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L’art de la prière au 15e siècle

L’art de la prière au 15e siècle
Les livres d’heures manuscrits des collections publiques
du Québec nous font entrer dans la culture religieuse
de la fin du Moyen Âge

Lefil, Le journal de la communauté universitaire, Université Laval
Par Yvon Larose

 

Le livre d'heure à l'usage de Rouen est conservé au Musée d'art de Joliette. À gauche, le calendrier de la seconde moitié de décembre avec les fêtes des saints. À droite, saint Luc transcrivant la parole divine.

Le livre d’heure à l’usage de Rouen est conservé au Musée d’art de Joliette. À gauche, le calendrier de la seconde moitié de décembre avec les fêtes des saints. À droite, saint Luc transcrivant la parole divine.
Photo : Didier Méhu

Le Musée d’art de Joliette contient un objet ancien très particulier: un livre de prières de 264 pages écrit à la main et confectionné au 15e siècle en France. Le livre d’heures à l’usage de Rouen fait 11 centimètres de large par 18 centimètres de haut. « Ce manuscrit se distingue par sa structure bien définie et sa grande cohérence », affirme Maria Allen Demers, étudiante à la maîtrise en histoire.

Le samedi 1er décembre [2012] au pavillon Charles-De Koninck, l’étudiante a fait un exposé sur l’ouvrage en question lors d’une journée d’étude sur les livres d’heures manuscrits conservés dans les collections publiques du Québec. « L’ensemble de ce livre est en latin, sauf le calendrier avec les fêtes des saints et deux prières en français vers le milieu de l’ouvrage, explique Maria Allen Demers. On suppose que ces pages étaient davantage lues. Elles sont plus ornées. On trouve davantage de fleurs dans les marges. »

Une des illustrations les plus intéressantes du livre montre l’évangéliste Luc transcrivant la parole de Dieu. « Le saint est assis près d’une fontaine. Cette eau symbolise la source de vie ainsi que le verbe divin. À l’arrière, les arcades rappellent une église. Le bœuf couché aux pieds de Luc est son animal symbolique.» Sous l’image, on peut lire le début d’un extrait en latin de l’Évangile de saint Luc qui signifie «L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth ».

Les collections publiques québécoises comptent 13 livres d’heures manuscrits. Ces ouvrages produits par des copistes, ornementistes et enlumineurs ont comme caractéristique commune d’avoir été composés au 15e siècle. Comme l’ensemble des livres d’heures médiévaux, ceux-ci étaient destinés aux fidèles catholiques laïcs. L’Université McGill, à elle seule, en a sept. Huit ont été confectionnés en France, trois en Flandre et deux en Angleterre.

« Ces livres servaient à la prière individuelle, indique Didier Méhu, professeur au Département d’histoire. Ils étaient commandés par des familles assez aisées, aristocrates, grands bourgeois ou notables. » Le livre d’heures permettait au laïc de prier jusqu’à huit fois par jour. Il ponctuait la journée.

Selon Didier Méhu, le livre d’heures s’inscrivait dans la volonté de l’Église catholique d’encadrer davantage les fidèles. « Il fait en sorte que la vie quotidienne des fidèles soit plus proche de la vie monacale, explique-t-il. Cela correspond à des demandes des laïcs eux-mêmes. À la fin du Moyen Âge, il y a un engouement à vouloir imiter les moines, le Christ. D’où le grand succès de ces manuscrits. » À cette époque, la question de croire ou de ne pas croire ne se pose pas. « Tous se définissent comme fidèles. Ce qui distingue les personnes est leur niveau de pratique religieuse. »

Malgré cela, les historiens d’aujourd’hui savent que les livres d’heures étaient d’abord prisés pour leurs images. « On les regardait davantage comme des livres d’images que comme des livres de prières, affirme-t-il. L’analyse des traces d’usure révèle que les pages illustrées sont plus salies que celles contenant des textes. Elles étaient donc plus souvent ouvertes. Si les fidèles récitaient une prière par jour, et pas tous les jours, je pense que c’était déjà pas mal. »

Les livres d’heures contiennent presque toujours des images montrant, entre autres, la vie du Christ et les évangélistes. « Au minimum 3 ou 4 images, et jusqu’à 100 pour les commanditaires les plus riches, précise Didier Méhu. On pouvait faire appel pour cela aux plus grands peintres. »

Le livre d’heures typique contient des psaumes, cantiques et hymnes à la Vierge, un calendrier permettant de suivre la liturgie au long de l’année, des psaumes pénitentiels et les Évangiles, ainsi que des offices particuliers. « Plus de la moitié du livre d’heures manuscrit contient les heures de la Vierge, indique le professeur. Les psaumes pénitentiels invitent le fidèle à réfléchir sur ses péchés. Quant à l’office des morts, il s’agit d’un ensemble de prières que l’on va réciter pour les proches décédés, pour faire en sorte que soit raccourci le temps qu’ils passent au purgatoire. »

Objet du patrimoine familial, le livre d’heures est légué de génération en génération. « Il devient un lieu de représentation pour la famille, souligne Didier Méhu. On y inscrit la généalogie de la famille à la fin. Parfois, le commanditaire se fait représenter aux pieds du Christ ou de la Vierge. Le livre d’heures représente le statut familial. Il est plus important en ce sens que comme support de la prière quotidienne. »

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