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vendredi 29 mars 2024

Commission de la mémoire franco-québécoise

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Molière

memoires vives

La médecine en Nouvelle-France
Les chirurgiens de Montréal 1642-1760

 

par Marcel J. Rheault


En Nouvelle-France, depuis la fondation de Québec en 1608 jusqu’à la capitulation de Montréal en 1760, soit pendant 152 ans de Régime français, la très grande majorité des soins de santé de la population civile et militaire fut assurée surtout par des chirurgiens. En effet, seulement quatre médecins diplômés d’une université européenne vinrent pratiquer leur profession dans le territoire de la colonie. En sa qualité de siège du gouvernement, de l’amirauté et de l’état-major, c’est à Québec que ces médecins s’installèrent. Aucun médecin ne vint pratiquer la médecine à Montréal pendant cette période.

L’absence de docteur en médecine ne semble pas avoir été préjudiciable à la santé de la population de la colonie. À cette époque de guerre contre les Autochtones et les Britanniques, avec une population relativement jeune, c’était surtout de soins chirurgicaux dont la population avait besoin. À l’exception des épidémies, il fallait davantage traiter les lésions traumatiques accidentelles et les blessures de guerre.

En étudiant la cohorte des chirurgiens qui ont pratiqué dans le gouvernement de Montréal de 1642 à 1760, nous avons voulu connaître le rôle que ces disciples d’Esculape ont joué sur la santé et sur la vie quotidienne de leurs concitoyens. Nous avons voulu connaître s’il y avait une différence dans la qualité des soins offerts à la population de la métropole et à celle de la colonie.

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Source: Les Éditions Septentrion

Notre étude s’est limitée au corps médical dans le gouvernement de Montréal. En nous servant des actes notariés, des actes de baptême, de mariage, de sépulture, en utilisant les archives judiciaires, les décisions du Conseil souverain et la correspondance entre le ministre de la Marine et les gouverneurs de la Nouvelle-France, nous avons relevé les noms de 137 personnes qui ont utilisé le titre de chirurgien dans un ou plusieurs des documents officiels consultés. Nous avons dressé un portrait inédit de ces hommes, qu’ils fussent chirurgiens de bateau, chirurgiens-barbiers, chirurgiens militaires ou qu’ils aient été originaires de France ou de la Nouvelle-France. Nous avons ainsi découvert la réalité de la médecine en Nouvelle-France et il a été possible, jusqu’à un certain degré, de la comparer à la pratique dans la métropole.

Une des premières constatations que nous avons faite, c’est le petit nombre de candidats chirurgiens nés au Canada et qui ont pratiqué dans le gouvernement de Montréal, soit seulement 16 sujets. La majorité des chirurgiens qui ont exercé leur art à la même époque et dans le même gouvernement sont nés en France, soit 121praticiens. Cette situation est facile à comprendre, les autorités de la métropole ne voulaient pas voir se développer une médecine néo-canadienne. On préférait faire venir de France des chirurgiens civils et des chirurgiens militaires dont on était assuré de la compétence. L’un des avantages de cette situation, c’est qu’elle permettait une certaine continuité dans la qualité de la formation des chirurgiens et une certaine uniformité dans la pratique de la médecine et de la chirurgie entre la France et la Nouvelle-France. En effet, la très grande majorité des chirurgiens pratiquant au Canada avaient été formés dans la métropole et, à leur tour, ils avaient formé les chirurgiens canadiens.

Malgré un nombre suffisant de chirurgiens pour pouvoir créer une corporation selon les règles établies pour les provinces françaises, les autorités françaises ont fait très peu d’efforts pour constituer un tel corps de métier en Nouvelle-France. Ce phénomène ne se vérifiait pas uniquement pour la chirurgie, mais aussi pour toutes les autres corporations. La constitution d’une telle corporation aurait pu jouer un rôle important dans le contrôle de la qualité des chirurgiens et aurait pu empêcher la multiplication des charlatans, rebouteurs, sorciers et autres quidams du même acabit qui parcouraient le territoire de la Nouvelle-France.

Les sources primaires trouvées dans les actes officiels ont fourni des renseignements biographiques importants sur ce groupe relativement homogène de chirurgiens qui ont travaillé ou, tout au moins, séjourné à Ville-Marie et dans le gouvernement de Montréal à cette époque. Elles nous ont permis de retrouver leur lieu d’origine, le nom de leurs parents, parfois le métier ou la profession de leur père, leur mariage et leurs descendants. Les actes notariés nous ont renseignés sur leurs activités sociales et économiques dans la cité. Autant de renseignements qui ont constitué la base de la biographie de chacun de ces chirurgiens.

Les sources secondaires utilisées ont été le Dictionnaire biographique du Canada, les dictionnaires généalogiques des familles canadiennes et des familles du Québec et les publications non contemporaines de ceux qui ont colligé des notes biographiques sur les médecins et chirurgiens de la Nouvelle-France. Ces différentes sources nous ont renseignés sur la formation professionnelle, sur la pratique médico-chirurgicale et sur le rôle des chirurgiens dans la société montréalaise.

Nous croyons que ces biographies peuvent être utiles à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire et à la généalogie.

champlain vague