Bulletin n°35, décembre 2012
Nouvelles recherches pour le Fichier Origine
Nouvelles recherches pour le
Fichier Origine
Par Marcel Fournier
Coordonnateur du Fichier Origine
Au cours des prochains mois, de nouvelles régions de France feront l’objet d’une recherche minutieuse dans les bases de données et les archives départementales. Michel Soloumiac, un nouveau collaborateur de France, entreprendra des recherches sur les pionniers originaires du Périgord. Pour sa part, Marie Gagné, en plus des recherches pour le Dictionnaire biographique du Canada, fera des recherches pour retracer les pionniers de l’Auvergne en commençant par les départements du Cantal et de la Haute-Loire. Quant à Denise Gravel, elle s’occupera plus particulièrement des pionniers et pionnières originaires du département de la Manche en Normandie. Enfin, Jean-Paul Macouin poursuivra ses dépouillements au minutier central des notaires de Paris pour rechercher les pionniers de l’Île-de-France.
Ces recherches permettront d’alimenter le Fichier Origine au cours des prochains mois et offriront aux généalogistes de nouvelles données qui seront diffusées dans la version 42 disponible à compter du 15 avril 2013.
Le ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto, annonce l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur le patrimoine culturel le 19 octobre 2012
Le ministre de la Culture et des Communications,
Maka Kotto, annonce
l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur le patrimoine culturel
le 19 octobre 2012
Par Gilles Durand
Le ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto, annonce l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur le patrimoine culturel. L’événement se tient en présence de Helen Fotopulos, responsable de la culture, du patrimoine, du design et de la condition féminine au comité exécutif de la Ville de Montréal, le 19 octobre 2012 au Centre d’histoire de Montréal.
Adoptée un an plus tôt, le 19 octobre 2011, la nouvelle Loi s’inspire dans ses dispositions de ce qui se fait au plan mondial, et place le Québec, dans le domaine patrimonial, à l’avant-garde en Amérique du Nord.
La nouvelle Loi élargit la notion de patrimoine pour inclure les paysages, le patrimoine immatériel c’est-à-dire les savoirs et les savoir-faire qui se transmettent par les porteurs de tradition, les personnages décédés, les lieux et les événements historiques. En tenant compte du type des biens et du mandat des organismes, la Loi propose des mesures de protection et de valorisation. Le gouvernement peut DÉCLARER des sites et DÉSIGNER des paysages patrimoniaux. Le ministre peut CLASSER des sites, immeubles, objets et documents; le terme CITER s’applique quand il s’agit de municipalités ou de communautés autochtones. Dorénavant, des éléments du patrimoine immatériel, des personnages décédés, événements et lieux historiques peuvent être DÉSIGNÉS par le ministre, IDENTIFIÉS quand il s’agit de municipalités et de communautés autochtones.
Pour en savoir davantage, telles les mesures rattachées aux statuts donnés, par exemple l’inscription au Répertoire du patrimoine culturel du Québec, consulter le site du ministère de la Culture et des Communications, notamment le dépliant sur la Loi sur le patrimoine culturel (fichier pdf, 277 Ko).
Victor Morin : héraut du patrimoine canadien-français
Victor Morin :
héraut du patrimoine canadien-français
Par Diane Joly
Art, histoire et patrimoine
Victor Morin est surtout reconnu pour être l’auteur du code Morin régissant les assemblées délibérantes. Sa contribution au patrimoine est méconnue. Pourtant, il s’agit d’une des figures marquantes de la première moitié du XXe siècle dans ce domaine alors qu’il se retrouve à l’origine d’activités publiques d’envergure mettant en valeur le patrimoine canadien-français1.
Victor Morin (détail)
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Victor Morin (1865-1960) naît à Saint-Hyacinthe dans une famille de cinq enfants qui décèdent tous à la naissance ou en bas âge. Il devient orphelin à huit ans. Quelques années plus tard, sa mère se remarie et le jeune Victor connaît enfin les joies d’avoir un frère et des sœurs. Il fait sa formation classique au collège de Saint-Hyacinthe et il s’inscrit ensuite à l’Université Laval à Montréal pour entreprendre des études en notariat. Il fait sa cléricature au cabinet Marin et Papineau. En 1888, il retourne dans sa région natale exercer sa profession. Deux ans plus tard, les partenaires de son ancien cabinet le relancent et l’invitent à se joindre à eux. Morin s’installe à Montréal. Ambitieux, il adhère à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM) où il devient rapidement un membre influent.
Au tournant du XXe siècle, ceux qui s’intéressent au patrimoine ont peu de ressources. Il y a la Société d’archéologie et de numismatique de Montréal (SANM) pour les monuments anciens et la Société historique de Montréal (SHM) pour l’histoire. À cette époque, la SHM peine à recruter et elle manque de dynamisme. Quant à la SANM, elle réunit des personnes influentes des deux groupes culturels. Elle est dynamique, offre un bal annuel réunissant le gratin montréalais et elle possède un musée ouvert au public.
Alphonsine et Victor Morin, bal annuel de la SANM, 1937
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Morin s’inscrit donc à la SANM en 1898. Mais, ce n’est qu’en 1908 qu’il s’engage sur le conseil d’administration. Il demande ensuite à être admis à la SHM qui attire maintenant un grand nombre de personnes et il est toujours à la SSJBM.
L’un des premiers gestes publics de Victor Morin envers le patrimoine a lieu en 1912 lorsque la Ville projette d’ouvrir le boulevard Saint-Laurent. Cette décision nécessite la destruction de l’église Notre-Dame-de-Pitié. Morin fait appel aux journaux pour critiquer les élus. Il suggère, sans succès, de créer un îlot et que le bâtiment devienne un musée.
En 1915, Victor Morin est président de la SSJBM. L’année suivante, il est admis à la Société royale du Canada et il accède à la présidence de la SHM. Morin, qui a surtout agi à ce jour comme un défenseur du patrimoine, redirige ses actions vers la diffusion. Il veut ainsi amener les Canadiens français à percevoir certains objets comme faisant partie d’un legs des ancêtres, leur héritage collectif. Sa contribution la plus significative est sa capacité à faire appel à son vaste réseau pour l’exécution de mise en scène du patrimoine au moyen d’activités publiques à grand déploiement.
Qu’est-ce que le patrimoine à compter de 1915? D’abord les monuments anciens surtout s’ils datent du Régime français. Paradoxalement, au Québec, une loi protégeant le patrimoine immatériel vient d’être adoptée. Pourtant, dès cette période, des chercheurs comme Édouard-Zotique Massicotte et Marius Barbeau affirment que des objets tels que chants populaires, croix de chemin, ceintures fléchées et savoir-faire font partie de l’héritage québécois.
Morin est à l’origine de trois activités publiques d’envergure et de plusieurs initiatives. En 1917, il conduit la première visite guidée dans le Vieux-Montréal au cours de laquelle il mentionne l’importance historique de monuments, critique des restaurations et souligne la perte de bâtiments anciens. Il éduque ainsi les participants à l’importance de l’authenticité et de la conservation de monuments.
En 1918, une équipe, dirigée par Morin, offre une soirée de folklore inaugurale où sont présentés des contes, des danses, des chansons et des légendes. À cette époque, on estime que le folklore patrimonial est constitué d’objets ayant au moins cinquante ans et qui ne sont plus pratiqués, du moins, qui sont en voie de cesser de l’être. Chaque séance est précédée d’un discours de Morin qui explique aux spectateurs l’importance du folklore pour les Québécois 2 et leur valeur patrimoniale.
