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Un des premiers engagés et un compagnon de Champlain lors de la fondation de Québec en 1608 : Lyevin Lefranc

Un des premiers engagés et un compagnon de Champlain
lors de la fondation de Québec en 1608 : Lyevin Lefranc

 

Dans le cadre du séminaire organisé à Villers-Cotterêts les 27 et 28 avril 2007 par la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, j’ai eu l’occasion de présenter Lyevin Lefranc, un Picard qui accompagnait Samuel de Champlain lors de la fondation de Québec. Son contrat d’engagement, signé à Paris le 22 février 1608 par Pierre Dugua de Mons, est conservé dans le minutier central des Archives nationales de France1. Les rares et d’autant plus précieuses informations qu’il nous livre peuvent être complétées par les Voyages de Champlain datés de 1613.

On sait ainsi que Lyevin Lefranc était charpentier et natif du village de La Bouteille en Thiérache2. Sa date de naissance est inconnue, mais on peut la situer vers 1590. En effet, en 1608, notre personnage était encore fort jeune et peu expérimenté dans son métier : Dugua de Mons ne lui a garanti qu’un salaire annuel de soixante-quinze livres, alors que les trois autres charpentiers recrutés en même temps se sont vu promettre cent livres par an. Sa présence à Paris s’explique aisément, la Thiérache étant depuis longtemps une terre d’émigration saisonnière. Les Thiérachiens avaient l’habitude de partir en nombre chaque année pour se faire embaucher comme ouvriers agricoles dans le Laonnois ou en Ile-de-France, ou comme compagnons sur les chantiers de construction parisiens. Lyevin Lefranc travaillait certainement sur celui de la place des Vosges car, le 22 février 1608, il résidait tout près de là, dans la rue Saint-Antoine.

Habitation de Québec, dans Samuel de Champlain, Les voyages, Paris, Jean Berjon, 1613, p. 187
Crédit image : Eric Thierry

En compagnie de Champlain et d’au moins dix-sept autres ouvriers engagés à Paris par Dugua de Mons, Lyevin Lefranc a quitté Honfleur le 13 avril à bord de la Levrette commandée par Pierre Chauvin de la Pierre. Le navire est arrivé à Tadoussac le 3 juin et notre charpentier a été presque immédiatement employé à la construction d’une barque devant transporter les hommes et le matériel jusqu’à la pointe de Québec. Sur les conseils de Champlain qui avait reconnu l’endroit en juin 1603, Dugua de Mons avait donné l’ordre d’y construire une habitation afin d’empêcher les Européens de remonter le Saint-Laurent et de réserver à sa compagnie commerciale les fourrures acheminées par les Algonquins depuis la région des Grands Lacs. Ses hommes ont atteint leur destination le 3 juillet et, dans les semaines qui ont suivi, Lyevin Lefranc a oeuvré à la construction d’un magasin et de trois logis, selon un système à colombage avec hourdis de torchis ou de pièces de bois posées horizontalement.

Lyevin Lefranc n’a pas participé au complot fomenté très vite par le serrurier Jean Duval contre Champlain. En revanche, il n’a pas été épargné par les épreuves subies par les Français durant leur premier hiver vécu à Québec. Il a peut-être souffert de la dysenterie provoquée par la consommation d’anguilles mal fumées, mais est plus sûrement décédé du scorbut ayant sévi de février à avril 1609. Lorsqu’un ravitaillement est arrivé de France le 5 juin, seuls Champlain et sept de ses hommes avaient survécu à l’avitaminose C. Les autres avaient été enterrés dans le premier cimetière de la colonie. L’emplacement de celui-ci est indiqué sur la carte de Québec insérée par Champlain dans ses Voyages de 1613. Il est situé au haut de la côte de la Montagne, dans la partie sud de l’actuel parc Montmorency, et son existence est aujourd’hui rappelée par une croix rouge et blanc et par une plaque. Là repose probablement encore Lyevin Lefranc. À l’occasion du quatrième centenaire de la fondation de Québec, on saluera peut-être cet obscur artisan des gloires de Champlain et de Dugua de Mons.

Eric THIERRY3

 

 
1 – Et. XV, 8, à la date. Cet acte a été publié dans Nouveaux Documents sur Champlain et son époque, t. I, 1560-1622, éd. Robert Le Blant et René Baudry, Ottawa, Archives publiques du Canada, 1967, p. 158-159.

 2 – Département de l’Aisne, arrondissement et canton de Vervins.

 3 – Secrétaire général de la Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne, Eric Thierry est aussi historien des débuts de la Nouvelle-France. Il est l’auteur d’une biographie de Marc Lescarbot (Honoré : Champion, 2001) et d’une édition des Voyages de 1613 de Samuel de Champlain (Cosmopole, 2004). Il vient de terminer La France de Henri IV en Amérique du Nord. De la création de l’Acadie à la fondation de Québec (Honoré Champion, à paraître en 2008)

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