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Médaille Bene Merenti de Patria de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal à Marcel Masse : présentation du récipiendaire

Médaille Bene Merenti de Patria de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal à Marcel Masse :
présentation du récipiendaire

 

Par Robert Comeau
Professeur associé département d’histoire
Université du Québec à Montréal

 

Marcel Masse

Marcel Masse
Crédit : Mathieu Breton

Mes chers amis,

De g. à d. Denis Vaugeois, Mario Beaulieu président de la SSJB de Montréal, Marcel Masse et son épouse Cécile, Robert Comeau.

De g. à d. Denis Vaugeois, Mario Beaulieu président de la SSJB de Montréal, Marcel Masse et son épouse Cécile, Robert Comeau
Crédit : Mathieu Breton

Il me fait vraiment plaisir de participer aujourd’hui – 24 juillet 2012 – à cet hommage que la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal rend à l’homme politique et au citoyen Marcel Masse qui a toujours voulu mettre en valeur ce qui fait notre spécificité comme peuple français d’Amérique, notre langue et notre culture françaises. Et l’occasion du rappel  du 45e anniversaire du « Vive le Québec Libre! » du Général, est une occasion tout à fait appropriée car c’est un événement auquel notre ami a été associé de près en 1967 en tant que ministre d’État à l’Éducation et ministre délégué auprès des chefs d’État.

La culture française avant tout

Pour Marcel Masse, le développement du Québec, tant politique qu’économique et culturel, a toujours été au cœur de ses préoccupations et de ses interventions : il est l’un des rares hommes politiques du Québec à rappeler l’importance de notre histoire et à faire prendre conscience aux Québécois de ce que le Québec d’aujourd’hui doit à son passé français. Il a toujours valorisé notre histoire  et nos luttes nationales, ce que les historiens de la génération de la Révolution tranquille – les révisionnistes s’il faut mettre une étiquette – ont trop souvent oublié en faisant débuter l’histoire du Québec en 1867. J’ai souvent entendu Marcel exiger que les comités de toponymie ne se limitent pas aux personnages historiques contemporains des XIXe et XXe siècles pour attribuer des noms aux édifices publics. Il est de ceux qui refusent cette rupture entre notre histoire moderne et nos sources françaises qui ne se résument pas à de la grande noirceur. J’ai souvent entendu Marcel déplorer cet oubli et souvent ce mépris de notre passé : « Si l’on n’est pas fier de notre passé français, comment pourrons-nous convaincre les Québécois, les anciens comme les nouveaux immigrants, qu’ils ont un avenir prometteur. Et face aux partisans du multiculturalisme, il a souvent rappelé que le temps n’est pas à la conciliation défaitiste mais à l’intégration.

Monsieur Masse, vous êtes de ceux qui ont défendu courageusement notre langue, notre patrimoine et la cause de l’émancipation du Québec. Vous avez régulièrement créé des institutions, des organismes, pour assurer un suivi à vos projets et pouvoir réaliser l’atteinte de vos objectifs. On a souvent constaté votre impatience et votre frustration devant nos dirigeants politiques québécois qui ne manifestaient pas le même empressement à soutenir les efforts de leurs compatriotes, faute de moyens et de volonté politique, que nos vis-à-vis canadians qui ont profité bien davantage de leur État national.

Marcel Masse est un collègue dont j’ai pu apprécier les convictions, l’énergie, l’esprit combatif et la détermination et surtout l’enthousiasme communicatif en particulier à la Fondation Lionel-Groulx ainsi qu’à la Société du Patrimoine politique où j’ai eu le plaisir de le côtoyer. Ses interventions claires et d’une grande fermeté ont porté fruit et j’en tire une grande leçon personnellement.