En 1925, la SSJBM présente son défilé avec un thème jamais vu encore de toute l’histoire de la société. La procession met en valeur la culture canadienne-française. Parmi les objets exposés figurent des coutumes anciennes, du folklore, des objets comme les croix de chemin et des savoir-faire dont la fabrication du sirop d’érable. Des tableaux vivants montrent à la foule comment s’exécutaient des pratiques révolues. D’autres participants motivent les spectateurs à chanter les chansons populaires au passage des chars3.
Victor Morin donne aussi plusieurs conférences publiques à la radio sur les monuments et le folklore. Il rédige des articles sur le Vieux-Montréal. À la SSJBM, il favorise le lancement de concours littéraires mettant en valeur le patrimoine des croix de chemin et la coutume des corvées. L’une de ses contributions des plus visibles est la croix du Mont-Royal. Enfin, Morin est aussi l’instigateur d’une école pour les guides touristiques de Montréal.
En 1922, le gouvernement du Québec adopte une première loi de protection des monuments et elle crée la Commission des monuments historiques (CMH). Morin est nommé sur le comité fondateur.
À compter de 1925, Victor Morin se retire peu à peu de la scène publique. Il quitte la présidence de la SSJBM, accède à celle de la SANM en 1927; mais, cesse de diriger la SHM peu après. À la SANM, Morin se consacre au musée et à faire classer le château. En 1929, la CMH recommande la protection du bâtiment qui devient le premier monument historique classé au Québec.
Au cours des années 1930, Victor Morin est plus discret sans ralentir son implication dans le patrimoine. Il multiplie les conférences à la radio et il siège sur plusieurs comités de fondation de musées. En 1936, il est l’un des membres fondateurs de la Société des Dix.
Victor Morin décède le 30 septembre 1960 à 96 ans. Il avait épousé en première noce Fannie Côté, qui succombe à la naissance de leur fils. Sa seconde union avec Alphonsine Côté fut plus heureuse avec la naissance de douze enfants. Au cours de sa longue vie, il a été critiqué parfois pour ses bonnes relations avec les Anglophones, pour son œcuménisme, pour ses idées et sûrement par envie. Paradoxalement, il fut admiré pour ces mêmes raisons. Les activités lui rendant hommage soulignent un homme intègre, généreux, dévoué, organisé et toujours fidèle à lui-même.
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(1) Ce texte découle d’une thèse de doctorat portant sur l’émergence de la notion de patrimoine au Canada français en préparation pour publication. Les principales sources consultées sont : fonds Société Saint-Jean-Baptiste-de-Montréal (P82), BAnQ, centre de Montréal, fonds Société historique de Montréal (SHM22), Centre des archives de Montréal, et fonds Société d’archéologie et de numismatique de Montréal, centre d’archives musée du château Ramezay.
(2) Il serait plus juste d’utiliser le terme Canadien français qui perdure jusqu’aux années 1960.
(3) Un article sur l’histoire des défilés de la SSJB de même que la liste des chars allégoriques en 1925 peut être consulté à : Diane Joly, « Procession de la Saint-Jean-Baptiste à Montréal », L’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française.
Trente ans des chantiers-écoles en archéologie à l’Université Laval
Trente ans des chantiers-écoles en archéologie
à l’Université Laval
Par Olivier Roy
Étudiant à la maîtrise en archéologie historique
olivier.roy.8@ulaval.ca
De g. à d. : William Moss, Marcel Moussette, Michel Fortin, Allison Bain, Bernard Garnier, Jean-Jacques Adjizian, Claude Dubé et Réginald Auger.
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Le dimanche 26 août 2012, avaient lieu des retrouvailles organisées afin de souligner les 30 ans des chantiers-écoles en archéologie de l’Université Laval. Cet événement, organisé à l’occasion du Mois de l’archéologie, a eu lieu sur le site de l’îlot des Palais, à Québec. Le lieu était tout à fait désigné, puisqu’il a accueilli pas moins de 22 cohortes d’étudiants en archéologie des 30 dernières années.
Un projet ambitieux
L’idée d’implanter un chantier de formation pratique en archéologie est née d’un besoin d’offrir une formation de qualité aux étudiants en archéologie, et ce, dans leur propre aire culturelle. En effet, il était auparavant possible de recevoir une formation pratique en archéologie, principalement en archéologie classique, mais celle-ci se déroulait à l’étranger.
Avec l’aide de l’archéologue Michel Gaumont, les professeurs Marcel Moussette et Michel Fortin ont mis sur pied le nouveau chantier-école en archéologie de l’Université Laval en arrêtant leur choix sur le site du palais de l’Intendant. Les fouilles débutèrent en 1982 et, 30 ans plus tard, le site n’a pas encore fini de nous révéler toute sa richesse. Cependant, neuf ans après son inauguration, le chantier-école s’est déplacé vers d’autres sites d’importance de la ville de Québec, dont l’îlot Hunt, à l’emplacement de l’actuelle auberge Saint-Antoine, de 1991 à 1995, et sur le domaine Maizerets, de 1996 à 1999.
Si la décennie 2000 devait marquer le retour du chantier-école sur le site de l’îlot des Palais, il s’est également opéré, à la même époque, une diversification des sites utilisés pour la formation. Ainsi, des fouilles préhistoriques se sont déroulées à Lac-Saint-Charles entre 2007 et 2009, et à Saint-Augustin-de-Desmaures en 2010 et 2011. De plus, des fouilles en archéologie historique ont été menées à La Prairie de 2000 à 2003, au manoir Mauvide-Genest en 2003, et, depuis 2009, au fort Saint-Jean à Saint-Jean-sur-Richelieu.
Une journée sous le signe des réjouissances
Le jour des retrouvailles, une centaine de personnes, étudiants, professeurs, archéologues et membres de leurs familles se sont rassemblés pour participer aux célébrations. Pour l’occasion, les voûtes du deuxième palais de l’Întendant ont été réaménagées afin d’accueillir les anciennes cohortes d’étudiants. Une galerie de photographies issues des 45 différents stages a été réalisée, au grand plaisir des participants qui ont ainsi pu s’amuser à identifier leurs anciens collègues et amis. Une exposition mettant en vedette différents artefacts mis au jour au cours des campagnes de fouille a aussi été présentée aux archéologues et aux gens du public. Ceux-ci avaient d’ailleurs été conviés, également dans le cadre du Mois de l’archéologie, à participer à deux visites du quartier du palais au cours de l’avant-midi. Dans le but d’égayer la foule de gens rassemblés, trois comédiens incarnant des soldats d’époque ont arpenté le site en racontant leur histoire, le point culminant ayant été une démonstration de tir avec des reproductions d’armes anciennes.
L’activité a été organisée en partenariat avec la Ville de Québec et le Centre d’interprétation de la vie urbaine de Québec, qui a organisé pour l’occasion un géo-rallye archéologique dont l’itinéraire amenait également les visiteurs sur le site du palais de l’Intendant.
Des invités de marque
C’est devant une foule attentive que se sont prononcés différents invités venus témoigner de la réussite des chantiers-écoles en archéologie de l’Université Laval. Parmi ceux-ci, notons la présence de M. Marcel Moussette, professeur d’archéologie et cofondateur des chantiers-écoles, M. Michel Fortin, directeur du Département d’histoire de l’Université Laval et cofondateur des chantiers-écoles, M. Bernard Garnier, vice-recteur aux études et aux activités internationales à l’Université Laval, M. William Moss, archéologue principal à la Ville de Québec, M. Jean-Jacques Adjizian, du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, et M. Claude Dubé, directeur de la Faculté d’aménagement, d’architecture et des arts visuels de l’Université Laval, sans oublier Mme Allison Bain, responsable des chantiers-écoles et organisatrice de l’événement.
