Le Festival du bateau classique de Montréal 2010
Les témoignages de vestiges archéologiques
par Gilles Durand
Sur les quais du Vieux-Port de Montréal
Du 20 au 22 août 2010 a lieu le Festival du bateau classique de Montréal dans le Vieux-Port. Salon à flot, salon à sec pour les embarcations qui par leur âge ou leur nature ne peuvent être mises à l’eau, kiosques et conférences mettent en valeur des bateaux classiques, construits de bois recherché et au fini remarquable, utilisés aujourd’hui comme embarcations de plaisance, de même que les techniques de leur construction. Les institutions et les professionnels reliés au fleuve Saint-Laurent, tels les pilotes qui assistent les capitaines de vaisseaux venant de tous les coins du monde dans la remontée du fleuve, sont aussi présents pour diffuser de l’information.
L’événement réveille aussi l’intérêt des visiteurs pour la période de la Nouvelle-France, lorsque le Saint-Laurent et les rivières constituent le réseau navigable intérieur. Les voies d’eau suppléent à l’absence de route, mais elles posent aussi des défis : eaux peu profondes, récifs, rapides.
Des vestiges archéologiques modestes, mais essentiels : les batteaux plats
Daniel LaRoche, archéologue, Parcs CanadaCrédit : CFQLMC – Gilles Durand |
En après-midi du dimanche, le 22 août, le premier conférencier, Daniel LaRoche, archéologue, retrace les débuts de la navigation sur le fleuve et sur les rivières du continent dans le deuxième quart du 18e siècle. Il nous entretient des vestiges archéologiques des barques à quilles et de batteaux – comme on écrit à l’époque – plats, découverts à l’occasion du creusement des fondations du Musée de la civilisation au milieu des années 1980. Les embarcations dont le bois était gorgé d’eau, étaient enfouies sous la terre déposée pour gagner du terrain sur le rivage. Elles sont alors dégagées du sol avec le plus grand soin, soumises à des analyses minutieuses et datées à partir d’autres types de témoins existants, tels les archives, les témoignages de voyageurs et les gravures d’époque.
On sait maintenant que parmi les embarcations trouvées, les batteaux plats possèdent des dimensions variables se situant autour d’une dizaine de mètres de longueur, d’un mètre quatre-vingt de largeur et de 65 centimètres de profondeur. Elles peuvent être propulsées par six à douze rameurs, et peuvent aussi être gréées d’une voile pour profiter du vent. Elles se distinguent à la fois par leur légèreté et par une bonne capacité de charge et peuvent servir comme allèges pour transporter les marchandises des navires océaniques à la terre ferme. Elles peuvent aussi être utilisées pour approvisionner les forts de l’intérieur du continent en provisions et marchandises de traite, pour transporter des passagers de même que des soldats lors de campagne militaire. Leur poids relativement léger et leur faible tirant d’eau permettent aux rameurs de les pousser en eau peu profonde et de les porter sur de courtes distances. Considérant leurs propriétés, les batteaux plats ne le cèdent en rien aux canots d’écorce et aux pirogues des Amérindiens. Les vestiges démantelés de ces batteaux plats sont par trop fragmentaires pour être facilement présentés comme le sont ceux d’une barque à voile plus grosse et mieux conservée en montre à l’heure actuelle au Musée de la civilisation.
Voir aussi :
Daniel LaRoche, « Au gré des vents et marées à Québec! Embarcations naviguant sur le fleuve Saint-Laurent au XVIIIe siècle : tradition ou adaptation », dans Rêves d’Amériques : Regard sur l’archéologie de la Nouvelle-France/textes réunis sous la direction de Christian Roy et Hélène Côté, Québec, Association des archéologues du Québec, 2008;
Charles Dagneau, « Les batteaux plats : l’efficacité dans la simplicité » dans Continuité, no 116, 2008, p. 40-42
Travaux de récupération de la barque
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Barque à fond plat, hall d’entrée du Musée
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Construction traditionnelle d’un voilier
Le second conférencier, Raymond Boyer, présente quant à lui, diapositives à l’appui, les méthodes de fabrication, utilisées aujourd’hui mais façonnées par plusieurs siècles de savoir-faire, d’un voilier d’environ trente pieds de longueur et neuf pieds et demi de largeur. Il aborde, entre autres, les matériaux à employer, tels le chêne pour la structure et le teck pour le bordage, les exigences d’un travail qui demande habileté manuelle et précision, telle la préparation préalable de plans grandeur nature, la technique utilisée pour la courbure des pièces, etc. La conférence permet non seulement d’entrevoir les exigences auxquelles doivent se soumettre les constructeurs, mais elle éveille aussi la curiosité pour la construction de petites embarcations au temps de la Nouvelle-France à côté de celle des grands voiliers royaux.
Le port de Montréal, quai d’échouage
Louise Pothier, archéologue, Pointe-à-CallièreCrédit : CFQLMC – Gilles Durand |
C’est à l’archéologue Louise Pothier de Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, qu’il revient de clôturer l’après-midi en nous entretenant de Montréal comme cité portuaire dans la première moitié du 19e siècle. L’occasion est bien choisie pour la conférencière de faire le lien avec la période antérieure. Les remparts en maçonnerie de pierre dont Montréal est entourée au cours du 18e siècle, empêchent la communication entre la ville murée et les faubourgs qui prennent naissance graduellement à l’extérieur des murs. Le port d’alors constitue un quai d’échouage pour les barques et les petits voiliers sans installation permanente. Il est aussi handicapé dans son expansion par les rapides de Lachine qui empêchent la navigation en amont. La mise en opération d’un canal, permettant d’éviter les obstacles, devient une réalité en 1825 et constitue un des facteurs qui permet à Montréal de passer du statut de ville fortifiée à celui de cité portuaire.