu’à la campagne, là où le potentiel économique est le plus prometteur. Ils effectuent leur marche sans l’aide de l’État. Devenus minoritaires, ils comptent, pour réussir leur établissement, sur un regroupement à l’échelle locale, leur réseau familial et les institutions qu’ils se donnent, au premier chef la paroisse « nationale ». Les francophones européens, Français, Belges, Suisses, etc. prennent part à ces mouvements, pour des motifs économiques également, beaucoup appartenant au monde agricole, industriel et des services. Ils le font cependant dans une proportion beaucoup moindre : pour s’en tenir aux seuls Français établis aux États-Unis en 1920, les chiffres tournent aux alentours de 150 000 personnes.

Les années de transition, 1920-1960
Dans le quatrième chapitre, les migrations internes continuent sur leur lancée, mais perdent de leur intensité. Un des faits marquants est la reprise du vieux rêve de conquête du Nord à la suite du rattachement au Québec par Ottawa de la partie nord de son territoire en 1898. À compter des années 1920, les Canadiens français du Québec y pénètrent, attirés par son potentiel minier, forestier et, dans une moindre mesure, agricole. Des villes prennent naissance en Abitibi, Val d’Or, Amos, Rouyn-Noranda, Senneterre, La Sarre, de même qu’au Nouveau-Québec – dénommé maintenant la région Nord-du-Québec –, Chibougamau, Chapais. En même temps, la Côte-Nord s’urbanise avec des villes comme Baie-Comeau et Sept-Îles, liées à l’exploitation minière et forestière. Le coup d’envoi est donné pour les développements des années 1960 et suivantes liés au potentiel hydro-électrique.

Les reconfigurations, 1960 à nos jours
Le cinquième et dernier chapitre conclut l’ouvrage en questionnant et en suscitant la réflexion sur l’avenir des francophones en Amérique du Nord. Au tournant du 21e siècle, à l’exception du Québec où la majorité de locuteurs du français se concentre et où ils peuvent s’appuyer sur un État pour les supporter, les francophones sont partout minoritaires, menacés même dans leur survie. Ne pouvant compter d’une façon sûre sur l’immigration pour refaire leurs rangs, ils sont confrontés à la langue anglaise devenue véhicule des affaires. En même temps, ils deviennent moins revendicateurs de leur origine ethnique et tendent à s’identifier à leur nouvelle communauté majoritaire d’appartenance. La victoire n’est pas assurée d’avance même s’ils peuvent compter sur des appuis solides : d’abord le Québec comme pivot et principal pôle de développement de la francophonie nord-américaine, ensuite le militantisme et le dynamisme de certains de leurs chefs de file. Ceux-ci tentent de rassembler les leurs à partir des éléments les plus sensibles de la mémoire collective. Ils s’impliquent à fond pour l’éducation en français, mettent sur pied des associations, suscitent la tenue de congrès et d’activités de commémoration. Malgré tout, au dire des directeurs de l’ouvrage, le moment n’est-il pas venu de penser au réseautage de la francophonie à l’échelle des deux Amériques confondues y compris Haïti, les effectifs de langue française pour l’ensemble étant loin d’être négligeables.

Un outil indispensable pour poursuivre l’étude et la recherche
La publication ne peut constituer meilleur point de départ pour localiser les francophones en Amérique du Nord et suivre leur évolution à partir des premiers foyers de peuplement. Elle présente en effet la liste des études les plus récentes de même que les statistiques, bases de données et fichiers géographiques sur lesquels les travaux s’appuient. La lecture de l’atlas aiguise la curiosité et donne un avant-goût de l’intérêt des bibliothèques et des archives pour aller plus loin.

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