Projet de relance du musée de l’îlot des Palais
Ce fut l’occasion pour M. Dubé, également président du conseil d’administration de la Société du patrimoine urbain de Québec, d’annoncer qu’un projet de relance du musée de l’îlot des Palais était en voie d’être réalisé. L’ouverture du musée est d’ailleurs prévue pour 2014. Entre temps, le bâtiment, dont l’origine remonte à 1714, nécessitera de nombreux travaux de restauration et de réfection avant de pouvoir accueillir à nouveau le public.
Rappelons que le programme de recherches archéologiques est toujours en cours sur le site et que de nouvelles fouilles auront lieu en 2013 dans le cadre du chantier-école de l’Université Laval.
La vie à Ville-Marie en 1642
La vie à Ville-Marie en 1642
Par Daniel Baril, journaliste
Source : Journal hebdomadaire Forum, Université de Montréal, vol. 46, n°32, 4 juin 2012
Brad Loewen, responsable de l’École de fouilles archéologiques de Pointe-à-Callière, exhume une structure ayant fait partie du fort Ville-Marie
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Après 10 ans de fouilles, le site archéologique de la pointe à Callière a livré presque tous ses secrets. Du moins pour ce qui est de la partie accessible aux archéologues et qui ne représente qu’une faible portion du site où Maisonneuve a érigé le fort Ville-Marie en 1642. L’emplacement de ce fort, qui constitue le lieu de fondation de Montréal, était recherché depuis les années 80 et a été repéré il y a cinq ans sous un édifice voisin du musée Pointe-à-Callière.
« C’est un site qui pose de nombreux défis pour les fouilles et pour l’interprétation», souligne Christian Bélanger, diplômé du Département d’anthropologie de l’Université de Montréal. L’archéologue présentait le bilan de ces 10 années de fouilles à un atelier du congrès commun de l’Association des archéologues du Québec et de l’Association canadienne d’archéologie, tenu en mai dernier [2012].
Le principal défi rencontré par les archéologues est d’ordre physique: la surface d’occupation initiale se trouve à deux mètres sous la surface actuelle. Il faut donc creuser profondément, dans des endroits exigus, tout en prenant soin d’éviter d’ébranler les assises du bâtiment de quatre étages qui occupe les lieux.
Les archéologues ne disposent par ailleurs que de très peu d’information pour guider leurs travaux et interpréter les vestiges mis au jour. Il existe certains plans du fort, mais ils sont tous hypothétiques et ne coïncident pas entre eux. Le plus ancien date de 1647 et soulève de sérieux doutes quant aux lieux qui y sont représentés.
« On sait qu’il y avait une chapelle et un puits de bois creusé en 1658 sur la place d’Armes », précise Christian Bélanger. Ce puits a été retrouvé, ainsi que des assises de bâtiments en pierre et des sections de fosses où les pieux de la palissade ont été plantés.
Bas fourneaux
Deux murs de pierre massifs, avec des foyers à chacune des extrémités, intriguent les archéologues. Lorsque ces structures ont été découvertes, Brad Loewen, professeur au Département d’anthropologie et responsable de l’École de fouilles archéologiques de Pointe-à-Callière, a émis l’hypothèse qu’il s’agissait de bas fourneaux servant au travail des métaux.
Bien que ces fours ne semblent pas avoir de chambres closes de combustion, l’analyse des scories par scanographie, qu’a effectuée Geneviève Treyvaud à l’Université Laval, accrédite cette hypothèse.
Selon la chercheuse, ces scories révèlent quatre types de traitement des métaux: réduction du minerai de fer, affinage du fer, réduction du minerai de cuivre et usage du borax comme fondant. Une pièce intrigante, principalement constituée d’oxyde de fer, contient des particules d’argent, d’or et de plomb, ce qui appuie l’idée qu’il y ait eu des essais métallurgiques.
Pour le professeur Loewen, ces résultats sont une agréable surprise. « On ne s’attendait pas à découvrir des indices de travail sur des métaux précieux », a-t-il déclaré.
L’histoire des lieux
Si les plans précis du fort demeurent un mystère, l’occupation du site est en revanche bien documentée. On connaît même, grâce aux analyses de pollen réalisées par Daniel Landry, étudiant au Département d’anthropologie, quel était le couvert végétal des alentours. Avant l’arrivée des Européens, une prucheraie avec prairies et hêtres couvraient les lieux. Autour de 1600, les prairies se sont étendues et, vers 1630, les arbres disparaissent sur la pointe pour laisser place… au maïs.
On sait aussi que le site a été fréquenté bien avant la construction du fort Ville-Marie, peut-être par des commerçants dès les années 1600. Des vestiges antérieurs au fort ont d’ailleurs été exhumés. Huit ans après que le fort eut été bâti, la population qui y était hébergée avait doublé et il fallut alors occuper la rive nord de la rivière Saint-Pierre.
À partir de 1660, seul le gouverneur résidait au fort. Au début des années 1670, le fort est en mauvais état et sert de prison. Il est démoli en 1675 et ses matériaux sont réutilisés pour de nouveaux bâtiments, dont l’ancienne église Notre-Dame érigée là où se trouve l’actuelle place d’Armes. Comme cette période est également celle de la construction du séminaire des Sulpiciens, Brad Loewen croit que des pierres du fort de Maisonneuve sont possiblement entrées dans l’édification du séminaire.
Entre 1675 et 1688, date de l’acquisition du terrain par le gouverneur de Montréal, Louis Hector de Callière, le site semble avoir été inoccupé et figure comme terrain vague sur les cartes de l’époque. « C’était une période d’intense activité de traite des fourrures et le site a changé de vocation plutôt que d’avoir été laissé à l’abandon », estime Justine Bourguignon-Tétreault, étudiante à la maitrise au Département d’anthropologie.
Les strates de sol correspondant à cette période contiennent en effet quantité de restes alimentaires, cendres de foyer et pièces de céramique amérindienne et européenne qui témoignent, à son avis, d’une occupation amérindienne des lieux. Les provenances variées des artéfacts, dont des pointes de flèche taillées dans du cuivre et du silex européens, montrent en outre qu’il n’y a pas de rupture brusque entre les époques préhistorique et historique, mais plutôt une transition marquée par l’interculturalité.
L’École de fouilles archéologiques de Pointe-à-Callière n’en a plus que pour un an. Au terme de cette 11e année, la totalité de la zone accessible, qui ne représenterait que trois pour cent du fort de Maisonneuve, aura été explorée.
Sur le Web
- Département d’anthropologie
- Musée Pointe-à-Callière
- École de fouilles archéologiques de Pointe-à-Callière
Deux reconstitutions hypothétiques du fort Ville-Marie
Le plan le plus ancien représentant le fort date de 1647 et est attribué à Jean Bourdon, premier ingénieur de Nouvelle-France. Certains historiens doutent qu’il s’agisse de la pointe à Callière. Christian Bélanger souligne qu’il est peu probable que l’endroit n’ait été protégé par une palissade que d’un côté (à gauche sur l’illustration). Des vestiges de palissade ont d’ailleurs été retrouvés à l’extrémité opposée.
Source : Département des livres rares et des collections spéciales de l’Université McGill |
Source : Félix Martin (1804-1886), Pointe à Callière, plan hypothétique du fort de Ville-Marie, milieu du 19e siècle, Archives du Séminaire de Québec |
Plan datant du milieu du 19e siècle réalisé par l’historien jésuite Félix Martin. La reconstitution est très douteuse, puisqu’on y devine le plan du château du gouverneur Callière, construit en 1688, 10 ans après la démolition du fort.
