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Bulletin n°24, mars 2008

2008 au Musée de la civilisation : une année festive

2008 au Musée de la civilisation : une année festive

 

Danielle Rompré
Coordonnatrice aux activités 2008
Direction de la diffusion et de la mise en marché
Musée de la civilisation

Pour souligner le 400e anniversaire de Québec, le Musée de la civilisation a concocté une programmation diversifiée qui repose sur une panoplie d’activités : expositions, activités éducatives et culturelles, spectacles et grands événements.

Un complexe muséologique à fréquenter, une offre pour tous les goûts

Cette programmation est déployée dans l’ensemble du Complexe muséologique du Musée de la civilisation qui comprend deux sites historiques, le Centre d’interprétation de Place-Royale et le Musée de l’Amérique française (MAF).

Une programmation qui marie passé, présent et futur en abordant des thèmes variés : le futur de notre planète, les loisirs, des personnages et des faits marquants de notre histoire1.

Visant l’excellence, le Musée de la civilisation s’est associé à différents partenaires pour renouveler son offre à la clientèle. Le célèbre metteur en scène Franco Dragone, appuyé par une équipe d’artistes de Québec, relève le défi d’installer sur les toits du Musée un Potager des visionnaires. Autre collaboration significative: en concertation avec 26 institutions des Amériques et de l’Europe, le Musée présentera Or des Amériques dans laquelle 400 objets racontent la saga de ce métal précieux dans les Amériques. S’ajoute à compter de mai une exclusivité provenant de Paris : deux expositions du musée du quai Branly où sont regroupées des collections qui témoignent de la diversité culturelle en Afrique. Il s’agit là d’une des contributions de la France à l’occasion des célébrations du 400e anniversaire de Québec et du Sommet de la Francophonie.

Au Centre d’interprétation de Place-Royale, l’Office national du film du Canada met son expertise au service d’un personnage incontournable de l’histoire du Québec : Samuel de Champlain en réalisant un film en stéréoscopie 3D. Le site de Place-Royale devient quant à lui, un grand plateau de tournage régi par le Théâtre de l’Aubergine qui y présentera une fantaisie théâtrale pour toute la famille inspirée de scènes marquantes de l’histoire de Québec.

Le Musée de l’Amérique française devient le lieu de rendez-vous pour ceux qui veulent découvrir un homme d’exception : francois, premier evesque de quebec dont les réalisations nous seront présentées par de jeunes créateurs de la Compagnie dramatique du Québec.

La création d’un lieu de rencontres et d’échanges : le Centre de la francophonie des Amériques

L’année 2008 marque un tournant important pour le Musée de l’Amérique française. Ce musée historique s’associe au tout nouveau Centre de la francophonie des Amériques (CFA) qui ouvrira ses portes au public en septembre prochain. Le CFA, dont la mission est de contribuer à la promotion et à la mise en valeur d’une francophonie porteuse d’avenir pour la langue française, offrira une programmation d’événements sur place ou d’activités itinérantes (expositions, conférences, animations, débats) et il disposera d’un portail pour partager les connaissances sur la francophonie.

En plus de partager des locaux2, le Centre et le Musée oeuvreront à une cause commune : la francophonie. Ils partageront des objectifs, des projets et des publics. Cette association permettra à ces deux organismes d’État de créer une masse critique de l’offre, d’augmenter la visibilité et la notoriété de l’un et de l’autre et d’optimiser l’occupation des lieux qui sont localisés sur l’une des voies les plus fréquentées et les plus prestigieuses de la capitale nationale.

Porté par le gouvernement du Québec, ce projet a germé dès 2001 sous la responsabilité du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, des Affaires autochtones, de la Francophonie canadienne, de la Réforme des institutions démocratiques et de l’Accès à l’information, M. Benoît Pelletier. Les dépenses liées aux immobilisations sont assumées par le Ministère qui dégagera également les crédits nécessaires au fonctionnement annuel du Centre. Le Secrétariat aux Affaires intergouvernementales canadiennes (SAIC) est responsable de la mise en œuvre du projet et de la supervision des travaux qui ont commencé en décembre 2007 dont les plus importantes modifications sont apportées au Pavillon d’accueil situé au 2 côte de la Fabrique.

