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Le 133e congrès national des sociétés historiques et scientifiques :

Bulletin no 26, septembre 2008

Le 133e congrès national des sociétés historiques et scientifiques :
une occasion d’identifier, mettre en contexte et valoriser les lieux de mémoire franco-québécois

par Gilles Durand

 

Le Comité des travaux historiques et scientifiques met en réseau, sur le territoire de l’Hexagone, sociétés savantes, universités, organismes de recherche, d’érudition et de protection du patrimoine. Chaque année, il organise un congrès pour permettre aux chercheurs de faire le point sur leurs travaux en cours et de présenter leurs nouveaux projets. Étant donné le 400e anniversaire de fondation de Québec, il a choisi de tenir l’événement dans cette ville.

Le 133e congrès s’est déroulé du 2 au 6 juin 2008. Placé sous la présidence de Jean Duma (volet scientifique du congrès) et de Laurier Turgeon (comité d’organisation), il a choisi le thème de la construction du monde atlantique, soit les migrations, transferts et échanges de part et d’autre de l’Atlantique. Près de 400 intervenants ont traité, entre autres, des maillons de cette chaîne qui relie la France au Québec et à l’Amérique française, et que l’histoire n’a jamais pu briser . La rencontre fut un franc succès, tant par le nombre de conférenciers que par la participation d’un auditoire nombreux et des plus intéressés.

 

L’histoire : la construction de l’espace atlantique français

Le 400e ne pouvait être mieux choisi pour retracer l’évolution des liens entre la France, le Québec et, plus largement, l’Amérique française. Du côté de

Présentation du Projet golfe du Saint-Laurent et Centre-Ouest français, Nicolas Landry, Université de Moncton, 4 juin 2008

 

Présentation du Projet golfe du Saint-Laurent et Centre-Ouest français, Jacques Péret, Université de Poitiers, 4 juin 2008

 

Crédit: Gilles Durand

l’Amérique, les relations débutent au 16e siècle, par l’occupation du littoral atlantique, les « Terres neufves ». Les pêcheurs français de morue viennent y faire sécher leurs prises. Par là, ils contribuent à faciliter la navigation océanique et, par leurs établissements saisonniers de séchage, ils constituent autant d’avant-postes pour la recherche de la mer de l’Ouest, pour la connaissance et la cartographie du continent, pour l’évangélisation des premiers occupants et pour l’établissement d’une population de langue française. Par la suite, les liens avec la mère patrie sont maintenus, les nouveaux arrivés devant y faire appel pour combler des besoins de base en céramiques, terres cuites, grès régionaux, soins de santé, produits pharmaceutiques, etc.

 

En retour, les migrants fournissent à la mère patrie les ressources dont elle a besoin, la morue, les fourrures, des cartes géographiques, des connaissances scientifiques et techniques, des spécimens sur les plantes, la flore, la faune du nouveau continent. Bien souvent, les ports littoraux français sont des portes d’entrée pour les produits coloniaux qui sont distribués à l’intérieur de l’Hexagone par les fleuves et des rivières. Ils permettent par là aux Français, quelles que soient leur condition et leur résidence, de s’approprier le Nouveau Monde et de participer à la construction de l’espace atlantique français.

 

Les échanges entre l’Ancien et le Nouveau Monde constituent un champ de recherche où il y a encore beaucoup à découvrir. Des projets ont été présentés, par exemple l’étude comparée des échanges humains, matériels et culturels entre le Centre-Ouest français et le golfe du Saint-Laurent, menée dans une perspective maritime et littorale, par les laboratoires des universités de Poitiers, La Rochelle et Moncton; un colloque a été tenu à Brouage et à La Rochelle en 2007, un prochain le sera à Shippagan, Nouveau-Brunswick, en 2009. L’avenir s’annonce prometteur.

 

Lancement de deux publications sur les lieux de mémoire : des éclairages complémentaires

 

L’histoire met en contexte les lieux de mémoire et les utilise comme illustration. À leur tour, les travaux sur les lieux de mémoire enrichissent les connaissances historiques par leurs analyses et la mise en réseau de ces lieux. Le 133e congrès ne pouvait être meilleure occasion pour lancer deux publications sur les lieux de mémoire communs à la France, au Québec et, plus largement, à l’Amérique française :

 

  • l’une sur support papier, Les traces de la Nouvelle-France au Québec et en Poitou-Charentes, sous la direction de Marc St-Hilaire, Alain Roy, Mickaël Augeron et Dominique Guillemet (Les Presses de l’Université Laval, Québec, 2008), mais prenant appui sur un portail Internet L’inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France …au Québec …en France;
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  • l’autre sous forme de site Internet, l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française, sous la direction de Laurier Turgeon et d’Yves Bergeron, mais prévoyant éventuellement une diffusion sur support papier.