Saint-Augustin-de-Desmaures se souvient… Dévoilement de deux mémoriaux rappelant un patrimoine qui remonte au 17e siècle
Saint-Augustin-de-Desmaures se souvient…
Dévoilement de deux mémoriaux rappelant un patrimoine qui remonte au 17e siècle
Par Bertrand Juneau, président
Société d’histoire de Saint-Augustin-de-Desmaures (SHSAD)
Légende photo 3 : Dévoilement du mémorial du « Cimetière de l’Anse-à-Maheu ». De gauche à droite : M. Michel Gilbert de la SHSAD, M. Marcel Corriveau, maire de la Ville, M. Michel Poitras, curé de la paroisse et M. Sam Hamad, député de Louis-Hébert.
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Dimanche 11 novembre 2012, un jour du Souvenir bien spécial à Saint-Augustin-de-Desmaures… Sous la présidence d’honneur du député de Louis-Hébert, M. Sam Hamad, et en présence du maire de la Ville, M. Marcel Corriveau, et du curé de la paroisse de Saint-Augustin, M. Michel Poitras, la Société d’histoire de Saint-Augustin-de-Desmaures (SHSAD) a procédé au dévoilement de deux mémoriaux (Voir photo 3).
Les paroissiens inhumés sous la nef de l’église entre 1820 et 1874
Le premier mémorial rappelle une pratique répandue jusque dans le dernier quart du XIXe siècle, soit celle d’inhumer des personnes sous la nef et le chœur de l’église. Le chœur était réservé aux prêtres, curés de la paroisse. On a observé cette pratique dans la première église de Saint-Augustin, à l’Anse-à-Maheu, près du fleuve, et dans l’église actuelle ouverte au culte en 1816. Des plaques les identifient dans l’église. Il y a également des « laïcs », des paroissiens et des paroissiennes qui ont été inhumés « ad sanctos » (près des saints) sous la nef de cette église.
Photo 1 : Mémorial des « 95 paroissiens et paroissiennes inhumés sous la nef de l’église »
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Aucune mémoire de ces personnes ne subsistait. La Société d’histoire a voulu combler ce vide. Grâce au travail de recherche minutieux et documenté de Michel Gilbert dans les registres de sépultures de la paroisse, les noms des 95 paroissiens et paroissiennes inhumés sous la nef ont été identifiés, de même que leur âge et leur date d’inhumation, entre 1820 et 1874. Ces données apparaissent maintenant sur un mémorial dans l’église. (Voir photo 1)
Les paroissiens inhumés dans le cimetière de l’Anse-à-Maheu entre les années 1690 et 1816
Le second mémorial se trouve dans le cimetière. Il est plus costaud; il est en pierre. Il rappelle à notre mémoire tous les paroissiens inhumés dans le cimetière de l’Anse-à-Maheu, de la fondation de la paroisse dans les années 1690 jusqu’en 1816. La translation des ossements du cimetière de l’Anse-à-Maheu au cimetière actuel s’est effectuée le 27 juillet 1857.
Photo 2a
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Nous estimons à plus de 1500, le nombre de personnes inhumées dans la paroisse de Saint-Augustin avant 1816. Ce mémorial rappelle leur mémoire.
Légende photo 2b Texte du mémorial « Cimetière de l’Anse-à-Mathieu »
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Voici le texte gravé dans la pierre :
« Saint-Augustin-de-Desmaures se souvient
À la mémoire des habitants de la seigneurie de Demaure décédés entre la fondation de la paroisse sur le bord du fleuve Saint-Laurent, dans les années 1690, et l’ouverture en 1816 du cimetière actuel. Le cimetière de l’Anse-à-Maheu a été définitivement fermé à la suite de la translation des ossements, le 27 juillet 1857, dans une fosse commune située sous cet emplacement. » (Voir photos 2a et 2b)
La valeur patrimoniale du cimetière
Le président de la Société d’histoire, M. Bertrand Juneau, a remercié le député de Louis-Hébert, M. Hamad qui a supporté financièrement la réalisation de ces deux mémoriaux, manifestant ainsi son ouverture, son engagement et son intérêt envers le patrimoine. Monsieur Juneau a souligné qu’il fallait une certaine dose de courage pour appuyer des projets de commémoration dans une église et un cimetière catholiques, au moment où une certaine frilosité règne à ce sujet, au Québec. Il a conclu en rappelant que le patrimoine religieux fait partie des gènes de notre Histoire et est indissociable de notre identité – pour l’intérêt des cimetières, faire une recherche dans l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française à partir du mot « cimetières » et consulter également une publication de juillet 2004 de la Commission des biens culturels du Québec intitulée Le cimetière patrimonial : un cadre de référence (fichier pdf, 222 Ko), entre autres les pages 8 à 12.
Le temps d’une criée Une coutume encore vivante à Saint-Augustin-de-Desmaures
Le temps d’une criée
Une coutume encore vivante à Saint-Augustin-de-Desmaures
Par Bertrand Juneau, président
Société d’histoire de Saint-Augustin-de-Desmaures (SHSAD)
Le dimanche 14 octobre 2012, après la messe dominicale, plus de cent personnes rassemblées sur le parvis de l’église de Saint-Augustin ont assisté à la bénédiction du monument du Sacré-Cœur, nouvellement restauré. La présidente du conseil de Fabrique, Mme Micheline Bertrand, le maire de la Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures, M. Marcel Corriveau, et le vicaire, l’abbé Robert Côté, ont souligné tour à tour leur fierté au regard de cette réalisation, résultat d’un effort collectif.
Érigé en 1869 au cœur de l’îlot paroissial, cet imposant monument a d’abord été dédié à l’Ange gardien, puis en 1919, au Sacré-Cœur. Sa récente restauration a mis au jour une pierre gravée, cachée derrière une plaque depuis près de cent ans. Elle est maintenant mise en valeur et l’on peut y lire : « Dieu a ordonné à ses anges de prendre soin de vous. 1869 ».
Après la bénédiction, deux personnages venus du passé, le docteur Praxède LaRue, également député de Portneuf, et Augustin Bourbeau, secrétaire-trésorier de la municipalité, témoins de la construction en 1869, ont exprimé leur grande satisfaction devant le respect du patrimoine manifesté par la population du XXIe siècle.
Pour l’occasion, la Société d’histoire de Saint-Augustin-de-Desmaures avait décidé de faire revivre une coutume remontant au Régime français comme le démontre bien l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française : elle avait organisé une criée dans le but de rappeler à notre mémoire le sens de cette pratique dans la vie paroissiale de la seconde moitié du XIXe siècle.
Crédit photo : SHSAD |
Légende de la photo : Venus du XIXe siècle, le Docteur Praxède-LaRue et Augustin Bourbeau, secrétaire-trésorier et crieur public.
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Le crieur public était Augustin Bourbeau, secrétaire-trésorier de la municipalité de 1856 à 1897. Il a « crié » du haut du kiosque différentes décisions de la municipalité concernant les chemins, les chiens vicieux, la vitesse, la défense de vente de boissons enivrantes; il a aussi transmis des messages du curé François Pilote concernant la vente de bancs, l’autorisation de travailler le dimanche après-midi et la fin de la pratique d’inhumer des morts sous l’église.
Et suivant la tradition, le crieur public a procédé à la vente de différents lots offerts par des organismes, des entreprises et des individus de la ville. À titre d’exemples : des produits du patrimoine textile par le Cercle des fermières et des produits maraîchers par La Ferme estivale.
Les 17 lots offerts ont trouvé preneurs pour un montant total de 603 dollars, qui sera dédié aux « âmes ». En effet, la Société d’histoire affectera cette somme à la construction du nouveau mémorial, installé dans le cimetière, rappelant les personnes inhumées dans le Cimetière de l’Anse-à-Maheu entre la fin du XVIIe siècle et 1816.
Après cette première expérience très réussie, la Société d’histoire se promet d’organiser une criée en 2013, en privilégiant une période où le climat a de fortes chances d’être plus doux, soit fin août-début septembre.