Pour marquer les festivités de 2008, la France laissera une trace historique de sa contribution en parrainant un aménagement architectural dont la conception a été confiée, à la suite d’un concours, à un architecte français de la jeune génération : Franklin Azzi. L’architecte interviendra sur l’aménagement et la décoration à l’intérieur du pavillon d’accueil. Sont également prévus des travaux de réfection du lien qui relie le CFA au Pavillon Jérôme-Demers (réf. : plan du MAF). Cette donation pérenne sera inaugurée par le président de la République française lors du Sommet de la Francophonie en octobre.

En raison de sa solide expertise et de son savoir-faire reconnu, le Musée de la civilisation a été mandaté à l’automne 2007 pour développer un parcours d’interprétation du CFA, parcours dont la réalisation a commencé en janvier 2008. S’intégrant à l’œuvre architecturale proposée par Franklin Azzi, ce parcours vise à faire connaître la mission et les actions du CFA et à introduire des notions contemporaines sur la francophonie des Amériques. Concurremment, il doit faire connaître au visiteur l’histoire et la vocation du site du Séminaire de Québec et l’insupr à poursuivre sa visite au MAF où une salle d’exposition sera consacrée à l’univers francophone.

Différents moyens seront utilisés pour rendre ce parcours dynamique, instructif et attrayant : borne sonore, multimédia interactif, vidéos, photographies, modélisation, installation, etc. Ce périple qui met en valeur les différentes constituantes du site, amène le visiteur du 2, côte de la Fabrique au Pavillon Jérôme-Demers en passant par la Chapelle du MAF et le lien qui les réunit.

Les 20 ans du Musée en 2008

Si octobre 2008 marque la clôture officielle des manifestations entourant le 400e anniversaire de Québec, au Musée de la civilisation, nous fêterons notre 20e anniversaire. Une série d’activités soulignera l’événement à laquelle nous convierons le public nombreux qui nous a fréquenté au cours de ces deux décennies et nos partenaires dont l’implication nous a permis de nous renouveler, de nous dépasser. Sous le thème : « 20 ans d’émerveillement », surveillez le dévoilement d’une programmation d’activités spéciales dans les prochains mois.

 

  1. Pour obtenir la description détaillée de nos activités, consultez notre site Internet.
  2. L’accueil des visiteurs du Musée de l’Amérique française demeurera au 2 côte de la Fabrique. En tant qu’entité administrative, ce musée regroupe la Chapelle où est présentée une programmation d’activités culturelles, le lien, corridor animé qui mène au Pavillon Jérôme-Demers. Le Centre de référence de l’Amérique française loge dans ce pavillon où sont également présentées des expositions thématiques liées à l’histoire.
Crédit: Esquisse préliminaire du lien, une des escales du Parcours;
Illustration : Croft-Pelletier Architectes).

Le dernier numéro de la revue trimestrielle Cap-aux-Diamants : une contribution aux lieux de mémoire

Le dernier numéro de la revue trimestrielle Cap-aux-Diamants :
une contribution aux lieux de mémoire

 

par Gilles Durand

 

Cap diamants

Crédit photo : Site de La Revue-Cap-aux-diamands

Le dernier numéro de la revue Cap-aux-Diamants (no 91, automne 2007) apporte une belle contribution à l’enrichissement et à la valorisation des lieux de mémoire. Sous le thème « Tant d’histoires à raconter », articles de fond, notes de recherches, rubriques à caractère généalogique ou de type nouvelles, comptes rendus de volume se suivent pour lever, chacun à leur façon, le voile sur différents aspects de l’histoire du Québec.

