Skip to content Skip to footer

Le siège de Québec

Le siège de Québec

 

par Fabrice Mosseray
Forces armées canadiennes

 

Forts de leur victoire à Louisbourg (27 juillet 1758) et remis de leurs défaites subies sur les Grands Lacs, les Britanniques sont bien décidés en cette année 1759 à aller de l’avant dans leur projet de conquête du Canada. Alors que le général Amherst marche sur Montréal, l’amiral Saunders et le major-général Wolfe s’apprêtent à attaquer Québec, le cœur de la Nouvelle-France.

 

L’échec de la guerre de course

Sous la gouverne du premier ministre William Pitt, la Grande-Bretagne, au prix d’efforts colossaux, veut mettre fin à l’empire colonial français. Elle veut s’emparer coûte que coûte du Canada (82 000 habitants) qui représente un véritable obstacle au développement de ses colonies américaines (1 300 000 hab.). Quant à elle, la France ne devine en rien les visées de son ennemi, néglige sa marine de façon abjecte et s’imagine que le conflit se règlera sur le continent européen. Menacée à nouveau, la Nouvelle-France ne pèse pas lourd dans l’entourage du roi Louis XV puisque, loin d’être autosuffisante, elle coûte cher et rapporte peu à la France. Faute de puissantes escadres et d’une politique navale efficace, la Marine royale française n’est pas de taille à lutter contre la Royal Navy et ne peut ainsi protéger ses ports et les colonies. Depuis la fin de la guerre de la Succession d’Autriche (1748), la Grande-Bretagne a maintenu un état de guerre avec la France qui n’a fait aucun effort digne de ce nom pour renflouer sa marine durement malmenée. Privée de financement sérieux, délaissée au profit de l’Armée, minée par des conflits internes et affaiblies par des épidémies qui déciment les équipages mal nourris et mal payés, la marine de Louis XV n’est pas prête à entrer en guerre en 1756. À la centaine de vaisseaux de ligne (navires de guerre de 64 canons et plus) anglais, elle ne peut en opposer qu’une quarantaine. En plus d’avoir du mal à combler ses effectifs, elle prive nombre de ses navires de leur précieux armement et ravitaillement qu’elle refile aux navires corsaires sur qui la France fait reposer sa stratégie navale.

 

Malgré tout, le conflit avait bien commencé pour la France. De 1756 à 1758, avec leurs forces squelettiques, le gouverneur de la Nouvelle-France, Pierre Rigaud de Vaudreuil et le général Louis-Joseph de Saint-Véran, marquis de Montcalm, sont victorieux sur les Grands Lacs. En Méditerranée, le marquis de la Galissonière, un ancien gouverneur de la Nouvelle-France, s’empare de l’Île Minorque en mai 1756. En 1758, le vent tourne et la Nouvelle-France perd la forteresse de Louisbourg, le Fort Frontenac (Kingston) et le Fort Duquesne (Pittsburgh). La France étant incapable de lui envoyer suffisamment de convois de ravitaillement, la colonie est à bout de souffle et connaît la famine. La Royal Navy domine les mers puisque les corsaires français ploient sous le nombre et ne sont pas épaulés par une forte marine de guerre. Opérant depuis la France, de Louisbourg (jusqu’en août 1758) et de Québec, les corsaires, munis de lettres officielles confirmant qu’ils agissent au nom du Roi, s’attaquent aux navires de commerce et de pêche anglais et revendent leurs prises et les cargaisons capturées. L’administration coloniale a aussi recours à des corsaires canadiens à bord de ses ravitailleurs et de ses escorteurs. Les pêcheurs de la Nouvelle-France se muent également en corsaires et arment leurs goélettes de petits canons ou de pierriers. Ils traquent et capturent des navires anglais généralement de tonnage semblable à leurs petits navires et les revendent à Louisbourg et à Québec. Malgré le nombre de prises effectuées par les corsaires français, soit 1 358 navires capturés durant la guerre de Sept Ans (1756-1763), dont une quarantaine par les corsaires opérant en Nouvelle-France, ils sont trop peu nombreux pour porter de rudes coups à l’imposante flotte commerciale anglaise. Le système de convois adopté par les Britanniques les tient en respect. La décision de la France de recourir à la guerre de course se solde donc par un échec cuisant et son empire colonial en fait les frais.

 

Malgré le fait que la Marine royale soit coincée dans ses ports à cause du blocus exercé par la Royal Navy, les stratèges français envisagent tout de même d’envahir l’Angleterre! Au courant de leurs intentions, les Britanniques prennent les grands moyens. Alors que les amiraux Howe et Rodney ravagent respectivement Cherbourg et Le Havre en 1758, la Marine royale est pratiquement anéantie au cours de l’année suivante : la flotte de Toulon est anéantie par l’amiral Boscawen (qui s’est illustré à Louisbourg), celle de Brest par l’amiral Hawke et les deux escadres de l’Océan indien par l’amiral Pocok.