Louis-Joseph Papineau, le républicain
Louis-Joseph Papineau, le républicain
Par Jonathan Livernois
Coauteur (avec Yvan Lamonde) de
Papineau. Erreur sur la personne,
Éditions du Boréal, 2012.
Crédit : Éditions du Boréal |
Qu’est-ce qui différencie, dans le Bas-Canada d’après 1840, un tenant du républicanisme et un défenseur du concept britannique de gouvernement responsable? Au premier abord, on pourrait croire que la réponse à la question est technique et qu’elle n’intéresse que les spécialistes des sciences politiques et de l’histoire. Pourtant, s’attacher à l’écart entre ces deux revendications, toutes deux légitimes, permet de révéler une erreur historique qui s’est insinuée dans nos livres d’histoire. Une erreur qui empêche de prendre la pleine mesure du parcours de Louis-Joseph Papineau (1786-1871), l’homme politique le plus important du 19e siècle bas-canadien.
On peut définir ainsi le gouvernement responsable : « gouvernement dans lequel les ministres du Cabinet doivent jouir de la confiance de la Chambre des communes [au Québec, on parlera de l’Assemblée nationale] pour se maintenir au pouvoir. Si la Chambre lui retire cette confiance, il doit démissionner ou demander le déclenchement d’élections générales1 ». On peut illustrer ce concept par la situation politique actuelle au Québec : le Cabinet, dont les membres sont issus du parti – le Parti québécois – qui a obtenu le plus de voix le 4 septembre 2012, doit obtenir l’appui de la majorité des députés sans quoi il sera défait et devra démissionner. Cette forme de gouvernement a été adoptée de manière définitive au Canada-Uni en 1848. Pour plusieurs historiens, politiciens et commentateurs, ce fut là une victoire différée pour les Patriotes de 1837 et de 1838. Grâce à l’esprit de collaboration et de conciliation du Haut-Canadien Robert Baldwin et du Bas-Canadien Louis-Hippolyte LaFontaine, les Canadiens auraient finalement obtenu ce que Papineau et les Patriotes n’avaient pas réussi à gagner par la violence et la rébellion.
Cette impression d’achèvement – de 1837 à 1848, la boucle serait bouclée – est fausse. Pendant la décennie 1830, les Patriotes et Papineau ne cherchèrent pas à obtenir le gouvernement responsable. Ils souhaitaient bien plutôt que le Conseil législatif (semblable à l’actuel Sénat), lequel bloquait systématiquement les initiatives de l’Assemblée, devienne électif. Plus encore, Louis-Joseph Papineau dénonça avec véhémence le gouvernement responsable tout au long de la décennie 1840, y voyant une trahison des idées républicaines, seules capables d’assurer la souveraineté du peuple : « Je suis bien persuadé que c’est dans un esprit faux et de supercherie que l’Angleterre a dit qu’elle donnait un gouvernement responsable, avec la distinction que ce ne pouvait pas être dans une colonie celui d’une métropole. Qu’est-ce donc qu’un gouvernement responsable qui ne l’est pas toujours, qui ne l’est pas souvent2 ? » On comprendra ici que l’enjeu principal, pour Papineau, est la rupture du lien colonial. Tant qu’il y aura un gouverneur et que les décisions seront prises par le Colonial Office de Londres, le gouvernement ne sera pas responsable et le peuple ne sera pas souverain. En ce sens, les institutions républicaines des États-Unis inspirent Papineau, qui adhère dès 1849 à l’idée d’annexion à l’Union américaine. L’homme envisagera même, quelques années plus tard, la création d’une fédération continentale qui unirait tous les pays d’Amérique. Ces prises de position, longtemps inédites parce qu’énoncées privément, ont été révélées grâce au travail pionnier de trois citoyens – Georges Aubin, Renée Blanchet et François Labonté – qui ont colligé et publié la correspondance complète de Louis-Joseph Papineau. Voilà un engagement civique exemplaire. C’est grâce à leur travail qu’Yvan Lamonde et moi-même avons pu écrire Papineau. Erreur sur la personne (Éditions du Boréal, 2012), essai dans lequel nous revenons notamment sur la fortune mémorielle de l’homme politique.
Papineau sera donc un républicain qui ne peut se satisfaire de l’obtention d’une liberté coloniale. Peut-on dire qu’il est un fils de la Révolution française? Il faut être circonspect. Même si Papineau est un grand lecteur de Voltaire et qu’il est d’accord avec l’esprit des Lumières, même s’il connaît bien Félicité de La Mennais et même s’il passe une bonne partie de son exil (1839-1845) en France, on ne saurait considérer l’homme politique bas-canadien comme un successeur de La Fayette. Comme l’a bien montré Yvan Lamonde dans Signé Papineau (Presses de l’Université de Montréal, 2009), les références françaises pendant la décennie 1830 sont rares chez les Patriotes. Leurs regards ainsi que celui de leur chef se tournèrent surtout vers le Sud. Pour Papineau, il n’était pas possible de régler le problème bas-canadien en important des solutions européennes, lesquelles émanaient d’un monde ancien, voire vermoulu. Seules les institutions américaines, celles du Nouveau Monde, pouvaient assurer le printemps de l’Amérique française, pour reprendre le beau titre de Louis-Georges Harvey. L’aiguille de la boussole n’oscilla guère jusqu’à la mort de Papineau, en 1871.
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(1) Réjean Pelletier et Manon Tremblay (dir.), Le parlementarisme canadien, 3e édition revue et augmentée, Québec, PUL, 2005, p. 526.
(2) L.-J. Papineau à Denis-Benjamin Papineau, 15 octobre 1844, dans Lettres à sa famille (1803-1871), texte établi et annoté par Georges Aubin et Renée Blanchet, introduction d’Yvan Lamonde, Québec, Septentrion, 2011, p. 307.
Deux grandes figures de la Petite Camargue au service du terroir et du rapprochement franco-québécois : Le Général Louis Joseph de Montcalm et le Président de la République Gaston Doumergue
Deux grandes figures de la Petite Camargue
au service du terroir et du rapprochement franco-québécois :
Le Général Louis Joseph de Montcalm
et le Président de la République Gaston Doumergue
Rédaction : Patricia Carlier, Chargée de mission patrimoine du Pays Vidourle Camargue
Site du Pays : www.pays-vidourlecamargue.fr 04 34 14 80 00
421 av. Maurice Privat 30600 Vauvert
Courriel : p.carlier@pays-vidourlecamargue.fr
La Nouvelle-France, terre où se sont développées entre autres les racines du Jazz, va de l’embouchure du Saint-Laurent à celle du Mississippi. Elle occupe les deux tiers des actuels Etats-Unis, quand le Marquis de Montcalm y devient Général en chef des armées de Louis XV.
Le Général Louis-Joseph de Montcalm
Exploitant son domaine agricole à Candiac, sur l’actuelle commune de Vestric et Candiac, remarquable agronome, il a su tirer parti des richesses du terroir et consigner ses expériences dans des lettres et un journal, certaines lettres étant pour partie aux archives départementales du Gard. Ses vins, ses bois, le sel de Camargue, son huile d’olives ( il écrit encore depuis le Québec pour avoir des nouvelles de son moulin), c’est tout son terroir au milieu d’autres produits de France. Il les emporte avec lui pour alimenter son armée outre Atlantique, créant ainsi la demande dans la colonie française. La Guerre de 7 ans et la perte des territoires par la France au profit de l’Angleterre n’empêcheront pas les Québécois de continuer à s’approvisionner autant que possible, prouvant que la cuisine, marqueur culturel qui requiert le meilleur de l’homme, est plus importante que la guerre.