Les sources des lieux de mémoire

La revue introduit aux sources variées qui supportent les lieux de mémoire. Richard Fiset, Gilles Samson et Nicolas Giroux démontrent par leur travail la place irremplaçable des ressources archéologiques pour connaître les classes sociales et les activités de tous les jours, telles la préparation des aliments, leur consommation, sans compter la nécessité d’assurer la défense des premiers établissements. C’est le cas des fragments de faïence, bijoux d’apparat, verres fins, fragment de marmite en fonte, plats et bols, dé à coudre et petit boulet de canon découverts sur le site de la première implantation européenne au pays, celle de Cartier-Roberval à Cap-Rouge en 1541-1543. Yves Beauregard jette une lumière particulière sur l’intérêt des documents iconographiques en mettant en contexte et en présentant une collection de la Maison Neurdein, jusqu’à la première guerre le plus important éditeur de cartes postales en France : sans doute sous l’influence du sculpteur québécois formé à Paris, Louis-Philippe Hébert, dont ils ont tiré des clichés des œuvres d’art réalisées, les photographes français visitent, en 1907, Québec et Montréal pour photographier les points d’intérêt, leurs habitants, leurs monuments et leurs activités; dès 1908, ils sont en mesure de tirer des clichés pour une imposante série de cartes postales. La revue invite aussi à redécouvrir certains éléments du patrimoine matériel et immatériel pour une connaissance plus intime du Québec : c’est le cas d’un article de Suzanne Déry sur le cimetière protestant Mount Hermon de Sillery dans lequel est inhumé l’ancien premier ministre québécois et seigneur du Domaine Joly-de-Lotbinière, Henri-Gustave Joly de Lotbinière (1829-1908), ou bien encore du compte rendu d’un ouvrage, ayant pour auteurs Pierre Dunnigan et Francine Saint-Laurent, sur la tradition de la mi-carême encore célébrée dans quelques communautés isolées.

L’apport des disciplines

La revue rappelle l’apport de différentes disciplines aux lieux de mémoire, en particulier les lieux franco-québécois, l’histoire certes, mais aussi les études environnementales, la littérature, l’histoire de l’art. Yves Laberge présente le compte rendu d’une édition des Poèmes et proses d’Octave Crémazie. Mario Béland produit une note de recherche sur le dessinateur Ludger Larose (1868-1915) dont le parcours constitue un exemple de la place de la France comme lieu de formation et comme source d’inspiration pour nos artistes québécois.

Un voyage sur plus de quatre siècles

La revue propose encore au lecteur un voyage dans le temps sur plus de quatre siècles. Adrienne Leduc rappelle l’histoire de son ancêtre, une des Filles du roi, depuis la France jusqu’en Amérique, son arrivée en pays neuf, son mariage, l’établissement sur une ferme. Cette aventure n’est pas sans lui rappeler sa propre traversée de l’Atlantique. Lorsqu’elle est venue, en compagnie d’un groupe de jeunes femmes, rejoindre son mari en territoire québécois, en 1946, au lendemain de la guerre.

Des mémoires connues et moins connues

Le dernier numéro de la revue possède enfin le grand mérite de s’attarder non seulement aux mémoires connues, mais encore à celles qui le sont peu ou pas. C’est le cas de l’écrivain québécois Joseph-Damase Chartrand des Écorres (1852-1905) que présentent Cosette Marcoux et Jacques Boivin. Chartrand est l’auteur de deux ouvrages qui connaissent de multiples réimpressions et éditions en France, sans compter la revue littéraire La Revue nationale, qu’il fonde en 1895, et les articles publiés dans de nombreux journaux et revues québécois et français. Malheureusement, ce pionnier des écrits intimistes et autobiographiques, neutre sur les questions religieuses, n’a pas la faveur du clergé, sa revue ne connaît que quatorze numéros et lui-même est oublié par la postérité.

En guise de conclusion

Pour en savoir davantage sur la contribution des auteurs mentionnés ci-dessus et sur celles de d’autres qui ont participé à ce périodique trimestriel — ce compte rendu ne prétendant nullement épuiser la richesse de la revue –, vous êtes invités à le parcourir à votre bibliothèque ou à vous le procurer à la librairie de votre localité. Surveillez également le prochain numéro Regards sur Québec (hiver 2008) qui doit sortir des presses sous peu.