Un parcours riche et diversifié au service de la même cause

En fait, j’ai suivi son parcours depuis longtemps, étudiant en histoire et militant au RIN, –il y a 50 ans – je trouvais fort intéressantes les idées du jeune professeur d’histoire de l’Union nationale de Joliette qui me semblaient bien proches de celles du Rassemblement pour l’indépendance nationale, en particulier lorsque Daniel Johnson a rendu publique le manifeste Égalité ou Indépendance en 1965. On soupçonnait que vous y étiez pour quelque chose. C’était à la veille de l’élection de 1966 où vous avez été élu député de Montcalm à l’élection où l’UN concentrait ses attaques sur les libéraux en n’attaquant pas le RIN.

Celui qui avait été président de l’Association des enseignants de Lanaudière, manifestait une rare ouverture face à la question de l’indépendance et aux perspectives attrayantes d’actions unitaires pour faire avancer la cause de l’émancipation du Québec. C’est le même historien fougueux et impatient, et passionné pour l’histoire du Québec, que j’ai retrouvé au conseil d’administration de la Fondation Lionel-Groulx où il a siégé de 2005 à 2012. Grâce à sa détermination et ses interventions énergiques, il a contribué de façon notable à la modernisation de la Fondation. Il avait déjà apporté une contribution majeure à la Fondation Lionel-Groulx comme à plusieurs autres institutions culturelles québécoises alors qu’il était ministre canadien des Communications en 1990.

Au cours des dernières années, j’ai appris à connaître un leader chaleureux et déterminé, capable de faire bouger les choses, n’ayant pas peur de bousculer, d’aller à contre-courant et capable de critiquer la langue de bois et les réflexes de colonisés empreints de rectitude politique. Je tiens à le remercier pour son implication énergique et son inspiration communicative. Bien sûr qu’il faut rester vigilant et critique quand il jette un regard trop complaisant sur certaines actions de personnages controversés de notre histoire – Duplessis par exemple. Il n’a certainement pas tout à fait tort de croire que la grande noirceur, c’est surtout maintenant qu’on la subit…

Je ne reprendrai pas ici la longue notice biographique produite  par les rédacteurs  de l’Assemblée nationale du Québec avec tous les conseils et commissions qu’il a présidés, les organismes nombreux qu’il a fondés et les postes qu’il a tenus. Mais quelques rappels s’imposent.

Élu en 1966 et réélu en 1970 il a été nommé à 30 ans ministre d’État à l’Éducation; il aurait sans doute beaucoup à nous raconter sur le dossier de la création précipitée de l’Université du Québec en 68. À la même époque, il a été délégué à l’accueil des chefs d’État durant l’expo 67. C’est avec André Patry, premier responsable du protocole au gouvernement du Québec – décédé il y a quelques semaines – que Daniel Johnson avait choisi , que Marcel Masse a très tôt déployé son charme et son éloquence à faire connaitre le Québec et son projet d’émancipation aux milliers de visiteurs étrangers. On aimerait pouvoir lire bientôt dans une éventuelle autobiographie pour retrouver ses souvenirs de cette journée exceptionnelle du 24 juillet 1967 où a retentit « Vive le Québec Libre » et dont on rappelle aujourd’hui le 45e anniversaire!

Vous avez mené, Marcel, une longue carrière à Ottawa et occupé plusieurs fonctions ministérielles de 1974 à 1993, aux Communications, à l’Énergie, Mines et Forêts, et à la Défense de 1991 à 1993 et ministre délégué à la Francophonie. Vous ne vous êtes pas représenté en 1993 après l’échec de Meech. Échec qui a vous a entraîné à une implication plus immédiate pour l’émancipation nationale du Québec. Le processus de l’indépendance s’amorçait avec Jacques Parizeau nouvellement élu. L’indépendance était à l’ordre du jour. Vous avez accepté en 1995 de présider la Commission régionale de Montréal sur l’avenir du Québec et avez été impliqué aussi à la tête de la Commission nationale sur l’avenir du Québec. Vous avez accepté de travailler au chantier de l’indépendance à la tête de 14 comités régionaux créés dans le but de permettre à la population de comprendre l’enjeu de l’indépendance du Québec en vue de préparer le referendum de 1995. Les travaux de ces commissions faisaient apparaître la nécessité pour la population de bien comprendre ce que pouvait changer concrètement l’acquisition de cet outil indispensable de la maîtrise complète de nos pouvoirs politiques, comment la souveraineté pouvait changer nos vies, en rendant possible un autre projet de société.

