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La rumeur dorée : Roberval et l’Amérique/Bernard Allaire, Montréal, Les Éditions La Presse, publ. en collab. avec Commission de la capitale nationale du Québec, 2013

La rumeur dorée : Roberval et l’Amérique/Bernard Allaire, Montréal, Les Éditions La Presse, publ. en collab. avec Commission de la capitale nationale du Québec, 2013, 159 p.

Par Gilles Durand

 

La rumeur dorée : Roberval et l'Amérique.Un nouveau regard sur le 16e siècle
Les Éditions La Presse en collaboration avec la Commission de la capitale nationale du Québec (CCNQ) ont récemment lancé, en 2013, La rumeur dorée : Roberval et l’Amérique. Préparé par Bernard Allaire, historien spécialiste du 16e siècle, la publication retrace les circonstances entourant le premier établissement français d’importance en Amérique et présente son principal protagoniste, encore largement méconnu, Jean-François de La Rocque, seigneur de Roberval. C’est un ouvrage d’érudition d’intérêt tant pour le grand public que pour l’historien de métier. L’auteur traite avec beaucoup d’habileté d’un sujet dont les sources de première main n’abondent pas, mais qu’il sait faire parler par sa connaissance des études sur l’ensemble de l’époque. Écrit dans un style très soigné, l’ouvrage demeure de lecture facile : les notes sont réduites au minimum, une bibliographie étant reportée en fin de volume; le texte est abondamment illustré de façon à permettre à l’œil de se reposer; il est aussi accompagné de cartes et à l’occasion d’encadrés faisant le point sur certaines questions. La préface est signée de la plume de Raymonde Litalien, spécialiste elle-aussi de l’histoire de la Nouvelle-France.

Le contenu de l’ouvrage
L’ouvrage est divisé en sept chapitres : une présentation de Roberval, sa famille, ses possessions foncières, sa fortune (chap. 1), ses talents de militaire et de gestionnaire, le personnage étant replacé dans le contexte de l’époque marqué par les conflits entre le roi de France, François 1er et les souverains d’Espagne et d’Angleterre (chap. 2), la préparation du projet confié à Roberval en tant que vice-roi et chef de l’expédition avec l’assistance de Jacques Cartier , tels le choix des navires, les approvisionnements, les colons (chap. 3), le séjour de Cartier au cap Rouge, en 1541-1542, avec une partie des colons, incluant la construction de forts et le quotidien de la colonie (chap. 4), le report d’une année du départ de la flotte de Roberval, impliqué dans le conflit européen (chap. 5), le séjour de Roberval au cap Rouge en 1542-1543 et le vécu de la colonie sans la présence de Cartier retourné en France (chap. 6), la fin de la carrière de Roberval en sol français jusqu’à son décès à Paris en 1560 (chap. 7).

L’intérêt de la publication
Une aventure du 16e siècle, époque de découverte et de changement
La publication permet de poser un regard neuf sur la découverte de l’Amérique. L’établissement du cap Rouge se réalise au 16e siècle, une période correspondant aux premières entreprises d’exploration et de colonisation de la planète. Les responsables du projet sont animés par ce que l’auteur appelle la « rumeur dorée », une nouvelle qui se répand sur l’existence de métaux précieux et d’une voie à travers l’Amérique pour atteindre la mer de l’Ouest et l’Asie. À l’arrivée de Cartier et de Roberval, la vallée du Saint-Laurent est encore peuplée d’Iroquoïens, ce qui ne sera plus le cas lors de la venue de Champlain au début du 17e siècle, une absence que l’auteur explique par l’agriculture extensive pratiquée et le choc microbien. Enfin, la colonie du cap Rouge inaugure une tradition de colonie pénitentiaire outre-mer : le recrutement de prisonniers fortunés et rompus à certains métiers présente l’avantage d’exiger une mise de fonds moins grande et évite d’encombrer les navires d’un trop grand nombre de passagers; en contrepartie, il exige la présence accrue de militaires pour encadrer.