Les premiers Français au Québec Introduction générale d’une toute récente publication d’Archives Cult

Les premiers Français au Québec
Introduction générale d’une toute récente publication d’Archives Cult

 

Gilbert Pilleul

Québec, ville en Amérique du Nord qui fête en 2008, le 400ème anniversaire de sa fondation par un Français, né en Saintonge, Samuel de Champlain.

Imaginons le fleuve Saint-Laurent large et majestueux. Nous sommes le 3 juillet au matin. Le soleil vient de se lever. Face au Cap Diamant, belle falaise dominant le Fleuve, une chaloupe s’avance en silence. A bord, quelques hommes d’équipage, des soldats aux aguets mais aussi des ouvriers et reconnaissable à son grand chapeau de feutre, Samuel de Champlain. La chaloupe est remplie jusqu’au bord de matériaux divers, de planches, de barriques, de sacs. Elle s’approche du rivage. On entend le fond frotter sur la berge au pied de la falaise. Samuel saute à terre, regarde autour : des arbres, des oiseaux dans le ciel. Il fait très beau. Tout l’équipage attend. Champlain lève son chapeau et s’écrie : c’est ici ! C’est ici que nous allons construire notre « Habitation »*. Nous l’appellerons Québec ! La belle et grande histoire de l’Amérique française était commencée.

Bientôt, de toutes les régions de France, des hommes et des femmes entassant leurs maigres biens sur un chariot, ont embarqué à La Rochelle et rallié « l’Habitation ». Animés par le goût de l’aventure, l’espoir d’un mieux vivre, ils ont prolongé par leur esprit d’entreprise et leur courage le geste fondateur de Champlain. L‘histoire de leur arrivée et de leur enracinement en Amérique du Nord est celle des premiers Français au Québec. Ce projet étonnant de créer là-bas une colonie de peuplement ne manqua pas de sussupr immédiatement la critique. Avec le soutien des marchands seulement préoccupés de profit immédiat, Sully avec la prudence du paysan exprima des réserves. Pourquoi un établissement durable ? Trêve de balivernes ! Un comptoir suffira. Il permettra de faire des profits rapides. On échangera des produits européens contre des fourrures et on pourra espérer faire assez de profits pour tenter l’aventure. Le mérite de Champlain, malgré les hésitations royales fut de privilégier le long terme et de jeter avec la fondation de Québec les bases d’un peuplement durable. On a critiqué ses orientations. Elles eurent le mérite en dépit de leurs inconvénients d’être porteuses d’avenir.

Pour assurer la viabilité de ce projet d’établissement permanent, Champlain commença par jouer le jeu des alliances. En s’alliant à des tribus indiennes ennemies des Iroquois, il engagea les Français dans ces rivalités indiennes qui existaient depuis longtemps. Plus tard, les Anglais se retrouvèrent du côté des Iroquois. Jusqu’à la grande paix de Montréal en 1701, signée par toutes les nations indiennes, dont les Iroquois, et les Français, l’hostilité iroquoise pesa lourd dans l’histoire de la Nouvelle-France. Mais sans cette alliance, la construction d’une Habitation à Québec, au point de départ d’un pays à construire, eût été impossible.

Alliance source de polémique mais alliance fondamentale. Elle a donné à la présence française toute sa spécificité. Champlain a fait « tabagie» (un repas) et « pétuné » (fumé) avec les Indiens. La différence de culture et de mode de vie n’interdit pas le dialogue et le respect. Plus tard, par la bouche de Colbert, la royauté encouragea le mariage des Français avec les Amérindiennes, sous réserve de se convertir au catholicisme et de parler français. L’avenir de la colonie par le métissage était décidé sans que cela parût scandaleux. Déjà de nombreux Français, « les coureurs de bois », avaient adopté le mode de vie amérindien. L’arrivée des colons français fut irrégulière et lente mais le mouvement était né. La monarchie accepta sans excès de le soutenir. A la fin du 17ème siècle, il y avait déjà un peuple canadien et une conscience collective distincte de celle des Français de France.