Les descendants de Montcalm continuent à développer notamment le vignoble et à alimenter le Québec au XIXe s.
Gaston Doumergue, Ministre et Président de la République
Gaston Doumergue, futur Président de la République, puis du Sénat, né dans le village voisin d’Aigues-Vives et fils de viticulteur, a pour ami de lycée à Nîmes Gaston Bouzanquet. Celui-ci, félibre et viticulteur, a repris le domaine viticole de Montcalm, le mas de Saint Véran à Vestric et Candiac, sur l’ancien territoire des vignes et du Bois du Marquis. Ce mas viticole existe toujours aujourd’hui ; il est actuellement en vente.
Gaston Bouzanquet qui a hérité des archives commerciales du mas et les a étudiées, parle alors à Gaston Doumergue du rôle important du Marquis et de ses descendants dans la promotion du commerce outre Atlantique notamment le vin. Au début du XXe siècle les relations franco-québécoises se sont distendues et aucun traité ne permettait de structurer efficacement le commerce, les Anglais occupant majoritairement la place.
Promis à une belle carrière politique, Gaston Doumergue alors Ministre du Commerce en 1903 rebondit sur cette opportunité pour signer le traité de commerce franco-québécois, qui court toujours aujourd’hui. Il en profite pour lancer à l’initiative de Gaston Bouzanquet la souscription nationale pour la création de la statue du Marquis à Vestric et Candiac qu’il viendra inaugurer officiellement en 1910, ayant eu la bonne idée entre temps de se faire nommer Ministre des Beaux-Arts de la IIIe République. Il finira Président du Conseil, puis du Sénat, puis Président de la République en 1924.
La ville de Québec à la suite de cette souscription nationale pour la statue de Vestric et Candiac, fera copier cette statue qui se trouve aujourd’hui sur les allées de la ville de Québec non loin des plaines d’Abraham où moururent le Marquis et le Général Wolfe.
Gaston Doumergue a fait don de sa maison natale et de tout son mobilier à la commune d’Aigues-Vives. Celle-ci vient d’être labellisée cette année « Maison des Illustres » par le Ministère de la Culture.
Itinéraire québécois en Petite Camargue
Un patrimoine bâti important subsiste sur la commune de Vestric et Candiac
et communes voisines.
L’hôtel particulier de Montpellier (Hérault)
Situé rue de l’Ancien Courrier, l’hôtel Montcalm aujourd’hui conservé vit le départ définitif du Marquis pour le Canada le 6 février 1756. Sa mère y résida après sa mort car elle laissa sa belle-fille au château de Candiac.
Il présente une cour intérieure de style classique avec arcs en anse de panier et arc surbaissés supportant l’escalier ajouré à larges volées. Une belle balustrade de pierre orne l’une d’entre elles donnant sur la cour. Deux balcons de pierre à décor classique viennent agrémenter la cour. Un premier escalier aux marches arrondies permet l’accès en Rez-de-Chaussée.
Une plaque commémorative concernant le départ du Marquis au Canada est apposée sur l’un des murs de la cour.
En octobre 1989 Serge Martin industriel canadien l’acquit pour en faire un pied à terre pour touristes et hommes d’affaires canadiens.
N.D. de Vauvert (Gard)
L’église paroissiale de Vauvert conserve toujours la fresque et les fonds baptismaux sur lesquels le Marquis fut baptisé.
Le Quartier Montcalm à Vauvert (Gard)
La ville comprend tout un quartier au Sud dans les marais en pleine Camargue qui s’appelle Montcalm. On peut s’y rendre par une très jolie route depuis l’étang du Scamandre, qui serpente le long des canaux, au milieu des roseaux et des taureaux. Le Domaine de Candiac descendait jusqu’aux étangs de Camargue. Il s’agit de vignes que le Marquis avaient créées sur cette partie inculte de ses terres.
Rachetés par la célèbre famille Noilly-Pratt, ces terroirs viticoles sont devenus un domaine avec un château aujourd’hui en ruine construit par cette famille. Devenu un hameau de Vauvert, ce quartier porte toujours le nom du Marquis.
Port militaire de Toulon : La Frégate Montcalm
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Nîmes (Gard)
La ville marraine de la frégate Montcalm a inauguré une place du nom du Marquis située non loin de la porte romaine à l’Ouest des arènes. De grands palmiers lui donnent un petit air exotique.
L’église de Vestric consacrée à Notre-Dame-de-la-Purification
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L’Eglise de Vestric et Candiac
Rebâtie après la guerre de 100 ans, l’actuelle église date de 1559. Simple et modeste, elle présente un autel et un tabernacle du XVIIIe s. ainsi qu’une crosse de procession de la même époque qui méritent le détour. Elle est consacrée sous le nom de N.D. de la Purification.
Sa toiture simple à double pan se termine à l’ouest par un petit clocher ajouré portant une seule cloche et surmonté d’une croix. L’ensemble est d’une grande sobriété.
La particularité de l’église de Vestric est qu’elle renferme la tombe de la femme du Marquis Louis-Joseph de Montcalm, Angélique Louise Talon du Boulay, qui survécut près de 30 ans à son mari enterré à Québec. Elle décéda le 1er Mars 1788, âgée de 80 ans. Elle était la nièce de l’intendant général de la Nouvelle-France (Amérique du Nord), Jean TALON, nommé par Colbert.
Le monument à Montcalm près d’un château à Vestric ayant déjà appartenu à Montcalm
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La Statue du Marquis, place Montcalm, à Vestric et Candiac
Inaugurée en 1910 par le Ministre des Beaux-Arts Gaston Doumergue, elle fut réalisée par le sculpteur Nîmois Léopold Morice ami de Gaston Bouzanquet, propriétaire du Mas de Saint Véran à Vestric et Candiac, initiateur du projet. Elle représente Montcalm glorieusement emporté par la mort l’épée à la main. La copie de cette statue se trouve à Québec. Elle fut financée par une souscription en France.
Le château de Montcalm à Candiac
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Le château de Candiac
Situé au Sud du village, il date du XVIIe siècle et fut construit par les ancêtres du Marquis. De facture classique, il est aujourd’hui un lycée consacré aux métiers du cheval. Il a gardé un bel environnement grâce à la création par les communes limitrophes de Vestric et Candiac et Vauvert d’une zone AVAP (Aire de mise en valeur de l’Architecture et du Patrimoine) qui protège son environnement. Il est inscrit et protégé au titre des Monuments Historiques. Maison natale du Marquis, ce château avait de nombreuses dépendances sur la commune (moulins, fermes…)
Le mas de Saint-Véran à Vestric et Candiac
Les cuves armoriées du mas de Saint Véran
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Ne pas le confondre avec le château de Saint Véran dans l’Aveyron, berceau de la famille de Montcalm avant l’arrivée de la famille en Camargue.
Ce mas viticole créé au XIXe s. par les descendants du Marquis se trouve sur le territoire original des vignes et du Bois de Saint Véran qui appartenaient au Marquis. Conservé dans son allure d’origine, il est toujours aujourd’hui un mas viticole classé en A O C (Appellation d’Origine Contrôlée) Costières de Nîmes et il fait la Cuvée du Marquis.
Il présente dans son caveau sur ses cuves l’Armorial des régiments du Général de Montcalm ainsi que ses drapeaux, ce qui fait de ce caveau un lieu original pour la visite. La Famille Gaufrès, actuelle propriétaire, l’a mis en vente.
La Stèle du Marquis, place Montcalm, à Vestric et Candiac
En cours de réalisation, elle a été inaugurée le 3 mars 2012 par le Délégué Général du Québec M. Robitaille. Une plaque a été posée par l’association France-Québec en présence de l’association Gard-Québec pour commémorer le tricentenaire de la naissance du Marquis. Cette plaque, provisoirement posée dans l’église, doit être rapportée sur une stèle de pierre en cours d’exécution qui sera placée sur la place Montcalm à proximité de la statue.
