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La toponymie : les marques de la présence française sur le continent

La toponymie : les marques de la présence française
sur le continent

 

par Jean-François Palomino

La Nouvelle-France a été l’occasion, pour les esprits créateurs, de laisser libre cours à leur imagination en marquant le territoire de milliers de toponymes inventés ou empruntés aux autochtones, des toponymes qui ont chacun une histoire bien à eux. À l’époque comme aujourd’hui, les voies de la création empruntaient toutes sortes de directions.

Certains explorateurs prirent l’habitude d’immortaliser leurs souverains ou leurs principaux conseillers en associant leur nom à des entités géographiques. Samuel de Champlain, par exemple, voulut rendre hommage à des hommes qui ont influencé les destinées de la Nouvelle-France, notamment le commerçant François Gravé Du Pont (rivière du Pont), le lieutenant Aymar de Chaste (Cap-Chat), l’amiral Charles de Montmorency (chutes de Montmorency), le commerçant Pierre Dugua de Monts (rivière du Gast). Champlain lui-même a laissé à trois reprises sa signature sur le continent, au lac Champlain et à deux rivières différentes (l’une en Mauricie portant toujours ce nom, l’autre au Massachusetts maintenant nommée Mashpee River).

Malgré l’importance de la cartographie de Champlain, il faut noter que la majorité des toponymes permanents de la vallée du Saint-Laurent apparaissent plus tard, après les premières grandes vagues d’immigration. Plusieurs localités québécoises actuelles furent d’ailleurs baptisées à cette époque et leurs noms figurent sur les cartes de Bourdon, Franquelin et Deshayes.

En général, les toponymes d’origine européenne ont eu plus de succès sur les rives de l’Atlantique et du Saint-Laurent, aux endroits où les Français étaient relativement autonomes. Mais la tendance se renverse à l’intérieur du continent. Plus les Français s’avancent dans les terres, plus la présence amérindienne leur devient indispensable pour se déplacer et s’approvisionner en fourrures, clé de voûte de la Nouvelle-France. Pour se faire comprendre, les explorateurs n’avaient d’autres choix que d’utiliser la langue et les noms amérindiens.

Ce contexte explique en grande partie l’importance de l’héritage toponymique autochtone actuel. Aux États-Unis et au Canada, plusieurs villes, États ou rivières ont des noms d’origine amérindienne – Abitibi, Alabama, Arkansas, Chicago, Chicoutimi, Illinois, Kansas, Manicouagan, Miami, Michigan, Minnesota, Mississippi, Missouri, Natashquan, Ohio, Témiscaming, Toronto, Winnipeg, Wisconsin, etc. – des noms qui apparaissent pour la première fois sur des cartes d’explorateurs et de géographes français. Ils font maintenant partie intégrante du paysage nord-américain, témoins d’un remarquable métissage toponymique.

Quelques cartes :

Samuel de Champlain, Carte de la Nouvelle France, Paris, 1632.
Jean-Baptiste Bourguignon d’Anville, Amérique Septentrionale, Paris, 1746.

Pour en savoir plus :

Litalien, Raymonde, Jean-François Palomino et Denis Vaugeois, La mesure d’un continent : atlas historique de l’Amérique du Nord, 1492-1814, Sillery, Septentrion, 2007.
Litalien, Raymonde et Denis Vaugeois (dir.), Champlain : la naissance de l’Amérique française, Sillery, Septentrion, 2004.

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