Il fallait ensuite que Champlain se donne les moyens d’agir en trouvant des ressources régulières pour que vive la colonie. Les moyens financiers de Du Gua de Mons assurèrent les premières expéditions sous condition d’avoir le monopole de la traite des fourrures. Le monopole n’eut qu’un temps. La royauté céda sous les coups de butoir des marchands qui, partisans de la liberté de la traite des fourrures, obtinrent satisfaction. Champlain dut répondre aux exigences des marchands regroupés en compagnies mais ne renonça pas à ses objectifs. Ce fut donnant-donnant : ballots de fourrure contre envoi de colons. Il fallut récolter encore plus de fourrures, agrandir le territoire de la traite et élargir le cercle des alliances. Ce combat pour avoir les moyens d’agir sera le combat de toute sa vie, multipliant les voyages entre la France et le Canada, parcourant toujours plus loin l’espace canadien jusqu’aux grands lacs ou Pays d’en haut.

Mais pas de colonie de peuplement sans participation des autorités politiques et religieuses, étroitement associées sous la monarchie. La mort de Henri IV impose à Champlain, issu d’un milieu protestant, la décision définitive de faire appel à l’église catholique. Dès 1615, les premiers Récollets sont à Québec en attendant l’arrivée des Jésuites en 1625. La colonie sera catholique ou ne sera pas. Champlain l’a compris. Richelieu confirme en interdisant la Nouvelle-France aux Huguenots. On y a vu une erreur. Mais comment s’opposer alors au vent de la Contre-réforme qui souffle sur la France du milieu du 17ème siècle ? Ville-Marie, qui deviendra Montréal, doit son origine au milieu du siècle à la ferveur mystique de quelques dévots. Déjà, la présence des Jésuites avait intensifié les campagnes d’évangélisation des Indiens dont il faut sauver les âmes de l’enfer.

A la mort de Champlain, qui ne fut jamais que le lieutenant de quelque Grand, Richelieu en dernier, Huault de Montmagny de l’ordre de Malte est nommé gouverneur, représentant du roi. Le pouvoir politique est en place. Louis XIV crée le Conseil souverain et la Nouvelle-France devient colonie royale. Quant au peuplement il était lancé. En 1663, la Nouvelle-France a environ 2500 colons. On pourrait s’en satisfaire car les obstacles n’ont pas manqué mais c’est peu : à la même date, il y a déjà 80 000 colons en Nouvelle-Angleterre ! La fin brutale de la Nouvelle-France est dans ces chiffres. En dépit de tous les efforts, le fossé démographique ne cessera de se creuser et sous cet angle, la mise en cause de la stratégie de Montcalm en 1759 ne suffit pas à expliquer la défaite des Plaines d’Abraham. Les Anglais voulaient la Nouvelle-France. Les Français de France préféraient les Antilles. Une guerre perdue disait un théoricien militaire est une guerre que l’on croit perdue. Ici, nous pourrions dire : que l’on n’a pas voulu gagner. En conséquence, les Canadiens français et leurs alliés amérindiens qui s’étaient tous bien battus, usant des techniques locales de guérilla, devinrent des sujets britanniques.

Commence pour les Canadiens une nouvelle histoire parfois dramatique comme en Acadie, histoire d’un combat pour la survivance dans lequel les identités canadiennes-françaises s’affirmèrent avec les encouragements de l’église. La Mère-patrie les avait abandonnés mais ils resteraient catholiques et de langue française. Lente maturation, enracinement dans un espace qui devient territoire, conduisant comme en pelures d’oignon au cœur de l’identité. D’abord Français du Canada, puis Canadien, le Canadien français est devenu Acadien, Franco-canadien, Québécois. Le pionnier français s’est dit et se dit aujourd’hui américain mais américain francophone. Tout en s’adaptant aux réalités du Nouveau Monde, il a conservé le souvenir de ses origines. Au Québec, en particulier, il est le représentant, le témoin sur le continent nord-américain d’une strate française mêlée au socle amérindien. Les vagues anglo-saxonne et européenne du XIXème siècle ont ensuite tout recouvert ou presque, laissant subsister quelques îlots et un espace majeur, celui du Québec.