 

Les corsaires au secours de Québec

Entre temps, en mai 1759, les corsaires Vauquelain, Canon (ou Kanon) et Sauvage parviennent à franchir le blocus anglais et jettent l’ancre à Québec avec huit frégates et une quinzaine de navires de transport. Ils ramènent également le colonel de Bougainville qui revient avec de mauvaises nouvelles de Paris. Après avoir exposé la situation critique de la colonie, Bougainville s’est fait répondre par le ministre de la Marine Berryer : « Monsieur, quand le feu est à la maison, on ne s’occupe pas des écuries. » Bougainville se fait donner tout de même 326 soldats et 13 000 barils de poudre et de vivres. Des moyens nettement insuffisants! Il est par ailleurs demandé à Vaudreuil et à Montcalm de tout faire pour conserver Québec et Montréal. Lors de futures négociations, la France devra bien avoir quelques territoires en sa possession! Les ordres venus de France n’arrangent en rien les tensions orageuses entre le gouverneur Vaudreuil et le marquis de Montcalm qui ne s’entendent absolument pas sur la stratégie de défense à adopter. La colonie, qui manque de vivres, est la proie du marché noir et de la corruption. Alors que Montcalm fait creuser des retranchements de Québec jusqu’à la rivière Montmorency et installe son quartier général à Beauport, Vaudreuil veille à la défense de Québec. Aux 15 000 combattants (soldats de l’Armée, des troupes de la Marine, miliciens et Amérindiens) dont ils disposent s’ajoutent 2 000 marins dont les navires sont soit transformés en batteries flottantes soit en brûlots. Si 600 d’entre eux sont affectés à la manœuvre de ces derniers, les 1 400 autres se retrouvent canonniers. Ne pouvant stopper la flotte anglaise à elle seule, la poignée de frégates restantes est envoyée à Montréal.

 

Échec de Wolfe

La flotte de l’amiral Saunders, qui compte près de 150 navires, appareille de Louisbourg, cingle vers Québec et rallie l’île d’Orléans le 24 juin 1759. Pas un seul navire n’est perdu en raison des caprices du fleuve Saint-Laurent. Non seulement Saunders est un amiral des plus compétents, mais il compte parmi ses navigateurs les plus chevronnés un certain James Cook, futur grand explorateur du Pacifique. De plus, des prisonniers français menacés de mort sont forcés d’aider Saunders. Escortée entre autres par une vingtaine de vaisseaux de ligne, la flotte compte près de 130 navires de transport et de ravitaillement de divers tonnages. Plus de 30 000 marins britanniques sont à leur poste de combat et les 9 000 soldats du major général James Wolfe s’attendent à être débarqués d’un jour à l’autre.

 

Dans la nuit du 28 juin, les Français lancent sept navires transformés en brûlots contre la flotte ennemie, mais en vain puisque les équipages les incendient trop rapidement. À la vue de ces navires en flammes, les marins britanniques ont le temps d’éloigner leurs vaisseaux ou encore de déployer des équipes d’abordage qui parviennent à remorquer les brûlots et de les éloigner ainsi de la flotte.

 

Wolfe et le colonel Guy Carleton installent le 27 juin une tête de pont sur l’île d’Orléans d’où ils peuvent observer les défenses françaises. Le colonel Monckton déploie 3 000 hommes à la Pointe-Lévis, sur la rive sud du fleuve, en face de Québec, où Wolfe installe des canons et des mortiers. En attendant de trouver un moyen d’amener ses troupes sous les remparts de Québec qui bénéficie de défenses naturelles, il entame le bombardement de lai ville le 12 juillet. De concert avec les navires de la Royal Navy, les batteries anglaises crachent boulets et bombes des jours durant ravageant la capitale de la Nouvelle-France, notamment sa Basse-Ville. Non content d’avoir détruit les villages de pêche de la Gaspésie, Wolfe fait brûler en juillet et en août tous les villages et fermes le long du Saint-Laurent, depuis Kamouraska jusqu’à Deschambault. La population civile est victime des exactions des soldats britanniques. Cet acte de barbarie galvanise la résistance des Canadiens plutôt que de les dissuader de combattre.

 

Impatient d’en découdre avec l’ennemi, Wolfe fait débarquer des troupes sur la rivière Montmorency le 8 juillet et y installe un camp sur sa rive est. Le 31, il y fait à nouveau débarquer 4 000 hommes et lance une première attaque afin de percer les lignes françaises et de s’emparer des retranchements de la côte de Beauport. Mal planifiée et menée sur un terrain difficile, l’attaque est un désastre. Battus par le chevalier de Lévis, les Britanniques subissent de lourdes pertes. Lévis vient de donner une quatrième victoire au marquis de Montcalm (Fort Oswego-1756, Fort William Henry-1757, Fort Carillon-1758) qui est parvenu à éviter tout engagement direct, épargnant ainsi ses maigres forces, et à gagner du temps. À cette défaite de Wolfe s’ajoute l’échec du débarquement du brigadier général James Murray à Pointe-aux-Trembles, en amont de Québec. Son attaque du 8 août est repoussée par le colonel de Bougainville. Il prend sa revanche le 18 en incendiant à Deschambault un dépôt de l’armée française.

 

Le moral des assaillants bat de l’aile : le bombardement de Québec ne donne aucun résultat, les lignes de ravitaillement entre Québec et Trois-Rivières ne sont pas coupées, Wolfe est malade, son leadership affaibli, les troupes souffrent de dysenterie et l’amiral Saunders redoute l’arrivée de l’automne en raison des dangers que pourrait faire courir le fleuve à sa flotte. À Londres, le premier ministre Pitt apprend les revers de Wolfe et de Murray et désespère de ne pas voir Québec tomber avant la fin de l’été. Bien que ravagée par près de 16 000 boulets et bombes, la ville de Québec ne capitule toujours pas et le drapeau royal flotte toujours sur ses remparts!

Nous joindre
Section Québec
commissionfqlmc@gmail.com
Section France
cfqlmc.fr@hotmail.com
Suivez-nous