En 1995, vous avez présidé pendant une trop courte période la Commission de la langue française avant d’aller à Paris comme délégué général en 1996-1997.

Il est bien dommage aussi que vous ayez dû démissionner en décembre 1995 du groupe de travail sur l’enseignement de l’histoire. Votre voix aurait été idoine. Le rapport de ce groupe de travail, identifié au nom de son président Lacoursière, mais largement inspiré par le fonctionnaire secrétaire du groupe et certains spécialistes timorés, pour ne pas dire pusillanimes, en a souffert : avec votre participation, ce rapport sur l’enseignement de l’histoire aurait sans doute été moins empreint de rectitude politique. Rapidement, permettez que j’en glisse un mot. Alors que le mandat donné par le ministre Garon était explicitement de « donner à l’histoire nationale et universelle sa place de discipline fondamentale dans la formation des jeunes du Québec », le mot national n’apparaissait pas une seule fois accolé au mot Québec dans le rapport épuré déposé en mai 1996. En 2006, ce sont les mots Canada-Québec du titre qui disparaissaient du titre du cours d’histoire de secondaire pour être remplacés par le titre « Histoire et Éducation à la citoyenneté », sans précision de territoire, sans mention du pays et toujours sous l’inspiration des mêmes rédacteurs qui avaient inspiré le rapport 10 ans plus tôt. Fin de la parenthèse.

Garder le cap sur notre histoire, notre patrimoine et nos lieux de mémoire

Heureusement, Monsieur Masse, à votre retour, vous êtes intervenu dans les dossiers concernant l’histoire, le patrimoine et les lieux de mémoire.

Après votre présidence à la Commission des Biens culturels de 1997 à 2000, vous avez participé à la création de nombreux organismes, en particulier la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire de 1997 à 2006. Vous avez poussé à l’action le comité des archives de l’Amicale des anciens parlementaires de Québec, vous avez créé et présidé de 2002 à 2005 la Société du Patrimoine politique du Québec qui a organisé de nombreux colloques à caractère historique dans le cadre des Entretiens Pierre-Bédard. Et vous avez lancé avec Héritage Champlain, l’Encyclopédie multimédia du patrimoine culturel de l’Amérique française, puis plus récemment l’Encyclopédie du patrimoine politique. Ce ne sont que quelques-unes de vos initiatives.

Pour votre contribution à la défense de la langue et de la culture françaises, vous avez été fait en 2009 commandeur de l’Ordre des Palmes académiques à Paris, par l’historien Pierre Nora, décoration accordée à titre exceptionnel à des non résidents de France.

Toutes ces initiatives vous ont déjà mérité l’Ordre national du Québec et vous ont fait officier de la Légion d’honneur de France en 1999. Que puis-je ajouter sinon que le mois dernier la Fondation Lionel-Groulx vous nommait membre honoraire pour le travail accompli pendant vos 7 ans au conseil d’administration de la Fondation.

Raffermir nos liens avec la France

Après une carrière aussi remplie, vous qui avez accueilli le Général en 67, qui avez participé aux premières ententes de coopération avec la France, et qui, depuis, avez toujours cru que la coopération France-Québec était nécessaire à notre développement comme nation française en Amérique du Nord, bref pour tous vos gestes, interventions et services rendus au Québec, la SSJB de Montréal et son président Mario Beaulieu sont heureux et fiers de vous remettre la médaille Bene Merenti de Patria.

Encore une fois félicitations!

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