1759, date capitale dans l’histoire de l’Occident et pourquoi non ?, du monde. La guerre de Sept ans, première guerre mondiale pour certains, durant laquelle nous nous battîmes pour le roi de Prusse nous fit négliger la « French and Indian War ». Les visions à courte vue nous empêchèrent de mesurer l’importance géostratégique des « arpents de neige ». Mais sur ces « arpents », un pays était né, un peuple vivait et c’est à l’histoire de sa vie quotidienne que nous accordons toute notre attention.

Nous disions qu’il y avait eu un déficit dans le peuplement de la Nouvelle-France. Il serait trop long d’en signaler ici les principales causes. Remarquons seulement qu’un émigrant sur trois est resté, les deux autres souvent au bout de leur engagement de trois ans sont revenus. Pourquoi ce retour ? Déception ? Echec ? Option prise dès le départ de revenir et que les conditions sur place n’ont pas modifiée ? Plusieurs textes dans cet ouvrage permettent de se faire une opinion à ce sujet. Parlons de ceux qui sont restés : 10 000 en tout qui au bout d’un siècle et demi forment en 1760 une population de 70 000 Canadiens. 10 000 pionniers célibataires qui, en raison du déficit de femmes ont souvent épousé une « fille du roi », Certains étaient arrivés avec leur famille. Parmi eux, il y avait des engagés pour trois ans, des artisans, des militaires. Et tous ces hommes et toutes ces femmes encadrés par l’église ont fait souche.

Leslie Choquette1 a montré que contrairement à une idée reçue, ces premiers Français étaient dans leur grande majorité des hommes et des femmes issus des centres urbains ou des régions aux communications faciles, le long des fleuves, sur les côtes de la Manche ou de l’Atlantique sans pour autant oublier des régions plus éloignées comme La Provence ou la Champagne. Là, par divers réseaux d’information, ils entendirent parler de la Nouvelle-France et mesurèrent les services qu’ils pouvaient y rendre par leur compétence professionnelle (artisans, ingénieurs, médecins, juristes). Au total, non pas des miséreux ou vraiment très peu, mais des gens capables de mobilité et d’initiative. Non pas des paysans attachés à la terre mais des Français tournés vers les possibilités que les débuts d’une première mondialisation, d’une ouverture au monde, mettaient à leur disposition. Entre les assurances de la tradition et les risques de la modernité, ils ont choisi la voie qui semblait leur donner les meilleures promesses d’avenir, celle qui ne renonçait ni à l’une ni à l’autre.

Sur place, ces hommes et ces femmes venus de France eurent le choix entre deux options fondamentales : partir vivre autrement en forêt ou rester au bord du fleuve, en famille au sein de la paroisse. Il y eut des aventuriers, « des coureurs de bois » mais aussi et surtout des « habitants ». Bipolarité des choix de vie qui n’a jamais disparu. Si la plupart se sont fixés au Québec, un nombre non négligeable a émigré aux quatre coins de l’Amérique du nord perdant les traits distinctifs de leur identité. Par contre, ceux qui sont restés, ce sont les Québécois, c’est-à-dire ceux qui poursuivent leur destin en Amérique sans oublier les combats de leurs ancêtres qui ont toujours gardé la mémoire de leurs origines.

* Les mots avec l’astérisque trouvent leur explication dans l’ouvrage.

 

1 – Leslie Choquette, De Français à paysans, Modernité et tradition dans le peuplement du Canada français. Septentrion et Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2001

Bulletin n°24, mars 2008

 

Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC)

 

1. Grands dossiers de la Commission

2. Québec 2008, Histoire et Mémoire communes

3. Expositions, colloques, conférences et activités publiques

4. Archéologie et patrimoine

5. Archives


6. Commémoration, généalogie et toponymie

7. Histoire

8. Jeunesse

9. Muséologie

9. Suggestions de lecture

Avec le soutien du gouvernement du Québec
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