La sortie de Roberval des coulisses de l’histoire
L’ouvrage de Bernard Allaire sort Roberval de l’ombre de Cartier, celui-ci ayant déjà une certaine longueur d’avance par les deux voyages effectués en 1534 et en 1535 et peut-être aussi en raison de sa foi catholique – Roberval ne cachant pas son penchant pour la réforme protestante.

Les reproches adressés à Roberval d’avoir des dettes à son décès et d’avoir quitté la colonie du cap Rouge sans laisser d’établissement permanent doivent être revus en tenant compte du contexte de l’époque. Dans le premier cas, il est décédé endetté – tout comme Cartier d’ailleurs – non pas en raison d’une vie dissolue, mais à cause, entre autres, des exigences de sa carrière d’officier militaire qui l’obligent à racheter des prisonniers à l’ennemi. Dans le second cas, l’héritage laissé au cap Rouge, quelque mitigé qu’il puisse paraître au point de départ, trouve explication dans les conflits européens impliquant François 1er et dans la demande du souverain de leur accorder la priorité – en rapatriant tous les colons du cap Rouge.

Dans l’ensemble, comme chef de l’expédition du cap Rouge, Roberval n’en sort pas moins avec un bilan positif. La traversée et le séjour en Amérique de militaires, de colons et de prisonniers, au total plusieurs centaines, s’effectuent sans naufrage et mutinerie; l’ordre est maintenu. La rumeur fait place à la certitude quant aux pierres et métaux découverts. Elle ouvre la porte à plus de réalisme quant à l’atteinte rapide et facile de l’Asie à partir d’Hochelaga. L’expédition de Roberval au site du cap Rouge et l’exploration de l’intérieur jusqu’à Hochelaga constituent enfin une expérience d’acclimatation et de prise de possession de territoire qui facilitera l’enracinement à compter du 17e siècle.

La compagne d’une exposition intitulée La colonie retrouvée

La colonie retrouvée.

La colonie retrouvée
Source : L’Info Capitale

La publication La rumeur dorée coïncide avec la présentation d’une exposition, intitulée La colonie retrouvée, au Musée de l’Amérique francophone de Québec jusqu’au 27 septembre 2015. L’exposition est une coréalisation de la Commission de la capitale nationale du Québec et des Musées de la civilisation de Québec. Elle propose des récits sonores, des créations vidéos, une représentation du fort, une scénographie multimédia de même qu’une centaine d’objets du 16e siècle mis au jour dans le cadre des fouilles sur le site archéologique Cartier-Roberval. Ces documents et ces vestiges permettent de retracer une expérience unique, celle de la première tentative de colonisation française en Amérique, et font vieillir le Québec de plus de 65 ans.

Un complément à la mise en valeur du site Cartier-Roberval du cap Rouge
Le site archéologique Cartier-Roberval, situé au confluent de la rivière Cap-Rouge et du fleuve Saint-Laurent, revêt une importance mondiale, étant le seul lieu fortifié européen du 16e siècle au nord du Mexique. Il témoigne de la volonté de la France de s’installer à demeure dans le Nouveau Monde. Les campagnes de fouilles, menées par la CCNQ en partenariat avec le ministère de la Culture et des Communications depuis 2007, ont permis de faire des découvertes importantes : les fondations de l’un des deux forts construit au sommet de la falaise; plus de 6 000 artefacts et écofacts, céramique amérindienne, faïence italienne, quincaillerie, coutellerie, grains de maïs et restes de plantes autochtones témoignant de la présence d’occupants de statut social différent de même que d’échanges entre Français et Iroquoïens. La CCNQ poursuit à l’heure actuelle des travaux de consolidation du site en vue de permettre aux générations actuelles et futures de profiter pleinement de leur patrimoine culturel. D’ailleurs le grand public est invité à visiter le site, en compagnie d’un archéologue, durant tout le mois d’août 2013, proclamé le Mois de l’archéologie.

Avec le soutien du gouvernement du Québec
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