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Mélanges posthumes autour de l’œuvre de Conrad Laforte « M’amie, faites-moi un bouquet »

Mélanges posthumes autour de l’œuvre de Conrad Laforte
« M’amie, faites-moi un bouquet »

 
par Gilles Durand
 
M’amie, faites-moi un bouquet

Source : Presses de l’Université Laval

Les Presses de l’Université Laval en coédition avec les Éditions Charlevoix ont lancé tout récemment les Mélanges posthumes autour de l’œuvre de Conrad Laforte. Dix-neuf auteurs, parmi lesquels un ami intime et un collègue, mais tous des spécialistes du domaine, se partagent autant de textes regroupés en huit parties sous la direction de Jean-Nicolas De Surmont. Il n’en faut pas moins pour un chercheur, qui s’est démarqué comme bibliothécaire-archiviste devenu, par son travail assidu et engagé, spécialiste des contes et des chansons de tradition orale et professeur à l’Université Laval. La publication arrive à point, avec l’adoption, le 19 octobre 2011, de la Loi sur le patrimoine culturel : le patrimoine immatériel, savoirs, savoir-faire, contes, chansons, positionnés par rapport à leur objet matériel, et étudiés aussi en fonction de leur espace, compte parmi les nouveautés que la législation entend protéger et mettre en valeur.

 
 
Une contribution marquante au patrimoine immatériel
 
La publication laisse d’abord la plume à des collègues, amis et autres intéressés (chap. 1, 2, 3, 9) pour présenter l’enfance de Conrad Laforte et une carrière qui se déroule à l’Université Laval, aux Archives de folklore et en salle de cours, de même que sur le terrain. Conrad Laforte parcourt les régions avoisinantes pour recueillir, auprès d’informateurs riches de leurs expériences quotidiennes, des éléments de notre patrimoine immatériel, les inventorie et les fait connaître. Pour développer sa discipline,
 
il sait mettre à profit l’expertise d’un prédécesseur reconnu, Marius Barbeau, et de deux collègues déjà en poste dans son milieu de travail, Luc Lacoursière et Mgr Félix-Antoine Savard.
 
Le présent ouvrage entrouvre aussi la porte sur différentes dimensions du patrimoine immatériel. Parlant d’un des maîtres qui lui ont enseigné, Conrad Laforte tient le propos suivant – recueilli par Jean-Pierre Pichette :
Parmi les professeurs, j’ai eu Marius Barbeau. …C’était un grand savant… Il était original. Il arrivait dans le cours avec des choses comme, par exemple, le fromage de l’Île d’Orléans puis il nous faisait goûter à ça. Il nous mettait dans le sujet. Il apportait des exemples de toutes sortes… (p. 30-31).
 
Ainsi, les traditions de nature immatérielle ne peuvent être dissociées des objets matériels auxquels elles se rapportent, ni non plus de l’espace dans lequel elles se sont enracinées. Cette fois, c’est Serge Gauthier qui attire notre attention sur ce dernier aspect avec deux versions de la légende d’Alexis le Trotteur : dans Charlevoix, Alexis dépasse le cheval du seigneur Duggan (version de Marius Barbeau) – un territoire où le système seigneurial a eu cours – tandis qu’au Saguenay, région de colonisation, ce sont les deux chevaux de l’entrepreneur Price qu’il double (version de Conrad Laforte).
 
La préservation du patrimoine immatériel et sa mise en valeur demeurent exigeantes. Elles nécessitent d’abord une cueillette, non dans le bureau, mais sur le terrain, des aventures qui demandent de la ténacité, mais qui peuvent être largement récompensées. À l’époque, des modèles à suivre s’offrent aux folkloristes. Laissons cette fois Yvan Lepage (chap. 10) rapporter un texte de Carl Mailhot sur l’expérience de Félix-Antoine Savard et de Luc Lacoursière des Archives de folklore qui :
Vivaient sous la tente, à Sainte-Marie-sur-Mer, dans l’île de Shippagan, et recueillaient des contes et des chansons du folklore acadien. Celui qui était venu chercher du sirop pour la toux s’appelait Félix-Antoine Savard… Pour le docteur [Dominique] Gauthier, cette rencontre allait être déterminante. L’abbé Savard et Luc Lacoursière revinrent pendant douze étés consécutifs poursuivre leurs recherches dans la région… (p. 194)
 
Une fois recueillis, les contes et les légendes doivent être analysés soigneusement et classifiés. Dans le domaine de la classification, Conrad Laforte sait exceller au point d’établir un modèle à suivre pour la chanson folklorique, sans doute quelque peu en raison de sa formation initiale en bibliothéconomie à l’Université de Montréal, mais aussi par le fait de ses recherches assidues sur place au Québec et de ses déplacements pour établir des contacts avec les spécialistes de l’Hexagone et pour avoir accès à leurs ressources.
 
L’ouvrage donne enfin la parole à des spécialistes pour mettre en contexte les travaux et les publications de Conrad Laforte (chap. 4, 5, 6, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17), tant par rapport à ce qui se fait en Europe que de ce côté-ci de l’Atlantique.
 
 
De nouvelles connaissances qui enrichissent la mémoire de la relation franco-québécoise
 
L’apport de Conrad Laforte est d’autant plus important qu’il est reconnu internationalement. Le président de la Commission de la Société internationale d’ethnologie et de folklore déclare en 1988 :
Et si l’Université Laval est à la tête dans le domaine de la chanson folklorique, c’est grâce entre autres… à Conrad Laforte, qui, presque annuellement… publie un livre important sur la chanson francophone…N’oublions jamais que la Mecque des études sur la chanson francophone n’est ni Paris, ni Bruxelles, ni Genève, mais l’Université Laval à Québec (p. 20).
 
En fait, les Mélanges posthumes témoignent que le patrimoine immatériel du Québec entretient des liens indissociables avec la France et qu’il y plonge ses racines, même très loin dans le temps, dans la période du Moyen Âge. Il ne faut pas négliger pour autant la part de créativité des descendants de Champlain qui se sont enracinés en Amérique du Nord, au point même de devenir prêteurs, comme c’est le cas de Conrad Laforte, source d’inspiration pour les Français de la mère patrie impliqués dans la mise en valeur et la diffusion du patrimoine immatériel.
Avec le soutien du gouvernement du Québec
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