Bulletin no 26, septembre 2008
Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs – section France
par Bernard Émont et Gilbert Pilleul
I-Plusieurs actions mémorables pour l’année du 400ème anniversaire de la fondation de la ville de Québec
L’inauguration du musée de la « Tour de la Chaîne » à La Rochelle
A l’initiative de la Commission et de l’un de ses membres éminents Didier Poton, Doyen de la Faculté des lettres et des Sciences humaines de l’Université de La Rochelle, a été conduit à bonne fin le projet de « Centre d’interprétation : Mémoire de la migration France- Québec », avec le concours du Centre des monuments nationaux. Cette Tour, en grande partie désaffectée, a été convertie en musée des départs vers le Québec et la Nouvelle-France, sur trois étages (dont le dernier suspendu pour pallier des défaillances de construction), et avec une savante utilisation iconographique de la partie haute de chaque étage, pour présenter les migrations des populations, l’imaginaire qui les portait, les âges et conditions sociales des individus qui les composaient, ainsi que les péripéties du voyage : un projet pilote du point de vue muséographique qui a été inauguré en grande pompe les 7 et 8 mai derniers en présence d’éminents représentants du Canada et de la France, notamment, pour le premier, la Gouverneure générale du Canada, madame Michaëlle Jean, le ministre de la Santé et des Services sociaux, monsieur Philippe Couillard (du Gouvernement du Québec) et pour la seconde, la ministre de la Culture et de la Communication, madame Christine Albanel, et la présidente de la Région Poitou-Charentes, madame Ségolène Royal.
Cette inauguration s’est faite devant un grand concours de peuple (certains parlent de 100 000 personnes), mobilisé en outre par deux autres évènements : le départ d’une cinquantaine de voiliers pour rallier Québec, -avec dans plusieurs tonnelets symboliques d’une région viticole, des messages à destination des « cousins » d’outre-Atlantique-, ainsi que le transport à Québec, pour y être exposée, d’une reproduction géante du livre des Voyages de Champlain.
Le lancement de l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française
Le projet de l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française a été présenté dans un des salons de l’Assemblée nationale, au Palais Bourbon, le 18 avril 2008.
Cette manifestation s’est tenue en ce lieu prestigieux grâce à l’appui de M. Pierre Lasbordes, député de l’Essonne, président du groupe d’amitié parlementaire France Québec ainsi qu’au concours très efficace apporté pour sa réalisation par le secrétaire administratif du groupe, M. Jean Gérald Renard.
Elle a bénéficié du soutien de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs dans ses composantes française et québécoise ainsi que de celui de la Société héritage de Champlain.
Présidée par M. Lasbordes, en présence de S.E. l’ambassadeur du Canada, M. Marc Lortie et de M. Wilfrid Licari, Délégué général du Québec, elle a réuni plus de cent cinquante personnes.
Après que Marcel Masse, président de la société héritage de Champlain, eût fait l’historique du projet dû à son initiative, et souligné les raisons de celle-ci, Laurier Turgeon, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine à l’Université Laval, directeur de l’Encyclopédie, et Yves Bergeron, codirecteur, directeur des Études supérieures en muséologie à l’Université du Québec à Montréal, firent connaître l’état des travaux en cours et le programme des années à venir.
L’Encyclopédie, rappelèrent-ils, a pour objet grâce à la participation des meilleurs spécialistes sur la question, de présenter le patrimoine, matériel et immatériel, des Francophones des différentes régions du continent nord-américain. En plus de faire œuvre d’un savoir établi et consacré, elle se propose d’être un lieu de réflexion et d’exploration sur la manière dont se constitue le patrimoine. Le choix a été fait d’une encyclopédie électronique en ligne. Ainsi les articles qui la constituent (une cinquantaine à ce jour, quelque cinq cents en phase finale) sont illustrés à l’aide de documents iconographiques, sonores et audiovisuels et pourront être améliorés grâce aux échanges entre le comité de rédaction, les auteurs et les lecteurs.
À titre d’illustration, à partir de la base de données située à l’Université Laval, le site de l’Encyclopédie fut affiché sur grand écran, avec quelques-uns des articles déjà réalisés.
En conclusion de la réunion, Pierre-André Wiltzer, coprésident de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, et Philippe Joutard, membre de celle-ci ainsi que du conseil scientifique de l’Encyclopédie, dirent leur satisfaction de voir bien engagé un projet de cette ampleur. Un projet nécessaire qui, soulignèrent-ils, est dans la droite ligne de l’objectif que s’étaient fixé les gouvernements français et québécois lors de la création de la Commission : renforcer entre Français et Québécois leurs liens exceptionnels ancrés dans une histoire commune, mais, dont a remarqué Philippe Joutard, ils conservent souvent une mémoire quelque peu différente.
Tous les intervenants ont relevé particulièrement l’aspect novateur de la démarche choisie qui doit permettre autour du patrimoine de l’Amérique française de créer une communauté dynamique de chercheurs, d’usagers, de lecteurs, et de contribuer ainsi à ce que mieux informé l’on se comprenne mieux.