A Aigues-Vives. Maison natale du Président Gaston Doumergue
Située à moins de 10 km de Vestric et Candiac, cette maison retrace la carrière du Président. Les photos, archives et documents de la période du traité de commerce franco-québécois, de l’inauguration de la statue du Marquis, les journaux conservés de l’époque, les meubles et 200 objets y compris les cadeaux présidentiels font de cette maison un lieu touristique. Celui-ci vient d’obtenir le label Maison des Illustres du Ministère de la Culture. Elle va faire l’objet de travaux d’envergure pour augmenter l’accueil du public notamment les scolaires. Compte tenu du rôle important joué par le Président dans le rapprochement franco-québécois et des archives contenues sur cela, cette maison est digne de faire partie des éléments à visiter sur un itinéraire québécois en Camargue.
N. B. Toutes les communes sont sises sur le Pays sauf l’Hôtel de Montpellier, à 25 km de Nîmes.
Écouter aussi une entrevue avec l’auteure sur Radio Alliance Plus
Les itinéraires mémoriels; y penser … de toutes les façons.
Les itinéraires mémoriels;
y penser … de toutes les façons.
Par Pascale Marcotte, Ph.D.
Professeure
Directrice du comité de programmes de cycles supérieurs
Département d’études en loisir, culture et tourisme
Université du Québec à Trois-Rivières
Professeure associée, Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval
Le colloque international de juin 2012
En juin 2012, la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs (CFQLMC) se joignait à l’Université du Québec à Trois-Rivières, l’Université Laval, l’Université de Birmingham, ainsi que la Chaire UNESCO-UNITWIN sur le tourisme culturel et l’Université Paris-1 La Sorbonne, afin d’accueillir plus de 200 participants, originaires de 33 pays différents, dans le cadre du colloque international Routes touristiques et itinéraires culturels. Entre mémoire et développement (fichier pdf, 204 Ko). Durant trois jours, et en trois langues, chercheurs universitaires et professionnels du tourisme ont réfléchi aux modes d’inscription de la mémoire des groupes humains dans le territoire sous la forme d’itinéraires et de routes touristiques.
De la Patagonie à la Scandinavie, en passant par le Népal et l’Iran, du vélo aux aéroplanes, de la mémoire coloniale au recueillement spirituel des pèlerins, les participants au colloque ont eu l’occasion d’appréhender une grande variété de circuits touristiques. Ils ont également eu la chance de réaliser que ces circuits sont, au final, une représentation géographique de réseau qui, semblable à une toile d’araignée, tisse entre les membres d’une communauté et des lieux signifiants, des liens tout aussi menus qu’extraordinairement résistants. La pratique touristique de ces chemins est donc une façon de lire le territoire, une façon d’en connaître l’histoire, une façon de transmettre l’identité de ceux qui les ont tracés une première fois, et de tous ceux qui les ont transmis et protégés par la suite.
Le colloque précurseur de juin 2010
L’origine du colloque est intimement liée au projet pilote d’itinéraire culturel virtuel que la CFQLMC a proposé afin de valoriser l’inventaire des lieux de mémoire communs franco-québécois. C’est en effet à la suite de la création de cet itinéraire, et de sa présentation dans le cadre d’un colloque sur le tourisme et le patrimoine mondial (juin 2010), que les porteurs du projet d’itinéraire franco-québécois ont réalisé le grand intérêt suscité par ce projet, mais également le besoin, pour de nombreux chercheurs, de mieux comprendre le rôle du tourisme dans la pratique de ces chemins. C’est ainsi que l’idée de lancer un appel à tous pour réfléchir collectivement à cet outil de transmission de mémoire et de l’identité entre les peuples s’est transformée en colloque. Ces routes ont dès lors été analysées suivant des approches économique, historique, géographique, technique, politique, ethnographique; humaines.
Le projet d’itinéraire virtuel de la CFQLMC
L’itinéraire proposé par la CFQLMC vise ainsi à valoriser le travail scientifique de l’Inventaire des lieux de mémoire de la Nouvelle-France – voir aussi Tourisme culturel : itinéraire mémoriel de l’auteure paru dans Mémoires vives n° 30, juin 2010 – en le partageant à un plus vaste public, dont l’intérêt pour l’histoire n’est pas nécessairement au premier plan. En effet, en consultant l’itinéraire électronique, les férus d’histoire pourront consulter toutes les fiches documentaires associées aux lieux de mémoire identifiés, mais ceux qui rêvent plutôt de se laisser porter et transporter par leurs impressions et leurs intuitions, en savourant simplement les richesses patrimoniales et les paysages teintés du bleu du fleuve, pourront tout autant s’y laisser guider.
L’itinéraire mémoriel correspond aux principales dimensions caractéristiques du tourisme culturel; celles qui associent l’apprentissage, le plaisir, la rencontre et la contemplation, à la visite de lieux patrimoniaux ou historiques, ou à la participation à des activités culturelles. Ce sont des occasions de plaisirs partagés en famille, ou entre amis, entrecoupés d’autres activités sportives, de détente ou gastronomiques.
L’itinéraire mémoriel suggère donc la pratique d’activités qui permettent aux voyageurs d’apprendre sur l’histoire et le patrimoine, sur les modes de vie passés (par la visite de lieux à caractère ethnologique, du patrimoine industriel ou maritime, des paysages), mais aussi sur le patrimoine vivant, identitaire, c’est-à-dire qui dit ce que nous sommes. Les réminiscences architecturales, les patronymes, les savoir-faire culinaires reproduits ou réinventés, sont autant de marqueurs de cette identité. Et parce qu’ils éveillent des émotions, ils faciliteront d’autant plus leur inscription dans la mémoire.
La visite de ces lieux à travers l’itinéraire mémoriel est non seulement une visite de lieux de mémoire, mais également une façon de créer de nouvelles mémoires. L’identité n’est pas seulement l’affaire du passé, mais tout autant celui de l’avenir. Dans ce cadre, les itinéraires mémoriels de la Nouvelle-France sont aussi bien un tremplin pour faire revivre à ceux qui sont attachés à la Nouvelle-France, qu’ils soient Québécois, Français ou migrants d’autres régions, une histoire et une expérience communes, mais aussi l’occasion de susciter d’autres projets communs. D’autres formes de rencontres, amicales touristiques, scientifiques, d’échange de savoir-faire, peuvent aussi accompagner ces déplacements sur des routes et itinéraires.
Moulin à vent de Grondines. Vue avant
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Même si le circuit mémoriel virtuel « Trois-Rivières – St-Augustin de Desmaures » a été dessiné en respectant les détails historiques tels qu’ils sont présentés dans l’inventaire, sa pratique, sa visite, son expérience sont aussi une façon de susciter un attachement mémoriel. On y retrouve donc l’idée que le circuit, comme la mémoire elle-même, est un cadre plutôt qu’un contenu. (Maurice Halbwachs, 1950, La mémoire collective, PUF.). Le circuit est à la fois une façon de partager le savoir et l’identité, et il s’inscrit dans une forme – la route – qui relie géographiquement et symboliquement des lieux de patrimoine, des paysages, des personnages historiques ou mythiques. Parce que la route existe indépendamment des porteurs de mémoire, elle contribue à la pérennité de cette transmission.
Ainsi, l’itinéraire mémoriel franco-québécois est l’illustration d’une identité particulière et d’un moyen de transmettre et de garder la mémoire collective vivante. Une mémoire qui s’ancre chez l’individu, le visiteur, et dans la communauté à laquelle il s’attache, soit ici celle franco-québécoise, mais il peut aussi être arpenté par des individus « étrangers » à cette mémoire, mais qui y trouveront une façon de connaître cette histoire. L’itinéraire est donc aussi façon d’universaliser sa mémoire.