    Ces deux publications complémentaires partagent plusieurs caractéristiques en commun :

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  • Elles ont vu le jour à l’initiative de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs. Elles ont été réalisées par des spécialistes du domaine qui ont repris le bâton du pèlerin, faisant état d’« un savoir établi et consacré » et des dernières découvertes, dans un style limpide et accessible et dans une présentation magnifiquement illustrée;
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  • Elles livrent des analyses détaillées de repères mémoriels forts, à l’occasion débordant l’angle disciplinaire (site, bien immobilier, bien mobilier, traces documentaires), investis par les Français et les descendants de Champlain, de part et d’autre de l’Atlantique, en Poitou-Charentes – des extensions étant prévues dans d’autres régions de la France –, au Québec, dans les provinces canadiennes et en territoire américain, par exemple la Place-Royale qui devient place du Marché à ses heures, l’île aux Basques, Grand-Pré en Acadie, les plaines d’Abraham et la guerre de Sept Ans;

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  • Elles dégagent des lieux de mémoire des thèmes et des catégories pour accroître les possibilités de réseautage de ces lieux – autrement que par le seul territoire –, pour les arrimer sous des angles particuliers, par exemple production et échanges, lieux de pouvoir et de diplomatie, patrimoine matériel, patrimoine immatériel, personnage historique, lieu identitaire, littérature;

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  • Elles englobent les différents supports des lieux de mémoire, le patrimoine naturel, le patrimoine bâti, le patrimoine documentaire, par exemple l’organisation contemporaine de l’espace au Québec, les collections manuscrites, imprimées et muséales du Séminaire de Québec;

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  • Elles lèvent le voile sur une dimension incontournable des lieux de mémoire, les repères immatériels, intangibles – créneau important de l’Encyclopédie –, au moyen de biographies de personnages qui se sont démarqués au point de constituer autant de symboles identitaires, telles Catherine de Saint-Augustin, Jeanne Mance; par des études sur la toponymie de la rivière Churchill, sur le théâtre tel le Cercle de Molière;

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  • Elles mettent en lumière le processus de patrimonialisation, c’est-à-dire les visages multiformes de la mémoire collective qui oublie, rejette dans l’ombre, embellit, et qui, par voie de conséquence, modifie à travers le temps la physionomie de l’héritage patrimonial dont elle s’est portée responsable, par exemple la Place-Royale, les plaines d’Abraham et la guerre de Sept Ans, Dollard des Ormeaux, le réseau des Sociétés Saint-Jean-Baptiste et le Mouvement national des Québécois;

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  • Elles mesurent la profondeur de la mémoire collective, qui peut remonter à la découverte du Canada, dater du 19e siècle ou bien encore avoir été créée dans la décennie 1950, par exemple les trappeurs francophones des Plaines et des Rocheuses étatsuniennes au cours du 19e siècle, la nouvelle tradition que constitue le Tintamarre en Acadie remontant au tournant des années 1970-1980;

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  • Elles localisent également les lieux de mémoire dans l’espace, leur résonnance au niveau du pays, de la nation, d’une région, d’un groupe en particulier (la mémoire savante), par exemple la représentation de l’identité canadienne chez les diplomates écrivains, ces trappeurs francophones, cités plus haut, des Plaines et des Rocheuses étatsuniennes autour de 1800, le réseau des Sociétés Saint-Jean-Baptiste.

 

Le lecteur est invité à consulter les sites Internet de l’Inventaire et de l’Encyclopédie qui s’enrichissent régulièrement et dont découlent les présentes publications. Il y trouvera de l’information additionnelle sur des caractéristiques qui leurs sont propres, les créneaux sur lesquels ils mettent l’accent, mais toujours un même champ de recherche à approfondir et à valoriser, cet héritage commun, apporté par Champlain, actualisé, développé et enrichi en terre d’Amérique.

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