La présentation du projet s’est achevée de façon très chaleureuse autour d’un «verre de l’amitié».
L’Hommage à Québec en Sorbonne, le 23 juin dernier : compte rendu et remerciements.
C’est plus de 200 personnes qui ont accepté, le 23 juin 2008, de troquer le soleil radieux, pour les caissons dorés et les fresques du grand salon d’honneur de la Sorbonne, en hommage à Québec, à l’occasion du 400ème anniversaire de la fondation de Québec par Champlain. Témoignage incontestable, quoi qu’en dise, du potentiel de mobilisation que suscite cette « France du Nord », œuvre de tant de pionniers, dont le premier fut Champlain, et où s’écrivirent des pages parmi les meilleures de la France ancienne.
En lever du rideau, quelque 160 élèves de plusieurs écoles de Paris devaient nous replonger, à travers chansons et ballades, aux sources d’un imaginaire commun, où la bravoure des jeunes tambours voisine avec la fantaisie des marquis Carabi, où les rêves amoureux se mêlent aux vols d’oiseaux (alouette, colombe, rossignol…), au cœur de jardins aux lauriers fleuris, ou sous la chênaie des « claire fontaine ». Tout cela habilement marié à des airs plus contemporains, extraits des œuvres de Gilles Vigneault, de Félix Leclerc ou de Robert Charlebois.
Un premier débat lancé par Gilbert Pilleul devait permettre à Yannick Resch, professeur de littérature québécoise à Aix-en-Provence et à Claudine Bertrand, écrivaine et Directrice de la revue Arcades, de souligner le rôle de pionnière joué par la femme dans l’histoire du Québec.
Ensuite, Gilbert Pilleul demanda à Albert Jacquard et à Hubert Reeves, d’aborder le thème : « Quel avenir pour nos enfants ? » L’accord fut immédiat pour dire que ce n’est pas la planète qui est malade mais qu’il appartient aux hommes de prendre conscience que l’avenir de leurs enfants dépend de leur prise de conscience aujourd’hui de la nécessité de modifier radicalement leur rapport à l’environnement.
Plus intemporel, en fin d’après-midi, fut l’hommage à l’écriture de langue française, à l’occasion de la remise du prix Léopold Sédar Senghor de poésie à Fernand Ouellette, puis celui de l’association Gaston Miron, remis à Marie-Claure Bancquart, et le prix Gérald Leblanc à Serge Patrice Thibodeau. Prix remis par Sylvestre Clancier, président de la Nouvelle Pléiade.
Après un cocktail, l’assistance se retrouva dans le grand salon d’honneur pour entendre un concert de musique française avec le chœur « Figure Humaine » dirigé par Denis Rouger, accompagné au piano par Sara Beucler ; concert alimenté d’extraits de Ravel, Duparc, Debussy, et entrecoupé de lectures de poèmes du Québec à partir d’une sélection d’une vingtaine d’auteurs, sélection faite avec le concours de Bernard Emont.
Au total, comme l’ont noté maints spectateurs, une journée équilibrée, à l’image d’un pays où le futur, voire le futurisme, côtoie souvent les souvenirs, où le pragmatisme se mêle au rêve et les projets de l’ère technologique à la persistance d’une culture fortement attachée à ses racines.
La Commission tient à remercier ses partenaires pour cette journée : l’Organisation Internationale de la Francophonie, l’Ordre des Palmes Académiques et la Délégation Générale du Québec sans oublier l’Université de Paris-IV Sorbonne.
II- L’action de la Commission s’est en outre manifestée, plus indirectement, par le soutien qu’elle a accordé à plusieurs initiatives comme le cours consacré, à la MSH de Paris, pendant tout un semestre, avec l’intervention de multiples spécialistes, à l’introduction à l’Amérique française, le Colloque du GRECA en Sorbonne (Groupe de recherche sur les écrits canadiens anciens) consacré cette année aux « Mythes fondateurs de l’Amérique française », aux XVIIème, XVIIIème et même XXème siècles, à l’exposition de l’association Visualia (filiale de La Poste) portant sur la Nouvelle-France et l’émission de timbres pour commémorer sa naissance, et la reconstitution à Fort Barraux d’une partie du Régiment de Carignan-Sallières, venu en 1663 au secours de la Nouvelle-France, avec le concours des régions qui avaient œuvré à sa formation : Savoie, Piémont, Suisse lausanienne, Alsace, etc.
III- Parmi les manifestations soutenues par la Commission sont encore à venir les Rencontres de Blois, où le Québec sera l’invité d’honneur du Salon du livre (et l’objet de plusieurs tables rondes en marge de celui-ci) les 11,12 et 13 octobre prochains ; la fête de la Nouvelle-France de Condé en Brie (3-4 octobre) ; et en marge du lancement des livres de « Villes et villages de France, berceau de l’Amérique française », le colloque « La mémoire au regard de l’Histoire » et les fêtes de la Nouvelle-France, à Aix-en-Provence, les 24 et 25 octobre.