Un colloque complémentaire à Aix-en-Provence les 26 et 27 octobre 2012
Pour preuve que les itinéraires mémoriels nous amènent toujours plus loin, un autre colloque était organisé à Aix-en-Provence, cet automne, par les collègues français, dont Janine Giraud-Héraud. La thématique touchait plus largement le rôle des lieux de mémoire communs et le tourisme culturel, mais les conclusions sont proches : le voyage permet de toucher du doigt des lieux rêvés, il permet de comprendre avec sa tête, certes, mais aussi avec son corps et son cœur, la transmission de l’identité culturelle.
Ile de France Volume 7
Ile de France Volume 7
Collection Ces villes et villages de France, berceau de l’Amérique française
Par Claude Marcadier
Le volume 7 de la collection Ces villes et villages de France, berceau de l’Amérique française consacré à l’île de France vient d’être publié.
Dans son introduction, Gilbert Pilleul, président de la CFQLMC-France, écrit que l’île de France est une région particulière à plus d’un titre. En effet, à la lecture de cet ouvrage le lecteur est frappé par l’abondance des cadres administratifs, militaires et religieux originaires de la capitale et qui ont œuvré en Nouvelle-France. Les plus prestigieux d’entre eux sont présentés de façon détaillée dans le chapitre des « personnages majeurs » mais les auteurs ont fait côtoyer à ces célébrités la masse importante des « filles du Roy » venant de la Salpêtrière, plus de 250 filles à marier, parties en Nouvelle-France et qui méritent la présentation qu’en fait Maud Sirois-Belle.
Parmi la multitude de notices biographiques, plus intéressantes les unes que les autres, deux personnages ont retenu plus particulièrement mon attention :
- Geneviève Gamache l’aïeule de Lynda Lemay, Céline Dion et…Madonna
- Jean Louis Frémont, dont le petit fils sera, en 1856, le premier candidat de l’histoire du parti républicain, au poste de Président des Etats Unis.
Cet ouvrage se distingue aussi par la richesse iconographique, celle attendue des monuments parisiens célèbres, mais aussi celle d’édifices moins connus des départements de la région, ne citons qu’un exemple la maison de Jean Jacques Rousseau à Montmorency. L’ouvrage nous présente les photos des sites de la capitale qui ont un lien avec le Québec : librairie, place ou maison des étudiants.
Un excellent cadeau à offrir à tous ceux qui ont la passion du Québec et de Paris
Carnets du chemin du Roy
Carnets du chemin du Roy
Par Geneviève Auger
Crédit : http://www.heuresbleues.com |
Prendre la route, c’est plus que se déplacer d’un point à un autre ou regarder défiler le paysage. Pour qui s’offre le temps de s’y arrêter, d’observer et de s’interroger sur son apparition et son évolution, la route réserve un passionnant voyage dans le temps.
Gilles Matte, aquarelliste, et Geneviève Auger, chroniqueuse, se sont lancés dans une telle aventure ; pendant deux ans, ils ont sillonné le chemin du Roy, entre Québec et Montréal sur la rive nord du Saint-Laurent. Les résultats de leurs pérégrinations sont illustrés et consignés dans les Carnets du chemin du Roy, parus aux Éditions Les Heures bleues en avril 2012. Réunissant aquarelles, dessins et courts textes, cet ouvrage ne se veut pas un guide exhaustif du chemin du Roy ; il en brosse plutôt un tableau impressionniste à saveur historique.
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En Nouvelle-France, le chemin du Roy (ou royal) désignait toute route du domaine public, quel que soit son emplacement dans la vallée du Saint-Laurent. Pour la construire, les autorités comptaient sur la corvée du roi, qu’on distinguait de la corvée du seigneur, représentant les quelques jours de travail que chaque censitaire devait accorder annuellement au seigneur. La corvée du roi était destinée au chemin du Roy, d’où son appellation.
Aujourd’hui, c’est la portion de la route provinciale 138 comprise entre Québec et Montréal, entrecoupée de quelques tronçons du chemin du Roy originel, qui a hérité du nom de chemin du Roy, en vertu du Programme de signalisation des routes et circuits touristiques du gouvernement du Québec. L’ancienneté et l’étendue du tout premier tracé lui ont certainement valu ce privilège.
Moulin banal des Sœurs Augustines, propriétaires de la seigneurie Desmaures, de 1734 à 1868.
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En effet, c’est entre 1731 et 1737 que fut construite la plus grande partie de cette première route reliant Québec et Montréal. À son achèvement, elle traversait 37 seigneuries et 27 rivières et se déroulait sur plus de 280 kilomètres. Un véritable tour de force dans le contexte de l’époque: absence de machinerie et de moyens de communication, main d’œuvre dispersée et soumise à cette fameuse corvée du roi, laquelle obligeait chaque habitant dont la propriété était traversée par la route à fournir gratuitement le terrain et le labeur nécessaires à son implantation et à son entretien. Les travaux étaient sous la gouverne d’un grand voyer qui, avec l’aide du capitaine de milice et des habitants « les plus considérables » de chaque paroisse, décidait du tracé.
Vestiges des embrasures de canons sur le site du Fort Jacques-Cartier, à Cap-Santé.
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En plus de nous instruire sur la naissance de cette route légendaire, les Carnets du chemin du Roy font revivre quelques grands moments de l’histoire de la Nouvelle-France. Les vestiges du Fort Jacques-Cartier, à Cap Santé, et la bataille de l’Atalante, qui eut lieu en face de Neuville, en 1760, rappellent la défaite irrémédiable des armées françaises, malgré leur victoire sur les Anglais à Sainte-Foy. Les Carnets révèlent également l’étroite relation, longtemps maintenue, entre la route terrestre et le fleuve Saint-Laurent, la toute première voie de communication dans la colonie.
Le lecteur peut aussi constater l’évolution des moyens de transport et leur influence sur le développement de la route et de l’hébergement. Il apprend ainsi qu’à l’époque où le cheval constituait la seule force motrice, des postes de relais, situés à environ tous les quinze kilomètres, permettaient aux voyageurs d’échanger leurs chevaux essoufflés contre des chevaux frais. Le transport de la poste, qui ne souffrait aucun retard, a aussi joué un grand rôle dans l’amélioration de la route.
Des écrits de voyageurs du XVIIIe siècle apportent des compléments d’information sur les difficultés rencontrées le long du parcours. Ainsi, l’ingénieur militaire français, Louis Franquet, rapporte que les passagers des calèches sont « fatigués de mille façons, soit à monter ou à descendre les côtes, et toujours à la veille de s’y précipiter de haut en bas ». Quant à l’officier britannique Thomas Anburey, il se plaint du grand nombre de croix jalonnant la route entre chaque paroisse : « Ces croix élevées dans une bonne intention, écrit-il, sont une cause continuelle de retard pour les voyageurs ; et ces retards, quand il fait un froid vif, sont réellement insupportables pour des hommes moins dévots que les Canadiens ; car quand le conducteur d’une calèche, voiture couverte semblable à nos chaises de poste, arrive près d’une de ces croix, il saute en bas de son cheval, se met à genoux, et récite une longue prière, quelle que soit la rigueur de la saison. »
Calvaire de Grondines
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De tels témoignages donnent corps au passé, tout comme les images de Gilles Matte renforcent l’illusion de circuler sur le chemin du Roy à différentes époques. En fait, les Carnets du chemin du Roy invitent à la détente, à la contemplation et à la redécouverte d’une route, au fil d’une histoire en perpétuel mouvement.